- Complexe militaro-industriel des États-Unis
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Le terme de complexe militaro-industriel (CMI) dans son acception américaine [1]renvoie à un concept général désignant les procédés et les relations financières liant les législateurs, les forces armées et le secteur industriel qui les supporte. Les relations en jeu comprennent le financement des campagnes, les votes au Congrès en faveur des dépenses militaires, le lobbying en faveur des bureaucraties, ainsi qu'une législation favorable au développement économique du secteur. Ces relations correspondent au fonctionnement schématique dit Iron triangle, relatif à la politique américaine.
Le terme de CMI est également employé dans un sens plus large, incluant le réseau entier de contrats, flux financiers et ressources brassé par les individus comme les institutions émanant des contractants dans le secteur de la Défense, du Pentagone, du pouvoir législatif, et du pouvoir exécutif. Les intrications de ce réseau le rendent sensibles au problème principal-agent, à l'aléa moral et à recherche de rente. Également, des cas de corruption politique sont régulièrement mis en lumière.
Sommaire
Origine du terme
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- voir aussi : (en) Military budget of the United States
Le terme military-industrial complex provient originellement du discours de fin de mandat du président Dwight David Eisenhower, qui annonça ainsi l'avènement d'une industrie de défense permanente sur le territoire national, à l'issue des efforts produits pour emporter la Seconde Guerre mondiale, et qui mettait en garde les citoyens sur le risque que ce type d'organisation faisait peser sur la démocratie.
« Dans les conseils du gouvernement, nous devons prendre garde à l'acquisition d'une influence illégitime, qu'elle soit recherchée ou non, par le complexe militaro-industriel. Le risque d'un développement désastreux d'un pouvoir usurpé existe et persistera. »
— Extrait du discours de fin de mandat du président Eisenhower, 17 janvier 1961.
- Avec une connotation fortement péjorative, la référence au complexe militaro-industriel renvoie au triangle de fer (the iron triangle), collusion institutionnelle entre l'industrie (entreprises contractantes du secteur de la Défense), les militaires (le Pentagone), et le gouvernement des États-Unis (le congrès et l'exécutif) qui, structurée en cartel, agit pour des motifs de profit à l'encontre de l'intérêt du public américain.
Avant que le président Eisenhower ne prononce son discours, ce qui allait devenir le complexe militaro-industriel, selon le terme introduit par le président, était l'industrie de l'armement la plus importante du monde libre depuis la Seconde Guerre mondiale ; celle-ci fut quasiment créée ex-nihilo.
Première Guerre mondiale
Si l'économie américaine fournit à partir de 1914 des fournitures, des vivres, des armes, des munitions et des véhicules au belligérants (En 1914, 485 000 voitures dont 250 000 Ford T sont produites aux États-Unis contre 45 000 en France, 34 000 en Grande-Bretagne et 23 000 en Allemagne).
Entre 1916 et 1921, la réorganisation de la production d'armement militaire est chapeautée par le Council of National Defense instauré par le président Woodrow Wilson.
Lorsque le 6 avril 1917, le Congrès américain déclare la guerre à l'Empire allemand et à ses alliés et entre dans la Première Guerre mondiale, l'US Army était indigente et ses stocks inexistants.
Si l'industrie américaine fournit sans difficultés toutes les munitions, fournitures et armes légères nécessaires, la grande majorité de son armement collectif et son matériel lourd dont ses tout premiers chars de combat furent livrés par la France. Seuls 500 pièces d'artillerie lourdes (sur les 3 500 utilisé au front) et 64 chars de 6 tonnes Six-ton Tank M1917, la version locale du FT-17 furent produits à la fin de de la guerre (un total de 952 de ces engins furent finalement produits) [2].
Au niveau motorisation l'US Army qui disposait en avril 1917 d'un peu plus de 3 000 camions en avait 85 000 fin 1918 et plus de 100 000 autres devaient entrer en service d'ici juillet 1919. Des véhicules furent fournis en nombre aux Alliés par ce qui était de loin la première industrie automobile mondiale, ainsi le Corps expéditionnaire britannique avait à la fin de cette guerre 18 984 ambulances et camions dérivés de la Ford T[3].
Par l'intermédiaire des diverses agences fédérales, le gouvernement américain mobilisa son économie pour une guerre totale en suivant l'expérience de l'Empire britannique et de la France en ce domaine. Si le principe de la propriété privée restait intact, le système de contrôle et de réglementation avait tous les caractères de l'économie dirigée.
Dans le cadre de l'effort général de mobilisation économique, le War Industries Board fut créé le 28 juin 1917 chargé de coordonner les achats du gouvernement américain et des Alliés.
Le programme de mobilisation industrielle traversa d'abord une fort mauvaise période car le WIB ne disposait pas alors de pouvoirs suffisants et après une enquête du Congrès la réaction du président des États-Unis Woodrow Wilson en janvier 1918 fut de demander des pouvoirs pratiquement illimités pour créer, organiser et renforcer les organismes gouvernementaux chargés des questions relative à la guerre.
Le 4 mars 1918, Bernard Baruch, spécialiste des matières premières et des métaux au conseil de défense national fut nommé président du WIB. Agissant en fonction de pouvoirs spéciaux, la présidence conféra au bureau une autorité absolue pour répartir les matières premières entre les industries, déterminer les priorités en matière de production, de distribution et de transports, fixait les prix des produits qu'il achetait, standardiser les produits, développer au maximum l'économie de guerre et réquisitionner en cas de nécessité des usines.
Groupant autour de lui une centaine d'hommes d'affaires parmi les plus capables, Baruch fit du WIB l'agence la plus puissante du pays, lui-même devenant, sous l'autorité directe du président, une sorte de "dictateur économique" des États-Unis et, dans une certaine mesure, des Alliés également.
Les dépenses journalières du gouvernement qui étaient, avant 1917, de 3 millions de dollars, augmentèrent jusqu'à 60 millions en août 1918.
Selon l'économiste John Maurice Clark, dans "The Costs of the World War to American People" paru en 1931[4], les dépenses de guerre de ce pays sont estimées, du 6 avril 1917 au 30 juin 1920, à 31,5 milliards de dollars dont 9,5 milliards de dollars de prêts aux gouvernements alliés (22 milliards de francs-or pour la France).
Tirant les leçons du démarrage laborieux de l'économie de guerre et de la dépendance matérielle quasi totale envers ses alliés (la France pour l'armement, le Royaume-Uni pour le transport maritime), le 4 juin 1920 un National Defence Act est voté.
Cette loi tranche avec les principes intangibles des libéraux américains et pour la première fois dans l'histoire de ce pays, elle reconnaît la nécessité pour le gouvernement américain d'orienter l'économie au service de l'effort de guerre en cas de conflit ; le secteur de la défense sert une armée permanente, le temps des minutemen est terminé [5].
L'entre-deux-guerres
La fin du conflit en novembre 1918 coupe net l'immense majorité des programmes de production d'armements en cours, hormis les navires qui étaient en construction à la fin des hostilités.
La démobilisation est générale dans les rangs de l'armée de terre et de l'aviation, et si l'industrie aéronautique américaine développent à partir des années 1930 d'excellents appareils civils comme le Douglas DC-3 ou des avions militaires comme le Boeing B-17 Flying Fortress qui deviendront des best-sellers, leur production se fait à un rythme très limité tandis que le développement de l'artillerie et des chars d'assaut sont délaissés.
En 1937 alors que l'Europe montre les signes d'une descente vers la guerre, l'armée des États-Unis présente un effectif de 400 000 hommes ; le président Franklin Delano Roosevelt doit de plus composer avec l'influence d'un camp isolationniste activiste, pour ne pas ruiner ses chances de réélection auprès de l'opinion publique.
Seconde Guerre mondiale
Crédits illimités
En mai 1940, alors que la bataille de France voit la victoire surprise de l'Allemagne sur ce qui était considéré comme la première armée du monde, l'état-major définit un projet de mobilisation prévoyant déjà ce que pourrait être un puissant effort d'armement libéré des limites liées à l'état de l'opinion publique et au blocage du Congrès.
Le président Roosevelt instaure la National Defense Advisory Commission pour organiser la conversion industrielle vers le gigantesque effort de guerre qui s'annonce. Il y introduit William Knudsen, PDG de General Motors. Les rangs de cette commission sont garnis des hommes clés qui l'avaient aidé pour concrétiser la politique du New Deal, dont l'influent économiste John Kenneth Galbraith.
Au niveau scientifique, la mise en place à partir de 1940 du National Defense Research Committee puis du Office of Scientific Research and Development permit de mettre en place des programmes consacrés à la mise au point de bombes nouvelles et plus précises, à des détonateurs plus fiables, aux fusées de proximité, aux radars et systèmes d'alerte avancée, à des armes d'infanterie plus légères et plus précises, à des traitements médicaux plus efficaces, à des véhicules plus universels, et, au sommet du secret, le Comité consultatif pour l'uranium, devenu la section S-1 de la NDRC puis de l'OSRD et qui deviendra le projet Manhattan, et mettra au point les premières bombes atomiques. A l'automne 1941, le secrétaire à la guerre H. L. Stimson écrit une lettre[7] au physicien Frank B. Jewett dirigeant l'Académie nationale des sciences. Ces échanges instaurent un programme de développement d'armes biologiques secret, qui vise à répliquer en cas d'usage par l'ennemi d'armes de guerre biologique. Ce programme tenu secret ne sera arrêté pour sa partie offensive qu'en 1969 sous Nixon.
La dégradation de la situation européenne doublée de la rivalité latente avec l'Empire du Japon accélèrent la prise de conscience pour le pouvoir fédéral de l'inéluctabilité d'un engagement américain sous une forme ou une autre[8]. La loi Lend-Lease, signée le 11 mars 1941, permet de fournir les pays amis en matériel de guerre sans intervenir directement dans le conflit; Le 27 mai 1941, le président Franklin Delano Roosevelt annonce que le peuple américain doit désormais répondre à un « état d'urgence nationale illimitée ».
L'attaque sur Pearl Harbor eut pour réponse de mettre en branle une gigantesque mobilisation industrielle dépassant toutes les prévisions. Les conséquences de la catastrophe militaire du 7 décembre 1941 ont profondément changé la perception stratégique globale de l'amirauté des États-Unis. Cette défaite par surprise a engendré un élan que d'aucuns identifient rétrospectivement comme une victoire à la Pyrrhus, voire comme la plus grande défaite japonaise face à son opposant compte tenu de sa réaction.
De 1940 à 1945, avec un coup d'accélération considérable courant 1942 par le vote de crédits mirifiques par le Sénat américain et la levée de bons de souscriptions (War bonds) dans le cadre Victory Program [9], les sites industriels d'Amérique du Nord étaient devenus capables de pourvoir à l'effort de guerre de chaque nation belligérante contre l'Axe Rome-Berlin-Tokyo dans le cadre de la loi Lend-Lease, tout en préparant deux fronts d'invasion simultanés sur le théâtre européen (cinq débarquements : Afrique du Nord, Sicile, Italie, Normandie, Provence) et les campagnes du Pacifique. Des administrations tel le War Production Board sont créées pour gérer la transformation d'une industrie de biens et de services à celle d'une industrie de guerre :
- Agences gouvernementales structurant la production de guerre des États-Unis pendant la Deuxième Guerre mondiale :
- National Defense Advisory Commission, instaurée mi-1940 ; transfert du New Deal vers une économie de guerre planifiée
- Board of Economic Warfare (en) investiture 2 juillet 1940 ; guerre économique & stimulation du commerce international
- Office of Price Administration (en), 28 août 1941 ; objet : gel des prix
- War Production Board, 16 janvier 1942; règlementation fédérale des matières premières
- National War Labor Board, créé en avril 1918 et rétabli le 12 avril 1942 ; relations publiques envers les syndicats
- War Manpower Commission avril 1942 ; répartition des ressources humaines entre secteurs économiques et forces armées
- Office of War Mobilization (en), 1942, dirigé par James F. Byrnes; coordination des agences gérant l'économie de guerre
L'image ci-dessous présente un tableau comparatif Allemagne nazie/États-Unis/Union soviétique sur les quatre « années pleines » de guerre :La capacité de production était devenue celle d'un juggernaut : une nation en armes, dont la société civile était tout entière accaparée à la production de guerre totale en 1945. Le budget de la Défense a représenté jusqu'à 34,5 % du produit national brut du pays. Ce qui fit dire aux hauts dirigeants tels Harry Truman qu'il était temps d'en finir, en considérant qu'aucune nation au monde n'était capable de supporter une durée d'effort supérieure à sept ans à ce niveau.
Le déficit budgétaire représentait 15 % du PIB en 1942, 31 % en 1943, 23 % en 1944 et 21,5 % du PIB en 1945[10],[11].
Selon une étude réalisé en 2001, l'effort massif durant la Seconde Guerre mondiale a couté 360 milliards de dollars en valeur constante soit 4 710 milliards valeurs 2002, et 5 673 milliards de dollars valeur 2010[12].
Évolution du budget de la défense[13]
(valeur de 1937 en milliards de $)Année PIB des États-Unis Budget de la Défense 1938 88,7 1,4 % 1939 95,9 1,5 % 1940 104,3 2,6 % 1941 122,1 14,1 % 1942 144,7 51,7 % 1943 168,5 84,2 % 1944 182,2 96,1 % 1945 180,1 82,8 % 1946 160,3 19,8 % Armée de terre
Un total de 3,6 millions de véhicules militaires furent construit par l'industrie automobile américaine durant ce conflit dont environ un million de camions (812 262 GMC CCKW de tout types et 150 000 autres d'autres types) et 637 770 Jeep grace à un gros effort de standardisation et la mobilisation totale des constructeurs automobiles qui durent stopper en janvier 1942 la livraison de véhicules civils[3].
Comparativement à la production aéronavale, dans un premier temps l'assemblage de chars de combat ne fut pas à l'ordre du jour. De fait, pas un seul ne fut produit en 1940, une première série de 900 engins plus ou moins réussis fit son apparition en 1941. En revanche, dès 1942, 27 000 sont produits, un chiffre supérieur à la production soviétique, équivalent à quatre fois celui de l'Allemagne et à trois fois celui de l'Empire britannique.
Les livraisons à l'Armée rouge étaient pourvues par le système du prêt-bail, ce qui permit entre autres à l'armée de terre soviétique de s'armer de tanks et surtout de s'équiper de dizaines de milliers de camions pour le transport ainsi que de recevoir des centaine de milliers de tonnes d'équipement et de munitions de tout types, alors que l'Union soviétique se battait au cœur même des usines dans ses métropoles (Stalingrad, Moscou et Léningrad).
Technologiquement plus avancé, le complexe militaro-industriel allemand avait beau avoir mis au point des panzer tels que le Tigre Royal, quasiment indestructible pour les Sherman avec qui il s'opposait, la quantité donnait malgré cela gagnants les Alliés (ce modèle fut produit à hauteur de 50 000 unités durant toute la période du conflit).
Le 19 juillet 1940, la Loi Vinson-Walsh dite "loi d'expansion navale des deux océans" (Two-Ocean Naval Expansion Act) autorisant la construction de deux grandes flottes dans l'Atlantique et dans le Pacifique. Le gouvernement des États-Unis et l'industrie privée profitent de la première commande britannique de navires de guerre en décembre 1940 pour passer des accords sans précédent. L'idée est de mettre en commun et de centraliser toutes les ressources disponibles. L'objectif étant, d'une part, d'éviter de répéter les erreurs commises lors de la Première Guerre mondiale avec un lancement trop tardif de programmes navals (1917-1922); d'autre part de créer en Californie, un complexe regroupant une trentaine d'arsenaux dans la baie de San Francisco, associant de grands industriels comme Henry J. Kaiser d'Oakland, Bechtel à Sausalito et l'armateur Joe Moore. Ce complexe s'étendra de Napa au nord, vers Sacramento et Stockton à l'est jusqu'à San José au sud. Le plus grand chantier naval au monde verra ainsi le jour dans lequel travailleront fin 1945 plus de 100 000 ouvriers, dont 27% de femmes[14].
L'approvisionnement en Europe fut rendu extrêmement consommateur en cargos puisqu'une reprise de la guerre sous-marine avait remis en selle les U-boot comme lors du premier conflit mondial (lire bataille de l'Atlantique). Mais les chantiers navals étaient capables de combler largement les pertes avec en autre la construction en masse des liberty-ships et de pétroliers essentiel pour l'économie des nations alliés et pour le soutien logistique des armées avec 3 500 cargos et plus de 900 pétroliers rapides[15]. Cette flotte énorme, en 1944, a déplacé hors des États-Unis plus de 72 % de 78 500 000 tonnes de cargaison embarquées. Trois % ont été embarqués sur des navires militaires des États-Unis et 24 % par le tonnage combiné des autres flottes alliées. La part de la flotte marchande américaine dans le tonnage mondial passe de 17 % en 1939 à 52 % en 1947[16]
La construction de navires de guerre fait un bond gigantesque à partir de 1943 et le quasi triplement du tonnage de l'United States Navy avec un nombre d'unités de toutes tailles dépassent les 2 600 fait qu'elle représente en 1945 près de 70 % du tonnage mondiale des marines militaires.
Au sortir du conflit en août 1945, les flottes américaines étaient au nombre de huit[17] et quatre-vingt quinze porte-avions de taille diverses assuraient la projection de l'aéronavale sur les différentes zones de combat du globe. Les États-Unis constituent le seul pays au Monde a avoir instauré des centres de commandement interarmées pour maintenir de manière permanente, au travers de bases militaires, ce déploiement global depuis la fin du conflit[18].
Projet atomique
Article détaillé : Course à la bombe (Seconde Guerre mondiale).Le projet Manhattan, aussi scientifique qu'industriel, formait à lui seul un sous-ensemble employant plus de 130 000 personnes avec 2 milliards de dollars de budget (1945) ; trois usines de raffinage de l'Uranium 235 réparties dans le pays avaient été construites pour des équipes séparées, deux provenant d'universités et la troisième composée d'ingénieurs de la firme Du Pont. Motivé par la course à la bombe, il mobilisait les esprits les plus brillants du moment dans une abnégation visant à mettre fin à la guerre[19]. Lors de la signature des actes de capitulation du Japon, quatre bombes A avaient été construites, non compris Gadget pour le test Trinity dans le Nouveau-Mexique ; deux furent larguées, une troisième se trouvait dans le Pacifique et la quatrième se trouvait sur le sol américain, vraisemblablement à l'état de montage.
Le livre de témoignages de Studs Terkel, La bonne guerre[20], livre les pensées d'un des ingénieurs du projet qui compare mathématiquement le tonnage d'explosifs en kilotonnes employé sur les fronts de la Grande guerre, celui employé dans les bombardements stratégiques, et l'effrayante réduction de coût amenée par l'ère atomique.
Aéronautique
L'industrie aéronautique américaine n’employait en 1938 que 36 000 personnes, soit beaucoup moins que ses grandes rivales et les cadences de production étaient très faibles avec 150 avions militaires par mois.
Pourtant des firmes comme Boeing, Douglas Aircraft Company, Lockheed, Bell, Curtiss et d'autres s'étaient illustrées depuis 1919 en réalisant des avions civils remarquables comme le DC-3 volant encore aujourd'hui et des prototypes d'avions militaires comme le futur B-17 depuis décembre 1936.
Les tensions en Europe incitant la France et le Royaume-Uni à se réarmer, ceux-ci passèrent plusieurs contrats avec divers constructeurs ce qui permit une montée en puissance de l'industrie.
Les commandes passées par le département de la Guerre étaient insignifiantes jusqu'au 27 avril 1940 où un premier lot de 524 Curtiss P-40 Warhawk fut commandé pour l'USAAF.
Le plan de mobilisation réclamé après la bataille de France fin mai 1940 prévoyant un objectif final de 50 000 avions par an fut rapidement dépassé grâce à un formidable effort industrielle et vit finalement près de 297 199 appareils sortir des usines entre 1938 et 1945 dont plus de 40 000 servirent dans les forces alliés (14 833 étant notamment livrés à l'Union soviétique entre 1942 et 1944).
Les performances des nouveaux modèles d'avions militaires s'améliorèrent très rapidement lors de ce conflit et l'on préparait les premiers avions à réaction américains quand celui-ci s’acheva.
Année Production 1938 1 800 1939 2 195 1940 6 028 1941 19 441 1942 47 836 1943 85 898 1944 96 318 1945 47 714 Total 297 199 Source : Le fanatique de l'Aviation, no 163, juin 1983
En 99 raids sur le Japon, 66 villes avaient été rasées, les bombes A ne complétant le tout que pour deux villes de plus. L'industrie de guerre aéronautique construisait mensuellement 800 bombardiers Boeing B-29 Superfortress lors de son plus haut niveau de production, l'avion le plus avancé de la guerre (pressurisation de cabine, vol en troposphère) : le transfert vers l'aviation civile de ces avancées en aéronautique allait donner un formidable bond en avant pendant les années 1960.
Évolution
Conscients de l'ampleur prise par l'économie du pays durant la période de la conflagration, des hauts dirigeants évaluèrent en comités de 1940 à 1946 les secteurs géographiques et les ressources stratégiques mondiales (parmi lesquelles les hydrocarbures) à défendre pendant la future période de l'après-guerre et s’inquiétèrent de la future concurrence du complexe militaro-industriel russe durant la guerre froide où la course aux armements serait rude.
Article détaillé : Course aux armements.Héritière du projet thermonucléaire, la bombe H, maîtrisée en 1952, provoque l'ostracisme de la communauté scientifique, ingénieurs de Manhattan en tête, à présent que les effets radioactifs[21] ont amené en temps de paix une réflexion sur le sens moral de l'entreprise. La même année sont introduits les B-52 Stratofortress, toujours employés ce jour en opérations. Quoique compétition non militaire, le programme spatial des États-Unis hérite lui aussi de la poursuite des travaux des ingénieurs allemands.
- Pour plus de détails, consulter la liste des avions militaires de la montée de la Guerre froide.
Motivée par la conduite de la guerre, l'industrie de l'armement était devenue un secteur économique permanent motivé par l'attribution de crédits fédéraux.
Les concepts développés à ce moment, ancêtres des think tanks, sont le ferment de la transformation de cet "atelier de confection du Monde libre" vers le C.M.I. sujet de la prise de conscience que le président Eisenhower souhaite amener à ses concitoyens au moment de son discours de fin de mandat à l'orée des années 1960. Le complexe militaro-industriel américain est alors entré en compétition pleine et entière avec son homologue soviétique.
Si l'on peut considérer le président Eisenhower, par la citation de son discours évoquant un risque de pouvoir usurpé, comme critique du complexe militaro-industriel vis-à-vis de son emprise sur les libertés publiques en démocratie, plus tard pendant la période de la Guerre froide se sont illustré des personnalités influentes émanant du monde universitaire ou de la recherche industrielle, tels Henry Kissinger et Herman Kahn, qui se sont fait les avocats d'un emploi des moyens militaires.
La filière de la Défense a évolué en intégrant la partie Recherche et développement afin de coordonner les efforts scientifiques et techniques correspondant aux enjeux : l'agence DARPA peut être citée à ce titre ; des transferts vers la société civile ont pu être observée, au premier titre desquels Internet, conçu dès l'origine afin de répondre à un besoin de bâtir un réseau d'interconnexions qui survive à l'anéantissement atomique des centres urbains qu'il relie (dans les logiques de guerre telles que perçues lors des phases dures de la Guerre froide).
Le complexe militaro-industriel au XXIe siècle
Malgré un budget militaire aux États-Unis de nouveau en hausse depuis le début du XXIe siècle, les derniers grands programmes d'armement du CMI de ce pays ne représentent plus qu'une fraction de ce qu'ils furent au plus fort de la Guerre froide.
De 1 300 000 salariés en 1989, le secteur est tombé à 547 400 à la fin de 2003[22]. Au cours de la même période, le montant des acquisitions a été réduit de 30 % (seulement 70 milliards de dollars US en 2003), tandis que le nombre de militaires passait de 2,2 millions à 1,4 million. Si en 1940, il y avait 17 constructeurs dans l’aéronautique militaire américaine, en 2010 ils n’étaient plus que trois : Boeing, Northrop Grumman, et Lockheed Martin[23].
Pour la productions de munitions, suite à la chute de 80 % des commandes entrent 1985 et 1994, 75 % des entreprises qui avaient des activités dans ce secteur en 1985 avaient abandonné leur production en 1995, ce qui a causé des problèmes pour répondre aux demandes accrues suite aux guerres d'Afghanistan et d'Irak[24].
En 2004, le budget de la défense (hors sécurité intérieure) représentait 3,3 % du PNB contre 6,5 % en 1984 (la France consacrait alors 4,2 % de son PNB à sa défense).
Les nouveaux secteurs de développement concernent les drones dans laquelle des opérateurs remplaçant les pilotes sont équipés de joysticks, et la recherche concernant la guerre électronique et la sécurité des systèmes d'information, regroupés dans un domaine militaire visant à pérenniser la capacité de Projection et la Cyberguerre.
Le gigantisme du budget accordé au domaine de la défense aux États-Unis[25] reflète l'emprise de ces contractants sur la scène politique depuis les années 1950, ce qui a donné lieu à de nombreuses controverses dans le débat public[26].
En effet, les dépenses publiques dans ce domaine sont un facteur considérable de soutien à la croissance du pays, mais aussi un frein à l'amélioration des performances concurrentielles des entreprises qui vivent des mannes de ce marché protégé.
Devant la montée considérable des coûts des programmes d'armement, de l'ordre de 5 à 10 % par an, on[Qui ?] assiste depuis le début du XXIe siècle à un retournement de tendance et une mise en concurrence de plus en plus grande des entreprises américaines avec leurs homologues étrangers. Plusieurs projets d'entreprises étrangères ont été choisis pour équiper les forces américaines en lieu et place des produits strictement nationaux, des armes légères aux hélicoptères de transport, même si la construction de ceux-ci reste quasi-exclusivement sur le territoire national.[réf. nécessaire]
Selon l'United States Army Materiel Command, un milliard six cents millions de munitions de petit calibre (du 5,56 mm Otan à la .50 BMG) ont été consommées en 2007 par les forces armées[réf. nécessaire]. Un milliard trois cents millions sont fabriquées aux États-Unis dans deux usines, trois cents millions sont importées essentiellement d'autres pays alliés tels Israël et Taïwan[réf. nécessaire].
Sous l'administration Obama
Article détaillé : Présidence de Barack Obama.Dans le contexte de la crise des subprimes, et d'une réévaluation de la politique de l'administration Bush, Robert Gates a annoncé en avril 2009 d'une part vouloir réduire la part des contrats privés du Département de la Défense (contrats avec les sociétés militaires privées, etc.), et d'autre part annuler une partie des programmes d'armement engagés par les administrations précédentes. Il a ainsi déclaré vouloir annuler la partie du Future Combat Systems concernant les véhicules (qui représentent 87 milliards de dollars, le programme total représentant 150 milliards)[27]. Il a aussi annoncé l'annulation d'autres programmes (le programme de satellites TSAT développé par Boeing, le projet Lockheed Martin de remplacement de l'hélicoptère présidentiel Marine One VH-71, l'estimation du coût du programme étant passé de 6 à 13 milliards, et ayant déjà six ans de retard[27], le gel des commandes d'avions de combat furtifs Lockheed Martin F-22 Raptor et d'avions-cargos Boeing C-17[27], etc.).
Le congrès des États-Unis n'a suivi qu'une partie de ces recommandations et a budgété pour 2010 en autre l'achat de C-17 et la poursuite du programme VH-71.
Sites de production
Voici une liste de quelques grands sites de production et de conception d'armements, d'aéronefs et de navires de guerre ; certains ne sont plus en activité :
- Laboratoire national de Lawrence Livermore ;
- Laboratoire national de Los Alamos ;
- Laboratoires Sandia, ces laboratoires conçoivent en autres les armes nucléaires ;
- Pantex, actuellement chargé du démantelement des armes nucléaires ;
- Air Force Plant 42, site dépendant de l'État utilisé par divers grands constructeurs de l'aérospatiale pour des programmes majeurs ;
- Usine Boeing de Wichita, produisant en autre des bombardiers stratégiques des années 1940 aux années 1960 ;
- Usine Glenn L. Martin d'Omaha, transformé après guerre en base aérienne ;
- Usine North American de Kansas City (Kansas), produisant des bombardiers légers de 1942 à 1945 ;
- Usine Avco de Stratford, produisant des avions puis des moteurs jusqu'en 1998 ;
- Usine de moteurs d'avions Dodge-Chicago ;
- Usine Raytheon de Tucson, site de production de missiles ;
- Usine Lockheed Martin de Marietta, produisants des bombardiers et des avions de transport militaire ;
- Arkansas Ordnance Plant, site de production de munitions ;
- Denver Ordnance Plant, site de production de munitions durant la seconde guerre mondiale reconverti en centre administratif ;
- Chantier naval Northrop Grumman de Newport News, 1er chantier naval des États-Unis et actuellement le seul construisant des porte-avions ;
- Chantier naval Avondale en Louisiane ;
- Chantier naval Bath Iron Works dans le Maine ;
- Chantier naval Electric Boat de Groton, site de production de sous-marins ;
- Mare Island Naval Shipyard, grand chantier naval historique ouvert de 1854 à 1996 ;
- New York Navy Yard, chantier naval de 1801 à 1966.
Le secteur de la Défense
La part de la production d'armes proprement dite se réduit en faveurs des services logistiques, de C4ISR et autres « multiplicateurs de forces », externalisation des services, etc.. Le budget de la défense prévu pour 2010 comprend 104,4 milliards de dollars pour l'acquisition ou la rénovation d'équipements militaires sur 636 milliards de dollars (436 milliards d'euros) au total[28].
Voici la liste des 10 plus grands fournisseurs du département de la Défense des États-Unis en 2005 :
Les 10 plus grands fournisseurs en 2005[réf. nécessaire] Rang Nom Milliards de $ % du budget 1 Lockheed Martin 19,45 7,2 2 Boeing 18,32 6,8 3 Northrop Grumman 13,51 5 4 General Dynamics 10,64 4 5 Raytheon 9,11 3,4 6 ? 7 BAE Systems 5,58 2,1 8 United Technologies Corporation 5,02 1,9 9 L-3 Communications 4,71 1,9 10 Computer Sciences Corporation 2,83 1,1 Les 10 plus grandes entreprises mondiales de défense en 2009[29]
dont 7 sont américainesRang Nom Nationalité/
localisationRang
2008Revenu de la défense
(milliards de USD)% du revenu total 1 Lockheed Martin États-Unis 1 42,025 93,0 2 BAE Systems Royaume-Uni 2 33,418 95,2 3 Boeing États-Unis 3 31,932 45,9 4 Northrop Grumman États-Unis 4 30,656 90,8 5 General Dynamics États-Unis 5 25,904 81 6 Raytheon États-Unis 6 23,139 93 7 EADS Pays-Bas 7 15,013 25,1 8 Finmeccanica Italie 9 13,332 52,6 9 L-3 Communications États-Unis 8 13,014 83,3 10 United Technologies États-Unis 10 11,100 21 Notes et références
- World War II and the Military-Industrial-Congressional Complex, 1995 parfois même appelé dans le contexte national nord américain "Complexe militaro-industriel congressiste", Military–industrial-congressional complex
- (fr) Renault FT-17 Light Tank & M1917/M1917A1
- Bernard Crochet, Camions de l'extrême, Éditions de Lodi, septembre 2007, 350 p. (ISBN 978-2-84690-307-3)
- (en) The Costs of the World War to the American People by John Maurice Clark, Questian
- Y.H. Nouailhat, Les États-Unis 1898-1933 : L'avènement d'une puissance mondiale, Éditions Richelieu, 1973
- (en) Combat Car M1
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- isolationnisme, ce que révélait l'influence du comité America First de Charles Lindbergh. alors que l'opinion publique américaine était pour l'
- L'effort de guerre allié sur le site de France 2 [vidéo]
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- origine de la remarque : interview de Stud Terkel dans l'ouvrage la Bonne guerre, recueil de témoignages.
- radioactivité ne furent tangibles qu'après les mesures effectuées sur l'atoll de Bikini en 1946. Les conséquences de la
- ISBN 2-9155-4725-4) Studs Terkel, La bonne guerre, Éditions Amsterdam, 2006 (
- Hibakusha. Notamment sur les réprouvés japonais que sont les survivants
- Air Fan, 2004
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- (fr) [Bill Holmes, Rich Palachak, « Munitions Industry Prepares for Downturn » sur http://www.nationaldefensemagazine.org, National Defense Magazine, Mars 2010. Consulté le 11 mars 2010
- année fiscale 2007 se monte à 439,3 milliards de dollars. Le budget total du gouvernement des États-Unis est de 2 770 milliards de dollars. Le projet de budget du Pentagone pour l’
- Noam Chomsky fustigeait-il en 1970 l'« économie de guerre permanente » pronée par Charles E. Wilson en 1944 : « Le problème c'est que dans une économie capitaliste, l'intervention gouvernementale ne peut se faire que de manière limitée. Par exemple, une telle intervention ne saurait concurrencer les empires privés, ce qui revient à dire qu'il ne peut y avoir de production utile. Il faut en fait que ce soit une production d'articles de luxe – pas de capital, pas de produits utiles, ce qui serait de nature concurrentielle. Or, malheureusement, il n'y a qu'une catégorie d'articles de luxe qu'on peut produire sans fin, avec obsolescence et détérioration rapides et sans limite quant au nombre qu'on peut utiliser. Nous savons tous de quel genre d'articles il s'agit : la production miilitaire. » (Quel rôle pour l'État ?, Écosociété, 2005, p. 38-39) Ainsi
- (en) Contracting Boom Could Fizzle Out - Dana Hedgpeth, The Washington Post, 7 avril 2009 (page A01)
- (fr) Le Sénat US débloque $636 mlds pour les dépenses militaires - Reuters, 19 décembre 2009
- (en) Defense News Top 100 for 2009 - DefenseNews, 28 juin 2010
Bibliographie
- Donald M. Pattillo, Pushing the Envelope: The American Aircraft Industry, University of Michigan Press, 2001 (ISBN 0-4720-8671-5)
- Arnaud Blin, Comment Roosevelt fit entrer les Etats-Unis dans la guerre, André Versaille, février 2011 (ISBN 978-2-87495-129-9)
Annexes
Articles connexes
- Complexe militaro-industriel
- U.S. Senate Special Committee to Investigate the National Defense Program (1941-1948)
- Cinéma de sécurité nationale
- Industrie aéronautique et spatiale
- Contractants : DynCorp, Bechtel, Lockheed Martin, Rendon Group (en), Raytheon
Liens externes
Catégories :- Économie américaine
- Complexe militaro-industriel
- Défense et sécurité aux États-Unis
- Lobbyisme
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