- Profit
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Le profit est une rémunération variable, incertaine mais espérée, du risque pris par le détenteur d'un capital investi. L’existence du profit permet de rémunérer le risque pris par le détenteur du capital. En règle générale, plus le risque est élevé, plus le capital sera rémunéré (c’est-à-dire plus le profit sera élevé). En revanche, l’investisseur aura un risque important de perdre tout ou partie de son capital.
On sépare les notions de profit et de profit économique : le profit représente la rémunération du capital investi et de l'entrepreneur, alors que le profit économique ne représente que le revenu de l’entrepreneur qui a créé l’entreprise ou le revenu supplémentaire des actionnaires (rémunération variable).
Sommaire
Approche actuelle par la terminologie comptable et financière
Les entreprises modernes sont des organisations complexes, qu'un unique indicateur financier ne permet pas de caractériser. Il faut en effet tenir compte :
- de l'amortissement du capital matériel utilisé
- des frais financiers
- de la spéculation sur la valeur future des éléments de l'entreprise.
- des obligations contractuelles ou légales de l'entreprise, et des risques pris, qui se traduiront par des dépenses futures (ou des manques à gagner, si par exemple un client fait faillite avant de payer une facture), plus ou moins incertaines (d'où l'engagement de provisions).
- du degré de contrôle que l'entreprise exerce sur d'autres entreprises dont elle détient tout ou partie du capital, et des décisions prises à l'égard de ces entreprises (dépenses ou recettes).
- parfois, des subventions
- de l'environnement économique général. Insistons sur ce point généralement incompris, car apparemment paradoxal. Si l'environnement économique est bon et que les autres entreprises améliorent leurs résultats, alors la valeur de l'entreprise qui ne croît pas va baisser. Inversement, si l'entreprise parvient à maintenir ses résultats dans un contexte généralement mauvais (alors que les autres entreprises souffrent) alors sa valeur va augmenter.
La notion de "profit" est alors bien insuffisante :
- des éléments subjectifs entrent en ligne de compte. Il appartient aux dirigeants de l'entreprise de faire leurs choix comptables, sous le contrôle d'organes extérieurs (les principaux étant les experts-comptables et le fisc).
- des éléments hors de contrôle de l'entreprise entrent aussi en ligne de compte
- le profit s'apprécie non dans l'absolu mais par comparaison avec les performances des autres entreprises
- les différents acteurs de l'entreprise ont besoin d'indicateurs différents, car leurs objectifs et leurs marges de décision sont également différents
Au sein de l'entreprise, on s'intéressera ainsi à des indicateurs comme
- les différentes types de marge : marge commerciale, marge brute, etc.
- le résultat d'exploitation
- plus généralement les divers soldes intermédiaires de gestion...
Du point de vue des actionnaires (point de vue que la direction prend en compte), on regardera
- Le bénéfice, qui est le résultat de l'entreprise revenant à ses propriétaires. C'est la différence entre ses recettes et ses charges (dans le cas contraire il y a perte). Il est soit distribué aux propriétaires comme revenu direct (par exemple dividendes) soit conservé par l'entreprise, qui augmente ainsi ses capitaux propres.
- Le profit financier est le bénéfice moins le coût du capital (ce qu'aurait rapporté l'argent engagé s'il avait été placé en dehors de l'entreprise, en compte d'épargne ou obligations d'état par exemple). Il sert notamment à rémunérer le risque entrepreneurial, mais peut aussi comporter une rente dans le cas par exemple d'une entreprise en situation dominante sur un marché de concurrence imparfaite.
- La plus-value, en terminologie financière, est un gain en capital (différence entre la mise initiale et le prix obtenu en cas de revente des parts de l'entreprise). Si la différence est négative il y a moins-value
- la rentabilité totale pour le propriétaire ("total shareholder return" dans le cas de l'actionnaire par exemple) est le total de ses revenus et gains en capital (dividendes, plus-value).
Historique : positions des différents courants économiques
Approche classique
L'approche classique, qu'elle soit libérale ou marxiste, ne distingue pas profit, bénéfice et plus-value.
Dans cette optique, la plus-value réalisée lors de la cession d'un bien ou d'un service est la différence entre le prix retiré de l'échange et l'ensemble des coûts entrepris pour l'élaboration de ce bien ou de ce service. Au contraire, la moins-value est la perte retirée d'une vente insuffisante pour couvrir les frais entrepris.
Le profit, lorsqu'il est réalisé, bénéficie alors au(x) propriétaire(s) du capital qui ont porté le risque du projet.
Par exemple, si :
- tous les coûts qui m'ont été nécessaires à la production et la mise sur le marché d'une pomme s'élèvent à 0,5 euro
- je trouve un acheteur me la payant 0,7 euro, mon profit (on peut dire aussi ma marge bénéficiaire) sera de 0,2 euro.
- je paye 30% d'impôt sur ce bénéfice, il tombe à 0,14 euro.
- Si par contre, je n'obtient que 0,4 euro sur le marché, je fais une perte de 0,1 euro.
Pour les économistes d'essence libérale, le profit représenterait une juste rémunération d'une part du sacrifice consenti par les épargnants en s'abstenant de consommer pour investir, et d'autre part du "risque" pris par les détenteurs du capital investi en espérant être rémunérés par des revenus futurs incertains. Ces deux actions, épargne et investissement, seraient la source essentielle d'accroissement général des richesses à partir du stade de la révolution industrielle.
Approche marxiste
Selon Karl Marx, c'est le travail qui, seul, apporte une plus-value aux matières premières qui ont servi à produire le bien ou service vendu. En régime capitaliste, le capitaliste exploiterait le travailleur en empochant un profit pris sur le salaire versé. Avec ce profit, le capitaliste s'approprierait du "travail mort" (du capital), ce qui lui permettrait d'exploiter de plus en plus les fournisseurs de "travail vivant" (les travailleurs). Il en résulterait, selon Marx, une paupérisation relative du prolétariat (les travailleurs dépourvus de capital).
Encore aujourd'hui, les héritiers de Marx considèrent donc que tout profit est illégitime, et doit revenir aux salariés directement (par des augmentations de salaires) ou indirectement (par l'impôt, transformant le profit en une forme contrainte de solidarité à égard de ceux qui ne peuvent travailler).
Dans la doctrine sociale de l'Église
Jean-Paul II a reconnu la valeur du profit dans l'encyclique Centesimus Annus. Il a fait la promotion d'un « capitalisme démocratique » proche des idées du crédit social, qui voudrait corriger les abus fiscaux et corporatifs.
Ainsi, le compendium résume l'enseignement de par ces mots « La doctrine sociale reconnaît la juste fonction du profit, comme premier indicateur du bon fonctionnement de l'entreprise».
Par contre, l'Église a voulu que le profit soit distribué dans une perspective humaniste. C'est dans cette perspective qu'elle a encouragé la fondation de plusieurs coopératives.
Le profit est à distinguer de l'usure, qui est un prêt fourni dans des conditions injustes.
École autrichienne
Les économistes de la tradition autrichienne adoptent une définition plus conforme à l'usage commun: « Avantage d'ordre matériel, intellectuel ou moral qu'une personne ou une collectivité peut tirer de quelque chose » (Trésor de la Langue Française). Pour eux, toute action est nécessairement entreprise dans l'espoir d'en tirer un profit, qui n'a pas nécessairement une composante monétaire.
Une des composantes du triple bilan
Le profit est une motivation importante pour les entreprises, qui souhaitent gagner de l'argent par leurs activités.
Pour les entreprises engagées dans des démarches de responsabilité sociétale, le profit est l'une des trois composantes du triple bilan qui mesure les progrès de l'entreprise vers le développement durable : la composante économique (les deux autres étant les composantes environnementale et sociale)[1].
L'idée est que, selon Élisabeth Laville, la mission des entreprises doit se faire selon l'hypothèse que « le profit n'est pas la vraie - ou la seule - finalité de l'entreprise. De même que l'homme doit manger pour vivre et non pas vivre pour manger, l'entreprise qui se donne une mission remet le profit à sa (juste ?) place : celle d'un moyen indispensable et irremplaçable au service d'une fin plus noble, qui ne se limite pas à la seule survie de l'entreprise mais considère aussi, avant tout, ce qu'elle entend apporter autour d'elle (au monde en général et plus spécifiquement à ses clients, à ses employés, à ses fournisseurs, à la communauté locale, etc.). »[2]
Références
- Élisabeth Laville, L'entreprise verte, Village Mondial, pages 144-149
- Élisabeth Laville, L'entreprise verte, Village Mondial, page 119
Voir aussi
Catégories :- Concept et outil théorique marxiste
- Théorie économique
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