- Cheval ailé
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Un cheval ailé est un cheval possédant une paire d'ailes, généralement à plumes et inspirées de celles des oiseaux, beaucoup plus rarement en cuir, comme celles des chauves-souris. Cette forme fantastique du cheval est présente dans l'art et les récits de mythes, légendes et traditions du folklore chez de nombreux peuples, le cheval ailé est présent tant en Chine, qu'en Grèce, Italie, Afrique ou encore Amérique du Nord, après la colonisation par les européens.
Il associe la symbolique du cheval, décrit comme un animal chtonien et psychopompe, à celle de l'oiseau, lié à la légèreté et à l'élévation. L'origine de l'iconographie et des traditions le mentionnant est certainement liée à la domestication du cheval et à la sensation de liberté et de puissance guerrière gagnée par les cavaliers, mais aussi à des pratiques chamaniques où le chaman chevauche un animal ailé pour passer par différents états de conscience. Pégase est le plus connu des chevaux ailés, son nom désigne par extension ce type de créature. C'est également une figure héraldique imaginaire assez fréquente. Dans les œuvres modernes de la fantasy, des comics ou des jeu de rôle, des chevaux ailés se rencontrent également.
Sommaire
Construction de la figure
Si chacun admet que l'existence d'un cheval ailé n'a jamais été prouvée et demeure très hautement improbable, une autre question soulevée est celle de la construction de cet animal fantastique. Tout comme le sphinx, le centaure ou encore le griffon, un cheval ailé est composé d'éléments qui existent réellement, c'est-à-dire d'un cheval et des ailes d'un oiseau. Le processus d'invention de la figure consiste à combiner des éléments existants pour en faire un être imaginaire. Ainsi, bien qu'aucun cheval ailé n'existe dans le monde physique, ils possèdent une forme de réalité dans le domaine du rêve, du surnaturel et de la mythologie. Cette théorie met aussi en avant le fait que la réalité physique est constitutive de la réalité interne[1].
Le cheval ailé est extrêmement répandu dans les mythes, légendes et traditions d'Eurasie.
Mythologies indo-européennes
Comme le souligne l'historien du cheval Marc-André Wagner, les premières représentations de chevaux ailés remontent au XIXe siècle av. J.‑C., chez les proto-hittites. Ce mythe s'est peut-être répandu chez les Assyriens ensuite, puis de là aurait gagné l'Asie mineure et la Grèce[2]. Les chevaux ailés de Grèce antique sont mentionnés dans de nombreuses œuvres littéraires, des représentations se retrouvent dans l'art, aussi bien sur des poteries et des pièces de monnaie qu'en sculpture. Pégase est le plus connu, mais cette figure ne lui est pas forcément liée. Lorsque Platon décrit le temple de Poséidon sur l'île mythique de l'Atlantide, il dit que la statue du dieu se trouvait debout dans un char attelé de six chevaux ailés[3]. Le héros Pélops reçoit du même dieu un char attelé de deux chevaux ailés[4], et ce sont deux Néréides dans un char tiré par des chevaux aux ailes d'or qui remirent l'armure de Patrocle à Thétis[4].
Dans le Rigveda, les coursiers du char d'Indra sont des chevaux ailés au pelage noir brillant et aux pieds blancs. Leurs yeux brillent comme le soleil, ils s'attèlent d'eux-mêmes à leur char au joug d'or. Leur rapidité dépasse la pensée[5]. De nombreuses représentations des Valkyries de la mythologie nordique remplacent les loups ailés qu'elles montent selon certains textes anciens par des chevaux volants ou « chevaux de nuage », mais rarement ailés[6],[7].
Pégase
Article détaillé : Pégase.Pégase est l'une des créatures fantastiques les plus célèbres de la mythologie grecque[8], de nature divine[9] il généralement représenté en blanc. Il naît avec son frère Chrysaor du sang de la gorgone Méduse décapitée par le héros Persée. Les poètes gréco-romains disent qu'il monte au ciel après sa naissance et se met au service de Zeus, le roi des dieux, qui le charge de lui apporter les éclairs et le tonnerre sur l’Olympe. Ami des Muses, Pégase est le créateur de la source Hippocrène qu'il fait jaillir d'un coup de sabot. Il est capturé par le héros grec Bellérophon près de la fontaine de Pirène, grâce à l'aide d'Athéna et de Poséidon. Pégase permet à ce héros de le monter afin de vaincre un monstre, la Chimère, avant de réaliser de nombreux autres exploits. Son cavalier est toutefois victime de son orgueil et chute de son dos en tentant d’atteindre le mont Olympe. Pégase retrouve Zeus qui finit par le transformer en constellation, et le placer dans le ciel.
Peut-être issu d'un ancien dieu des orages dans la mythologie hittite, portant l'épithète de Pihassassa, une partie de son mythe serait passée des peuples louvitophones aux anciens Grecs[10], mais d'autres théories évoquent l'observation des forces naturelles, de l'eau, de la foudre ou des oiseaux, ou encore la domestication du cheval par les anciens Grecs. Ce mythe connait une large diffusion dans le monde antique ; repris par les Romains, il est partiellement christianisé et fait l'objet de commentaires, de théories et de reconstitutions depuis le Moyen Âge.
Symbole de sagesse et surtout de Renommée dès le Moyen Âge jusqu'à la Renaissance, il devient celui de la poésie et le créateur des sources dans lesquelles les poètes viennent puiser l’inspiration, particulièrement au XIXe siècle où de nombreux poèmes exaltent cette fonction. Pégase est le sujet d'une iconographie très riche, principalement à travers les poteries grecques antiques, les peintures et les sculptures de la Renaissance. Que ce soit par le biais d'une personnification de l'eau, d'un mythe solaire, d'une monture chamanique, de l'alchimie ou encore de l'imagination mise en valeur dans les travaux des psychanalystes continuateurs de Carl Jung, une profonde symbolique ésotérique en relation avec l'énergie spirituelle qui permet d'accéder au domaine des dieux, le mont Olympe, lui est attachée.
Aux XXe et XXIe siècles, il fait son apparition au cinéma, dans les littératures de l'imaginaire telles que la fantasy, dans les jeux vidéo et dans les jeux de rôle, où le nom de « pégase » est souvent devenu un nom commun qui désigne tous les chevaux ailés du bestiaire fantastique.
Hippalectryon
Article détaillé : Hippalectryon.L’hippalectryon est une créature hybride fantastique de Grèce antique, dont la partie antérieure est celle d'un cheval et la partie postérieure celle d'un coq, ailes, queue et pattes comprises. Il porte un plumage jaune ou roux selon les traductions. Mythes et légendes qui pourraient lui être rattachés restent inconnus. Cette créature peu commune apparaît dans 85 objets d'art antique grecs connus au début du XXIe siècle, le plus ancien datant du IXe siècle av. J.‑C. On le retrouve plus fréquemment au VIe siècle av. J.‑C. dans la peinture sur vase ou plus rarement en sculpture, monté par un jeune cavalier désarmé. Il orne probablement quelques pièces de monnaie antiques. Au Ve siècle av. J.‑C., il est mentionné par Eschyle, et surtout par Aristophane qui en fait l'une de ses injures préférées. Sa fonction demeure assez mystérieuse, comme bête apotropaïque et prophylactique, il pourrait avoir été consacré à Poséidon et chargé de protéger les navires. D'autres études y voient une bête grotesque amusant les enfants, ou une simple décoration fantastique sans fonction particulière.
Religions du livre
Article détaillé : Bouraq.Chez les hébreux, les récits apocalyptiques et légendaires évoquent souvent des chevaux ailés qui émergent de la mer[5]. Haizum est la monture ailée de l'archange Gabriel. Le bouraq est la monture du prophète Mahomet, jument ailée à tête de femme et queue de paon qui s'élève jusqu'au septième ciel.
Légendes et traditions populaires d’Europe
Article détaillé : Pégase éthiopien.Les pégases éthiopiens sont mentionnés par Pline l'Ancien comme une tribu de chevaux ailés et cornus vivant en Éthiopie, en Afrique sub-saharienne. Leur figure est reprise dans des bestiaires médiévaux[11]. La venue du Christianisme en Europe ne fait pas disparaître la figure du cheval ailé, Falke, monture de Thedrek dans une légende scandinave, a un nom, signifiant « faucon », ce qui laisse a supposer qu'il possède des ailes[12]. La monture de démon Adramelech est représentée comme un cheval ailé[13].
Cette créature apparaît dans certains contes populaires comme Le Dragon doré, recueilli en Gascogne par Jean-François Bladé[14].
Asie, Afrique et Amériques
Les pays asiatiques connaissent aussi cette créature, ainsi, Tulpar est l'équivalent de Pégase dans la mythologie des tatars. Les épopées du Tibet et de la Mongolie évoquent des chevaux qui volent tels des oiseaux[5]. Un énorme cheval ailé blanc apparaît dans l'histoire du royaume coréen de Silla. Quand le peuple recueillit les prières du roi, un cheval géant émergea d'un éclair en portant un œuf brillant. Puis le cheval retourna au paradis à tire d'ailes, l'œuf s'ouvrit et Pak Hyeokgeose en sortit.[réf. nécessaire] Ponkhiraaj est un cheval ailé blanc décrit comme le roi des oiseaux dans les contes populaires du Bangladesh. Chollima est un fameux cheval ailé de la mythologie coréenne, décrit comme trop rapide pour être monté.
En Chine, on a trouvé la figurine d'un petit cheval ailé en bronze nommé Fei Ma (signifiant cheval ailé) dans la tombe d'un général du Ier siècle av. J.‑C.[15]. Notons que les Chinois d'avant les Qin, comme les Coréens, ne montaient pas les chevaux au combat car cette tradition était considérée comme barbare. En revanche, ils les attelaient. Cette tradition disparut progressivement, dès les "Royaumes Combattants" et bien avant les célèbres arbalétriers montés du premier empereur Qin Shi Huang. Par contre les Han recherchèrent une nouvelle race de cheval, adapté à la course, qu'ils appelèrent "cheval volant". [1] et [2]
Dans le folklore Bambara du Mali, des chevaux ailés montés par des génies mènent aux contrées de la pluie fécondante. Dans le folklore Navajo, il est fait mention d'un cheval céleste qui peut être convoqué grâce à un chant magique[16]. Toutefois, le cheval est apparu tardivement dans la culture amérindienne, puisqu'il avait disparu de ce continent avant l'arrivée des colons européens.
Symbolique
Le cheval ailé est associé à l'air pour la légèreté de sa course et la richesse de son souffle, ainsi qu'à la foudre[5]. Il est beaucoup plus fréquent dans les rêves que la licorne[17].
Culture populaire
Littérature
Article détaillé : Hippogriffe.L'hippogriffe est une créature imaginaire hybride, mi-cheval et mi-aigle, qui ressemble au cheval ailé avec la tête et les membres antérieurs d'un aigle. Sa figure est peut-être issue du bestiaire fabuleux des Perses et de leur Simorgh, au travers du griffon. Son origine est évoquée par le poète latin Virgile dans ses Églogues et s'il des hybrides de cheval et d'oiseau de proie sont représentés à l'époque antique et sous les Mérovingiens, il est clairement nommé et défini pour la première fois dans l'œuvre de l'Arioste, le Roland furieux (Orlando furioso), au début du XVIe siècle. Dans ce roman de chevalerie inscrit dans la continuité du cycle carolingien, l'hippogriffe est une monture naturellement née de l'accouplement d'une jument et d'un griffon, extrêmement rapide et capable de voler autour du monde, chevauchée par les magiciens et de nobles héros, tel le paladin Roger qui délivre la belle Angélique sur son dos[5]. Symbole des pulsions incontrôlées, l'hippogriffe emporte Alstophe jusque sur la lune. Le succès de ce roman fait que la figure et le nom de l'hippogriffe sont repris dans d'autres histoires du même type.
Parfois représenté sur des blasons en héraldique, l'hippogriffe devient un sujet artistique illustré par Gustave Doré au XIXe siècle. Il est, comme de nombreuses créatures légendaires, de retour dans les œuvres modernes et notamment le jeu de rôle, les jeux vidéo, ainsi que des romans de fantasy. La saga Harry Potter l'a fortement popularisé à travers le personnage de Buck.
Dans le roman The Winged Colt of Casa Mia de Betsy Byars (en), Un poulain, Alado, naît avec des ailes et doit apprendre à s'y adapter. Dans Le Neveu du magicien de C. S. Lewis, Fledge (Fraise) est un cheval ailé de couleur rouge. Dans la série de romans Harry Potter de J. K. Rowling, les sombrals sont des chevaux ailés noirs dépourvus de chair et de pelage, qui ne peuvent être vus que par ceux qui ont déjà vu la mort et fait leur deuil ; ils ont un excellent sens de l'orientation, sont d'une extrême rapidité, et, contrairement à ce que leur apparence peut laisser croire, ne sont pas maléfiques.
Animation
Dans la série d'animation américaine Luno the White Stallion (1963), Luno est un cheval ailé qui emporte le petit Tim à l'aventure lorsqu'il prononce la phrase « Oh winged horse of marble white, take me on a magic flight » ce qui pourrait être traduit par « Oh, cheval ailé tacheté de blanc, emmène-moi avec toi pour un vol magique ». Dans la série manga et la série d'animation Unico d'Osamu Tezuka, Unico peut prendre la forme d'une grande licorne ailée pour aider ceux qui lui ont offert leur amitié. On peut mentionner une autre série de l'auteur, Magie Bleue, qui met en scène Magic, un poney bleu sans ailes mais capable de voler et décrit comme la fille de Pégase. Dans la série d'animation américaine She-Ra la Princesse du pouvoir, l'héroïne She-Ra monte habituellement un cheval nommé Fougor qui se transforme en licorne ailée lorsqu'elle le touche avec son épée. Dans la série d'animation américaine Princesse Starla et les Joyaux magiques, Starla chevauche une licorne ailée aux crins d'or nommée Sunstar.
Comics
Dans les comics américains, Aaragorn est la monture ailée du troisième chevalier noir (Dane Whitman), héros de Marvel et membre des Vengeurs. Plus tard, il est donné à Brunhilda, une Valkyrie d'Asgard, et vit dans la forteresse d'Asgard avec les autres chevaux ailés.
Jouets
Dans la collection de figurines Barbie, Glimmer le cheval volant, est un cheval interactif qui fait du bruits et produit des lumières lorsqu'il galope, des lumière sur les ailes et le bruit du vent lorsqu'il s'envole. Il répond quand on le brosse ou lui donne à manger.
Notes et références
- Vannoy Adams 2001, p. 221-227
- Wagner 2006, p. 138
- Platon, Critias, 115-116 Lire en ligne
- Pausanias, Description de la Grèce [détail des éditions] [lire en ligne] 2. 31. 9 ; 5. 17. 7 et 5. 19. 8
- Larousse, 1983, p16-17(ISBN 9782035171180) Dr Jacques Sevestre et Nicole Agathe Rosier, Le Cheval,
- Image de 1818 [image]
- The Ride of the Valkyrs par Guerber, H. A. (Hélène Adeline) (1909) [image]
- ISBN 9782763771533) Jacques Desautels, Dieux et mythes de la Grèce ancienne : la mythologie gréco-romaine, Presses Universitaires de Laval, 1988, (
- (en) Michael Vannoy Adams, The mythological unconscious, Other Press, 2001, (ISBN 9781892746962), « The myth of bellerophon and Pegasus », p. 214
- ISSN 1141-7137) Novella Vismara et Éric Raimond, « Dieux et héros de Lycie », dans Les Dossiers d'archéologie, Faton, no 29-32, 2002, p. 32-37 (
- Pline l'Ancien, Histoire naturelle, VIII, 72 : AETHIOPIA produit... De nombreuses monstruosités — [y compris] les chevaux ailés armés de cornes, appelés Pegasi.
- (en) Louis Charbonneau-Lassay (trad. D. M. Dooling), The bestiary of Christ, Parabola Books, 1991, p. 376
- Joseph-Jacques Odolant-Desnos, Mythologie pittoresque ou histoire méthodique universelle des faux dieux de tous les peuples anciens et modernes, E. Picard, 1855, 549 p. [lire en ligne (page consultée le 13 juin 2009)], p. p. 97-98
- Jean-François Bladé, Contes populaires de la Gascogne, Paris, Maisonneuve, 1886.
- Pour voir une reproduction de ce cheval [image]
- (fr)Cheval turquoise, site web consulté le 23 janvier 2009
- ISBN 2851573543 et 9782851573544), p. 132 Tristan-Frédéric Moir, Images et symboles du rêve, Fernand Lanore, 2008 (
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
- Dr Jacques Sevestre et Nicole Agathe Rosier, Le Cheval, Larousse, 1983 (ISBN 9782035171180)
- René Herval, Le Cheval ailé, Maugard, 1966, 180 p.
- Isabelle Rochas, Le mythe du cheval ailé au cours des siècles, 1994, 166 p.
- (en) Michael Vannoy Adams, The mythological unconscious, New York, Other Press, 2001, poche, 488 p. (ISBN 978-1-892746-96-2) [lire en ligne], « The myth of bellerophon and Pegasus »
- Marc-André Wagner, Dictionnaire mythologique et historique du cheval, Monaco, Éditions du Rocher, coll. « Cheval chevaux », 2006, 201 p. (ISBN 978-2-268-05996-9)
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