- Invasion Anglo-Soviétique De L'Iran
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Invasion anglo-soviétique de l'Iran
L' Invasion anglo-soviétique de l'Iran est une invasion de l'Iran par le Royaume-Uni et l'Union soviétique, ayant pour nom de code Opération Countenance, du 25 août 1941 au 17 septembre 1941. Le but de l'invasion était de sécuriser les champs pétroliers britanniques à Abadan et de garantir une route de ravitaillement (voir Corridor Perse) pour les soldats soviétiques dans leur combat contre l'Allemagne Nazie sur le Front de l'Est.
Sommaire
Contexte
L'Iran (appelé Perse à l'étranger jusqu'en 1935) est partagé depuis 1907 en deux zones d’influence, l’une russe, au Nord, et l’autre britannique, au Sud ; dans le contexte du Grand Jeu entre les deux empires. Les deux empires profitent des troubles entourant la révolution constitutionnelle de 1905-1911, de la faiblesse et de la corruption des derniers empereurs Qajars pour étendre leur influence dans le pays.
Avec la fin de la Première Guerre mondiale, les troupes russes et anglaises quittent le pays. En 1921, la monarchie constitutionnelle est restaurée.
Le 21 février 1921, le colonel Reza Khan (1878-1944), ancien chef de la garde cosaque, devient chef du gouvernement. Il dépose Ahmad Shah Qajar, dernier des Qadjar, et s’intronise lui-même Shah en décembre 1925. Mettant en place une politique de modernisation rapide de l'Iran, il s'appuie sur l'assistance technique de pays européens non liés aux puissances qui convoitaient précédemment le pays (Allemagne, France, Suède). Les rapprochements économiques qu'il opère avec l'Allemagne (premier partenaire commercial de l'Iran en 1939) vont irriter les britanniques.
Suite à l' l'invasion allemande de l'URSS en 1941, le Royaume-Uni et l'URSS devinrent alliés. Bien que pays neutre dans le conflit, Reza Pahlavi a beaucoup rapproché l'Iran du Troisième Reich, tout en veillant à ce que le pays reste neutre. La crainte des Britanniques était que la raffinerie d'Abadan, que détenait l'Anglo-Iranian Oil Company, ne tombe entre les mains des Allemands. Or cette raffinerie a produit huit millions de tonnes de pétrole en 1940 et représentait donc une part cruciale de l'effort de guerre des alliés. Pour les Soviétiques, l'Iran est un pays d'une importance stratégique extrême. L'armée allemande, la Wehrmacht, avance régulièrement en URSS et il y a désormais peu de latitude pour permettre l'aide américaine à l'Union Soviétique qui en a désespérément besoin.
Les sous-marins allemands intensifiant leurs raids, l'épaisse banquise de glace et la calotte glaciaire des côtes rendent très vite impossibles les convois polaires alliés vers Arkhangelsk. Le chemin de fer trans-iranien devient donc une route vraiment attrayante pour le transport de matériels vers la Russie à partir du Golfe Persique. Les deux pays alliés font alors pression sur l'Iran et le Shah mais cela ne fait qu'augmenter les tensions et déclenche des ralliements pro-germaniques dans la capitale, Téhéran. Reza Shah refuse d'expulser les nombreux résidents allemands présents en Iran. Le Shah refuse ensuite l'utilisation de ce chemin de fer pour les alliés, car il avait proclamé la neutralité de l'Iran. Cela entraîne une invasion britannique et soviétique de l'Iran le 25 août 1941.
Déroulement
L'invasion est rapide et se déroule sans difficulté majeure. Du sud, le commandement britannique en Irak (connu sous le nom d'Iraqforce), renommé six jours plus tard en commandement Persan et Irakien (Paiforce), sous le commandement du Lieutenant-General Sir Edward Pellew Quinan, avance en territoire iranien. La Paiforce est constitué de la 8th Indian Infantry Division et de la 10ème Division indienne d’infanterie du général William Slim (10th Indian Infantry Division), de la 2ème Brigade légère blindée indienne (2nd Indian Armoured Brigade) du général John Aizlewood, de la 1ère Brigade de cavalerie du général James Joseph Kingstone et de la 21st Indian Infantry Brigade. Les Soviétiques viennent du nord avec les 44ème, 47ème et 53ème Armées du Front Transcausien sous le commandement du général Kozlov. Des forces navales et aériennes participent aussi à la bataille. L'Armée Iranienne mobilise neuf divisions d'infanterie. Reza Shah appelle à l'aide le président américain Franklin Roosevelt selon les termes de la Charte de l'Atlantique:
""...sur la base des déclarations que votre Excellence a faites à plusieurs reprises concernant la nécessité de défendre les principes d'une justice internationale et le droit des peuples à la Liberté. Je demande à votre Excellence de prendre des mesures humanitaires efficaces et urgentes pour mettre un terme à cet acte d'agression. Cet incident a lieu dans un pays neutre et pacifique qui n'a d'autre objectif que la sauvegarde de sa tranquillité et de ses réformes." — une lettre du 25 Août
Cependant, cet appel échoue à obtenir une réponse rapide du président américain pour sauver la nation du Shah, comme le montre la réponse de Roosevelt:
"Voyant que la question dans son intégralité ne repose pas seulement sur la question vitale à laquelle votre Majesté Impériale fait référence, mais aussi sur d'autres considérations de bases soulevées par les ambitions de conquêtes mondiales d'Hitler. Il est certain que le mouvement de conquêtes de l'Allemagne se poursuivra et va s'étendre de l'Europe à l'Asie, à l'Afrique , et même aux Amériques, à moins d'être stoppé par la force militaire. Il est également certain que les pays qui veulent garder leur indépendance doivent s'engager dans un grand effort commun s'ils ne veulent pas être engloutis un par un, comme cela est arrivé à un grand nombre de pays en Europe. En reconnaissance de ces vérités, le Gouvernement et le peuple des États-Unis d'Amérique, comme on le sait, ne sont pas seulement en train de développer les défenses de ces pays avec toute toute la vitesse possible, mais ils sont aussi entrés dans un énorme programme extensif d'assistance matérielle aux pays qui sont activement engagés dans la résistance aux ambitions allemandes de domination du monde."
Roosevelt rassure aussi le Shah en notant "la déclaration faite au gouvernement iranien par les gouvernements britannique et soviétique, précisant qu'ils n'ont aucun dessein sur l'indépendance ou l'intégrité territoriale de l'Iran". Cependant, les Soviétiques mettront plus tard en place des États séparatistes au nord, tandis que les États-Unis et le Royaume-Uni aideront au renversement du populaire et démocratiquement élu Premier Ministre Iranien Mohammad Mossadegh durant la Crise d'Abadan en 1953.
La campagne commence à l'aube du 25 août par une attaque du bateau britannique dans le port d'Abadan. Le sloop iranien Palang (Panthère en persan) coule rapidement, et les bateaux restant sont détruits ou capturés. La résistance n'a pas le temps de s'organiser et les installations pétrolières d'Abadan sont investies par deux bataillons de la 8th Indian Division's et de la 24th Indian Brigade faisant une traversée amphibie du Chatt-el-Arab à partir de Bassorah.[1] . Une petite force débarque à Bandar-e-Shahpur du croiseur auxiliaire HMAS Kanimbla pour sécuriser le port et les installations pétrolières là bas. La Royal Air Force attaque les bases aériennes et les communications. La 8th Indian Division (18th Brigade plus 25th Brigade sous le commandement de la 10th Indian Division) avance de Bassorah vers Qasr Shiekh (qui est prise le 25 août) et le 28 Août atteint Ahvaz quand le Shah ordonne la cessation des hostilités.[2] Plus au nord, 8 bataillons britanniques et indien sous le commandement du major-général William Slim avancent de Khanaqin (160 km au nord-est de Baghdad et 480 km de Bassorah) vers les gisements de pétrole de Naft-i-Shah ,à travers la passe de Pai Tak, menant vers Kermanshah et Hamadan. Les positions du Pai Tak position sont prises le 27 Août quand les défenseurs se rendent dans la nuit et l'assaut aérien sur Kermanshah le 29 août, les défenseurs demandant une trêve pour négocier les termes de la reddition. [3]
Quant à l'URSS, elle fait une invasion au nord et avance vers Maku, dont les défenses ont été affaiblies par des bombardements aériens. Il y a aussi des débarquements soviétiques à Bandar-e Pahlavi sur les côtes de la mer Caspienne. Dans un incident, un bateau soviétique essuie un "tir ami".
Sans aucune aide extérieure, la résistance iranienne est rapidement submergée et neutralisée par les tanks et l'infanterie russe et britannique. Les forces britanniques et soviétiques se rencontrent à Senna (160 km à l'ouest d'Hamadan) et à Qazvin (160 km à l'ouest de Téhéran et 320 km au nord est d'Hamadan) le 30 et 31 Août respectivement. L'Iran est défait, les champs pétroliers sont sauvegardés et le précieux chemin de fer trans-iranien dans les mains des alliés. À cause d'un manque de transport, les britanniques décident de n'établir aucune force entre Hamadan et Ahvaz. Dans le même temps, le nouveau premier ministre iranien Foroughi, accepte que l'ambassadeur allemand et son personnel quittent Téhéran et la fermeture des représentations allemande, italienne, hongroise et roumaine. De plus, tous les citoyens allemands doivent être remis entre les mains des autorités russes et britanniques. La non réalisation de cette dernière condition déclenche l'entrée des troupes russes et britanniques dans Téhéran le 17 septembre, le jour d'après Reza Shah est arrêté et envoyé en exil en Afrique du Sud, laissant son fils Mohammad Reza Pahlavi le remplacer sur le trône. Les forces russes et britanniques quittent Téhéran le 17 octobre, après que les espions allemands ont bien compris[4] qu'effectivement l'Iran s'était rangé du côté Russe et Britannique pour le reste de la guerre.
Conclusion
Les pertes dans les opérations navales sont de deux navires de guerre iraniens coulés et 4 autres mis hors d'usage par la Royal Navy. Six avions chasseurs persans sont abattus. Approximativement 800 soldats, marins, pilotes iraniens sont tués, incluant l'Amiral Bayandor amiral de la flotte iranienne. Approximativement 200 civils meurent dans les raids aériens au Gilan. Les pertes britanniques et indiennes s'élèvent à 22 morts et 42 blessés.
Avec l'ouverture de cette route cruciale vers l'URSS, le Corridor Perse est ouvert et permet de fournir un flot massif de matériel (plus de 5 millions de tonnes de matériel militaire) à l'URSS principalement mais aussi aux forces britanniques dans le Moyen-Orient. Le nouveau shah signe un traité d'alliance avec les britanniques et les russes en janvier 1942, selon lequel l'Iran fournit une assistance non militaire à l'effort de guerre allié. L'article cinq de ce traité, bien que non entièrement respecté par les dirigeants iraniens, engage les Alliés à quitter l'Iran "pas plus de six mois après la cessation des hostilités". En septembre 1943, l'Iran déclare la guerre à l'Allemagne Nazie, le qualifiant de ce fait pour être membre de la future Nations unies. À la Conférence de Téhéran en novembre de cette année, le président Franklin D. Roosevelt, le premier ministre Winston Churchill, et le secrétaire général Joseph Staline réaffirment leurs engagements concernant l'indépendance de l'Iran et son intégrité territoriale et affichent leurs bonnes volontés en étendant l'assistance économique à l'Iran.
Après la fin de la guerre les britanniques se retirent mais les troupes soviétiques stationnent au nord-ouest de l'Iran, refusant non seulement de se retirer mais soutenant aussi une révolte qui aboutit à la création d'états séparatistes éphémères et pro-soviétiques dans l'Azerbaïdjan iranien à la fin 1945: le Gouvernement populaire d'Azerbaïdjan et la République de Mahabad. Tous deux sont des Gouvernement fantoches soviétiques. Cela déclenche la Crise irano-soviétique, les troupes russes ne se retirent véritablement d'Iran qu'en mai 1946, après avoir reçu une promesse de concession pétrolière. Sans troupes soviétiques pour les protéger, les républiques soviétiques du nord s'effondrent et les concessions pétrolières sont révoquées.
C'est dans ce contexte d'occupation de l'Iran par des troupes étrangères qu'a été écrit le célèbre hymne persan Ey Iran en 1946.
Notes et références
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie et sources
- Histoire de la Seconde Guerre mondiale de Sir Basil Liddell Hart, Fayard, 1973. Vision britannique des opérations militaires le capitaine Liddell Hart (1895-1970), spécialiste reconnu de la stratégie et de l’armée blindée. Nombreuses cartes précises.
- (en) Colonel David Smiley, Irregular regular, éditions Michael Russell, 1994 (ISBN 0-85955-202-0).
Traduit en français en 2008 sous le titre Au cœur de l'action clandestine, des commandos au MI6, L'Esprit du Livre Éditions. Avec cahier de photographies (ISBN 978-2-915960-27-3). Cet officier a participé en 1941 à la guerre anglo-irakienne, et à la campagne de Syrie puis à celle d'Iran, dont il détaille les opérations.
- Voyage parmi les Guerriers de Ève Curie, Flammarion, 1944. Ève Curie (1904-2007) est la fille de Pierre et Marie Curie. En juin 1940, elle rejoint Londres et s'engage dans les Forces françaises libres. À partir de janvier 1941 elle parcourt les États-Unis pour défendre la cause de la France Libre. Dans son livre, publié en anglais sous le titre Journey Among Warriors, elle fait le récit de son voyage effectué en qualité d'envoyée spéciale sur les fronts de la guerre en 1941-1942, en Afrique du Nord, Irak, Iran, Russie, Inde, Birmanie et Chine, pour le compte pour du Herald Tribune Syndicate de New York et du Allied Newpapers de Londres.
- (en) The Household cavalry at war : First Household Cavalry Regiment par le colonel Everard Humphrey Wyndham (1888-1970, MC) - Editions Gale & Polden Ltd - Aldershot - 1952. Pour connaître en détail les campagnes du 1er Régiment de cavalerie de la Garde durant la Seconde Guerre mondiale. Écrit par un ancien chef de corps des Life Guards de juin 1933 à avril 1937. Nombreuses photographies.
- (en) London Gazette du 13/08/1946 ; Rapport du général Archibald Wavell sur les opérations en Irak, en Syrie et en Iran du 10 avril 1941 au 12 janvier 1942.
- (en) Compton McKenzie, Eastern Epic, Chatto & Windus, London, 1951
- (en) Sunrise at Abadan The British and Soviet Invasion of Iran, 1941 à commander sur http://www.greenwood.com/catalog/C2793.aspx
Voir aussi
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