Brachylogie

Brachylogie

Ellipse (rhétorique)

Page d'aide sur l'homonymie Pour les articles homonymes, voir Ellipse.

L’ellipse (substantif féminin), du grec ἐλλείπω : elleipô ("laisser de côté, négliger", du fait que l’on considérait l’ellipse comme un cercle auquel il manquait quelque chose, d'où "omission"), est une figure de style qui consiste à omettre un ou plusieurs éléments en principe nécessaires à la compréhension du texte, pour produire un effet de raccourci. Elle oblige le récepteur à rétablir mentalement ce que l’auteur passe sous silence. La brachylogie est une variante brève de l'ellipse.

En narratologie, une ellipse temporelle également appelée ellipse narrative consiste à passer sous silence une période de temps c'est-à-dire à ne pas en raconter les évènements. Il s'agit donc d'une accélération du récit[1].

Sommaire

Exemples

  • « Pierre mange des cerises, Paul des fraises » : ellipse du verbe manger conjugué
  • « Et pendant des années et encore des années ce fut ainsi chaque jour... » (Aux champs, Guy de Maupassant)
  • « Pris ou non, exécuté ou non, peu importait » (Malraux)
  • « Je n'avance guère. Le temps beaucoup » (Eugène Delacroix)
  • « je t'aimais inconstant, qu'aurais-je fait fidèle? » (Jean Racine) : ellipse de "qu'aurais-je fait si tu avais été fidèle?"

Définition

Définition linguistique

Il existe trois types d'ellipses :

  1. L’ellipse grammaticale: omission d'un mot ou d'un verbe.Souvent cet usage de la figure n'est pas destiné à produire un effet particulier, il s'agit avant tout de faire l'économie d'une répétition souvent par une énumération : «  Café, bain, travail... Deux pages par jour, d'accord ? » (Philippe Sollers).
  2. L’ellipse narrative: omission d'une séquence temporelle dans une action dramatique afin, soit d'accélérer le récit pour des raisons de commodité, soit pour dissimuler une information au lecteur ou au spectateur. L' expression « Deux semaines plus tard » révèle la présence d'une ellipse dans le récit.
  3. L’ellipse poétique: omission d'un mot ou d'un groupe de mots, parfois jusqu'à l' agrammatisme de la phrase afin de produire un effet particulier. La phrase, réduite à ses lexèmes conserve alors son sens grâce aux intonations, comme dans les monologues intérieurs ou les impressions fugitives:

 Baobabs beaucoup baobabs
baobabs
près, loin, alentour
Baobabs, Baobabs

(Henri Michaux, Plume.)

On peut aussi combiner l'inversion et l'ellipse «  Bleu est le ciel, verte la mer » ou l'antithèse « tu n'étais pas beau mais laid », voire même une figure plus complexe comme une trope « Tes larmes coulent comme les feuilles qui tombent, comme la pluie ».

Il existe également l' ellipse lexicale, à l'origine de la création de mots : c'est en effet par ellipse qu'un adjectif peut devenir un substantif : une (voiture) automobile, une (section) conique. Le résultat est parfois ambigu : le portable est-il un ordinateur ou un téléphone ? Curieusement par ailleurs, le genre sert à distinguer un (cercle) parallèle en géographie d'une (droite) parallèle en géométrie.

Définition stylistique

Les effets visés par l'ellipse sont multiples: elle peut permettre de faire l'économie de mots (principe d'économie) afin d'éviter les répétitions, surtout en français, langue qui évite au mieux les redondances grammaticales; elle peut aussi permettre d'éviter les lourdeurs (répétition d'un syntagme long par exemple qui propose une double ellipse :

« Fière est cette forêt dans sa beauté tranquille, et fier aussi mon cœur »

— Alfred de Musset, Souvenirs

L'ellipse permet de ne pas répéter le syntagme postposé au substantif cœur : dans sa beauté tranquille, plus également le verbe être conjugué.

Variante de l'ellipse : la brachylogie

La brachylogie (substantif féminin), du grec βραχυλογία composé de βραχύς : brakhus ("court") et λόγος ("discours") est un type d'ellipse dans le discours aboutissant à un texte concis, proche de l'anacoluthe et du zeugme :

« Les mains cessent de prendre, les bras d’agir, les jambes de marcher »

— Jean de La Fontaine, Fables

En tant que figure de style, l'ellipse dans sa fonction de suppression de certains éléments d'une phrase permet la vivacité et la brièveté d'une expression, et cette suppression aboutit à la brachylogie, « c'est-à-dire à la brièveté dans le discours, dans le style » (Patrick Bacry, Les figures de style, aux Éditions Belin 1992).

Elle est parfois ressentie comme un défaut:

« Vice d’élocution qui consiste dans une brièveté excessive et poussée assez loin pour rendre le style obscur »

selon Dupriez dans le Gradus.

Genres concernés

En littérature l'ellipse est très employée, surtout dans le roman ; elle est un moyen particulier pour l'auteur de créer son univers et son action. La plus célèbre des ellipses est celle permettant à Gustave Flaubert dans L’Éducation sentimentale de faire l'économie de plusieurs années de la vie du personnage principal Frédéric Moreau, à la suite de la mort de Sénécal et qu'il résume par une phrase :

« Il voyagea, il connut la mélancolie des paquebots.... »

. Le blanc typographique marque souvent l'ellipse :

« ... défaillante, tout en pleurs, avec un long frémissement et se cachant la figure. elle s'abandonna:


les ombres du soir descendaient... »

— Flaubert, Madame Bovary

  • L'ellipse est très employée au cinéma, où elle permet d'accélérer l'intrigue en passant sous silence une séquence temporelle plus ou moins longue.
  • À l'oral, l'ellipse est la marque du style autoritaire : « Prenez vos sacs. Rangez. Sortez ». L'ellipse est également la caractéristique principale du style télégraphique : « Suis reçu examen. Rentre samedi. ».
  • Le discours journalistique (« Attentat de Djakarta, La marque Al-Qaeda ») ou publicitaire (« Froid, moi ? Jamais ! ») utilisent l'ellipse pour une meilleure efficacité et une économie de mots. En effet, le texte est souvent limité par la place ou la typographie, l'ellipse permet alors de raccourcir le message est d'en permettre une compréhension immédiate par le lecteur.
  • Le cinéma use d'ellipses narratives, comme dans le film de Stanley Kubrick, 2001, l'odyssée de l'espace où le spectateur passe des temps préhistoriques aux temps modernes.
Article détaillé : ellipse (cinéma).
  • L'ellipse est la base même de la bande dessinée dans la mesure où il est nécessaire de faire un effort mental (même si celui-ci est automatique et inconscient) pour relier deux cases dans un raccordement logique, obtenant ainsi une séquence. Sans ellipse, pas de bande dessinée.

Historique de la notion

Bernard Dupriez dans son Gradus définit l'ellipse comme une figure de construction qui consiste « à supprimer des mots qui seraient nécessaires à la plénitude de la construction, mais que ceux qui sont exprimés font assez entendre pour qu’il ne reste ni obscurité ni incertitude ».

Figures proches

Notes et références

Voir aussi

Wiktprintable without text.svg

Voir « ellipse (rhétorique) » sur le Wiktionnaire.

Bibliographie

  • Darrault-Harris, Ivan, Pour une psychiatrie de l'ellipse, Paris: PUF, 1993

Bibliographie des figures de style

  • Quintilien (trad. Jean Cousin), De L’institution oratoire, t. I, Les Belles Lettres, coll. « Bude Serie Latine », Paris, 1989, 392 p. (ISBN 2251012028) 
  • Antoine Fouquelin, La Rhétorique Françoise, A. Wechel, Paris, 1557 
  • César Chesneau Dumarsais, Des tropes ou Des diferens sens dans lesquels on peut prendre un mème mot dans une mème langue, Impr. de Delalain, 1816, 362 p..
    Nouvelle édition augmentée de la Construction oratoire, par l’abbé Batteux. Disponible en ligne
     
  • Pierre Fontanier, Les figures du discours, Flammarion, Paris, 1977 (ISBN 2080810154) 
  • Patrick Bacry, Les figures de style : et autres procédés stylistiques, Belin, coll. « Collection Sujets », Paris, 1992, 335 p. (ISBN 2-7011-1393-8 (br.)) 
  • Bernard Dupriez, Gradus,les procédés littéraires, 10/18, coll. « Domaine français », Paris, 2003, 540 p. (ISBN 2264037091) 
  • Catherine Fromilhague, Les figures de style, Armand Colin, coll. « 128 Lettres », Paris, 2007 (ISBN 978-2-2003-5236-3) 
  • Georges Molinié et Michèle Aquien, Dictionnaire de rhétorique et de poétique, LGF - Livre de Poche, coll. « Encyclopédies d’aujourd’hui », Paris, 1996, 350 p. (ISBN 262531-3017-6) 
  • Henri Morier, Dictionnaire de poétique et de rhétorique, Presses Universitaires de France, coll. « Grands Dictionnaires », Paris, 1998 (ISBN 2130493106) 
  • Michel Pougeoise, Dictionnaire de rhétorique, Armand Colin, Paris, 2001, 16×24 cm, 228 p. (ISBN 9782200252397) 
  • Olivier Reboul, Introduction à la rhétorique, Presses Universitaires de France, coll. « Premier cycle », Paris, 1991, 15 cm × 22 cm, 256 p. (ISBN 2-13-043917-9) 
  • Van Gorp, Dirk Delabastita, Georges Legros, Rainier Grutman et al., Dictionnaire des termes littéraires, Honoré Champion, Hendrik, 2005, 533 p. (ISBN 978-2745313256) 


  • Portail de la linguistique Portail de la linguistique
  • Portail de la littérature Portail de la littérature
Ce document provient de « Ellipse (rh%C3%A9torique)#Variante de l.27ellipse: la brachylogie ».

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Brachylogie de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Нужна курсовая?

Regardez d'autres dictionnaires:

  • brachylogie — ● brachylogie nom féminin Emploi d une construction plus courte qu une autre, sans que le sens de la phrase change. ⇒BRACHYLOGIE, subst. fém. LINGUISTIQUE A. ,,Au sens large du mot, emploi d une expression comparativement courte (grec brachys) :… …   Encyclopédie Universelle

  • Brachylŏgie — Brachylŏgie, 1) (v. gr., lat. Breviloquentia), Kürze u. Gedrängtheit im Ausdruck; daher Brachyologisch, kurz, gedrängt im Styl; 2) rhetorische Figur, wo etwas zur Vollständigkeit des Gedankens Nöthiges zu fehlen scheint, welches aber dem Sinne… …   Pierer's Universal-Lexikon

  • Brachylogie — (griech., lat. Breviloquentia), gedrängte Kürze in der Rede, besonders aber eine rhetorische Figur, nach der ein zur Darstellung eines Gedankens erforderliches Element scheinbar ausgelassen ist, indem dasselbe auf irgend eine Weise im Satz… …   Meyers Großes Konversations-Lexikon

  • Brachylogie — Brachylogīe (grch.), gedrängte Kürze im Ausdruck; brachylōgisch, gedrängt, kurz …   Kleines Konversations-Lexikon

  • Brachylogie — Mit Brachylogie (gr. βραχύς brachys, „kurz“ und λόγος logós, „Wort“, also etwa „Kurzwörtigkeit“) wird eine kurze, knappe Ausdrucksweise bezeichnet. Diese wird erreicht durch die Auslassung von Satzteilen, die im unmittelbaren Kontext in anderer… …   Deutsch Wikipedia

  • Brachylogie — Bra|chy|lo|gie 〈[ xy ] f. 19; unz.; Rhet.〉 gedrängte Kürze, Knappheit des Ausdrucks, Einsparung gleicher Wörter u. Wortteile; Sy Breviloquenz [<grch. brachylogia „Kürze im Ausdruck“ <brachys „kurz“ + logos „Rede“] * * * Brachylogie  … …   Universal-Lexikon

  • brachylogie — См. brachilogìa …   Пятиязычный словарь лингвистических терминов

  • Brachylogie — См. brachilogìa …   Пятиязычный словарь лингвистических терминов

  • brachylogie — (bra ki lo jie) s. f. Vice d élocution, qui consiste dans une brièveté excessive, et poussée assez loin pour rendre le style obscur. ÉTYMOLOGIE    En grec, court et discours …   Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré

  • Brachylogie — Bra|chy|lo|gie 〈[ xy ] f.; Gen.: , Pl.: n〉 gedrängte Kürze, Knappheit des Ausdrucks, Einsparung gleicher Wörter u. Wortteile; Syn. Breviloquenz …   Lexikalische Deutsches Wörterbuch

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”