- Château de la Juive
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Château de Clementigney Nom local Château de la Juive Période ou style Gothique Type Château Architecte Alphonse Delacroix Début construction 1850 Fin construction 1870 Propriétaire initial Propriété privée Destination initiale Château Propriétaire actuel Propriété privée Destination actuelle Résidence privée Protection Monument historique Coordonnées Pays France Région historique Franche-Comté Commune Chalezeule Géolocalisation sur la carte : Franche-Comté
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Géolocalisation sur la carte : Besançon
modifier Le château de Clementigney, plus connu sous le nom de château de la Juive[1],[2],[3] est l'une des plus remarquables demeures particulières de Besançon (Franche-Comté). Il est situé sur la commune limitrophe de Chalezeule, à deux pas du quartier historique de Bregille et sur le bout du mont de Brégille. Le bâtiment de base a été construit à une date inconnue, mais les premières traces à son sujet remontent à la fin du XVIIIe siècle, avant que la puissante famille juive Lippman n'en devienne propriétaire. C'est d'ailleurs une de leur descendante, Léonie Allegri, qui demande à l'architecte franc-comtois Alphonse Delacroix de la transformer en un véritable château. Entre 1850 et 1870, il donne naissance au bâtiment tel qu'on le connait aujourd'hui, avec son style gothique et son échauguette caractéristique. Le dynamisme de la propriétaire donne à la demeure son surnom toujours actuel, le « château de la Juive ». Par la suite, l'édifice change de main et devient un hôtel-restaurant réputé pour sa gastronomie de qualité et ses décors remarquables, gagnant une réputation nationale et attirant plusieurs célébrités. Cependant, cette vocation se termine au début des années 2000, lorsque le dernier chef cuisinier meurt, le château retrouvant, depuis lors, une fonction purement résidentielle.
Sommaire
Histoire
La première demeure
Le château de la Juive est construit au numéro trois du chemin des Buis, administrativement dans la commune de Chalezeule, mais presque limitrophe du quartier de Bregille, à Besançon[4]. Il est bâti sur un terrain qui appartenait, dès 1248, au chapitre de Sainte-Madelaine, avant d'être officiellement intégré à la commune de Chalezeule au XVIe siècle[4]. Il se dresse tout au bout du Mont de Brégille, face au château de Montfaucon, engoncé au sein d'un parc boisé[4].
Le premier propriétaire connu de la demeure est Monseigneur de Fresnoy en 1780, qui détenait alors une maison de campagne de son épouse Jeanne Antoine de la Grée, ainsi que plus des deux tiers de la commune de Chalezeule[4]. Ce personnage était le seigneur de terres en Picardie, chevalier de saint-Louis, capitaine au régiment de Monsieur et sera le dernier seigneur de la commune, puisqu'il se fera élire maire sous le nom de Defresnoy[4]. Dans les premiers cadastres, en 1835, l'édifice apparaît comme propriété de M. Mayer Lippman, sans que l'on sache précisément s'il s'agissait d'achat de biens ou de spéculation[5]. La famille Lippman s'installe à Besançon lorsque trois frères originaires de Sarre-Union (Bas-Rhin) - dont Mayer et Alphonse désignés comme marchands de montres - s'établissent, au début des années 1800, à l'hôtel Terrier de Loray, au 68, Grande rue.
Mayer Lippman, alors connu comme étant le juif le plus riche de la cité, fait du bâtiment sa maison de campagne, puis la décore et la meuble richement selon la mode de l'époque[5]. Il se marie à Babette Lévy dont il a quatre enfants : Alfred (négociant à Marseille), Auguste (banquier à Paris), Nathalie et Dina[5]. Cette dernière, mariée au banquier parisien Bénédict Allegri, meurt après avoir donné naissance, en 1827, à Reine Précieuse Léonie Allegri[5],[6],[7]. C'est elle qui sera surnommée la Juive et qui laissera son surnom à la demeure[5],[8],[7]. Mayer Lippman décède le 9 juin 1849 et est enterré au cimetière israélite de la ville, laissant un héritage considérable[5].
La naissance du château
La maison de campagne avec ses neuf hectares revient alors à Baruch Allegri, veuf de Dina Lippman[5]. Mais les biens que contient le bâtiment n'ont pas d'héritiers, et sont donc vendus aux enchères, par les commissaires priseurs maîtres Capron et Guidet, à l'hôtel Terrier de Loray[5] : tout le mobilier somptueux est dispersé, ainsi que plus de 4 000 bouteilles de vins de Bordeaux, Saint-Gilles, Perpignan, Collioure etc[9]. Baruch Allegri dote sa fille Léonie de la demeure, lors de son mariage avec Paul Félix Bernheim[9]. Ce couple fortuné vit entre Paris et le château, durant toute leur existence[9]. Léonie Allegri charge alors l'architecte Alphonse Delacroix de remodeler complètement la maison de campagne, et en fait un véritable château de style gothique[9]. Baruch Allegri décède à la propriété, en 1858, à l'âge de 35 ans, et sa veuve se remarie cinq ans plus tard avec Charles Déodat, comte de Turenne et descendant de Louis XIV[9]. Le mariage suscite l'attention par l'union entre une juive et un catholique, qui nécessite une dispense du pape en personne[9].
Le contrat de mariage entre les deux parties était largement à l'avantage de Charles Déodat, qui n'apportait qu'un titre de noblesse en contrepartie de la jouissance exclusive de la demeure et de plusieurs millions en actions et obligations[9]. Au décès de Charles Déodat, le 3 juillet 1870 à l'âge de 37 ans, Léonie Allegri devient veuve pour la seconde fois, et vit alors surtout dans la capitale française, sans pour autant délaisser le château[9]. Sa fille Henriette y meurt le 21 décembre 1883, avant que Léonie ne meure à son tour à Paris, le 14 mars 1904, laissant ainsi l'édifice à sa fille ainée Aimée-Marguerite, son autre sœur Irène étant devenue carmélite[9]. Aimée-Marguerite, vivant principalement à Paris, séjourne parfois dans le château[9]. Cependant, la Première Guerre mondiale met un terme à ses voyages entre la capitale et Besançon, d'autant plus que le Caporal Louis Varotte du 227e régiment d'infanterie, est tué le mardi 11 avril 1916 au Bois d'Avaucourt en Argonne ; il avait 34 ans et était cultivateur, fermier du Château de la Juive avec son épouse Marie-Louise. Sa fille Camille qui avait tout juste un an a été adoptée par la Nation. La mort du fermier porte ainsi un coup fatal à l'exploitation agricole du domaine[10],[9].
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La transformation en restaurant
Le 17 juin 1919, le château devient la propriété, pour la somme de 60 000 francs, d'Élie Fourcasse, qui en fait sa maison de campagne[9]. Cet homme est fils d'ouvrier en horlogerie dans le Petit Battant et devient monteur de boîtes pour montres, puis épouse Jeanne-Marie Victorine Martin, qui a fait fortune dans le négoce[9]. Le nouveau propriétaire n'hésite pas à vendre la collection d'armes du château, probablement originaire du temps des Turenne, empochant ainsi plus de deux fois le prix d'achat du bâtiment[11].
Sa fille Berthe, épouse d'Hippolite Dolo, ingénieur des arts et métiers, reçoit en dot le domaine lors de son mariage en 1921, mais l'édifice en mauvais état sera finalement revendu, le 15 mars 1926, à Joseph Périat[11]. Ce dernier, d'origine suisse, chef cuisinier à la cour royale d'Angleterre, décide d'aménager un restaurant au sein du château[11]. La notoriété du domaine dépasse alors largement la région, grâce aux talents culinaires de son propriétaire, mais également avec le décor exceptionnel qui accompagne le repas des hôtes[11]. Malgré tout, il se résout à vendre le château à Alain Gerber, le 12 janvier 1939, suite à des problèmes récurrents de santé[11]. Il vend également le fonds du restaurant, le 17 février de la même année, à Henri Nussbaum[11].
Durant la Seconde Guerre mondiale, Henri Nussbaum tente de maintenir la réputation du château, malgré les restrictions de plus en plus pesantes[12] D'ailleurs, il subit de fortes pressions lors de la Libération, du fait de sa clientèle allemande, en plus des désagréments causés par un char allemand ayant détruit les grilles à l'entrée[12]. Le 10 décembre 1948, Alain Gerber, toujours propriétaire du domaine, décide de le vendre pour la somme de deux millions de francs à un couple de cultivateurs, Francine et Camille Barthot-Malat[12]. L'acte du notaire de Levier décrit le bien ainsi « 15 pièces chauffées au chauffage central, un pavillon en annexe, buanderie, garage, atelier sur caves, une maison de ferme de six pièces, écurie, grange, hangar, trois citernes, parc, verger, prés et serre[12]. » La ferme est louée à Henri Converset à partir de 1937 et les prés à M. Mercier en 1948[12]. Camille Barthot-Malat cède le château en 1955 ainsi que son parc de 1,25 hectare à René Gavet et sa femme Myriam, et le fonds d'hôtellerie l'année suivante[12].
Le bâtiment de nos jours
René Gavet, réputé comme un excellent chef-cuisinier, redonne au château sa réputation d'antan. Il le restaure avec son épouse et ses deux filles, et rouvre le restaurant avec une hôtellerie[12]. De nombreuses personnalités forment sa clientèle, notamment Georges Bidault, Tino Rossi, Marie-José de Belgique ou encore Johnny Hallyday. Des spécialités franc-comtoises typiques y sont servies, comme la saucisse de Morteau ou la truite au vin jaune et morilles. L'écrivain Guy des Cars y séjourne à demeure en 1956, pour écrire son roman intitulé Le Château de la Juive, inspiré par ce lieu[8]. Louis Néel y apprend son obtention du prix Nobel de physique en octobre 1970[12].
Dans les années 1970, on aménage dans le parc un golf miniature ainsi que des sièges taillés dans la pierre, mais le tout sera réaménagé quelques années plus tard à Chalezeule[12]. Le restaurant ferme définitivement ses portes après la mort de René Gavet, le 21 juin 2002[12]. Le château est mis en vente, en juillet 2002, à partir de 381 122 € et depuis, plusieurs propriétaires s'y sont succédé[12]. Les derniers seraient des Bordelais qui auraient transformé la demeure en cinq appartements[12].
Architecture
Aspect général et extérieur
Le château de la Juive est recomposé, entre 1850 et 1870, par l'architecte franc-comtois Alphonse Delacroix, qui le reconstruit presque entièrement à partir des vestiges antérieurs[13]. Le style architectural du logis est largement dominé par le genre gothique, avec en particulier sa tourelle d'escalier et son échauguette[13]. Le château de la Juive est constitué d'un logis, de communs, d'une ferme ainsi que d'un parc[13]. Depuis le 27 décembre 2002, le corps de logis avec ses décors, la façade est du bâtiment des communs, le parc avec son mur de clôture et son portail - soit la quasi-totalité de l'édifice - sont inscrits aux Monuments historiques[13]. En février 2002, le parc a été classé en espace boisé à conserver et, lui aussi, reconnu « Monument historique » [13].
Aspect intérieur, décors et mobilier
Le décor intérieur est dominé par des boiseries néo-gothiques, mais des modifications et ajouts ont été pratiqués durant les années 1950[13]. Le mobilier de Turenne, qui avait été éparpillé suite à une vente aux enchères, a complètement disparu, à l'exception d'une pièce : la salle de réception[12]. Les fenêtres à vitraux du Second Empire, les murs et plafonds de boiseries comprenant de petits carreaux polychromes de céramique - dont chacun arbore une grappe de raisin noir et deux épis de blés entourés de l'inscription « à la Dame de Clementigney » - témoignent de l'élégance des décors de l'époque[12]. Une anecdote rapporte qu'un Américain de passage, séduit par le raffinement de cette pièce, a voulu racheter l'ensemble des éléments transportables, pour deux millions de francs[12].
Un passage du journal de Bregille, d'avril 1982, décrit précisément le château de la Juive, reprenant le témoignage de la vie quotidienne de Léonie Allegri dans sa demeure[7]. Ainsi, on y apprend une multitude de détails, comme l'existence d'un escalier en chêne, le fait que les couloirs aux riches lambris dissimulaient des placards secrets, ou encore la description de sa chambre : elle contenait un lit à baldaquin soutenu par des colonnes torsadées, des murs aux lambris rouges et bleu roi, et un plafond bleu ciel tapissé d'étoiles[7]. On apprend aussi qu'était présente une grande cheminée sculptée, recouverte de faïences bleues et blanches, et que les cabinets comportant des vitraux blancs transparents étaient situés dans l'échauguette[7]. Quant à la salle de bain, située au troisième étage, il fallait, pour l'utiliser, monter l'eau seau après seau et la chauffer à l'aide d'un chauffe-eau en cuivre, fonctionnant avec un serpentin envoyant le liquide dans une baignoire également en cuivre, ne comportant pas de système d'écoulement[7]. Des faïences, reprenant les motifs du mur de la salle de réception, trônaient dans le bâtiment, offertes par un peintre italien[7]. Une fois remariée, Léonie Allegri fut confrontée aux infidélités de son époux, le comte de Turenne, dont la rumeur rapporte qu'il facilitait la fuite de ses maîtresses par l'escalier de la tour, alors renommée Felice, ainsi que par des portes secrètes cachées dans les lambris[7]. Il fit également apposer ses armes sur les grilles du château, et fit sculpter son portrait et celui de Léonie sur la cheminée de la chambre de son épouse[7]. Les vignes, encore bien vivaces juste avant la Grande guerre, disparurent avec le décès de leur propriétaire, Léonie, en 1914[7].
Notes et références
- Le château de la juive, Réalités franc-comtoise, numéro 177, juillet-août 1975, par Robert Genevoy.
- Revue « Archives juives », numéros 3 et 4, 1984.
- Le château de la Juive sur le site de la maison de quartier de Bregille (consulté le 7 octobre 2011).
- Mémoires de Bregille, page 86.
- Mémoires de Bregille, page 87.
- Jugement des criées de la Seine du 19 août 1883 : adjudication sur Mme Reine-Précieuse Léonie Allegri, veuve en premières noces de M. Bernheim (consulté le 13 mars 2010).
- Journal de Bregille, avril 1982.
- Jean Chouët, Juifs en terre de France : deux mille ans d'histoire à travers 600 cartes postales, Bibliophane, 1987, 239 pages, page 56 (ISBN:2869700059).
- Mémoires de Bregille, page 88.
- Chalezeule. Archives de l'association des Anciens Combattants de
- Mémoires de Bregille, page 90.
- Mémoires de Bregille, page 91.
- Notice no PA25000029, sur la base Mérimée, ministère de la Culture
Annexes
Bibliographie
: sources utilisées de manière significative pour la rédaction de cet article
(fr) Hector Tonon, Jean-François Culot, Marie-Édith Henckel, Annie Mathieu, Jacques Mathieu, Georges Bidalot, Jacqueline Bévalot, Paul Broquet, Jean-Claude Monti, Anne Porro, Jacques Breton, Jean-Claude Grappin, Pierre-Louis Bréchat, Yves Mercier et Pierre Riobé, Mémoires de Bregille (2e édition), Besançon, Cêtre, décembre 2009, 312 p. (ISBN 978-2-87823-196-0)
Articles connexes
Liens externes
- Site officiel de la ville de Besançon
- Histoire de la communauté juive à Besançon sur Migrations.Besancon.fr
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