- Pétra
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Petra * Patrimoine mondial de l'UNESCO Coordonnées Pays Jordanie Type Culturel Critères (i) (iii) (iv) Numéro
d’identification326 Zone géographique États arabes ** Année d’inscription 1985 (9e session) modifier Pétra (de πέτρα petra, « rocher » en grec ancien ; البتراء Al-Butrāʾ en arabe), de son nom sémitique[1] Reqem ou Raqmu (« la Bariolée »)[2],[3], est une ancienne cité située dans l'actuelle Jordanie, au cœur d'un bassin bordé par les montagnes qui forment le flanc oriental de l'Arabah (Wadi Araba), grande vallée prolongeant le grand rift vers le nord et qui s'étend de la mer Morte au golfe d'Aqaba.
Créée dans l'Antiquité vers la fin du VIIIe siècle av. J.‑C. par les Édomites, elle est ensuite occupée vers le VIe siècle av. J.‑C. par les Nabatéens qui la font prospérer grâce à sa position sur la route des caravanes transportant l'encens, les épices et d'autres produits de luxe entre l'Égypte, la Syrie, l'Arabie du Sud et la Méditerranée. Vers le VIIIe siècle, la modification des routes commerciales et les séismes entraînent l'abandon progressif de la ville par ses habitants. Pétra a abrité à son apogée jusqu'à vingt-cinq mille habitants. Tombé dans l'oubli à l'époque moderne, le site est redécouvert par le monde occidental grâce à l'explorateur suisse Jean Louis Burckhardt en 1812.
Les nombreux bâtiments, dont les façades monumentales sont directement taillées dans la roche, en font un ensemble monumental et unique qui, depuis le 6 décembre 1985, est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO. La zone autour du site est également, depuis 1993, un parc national archéologique.
Sommaire
Géographie
Pétra est située à mi-chemin entre le golfe d'Aqaba et la mer Morte à une altitude de 800 à 1 396 mètres au-dessus du niveau de la mer, dans un fond de vallée de la région montagneuse d'Édom, à l'est de la vallée de l'Arabah. De nos jours le site de Pétra se trouve à près de 200 km au sud de la capitale jordanienne Amman, soit à environ 3 heures de route[4].
La situation de Pétra, dissimulée entre des rochers aux parois abruptes et dotée d'un approvisionnement sûr en eau en fait un lieu propice au développement d'une cité prospère. L'endroit n'est accessible que par un étroit sentier montagneux par le nord-ouest ou à l'est par un canyon d'environ 1,5 kilomètre de long et jusqu’à 200 mètres de profondeur, le Sîq, l'accès principal, qui, à son endroit le plus resserré, mesure seulement deux mètres de large.
La présence d'eau et la sécurité apportée par le site ont fait de Pétra une halte naturelle au croisement de plusieurs routes caravanières qui reliaient l'Égypte à la Syrie et l'Arabie du Sud à la Méditerranée, chargées principalement de produits de luxe (épices et soie en provenance d'Inde, ivoire en provenance d'Afrique, perles de la Mer Rouge et encens du sud de l'Arabie). La résine de l'« arbre à encens » (Boswellia) était convoitée dans le monde antique tout entier comme une offrande religieuse particulièrement précieuse, mais également comme médicament.
L'activité commerciale engendrée par les caravanes et les taxes perçues produisaient d'importants profits pour les Nabatéens. De ce fait, la ville abrita du Ve siècle av. J.‑C. au IIIe siècle un important marché.
Plan détaillé de la ville
Légende détaillée- Hôtel, centre touristique
- Tombeaux « Djinn » (Image)
- Tombeau aux obélisques (Image)
- Tunnel de dérivation d'eau (Image)
- Secteur d'Al-Madras
- Le Sîq (Image)
- La Khazneh (Image)
- Terrasses avec façades de tombeaux
- Théâtre romain (Image)
- Tombeau d'Uneishu (Image)
- Tombeau à l'urne (Image)
- Tombeau Corinthien (Image)
- La tombe palais (Image)
- Rempart nord
- Tombeau de Sextius Florentinus (Image)
- Tour Conway
- Tombeau dit du « Turkmaniyeh »
- Nymphée
- Voie à colonnades (Image)
- Temple aux lions ailés
- Arc de Trajan (Triple arche) (Image)
- Qasr al-Bint (Image)
- Musée
- Carrières (Image)
- Nécropole d'Umm al-Biyarah
- Le Deir (Image)
- Qattar ad-Deir
- Haut-lieu du Madhbah
- Rempart sud
- Aqueduc (Image)
- Maison de Dorotheos
- Nécropole de Mughr an-Nasarah
- Sanctuaire d'Al-M'aysrah
- Biclinium à l'urne
- Triclinum aux Lions (Image)
- Sanctuaire d'Isis
- Sanctuaire d'Umm al-Biyarah
- Monument du serpent
- Haut-lieu Jabal Al-Nmayr
- Tombes Wâdi Al-Nmayr
- Wadi Farasah (Image de la tombe du jardinier)
- Tombes
- Niche de l'aigle
- Forteresse Al-Wu'ayrah des Croisés
- Grand Temple (Image)
- Haut-lieu et forteresse Al-Habis
- Digue (Image)
- Église (Image)
- Haut lieu du Djebel Khubtha (Vue depuis le sommet)
- Wadi Siyagh (Image)
- Tombe de la soie (Image)
- Tombe de soldat romain (Image)
- Triclinium coloré (Image)
- Monument au lion (Image)
2/3 à 50. Khazne al-Firaun
Géologie
Pétra
Pétra étant une ville troglodyte située au milieu d'escarpements rocheux, la pierre est visible partout sur le site. Celle-ci est composée de grès, roche détritique issue de l’agrégation et la cémentation (ou diagenèse) de grains de sable. Il s'agit d'une roche cohérente[5]. Elle est organisée en strates qui offrent parfois des déclinaisons de couleurs chatoyantes (allant du jaune au violet en passant par le rose) renforcées par l'intensité de la lumière, particulièrement en fin d'après-midi[4].
Pétra est située dans une région à forte sismicité. Elle se trouve à la limite entre deux plaques qui coulissent: la plaque d'Arabie et la plaque d'Afrique. Le 19 mai 363, en 419, 551 et 747, des tremblements de terre ont endommagé la ville et ses monuments[6],[7].
La nappe phréatique d'eau salée située en dessous de Pétra remonte et dégrade les monuments à leur base.
Aux alentours de Pétra, on peut trouver des roches contenant de la silice, que les Nabatéens ont pu extraire dans des carrières pour faire du béton imperméable[8].
Ces caractéristiques géologiques particulières ont permis aux habitants de Pétra de se cacher et de se protéger des attaques.
L'irrigation
L'eau est nécessaire au développement des activités humaines. Les sources étant peu abondantes dans cette région semi-désertique, c'est l'eau de pluie, environ 150 mm par an[9] (aujourd'hui de 50 à 250 mm[10]), qui assurait l'essentiel des besoins. Les sources seules ne pouvaient fournir de l'eau que pour quelques familles[9]. Les Nabatéens construisirent un système de captage des eaux et de redistribution avec des règles de répartition aux habitants[9].
Pétra, située dans une cuvette, pouvait récupérer les eaux pluviales d'un bassin de 92 km2 grâce à la relative imperméabilité des roches[11]. Cette faible perméabilité du sol posait néanmoins de nombreux problèmes, comme le déclenchement de crues très puissantes et donc destructrices. En effet, jusqu'à ce qu'il soit dévié au XXe siècle, le cours d'eau du Wadi Moussa (« ruisseau de Moïse ») qui coule depuis la source d'Aïn Moussa (« source de Moïse ») dans le Sîq jusqu’au village de Gaia était à l'origine de crues meurtrières comme en 1963[11]. Il existe aussi un « petit Sîq » qui rejoint le Sîq principal près des tombes royales[12].
Au Ier siècle, Strabon dira que les habitants de Pétra « ont des sources en abondance, que ce soit pour des fins domestiques ou pour arroser leurs jardins[9] ».
Des installations de collecte et de distribution d'eau destinées à stocker et transporter l'eau en s'affranchissant du relief escarpé sont encore visibles de nos jours, notamment des barrages hydrauliques et des réservoirs à ciel ouvert[11]. Il existait également un important réseau de citernes souterraines. Au nord-est et sud-est de Pétra, les eaux du Sîq coulaient dans des galeries taillées dans la roche et enduites de plâtre imperméable, ou dans un réseau hydraulique en pente douce constitué de tuyaux en terre cuite ou en céramique[9],[11]. Ce réseau alimentait l'aqueduc[13], les 200 citernes (dont plusieurs sur le mont Umm al-Beira, ou « Mère des citernes[14] »), beaucoup de réservoirs et un nymphaeum, ou fontaine publique[9]. Un réseau de plus gros débit permettait aussi de capter l'eau de source plus éloignée et d'alimenter des quartiers en hauteur[11]. Ces réseaux amenaient environ 40 millions de litres d'eau par jour à Pétra[9].
Le système de distribution d'eau a été comparé avec celui de Rome à la même époque, lui aussi très avancé, bien que la taille des deux cités fut très différente, Rome étant beaucoup plus peuplée. Il était néanmoins suffisant pour couvrir les besoins de la cité[15].
L'eau, d'une importance cruciale, constituait également le talon d'Achille de la ville. Ainsi les Romains coupèrent-ils l'aqueduc, lors d'un siège de la ville, afin d'obtenir une reddition plus rapide des habitants[réf. nécessaire].
Le résultat de cette maîtrise de l'eau était, à l'époque, la création d'une véritable oasis artificielle. Seuls des vestiges de ces installations sont encore visibles.
L'agriculture et l'élevage
Lorsque la ville était en plein essor, l'eau servait essentiellement à la consommation des habitants et du bétail ainsi que, dans une phase plus tardive, à l'arrosage des jardins[16].
Des céréales, comme l'orge ou le blé, des arbres fruitiers et des vignes étaient sans doute cultivés à Pétra. Des pressoirs creusés dans des rochers ont été retrouvés, datant probablement de la période de domination romaine qui avait donné au vin une grande importance[16].
De nos jours, des aménagements agricoles sont visibles autour du site comme des cultures en terrasses dans le secteur de Zurrabeh, créés pour lutter contre l'érosion des sols et obtenir des rendements plus élevés. Depuis l'abandon du site, le manque d'entretien des aménagements hydrauliques a entraîné la destruction de l'essentiel des barrages ; seuls quelques vestiges sont encore visibles, tels qu'un ouvrage dédié à la distribution de l'eau dans le lieu dit des « jardins romains[16] ».
Actuellement, des troupeaux de chèvres noires sont également visibles autour du site de Pétra. Leur domestication est prouvée depuis le néolithique[16].
Climat
mois | jan. | fév. | mar. | avr. | mai | jui. | jui. | aoû. | sep. | oct. | nov. | déc. |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Record de froid (°C) | 10 | 10 | 14 | 18 | 22 | 24 | 26 | 25 | 24 | 21 | 16 | 12 |
Record de chaleur (°C) | 32 | 23 | 27 | 31 | 35 | 39 | 40 | 41 | 37 | 33 | 28 | 23 |
Histoire
L'histoire de Pétra est longue, sa vallée étant particulièrement prisée pour sa facilité de défense. Toutefois, ses premiers habitants ayant été nomades, on ne dispose de traces matérielles des habitations qu'à partir de l'époque nabatéenne car cette civilisation a beaucoup construit et y a vécu le plus longtemps. Après la période byzantine le site est pratiquement abandonné, aussi existe-t-il peu de sources qui évoquent cette époque, ce qui rend difficile la reconstitution de l'histoire de la ville sur une longue période. Après la redécouverte de la ville par Jean Louis Burckhardt en 1812, on retrouva dans les écrits de l'Antiquité de nombreuses sources évoquant l'histoire de Pétra.
Néolithique
Des découvertes sur le site de Beidha, à quelques kilomètres de Pétra, ont démontré l'existence d'installations sédentaires datant d'une période estimée entre - 10 000 et - 8 000[17]. L'établissement le plus ancien trouvé à Pétra même date de l'âge du fer[18].
Antiquité
Période édomite
Selon Léon de Laborde, les premières traces d'installations sédentaires édomites sur le site de Pétra remontent à la fin du VIIIe siècle av. J.‑C. et du VIIe siècle av. J.‑C.. Ce peuple domine alors toute la région[17]. Les Édomites choisissent de s'installer sur les collines proches de Pétra, dont Umm al-Beira (« Mère des citernes », puisqu'il y en avait plusieurs au sommet)[14] plutôt que sur le site occupé plus tard par les Nabatéens. Piètres bâtisseurs, ils sont cependant réputés pour la poterie[19].
Ils se seraient opposés, selon la Bible, au passage de Moïse lors de l'Exode, car descendants d'Ésaü, frères ennemis des Hébreux. Dans un souci de localisation des étapes de l'Exode, Laborde ainsi que les différents explorateurs donneront des dénominations bibliques aux différents lieux : Wadi Moussa « ruisseau de Moïse », Khazne al-Firaun « trésor du Pharaon »…
Pétra, comme Bosra, sera connue jusqu'au XXe siècle comme la ville mentionnée dans la Bible (II Rois, XIV, 7 ; Isaïe, XVI, 1) sous le nom de Sela (de פטרה sela, « rocher » en hébreu), la capitale des Édomites, avant que des recherches archéologiques démontrent qu'il s'agissait de deux villes différentes, Sela étant plus au nord[20].
Période nabatéenne
L'arrivée des Nabatéens, peuple nomade arabe, remonte probablement au VIe siècle av. J.‑C., date à laquelle ils entrent en pays d'Édom et prennent le contrôle de Pétra[17]. Les Édomites sont à l'époque partis s'installer dans la région d'Hébron, abandonnant le site[20]. Rapidement, les Nabatéens se sédentarisent dans la région laissée libre.
La période nabatéenne est mieux documentée que les autres époques de l'Antiquité, mais la plus grande partie des documents (écrits sur papyrus et d'autres supports se décomposant facilement) étant aujourd'hui tombés en poussière, les sources datant de cette époque sont rares, ne nous laissant que les dates parfois précises d'événements gravés dans le grès des murs de la ville et les étapes de construction des monuments pour permettre de reconstituer cette époque de son histoire.
En -312, le général macédonien Antigone le Borgne échoue dans sa tentative de s'emparer de la ville[17].
Au IVe siècle av. J.‑C., la ville s'étend sur plus de dix km². Les Nabatéens se font connaître pour leur technique de poterie de très haute qualité[21], savoir sûrement transmis par les Édomites[19].
Vers la fin du IVe siècle av. J.‑C. et au début du IIe siècle av. J.‑C., les Nabatéens semblent totalement indépendants malgré la domination régionale des Ptolémée et vers la fin du IIIe siècle av. J.‑C., les Nabatéens soutiennent Antiochos III qui repousse les Ptolémée vers le Sud[17].
Entre -93 et -90, le roi nabatéen Obodas Ier bat Alexandre Jannée sur le plateau du Golan, mettant fin aux vues expansionnistes des Hasmonéens sur Pétra et son royaume[22]. Il conquiert ainsi les pays de Moab et de Galaad, à l'est du Jourdain qu'il reperdra malgré sa nouvelle victoire sur Jannée vers -82[17].
En -85, Obodas Ier bat le séleucide Antiochos XII qui est tué au combat. À sa mort, Obodas est déifié par les Nabatéens qui organisent son culte et construisent le Deir en son honneur[17].
Le roi Arétas III, fils d'Obodas Ier étend le royaume des Nabatéens jusqu’à Damas[17]. La cité se développe grâce au commerce sur la route de l'encens. Cet itinéraire terrestre historique partait du Yémen le long de la côte occidentale de l'Arabie et se divisait à Pétra en une branche nord-occidentale qui conduisait à Gaza, et en une nord-orientale en direction de Damas. L'eau et la sécurité ont fait de Pétra une halte pour les caravanes du sud de l'Arabie, chargées principalement de produits de luxe (épices et soie en provenance d'Inde, ivoire en provenance d'Afrique, perles de la mer Rouge et encens du sud de l'Arabie, entre autres produits hautement convoités). La résine du boswellia (l'« arbre à encens ») était convoitée dans le monde antique tout entier comme une offrande religieuse particulièrement précieuse, mais également comme médicament[23]. Le commerce intermédiaire et des droits de douane produisaient d'importants profits pour les Nabatéens, qui donnaient aux caravaniers de l'eau et leur montraient où s'abriter la nuit - contre paiement[24].
Le roi nabatéen Malichos Ier puis Obodas III font échouer plusieurs expéditions romaines vers l'Arabie heureuse dont celle vers -25 et -24 du préfet d'Égypte Gaius Aelius Gallus[17]. Les Romains tentent en effet de découvrir l'origine des épices et des parfums que les Nabatéens commerçaient[22] afin de ne plus passer par leur intermédiaire.
La ville atteint son apogée en l'an 50. Elle aurait abrité à cette époque jusqu’à 20 000 habitants[25], mais les sources divergent fortement sur ce nombre : d'autres estimations vont de 30 000 à 40 000 habitants[26].
Durant le règne du roi nabatéen Obodas III de -30 à -9, le royaume connaît un important mouvement culturel. C'est à cette époque que la plupart des tombeaux et temples sont construits[22].
Les Nabatéens adorent les dieux et les déesses arabes des temps pré-islamiques aussi bien que quelques-uns de leurs rois déifiés. Dusares est à l'époque le principal dieu masculin accompagné de sa trinité féminine : Uzza, Allat et Manat. Beaucoup de statues taillées dans la roche dépeignent ces dieux et déesses[27].
Diodore de Sicile et Strabon sont les seuls auteurs connus de cette époque à laisser des témoignages écrits sur Pétra. Ces textes font état des importantes richesses de ce peuple arabe provenant du commerce caravanier entre Asie et Europe mais ne s'accordent pas sur leur mode de vie : sédentaire ou nomade, paysans ou citadins[28]. Reqem (« la Bariolée »), le nom sémitique de Pétra est également mentionné dans les Manuscrits de Qumrân.
Période romaine
Une confédération regroupant dix Cités-États située non loin de Pétra nommée décapole fait son apparition à l'époque romaine[19]. Elle sera conquise par Rome en 63 av. J.-C..
En 106, sans doute après la mort du dernier roi nabatéen Rabbel II, puisqu'il n'y a eu apparemment aucun combat, le royaume est annexé sur l'ordre de l'empereur romain Trajan par Cornelius Palma, gouverneur de Syrie. Celui-ci fait de Bosra, qui deviendra rapidement la deuxième ville nabatéenne en importance[29], la capitale de la nouvelle province romaine d'Arabie (provencia Arabia). L'empereur Trajan renomme Bosra (alors appelée Bostra) en Nea Traiane Bostra, ou « Nouvelle Bostra de Trajan », et Pétra reçoit le titre honorifique de métropole (metropolis). Un peu plus tard, en 114[6],[29] Pétra devient la base de départ pour les attaques romaines contre l'empire des Parthes en Iran, à l'est[30].
L'ouverture des routes maritimes à l'époque romaine porte un coup fatal à Pétra et aux Nabatéens en détournant les flux commerciaux de la ville. À compter de l'occupation romaine, quelques caravanes s'arrêtent encore à Pétra, mais elles deviennent plus rares au fil du temps[30], malgré la construction d'une route romaine de 400 km reliant Bosra, Pétra et le golfe d'Aqaba[29].
L'empereur Hadrien se rend sur le site en 131, il lui donne son nom : Pétra Hadriana[19].
La multiplication des constructions révèle que la ville connut malgré tout une période prospère durant la « Pax Romana[31] ».
Lors de la réorganisation de l'Empire initiée par l'empereur Dioclétien, elle devient la capitale de la « Palaestina taertia ou Palaestina salutaris[26] ».
Selon la tradition arabe, Pétra est l'endroit où Moïse, lors de l'Exode du peuple israëlien d'Égypte, fit jaillir une source d'une pierre en la frappant avec son bâton. Le village proche de Wadi Moussa et certains lieux rappellent donc aujourd'hui encore Moïse. Myriam, la sœur de Moïse, y possède un tombeau.
Période byzantine
Le christianisme pénètre à Pétra vers le IVe siècle, près de 500 ans après l'établissement de Pétra comme centre commercial.
En l'an 330 le premier empereur chrétien, Constantin Ier, fait de Byzance sa nouvelle capitale et la renomme Constantinople. Pétra fait désormais partie de l'empire byzantin et l'empire y encourage comme sur tout son territoire la diffusion de la foi chrétienne en construisant des églises. Les habitants de la ville restent d'abord fidèles à leurs croyances, mais en 350 un évêque est nommé à Pétra, et un siècle plus tard de grandes églises sont édifiées dans la ville[32]. Athanase d'Alexandrie mentionne un évêque de Pétra nommé « Asterius[33] ». Le Deir sera même utilisé comme église durant cette période, des croix peintes sur ses murs[34], et trois autres églises seront découvertes lors de recherches[19]. La vaste « Tombe de l'urne » de l'époque nabatéenne, qui correspond à la tombe de Malichos II ou d'Arétas IV[35], devient une sorte de cathédrale en l'an 446[34]. Au nord de Pétra, on trouve plusieurs tombes avec des croix gravées, indiquant que les chrétiens y enterraient leurs morts[36].
Un violent tremblement de terre frappe Pétra le 19 mai 363, endommageant des monuments, dont le théâtre, et les aqueducs. Cyrille, évêque de Jérusalem, dira que « presque la moitié » de la ville fut détruite quand le tremblement de terre frappa « à la troisième heure, et particulièrement à la neuvième heure de la nuit », décrivant le tremblement de terre et sa puissante réplique. La ville étant déjà affaiblie depuis le début de la domination romaine par la diminution de ses activités commerciales, n'est pas reconstruite et se vide lentement de ses habitants[7].
Moyen Âge
La conquête islamique de 629 - 632 passe par la région et semble avoir ignoré Pétra[32]. La dernière mention de Pétra se trouve dans un texte écrit par Anthenogenes, évêque de la ville, vers la fin du Ve siècle ou le début du VIe[37].
Conquise par les Arabes, dont l'impact sur la ville n'est pas connu[37], Petra, qui s'est progressivement vidée de ses habitants et est devenue un simple village vers 700[32], est finalement occupée par les croisés avant d'être complètement oubliée.
Au cours de la Première croisade, la ville est occupée par Baudouin de Boulogne du Royaume de Jérusalem et forme le deuxième fief de la baronnie d'Al-Karak dans la Seigneurie d'Outre-Jourdain.
Durant la domination franque, plusieurs fortifications croisées seront construites dont les forteresses Al-Wu'ayrah et Al-Habis.
La ville reste entre les mains des Francs jusqu'en 1187, année où Saladin les repousse lors de la bataille de Hattin et à Al-Karak et prend possession de la région.
Un pèlerin allemand nommé Thetmar révèle être passé près de Pétra en 1217 et le sultan Az-Zâhir Rukn ad-Dîn Baybars al-Bunduqdari traverse la ville en 1276[6],[37].
Période moderne (XIXe siècle)
Pétra est révélée au monde occidental en 1812 par Jean Louis Burckhardt, un voyageur suisse déguisé en Arabe, qui se fait appeler Cheikh Ibrahim. Il suivit la route reliant Damas à l'Égypte et qui passait par la Jordanie. Il a entendu dire qu'à proximité du village de Wadi Moussa se trouvait, au milieu d'une forteresse naturelle, des vestiges extraordinaires. Dans cette région qui appartenait alors à l'Empire ottoman, on se méfie des personnes curieuses d'antiquités considérées comme « œuvres des Infidèles » ; car à cette époque la situation politique et religieuse est tendue. Burckhardt se présente alors comme un pèlerin souhaitant sacrifier une chèvre au prophète Aaron dont le tombeau, construit au XIIIe siècle, est censé se trouver au-delà des ruines, au sommet du djebel Haroun. Accompagné par son guide, il traverse la ville antique le 22 août 1812 sans pouvoir un seul instant s'arrêter pour prendre des notes ou dessiner mais conscient de l'importance de tels vestiges et du fait que les ruines proches de Wadi Moussa sont celles de Pétra. Enthousiaste, il répand la nouvelle parmi les Occidentaux installés en Orient et en Égypte et fera part de ses conclusions dans son livre Travels in Syria and the Holy Land qui sera édité en 1823 cinq ans après sa mort[38].
D'autres tentatives d'explorations de Pétra sont effectuées, malgré la méfiance des autochtones. C'est seulement en mai 1818 (soit six ans après l'expédition de Burckhardt), qu'une dizaine de personnes provenant de Jérusalem, dont William John Bankes, le drogman Giovanni Finati et les officiers de marine C. L. Irby et J. Mangles, parviennent à rester quelque temps sur place, malheureusement pas plus de deux jours, des rivalités entre chefs de tribus les obligeant à partir plus tôt que prévu[39].
À partir de 1828 commencent les premières véritables missions archéologiques. Et à partir de 1830, le site devient un lieu de visite, complément de pèlerinages religieux, et source de nombreux profits pour les chefs des tribus alentours.
Visiteurs célèbres: Burckhardt (dès 1812), Léon de Laborde (1830), David Roberts (1842-1849), Jean-Léon Gérôme (1871), Charles Doughty (1875)...
Renonceurs : Pierre Loti (1894).
Architecture
Généralités
À l'origine, les Nabatéens étant un peuple nomade, leurs constructions sont de simples tentes en peau de chèvre[40].
Par la suite des habitations très simples sont taillées dans la roche : dotées de façades lisses, elles sont dotées d'une porte excavée dans la partie inférieure avec une ou deux découpes en forme d'escalier. C'était une adaptation nabatéenne des tombeaux de Syrie ; étant en contact constant avec les civilisations environnantes, ils s'inspirèrent du style de plusieurs d'entre elles, en particulier d'Alexandrie[41].
Au Ier siècle démarre la construction de structures monumentales : le Deir et les tombeaux du Palais et du Corinthien. Durant le IIe siècle les bâtisseurs de la cité adoptent des détails architecturaux hellénistiques (frise, architrave, pilastre…) et créent un nouveau style de chapiteau encore aujourd'hui appelé « nabatéen ». Ils utilisent de plus en plus de structures uniquement décoratives, dont certaines inspirées de la culture autochtone : rosettes, animaux de la région ou d'ailleurs (éléphants, lions, aigles...), sculptures inspirées de la Grèce antique (dont celles de Méduse, qui transformait tout être qui la regardait en pierre), de sphinx, de griffon…[42],[43] Les familles les plus riches de la ville embauchent des architectes pour créer des tombeaux comportant des façades très décorées[41]. Ils font également décorer l'intérieur de leurs demeures, le stuc y étant peint en couleurs vives[44]. Strabon dira qu'à Pétra les autorités « condamnent publiquement à une amende ceux qui diminuent leur richesse et confèrent des honneurs à ceux qui les augmentent » ; les habitants font étalage de leurs richesses en faisant construire des tombeaux et des monuments imposants[45].
Bien que les bâtiments publics, les monuments et les tombeaux indiquent une forte influence hellénistique et d'autres civilisations, avec leurs colonnes, péristyles et autres détails étrangers, les espaces privés, où les Nabatéens dorment, mangent et travaillent, sont plutôt de style arabe. Souvent dépourvus de fenêtres, ils donnent sur de petites cours intérieures tranquilles, comme c'est encore le cas au Moyen-Orient. Les toits des habitations basses (d'un ou deux étages), sont plats et sans tuiles et tous sauf les riches, qui préféraient les mosaïques, ont des planchers dallés. Il y a souvent des bancs en pierre où s'asseoir pendant les repas, mais le reste des meubles semble avoir été en bois car on n'en trouve pratiquement pas de traces. Les cuisines sont situées dans un bâtiment éloigné de l'habitation principale afin de minimiser le risque d'incendie, comme c'est encore le cas dans beaucoup de pays[46].
Les habitants de Pétra construisent également beaucoup de colonnes, les utilisant à l'extérieur et à l'intérieur de leurs bâtiments. À l'extérieur, elles servent à séparer les cours intérieures et d'autres structures et, à l'intérieur, à décorer et à séparer les différentes pièces[47]. Lors de l'occupation romaine, les Romains construisent une rue rectiligne, bordée de portiques à colonnes, vers le marché de la ville ; auparavant toutes les rues suivaient les contours de la vallée, la rue principale suivant le cours du Sîq[48].
La plupart des bâtiments de Pétra ne sont pas construits sur un quadrillage de voies mais sur les terrasses naturelles le long des parois des vallées, ou creusées à même la roche. Les quartiers sont centrés sur les sources et ont pu débuter en tant que simples camps tribaux. À ez-Zantur, un quartier au-dessus de la voie romaine, on trouve des traces d'une habitation en pierre du Ier siècle av. J.‑C. ; sur le même emplacement on trouve une riche villa construite au Ier siècle[49].
Les architectes planifient leurs œuvres en sculptant des plans sur la roche à des hauteurs allant jusqu’à 30 mètres[50]. Ils pouvaient construire une façade de deux manières : de haut en bas avec une seule équipe, ou avec deux équipes travaillant simultanément, une partant du haut et une autre du bas. Quand ils construisaient de haut en bas, ils utilisaient en général une plateforme taillée à même la roche ; quand une section était finie, ils détruisaient le niveau inférieur pour faire une plateforme plus basse. Les ouvriers utilisaient les fissures préexistantes dans la roche pour faciliter l'excavation ; quand ce n'était pas possible, on devait creuser un trou dans la roche et y insérer du bois, qui, une fois mouillé, gonflait et exerçait une pression intense sur la roche environnante, la brisant[51].
Aux endroits considérés comme sacrés les Nabatéens mettent des pierres levées appelées « baétryles », littéralement « maison de dieu ». Elles servent à signaler la présence d'un dieu[52].
L'entrée du Sîq était surmontée d'une grande arche dont il ne reste aujourd'hui que des traces sur un côté du canyon à cause des ravages de l'érosion, des tremblements de terre et des crues[53]. Tout au long des murs on trouve des petites niches contenant des sculptures de dieux[54].
Une muraille, dont il ne reste que peu de traces, protégeait Pétra et sa vallée d'attaques ennemies[55].
La relative bonne conservation des monuments vient du fait que, par tradition, les habitants des villages voisins « entretenaient » la cité et ce jusqu'aux environs du XIXe siècle[28].