La traite des noirs

La traite des noirs

Traites négrières

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Les traites négrières, également appelées traite des Noirs, désignent des commerces d'esclaves dont ont été victimes des millions de Noirs africains durant plusieurs siècles[1]. Pour la définir, il faut associer et combiner les six éléments suivants[2] :

  • les victimes étaient des Noirs ;
  • les traites supposaient des réseaux d’approvisionnement parfaitement organisés et intégrés ;
  • les populations serviles n'étaient pas suffisamment fécondes pour se renouveler ;
  • l'endroit où l’être humain était capturé et le lieu de sa servitude étaient éloignés l’un de l’autre ;
  • si ceux qui utilisaient les esclaves pouvaient être également producteurs d’esclaves, la plupart du temps, il y avait des producteurs et des acheteurs, la traite correspondant à un échange tributaire ou commercial ;
  • la traite étant essentiellement une activité marchande, les entités politiques des différentes civilisations approuvaient ce commerce et en retiraient des bénéfices substantiels.

Cependant, la traite doit être distinguée de l'esclavage qui « consiste à exercer sur une personne l'un quelconque ou l'ensemble des pouvoirs liés au droit de propriété »[3]. La traite est automatiquement liée à l’esclavage. Elles se renforcent mutuellement. Mais la réciproque est fausse. Il existe des systèmes esclavagistes dans lesquels la traite n’est pas présente, comme les États du sud des États-Unis au XIXe siècle. La traite doit aussi être distinguée de la notion contemporaine de Trafic d'êtres humains.

Il y a eu trois traites négrières : la traite orientale, la traite occidentale et la traite intra-africaine. Celles-ci ont été un phénomène historique de très grande ampleur en raison du nombre de victimes, de sa durée, de la multitude de producteurs et d'acheteurs aux cultures et aux motivations différentes, des nombreuses méthodes d'asservissement, des multiples opérations de transports sur de très longues distances et de la réduction de ces êtres humains en esclaves et en main d'œuvre servile.

Sommaire

Étymologie de "traites négrières"

Le choix du terme pour qualifier un commerce d'hommes et de femmes noirs a longtemps été discuté, et continue de l'être. Selon Olivier Pétré-Grenouilleau, la formule « traite négrière » semble la plus adaptée[4]. Elle fait référence simultanément aux différents protagonistes, les produits et les producteurs, soit respectivement les « nègres » et les « négriers ». Mais le sens attaché au terme "nègre" s'est tellement dévalorisé qu'il n'est plus possible, dans un grand nombre de langues, de l'utiliser aujourd'hui de manière neutre.

Les historiens avaient d'abord parlé de "slave trade" ("commerce d'esclaves"). Mais ce terme ne faisait pas l’unanimité auprès des chercheurs. Pour Serge Daget, il sous-tendait que les victimes étaient déjà esclaves alors qu'un certain nombre d'entre eux était né libre. Une seconde critique tenait dans le fait que le « commerce d’esclaves » regroupait en plus des populations noires, d’autres populations de différentes époques. On avait également utilisé le terme de "Traite des Noirs", défini comme "le commerce d'esclaves noirs" [5] ou plus précisément, "la traite des noirs est le trafic consistant à échanger des marchandises contre des noirs africains ou à les acheter pour les employer ou les revendre en qualité d'esclaves"[6]. Mais ce terme conduit à ne se focaliser que sur les résultats du processus négrier.

Trois grandes traites négrières

La traite orientale

Article détaillé : Traite orientale.

La traite dite orientale se caractérisait par ses voies commerciales (traversée du Sahara, de la Méditerranée, de la mer Noire, de la mer Rouge) et ses principaux marchés aux esclaves (grandes villes d'Afrique du nord et de la péninsule arabique, puis de Turquie) en grande partie contrôlées par des arabes. La principale destination des esclaves a d'abord été l'Empire arabe puis l'Empire Ottoman, l'un succédant à l'autre. Ces formations politiques arabes dominèrent militairement, culturellement et économiquement cette région du monde. Au Moyen-Âge, une partie de ces esclaves terminaient leurs périples en Europe méridionale - dont une partie significative était d'ailleurs sous contrôle arabe[7] : la péninsule ibérique avec l'Al-Andalus jusqu'au XVe siècle, la Sicile jusqu'au XIe siècle, les Balkans à compter du milieu du XIVe siècle avec les Ottomans. D'autres régions étaient sous forte influence arabe", avec une présence militaire dans le Sud de la France et de l'Italie jusqu'à la fin du Xe siècle. Mais la traite d'esclaves noirs vers l'Europe méridionale continua après la Reconquista sous la domination chrétienne, surtout vers la Sicile et le règne de la couronne d'Aragon. Après le Moyen-Âge, quelques esclaves noirs arrivèrent jusqu'en Russie par l'intermédiaire de l'Empire Ottoman qui contrôlait la quasi-totalité du pourtour de la mer noire[8]. Cette traite orientale récupérait aussi les flux d'esclaves en provenance des steppes turques d'Asie centrale et de l'Europe orientale slave ainsi que différentes opérations de guerres de razzias dans le monde chrétien (sud de l'Europe, Empire byzantin), toujours en coopération avec des marchands italiens et marchands-brigands catalans (par ex. la Compagnie catalane).

La traite orientale fournissait une main d'œuvre servile employée essentiellement à des travaux domestiques et de services (employés de maison, tâches d'entretien des palais et des infrastructures, incorporation dans les armées, activités directement ou indirectement sexuelles - harem, concubines, prostitution, eunuques - ) ; ce qui pourrait expliquer qu'elle est à la fois celle qui aura durée le plus longtemps tout en demandant structurellement moins d'esclaves (à la différence des activités de production qui nécessite une grande quantité de main d'oeuvre dans les plantations et les mines). Il est généralement admis qu'elle a été la plus importante en termes de nombre de noirs mis en esclavage. Le chiffre de 17 millions de noirs réduits à l'esclavage est avancé par l'historien Olivier Pétré-Grenouilleau. Et cela sur une période allant du IXe siècle au XIXe siècle.

La traite orientale touchait principalement les femmes. Ces dernières servaient aux tâches domestiques et comme esclaves sexuelles. L'esclavagisme oriental ne se limitait pas uniquement aux noirs. D'autres groupes ethniques étaient aussi réduits en esclavage et vendus.

Les arabes ont ainsi réduit en esclavage des millions de blancs, de noirs et d'arabes aussi. Cependant, à partir du VIIIe siècle, les campagnes à l'encontre des populations noires sont de plus en plus fréquentes et intenses.[réf. nécessaire]

La traite atlantique

Article détaillé : Commerce triangulaire.

La traite atlantique, la plus connue et la plus intense, fut un commerce d'Africains au profit d'autres Africains, d'un côté, et d'Européens (Espagnols, Portugais, puis Anglais, Français, Néerlandais, Danois et ensuite Brésiliens et Cubains), de l'autre.

Elle débuta en 1441 par la déportation de captifs africains vers la Péninsule ibérique. Cette destination dura plusieurs décennies[9]. Ensuite les Portugais convoyaient les esclaves vers les Caraïbes et l'Amérique du Sud. Progressivement, les Hollandais, les Anglais puis les Français organisèrent leur propre traite.

En 1453, avec la chute de Constantinople, les négociants européens étaient évincés du commerce transméditerranéen. Des relations commerciales avec l'Afrique subsaharienne furent alors progressivement mises en place, initiées par le prince Henri le Navigateur. La première vente de captifs noirs razziés des côtes atlantiques avait eu lieu en 1444, dans la ville portugaise de Lagos [10].

Le Vénitien Alvise Ca Da Mosto organisa deux expéditions en partance pour les côtes de l'Afrique subsaharienne, en 1455 et en 1456[11].

D'une part, c'est en vue de contourner la mainmise arabe sur les routes du commerce lointain avec l'Orient que le prince Henri le Navigateur initie et finance l'exploration maritime des côtes atlantiques, à partir de 1422. D’autre part, il s'agit de nouer une alliance avec l'Ethiopie, royaume du légendaire prêtre Jean, voire de soumettre des nations à Jésus, afin de contenir l’expansion mondiale de l'islam au détriment de la chrétienté[12].

Les considérations religieuses étaient d'emblée prégnantes, aux côtés de considérations politiques et commerciales dans l'ouverture de routes maritimes atlantiques. En 1442, puis en 1452, les papes Eugène IV et Nicolas V entérinèrent les conquêtes du roi Alphonse V de Portugal.

Coupe d'un navire négrier tel que figurant dans la bande dessinée les Passagers du vent.

Le commerce triangulaire

Dans les premiers temps, les Européens commencèrent par des razzias. Les navires négriers partaient de l'Europe avec dans leurs cales des tissus, de l'alcool et des armes. Ces marchandises étaient troquées contre des captifs.

Une fois leurs cales pleines d'esclaves, les navires négriers quittaient les côtes africaines pour rejoindre l'Amérique du Sud, les Caraïbes ou l'Amérique du Nord. Lors de ces voyages, les conditions de détention des esclaves étaient extrêmement dures. Ils étaient attachés, par groupes, entassés dans les cales du navire, et seulement sortis de temps à autre pour prendre l'air. Ainsi, le taux de mortalité moyen était de 10 % à 20 %, avec des pics à 40 %.

Ils étaient vendus contre des lettres de change ou des matières premières comme du coton, du sucre ou du café. Ensuite les navires négriers repartaient vers l'Europe. C'est la croissance de l'économie sucrière des Caraïbes qui a développé ce commerce en faisant monter le prix des esclaves sur les côtes africaines et en abaissant le prix du sucre par une production à grande échelle.

Les premiers esclaves africains arrivent à Cuba en 1513, deux ans après l'arrivée des espagnols. Mais l'Espagne ne possédait pas de comptoirs de traite en Afrique, par respect pour le traité de Tordesillas, et concédait ou vendait à des particuliers des licences d'importation, l'Asiento. En 1763, il n'y avait pas plus de trente-deux mille esclaves à Cuba. La culture sucrière, sans être négligeable, était très loin du niveau des colonies françaises comme Saint-Domingue ou anglaises comme la Jamaïque. Après la longue guerre qui dure de 1791 à 1803 contre les esclaves noirs, beaucoup de propriétaires français de Saint-Domingue fuient à Cuba où sont introduits de 1792 à 1860 plus de sept cent vingt mille esclaves, plus qu'au cours des deux siècles précédents[13].

Ce commerce avait véritablement pris son essor en 1674 lorsque les français et les anglais ont créé des compagnies spécialisées, comme la Compagnie du Sénégal et la Royal African company pour approvisionner en esclaves et développer des plantations de sucre aux Antilles, jusque là quasiment inexistantes. La Martinique n'avait encore que 2 600 esclaves noirs en 1674, ils seront 90 000 un siècle plus tard. D'immenses fortunes se sont bâties et de nombreuses villes se sont développées : Bordeaux, La Rochelle, Le Havre et surtout Nantes[14] ainsi que des villes britanniques, hollandaises, portugaises, mais ces fortunes ne sont la plupart du temps pas réinvesties dans l'industrie locale. Malgré le dynamisme des Irlandais de Nantes, négriers dans la capitale du commerce triangulaire, l'arrière-pays chouan reste sous-développé.

La traite intra-africaine

La traite intracontinentale des Noirs africains remonte au moins au XIe siècle[15]. Dans de rares cas, cet esclavagisme continental a même conduit à la mise en place de sociétés dont la plus grande partie était esclave[15].

Pour Manning, la traite intra-africaine a été de plus en plus importante[16] : avant 1850, un tiers des captifs survivants restait sur place alors que les deux autres tiers étaient exportés ; entre 1850 et 1880, le nombre de captifs africains restant sur place devenait supérieur au nombre des captifs des traites occidentales et orientales ; après 1880, la quasi totalité des captifs restait sur place. Manning estime à 14 millions le nombre d'individus réduit en esclavage et restant sur place, soit plus de la moitié des captifs exportés par les traites occidentales et orientales.

Martin A. Klein considère que, bien avant 1850, le nombre de captifs restant en Afrique occidentale était plus élevé que le nombre de captifs exportés par les traites occidentales[17]. Pour lui, même pendant les années où les exportations d'esclaves des traites occidentales atteignaient une intensité maximale, les captifs restant sur place -principalement des femmes et des enfants- étaient plus nombreux.

La traite asiatique

Des inscriptions javanaises et des textes arabes montrent qu'aux IXe et Xe siècles, l'Indonésie entretenait des échanges commerciaux avec l'océan Indien et la côte est de l'Afrique. Les inscriptions mentionnent parlent d'esclaves jenggi, c'est-à-dire "zengi", employés à Java ou offerts à la cour de Chine. En arabe, Zeng ou Zenj désigne à l'époque les habitants de la côte est de l'Afrique[18].

L'abolitionnisme

Article détaillé : Abolition de l'esclavage.

Dès la fin du XVe siècle, la papauté tente de mettre un terme à la traite et condamne l'esclavage : c'est le cas de Pie II, de Paul III, de Pie V, d'Urbain VIII ou encore de Benoît XIV[19].

Puis les abolitionnistes de la traite des noirs furent les noirs eux-mêmes, à travers les protestations, révoltes et soulèvements. Certains groupes formèrent de véritables principautés, à l'image de l'île de Saint-Domingue-Haïti.

La révolution Française abolit l'esclavage en 1794. Mais le premier consul Bonaparte le rétablit en 1802. Il l’abolira de nouveau en 1815, décision non prise en compte par Louis XVIII.

Le Royaume-Uni abolit la traite des noirs en 1807. L’esclavage ne le sera qu’en 1833. Les États-Unis abolissent la traite en 1808[20]. Une ordonnance de Louis XVIII abolit la traite négrière en 1817. Désormais elle devient illégale, mais pas clandestine.

Au Congrès de Vienne (1815), Talleyrand obtient de pouvoir participer aux conférences initialement réservées aux quatre vainqueurs en promettant à Castlereagh de soutenir la position britannique sur l'interdiction de la Traite des noirs. L'interdiction de la traite (et non de l'esclavage) est adoptée dans le texte final.

Malgré l’abolition de la traite par plusieurs pays, celle-ci continua de perdurer dans les faits. Cette traite illégale perdura d’autant que la demande des propriétaires terriens était importante, le système économique des grandes exploitations étant basé sur l’esclavage.

La traite est illégale et non pas clandestine. En effet, jusqu'au milieu des années 1820, des négriers français sont armés dans les ports de Nantes ou de Bordeaux, à la vue de tous. Ils bafouent délibérement la loi. Entre 1815 et 1833, on recense 353 bateaux de traite dans le port de Nantes[14]. L'Angleterre mène une lutte sur les mers pour réprimer cette traite illégale, essentiellement pour des raisons d'équilibre économique. Mais les milieux d'affaires français doutent de sa sincérité. Ils l'accusaient de vouloir ruiner la France et de saborder la relance économique. Continuer de faire la traite apparaît comme un acte patriotique : pour la richesse de la France.

La traite négrière disparaît grâce à des accords entre la France et le Royaume-Uni : le droit de visite. Les marines royales croisent sur les côtes occidentales africaines. Leur mission est de visiter les lieux de la traite et même les navires marchands, afin de s'assurer que ceux-ci ne transportent pas d'esclaves. Cette croisière dite de répression s'avère très efficace. On dénombre après 1835 20 navires français à s'être livrés à la traite. Le Brésil abolit officiellement la traite en 1850[21], alors que le dernier navire négrier arrive à Cuba en 1867[22].

Si la traite atlantique a disparu, une traite persiste entre l'île de Zanzibar et le monde arabe. Alexandrie est de nouveau, dans la seconde moitié du XIXe siècle, l'un des principaux marchés à esclaves. On estime à 1,65 millions de personnes le nombre des victimes de la traite transsaharienne entre 1800 et 1880[22].

Une nouvelle forme de traite apparaît : le commerce des coolies ou coolie trade.

Si l'abolitionnisme chez les esclaves correspond à une révolte contre une condition inhumaine, l'abolitionnisme européen, lui, répond plus à des réalités économiques[23].

Le nombre de victimes des traites négrières

Olivier Pétré-Grenouilleau, dans Les Traites négrières, Essai d'histoire globale est l'historien qui met le plus l'accent sur la traite orientale, la plus difficile à chiffrer en raison de sources dispersées sur une période de temps plus ancienne. Il estime à 42 millions le total de victimes pour trois traites négrières :

  • la traite orientale, faite par les Arabes : 17 millions de personnes, mais d'autres historiens citent un chiffre deux fois inférieur.
  • la traite intra-africaine: 14 millions de personnes, dont une partie est ensuite revendue à des européens ou des arabes.
  • la traite atlantique, faite par les Européens et les Américains : 11 millions de personnes, dont l'essentiel à partir de la fin du 17ème siècle.

En 1997, Hugh Thomas donnait un total de 13 000 000 d'esclaves "ayant quitté l'Afrique" lors de la traite atlantique, dont 11 328 000 arrivés à destination au moyen de 54 200 traversées. Il affecte au Portugal (y compris le Brésil) 30 000 de ces traversées[24].

Toutefois, dans ses estimations le Danemark, par exemple, est censé avoir déporté 50 000 esclaves avec 250 traversées. Or, selon l'historien danois Per Hernaes[25], « on peut estimer aujourd'hui à environ 85 000 le nombre total d'esclaves transportés sur des navires danois entre 1660 et 1806. »

En 2001, David Eltis arrivait à un total de 11 062 000 déportés pour 9 599 000 esclaves débarqués aux Amériques, entre 1519 et 1867. Ce sont ses estimations que Petré-Grenouilleau a reprises dans son livre Les Traites négrières, Essai d'histoire globale. En décembre 2008, David Eltis lance la plus large base de données consacrée à la traite négrière atlantique : The Trans-Atlantic Slave Trade Database, elle fait état de 12 521 336 déportés entre 1501 et 1866 [26].

En 1998, Eric Saugera propose les estimations suivantes [27] :

  • les traites arabes : entre huit et douze millions d'individus (?)
  • traite atlantique : 9,5 millions importés
  • traite transsaharienne : 7,2 millions
  • traite orientale : 2,3 millions

Quant à Serge Daget, en 1990 voici ses estimations :

  • traite atlantique : 11 700 000
  • traite transsaharienne : 7 400 000
  • traite orientale : 4 280 000

En 1982, Joseph Inikori[28] estime à 15 400 000 le nombre de déportés par la traite atlantique, tandis que Paul Lovejoy proposait 11 698 000[29] déportés (pour 9 778 500 débarqués) ; chiffre qu'il portera à 11 863 000 en 1989[30].

En 1979, Ralph Austen présentait des estimations[31], notamment sur la traite orientale :

Traite saharienne

  • en pourcentage
    • 650-1450 : 54,4
    • 1451-1600 : 10,3
    • 1601-1700 : 9,5
    • 1700-1800 : 9,6
    • 1800-1900 : 16,2
  • en individus
    • Total départ : 9 387 000 y compris les captifs n’ayant pas atteint la zone méditerranéenne (372 mille), car restés en bordure désertique.
    • Total arrivée : 7 450 000
    • Pertes : 1 937 000

Traite orientale

  • en pourcentage
    • 800-1450 : 40,0
    • 1450-1890 : 60,0
  • en individus
    • Total départ : 5 000 000
    • Total arrivée : 4 900 000
    • Pertes : 100 000

Soit au total 14 387 000 d'individus au départ, et 12 350 000 à l'arrivée et pour l'ensemble des traites arabes.

Toutefois, en 1987[32], Austen porte à 8 millions le nombre de déportés de "la traite orientale" entre 650 à 1920 (au lieu des 5 millions reportés ci-dessus pour la période 800-1890) ; ce qui donnait globalement 17 387 000 déportés pour les traites arabes. C'est cette dernière estimation que Petré-Grenouilleau a reprise en 2004, mais qu'il n'avait pas retenue en 1997. Depuis, Ralph Austen estime à "environ 12 millions" le nombre de déportés par les "traites arabes".

En 1969, Philip Curtin proposait 9 566 100 déportés par la Traite atlantique[33]. Nombre d'estimations ultérieures se sont appuyées sur les travaux de Curtin, en affinant certains aspects (notamment la traite illégale) pour parvenir à des chiffres, ou bien supérieurs (Inikori), ou bien inférieurs (Lovejoy).

Des archives encore inexploitées

  • D'après Eric Goebel, des archives nationales du Danemark, « on estime que les archives des compagnies commerciales danoises possèdent approximativement quelque 4 500 pièces. Ces nombreux registres et liasses de documents occupent l'équivalent de 400 mètres linéaires sur des étagères »[34].
  • Selon Dra Rosa Cruz e Silva[35], les fonds documentaires du seul Angola sur la traite négrière comportent 3448 manuscrits occupant six kilomètres d'étagères. Et cela ne représente qu'une petite partie des archives angolaises, car « […] la plus grande partie de la documentation, la plus ancienne sur notre pays, la documentation sur les XVe, XVIe, XVIIe siècles […] est encore aujourd'hui au Portugal, la puissance coloniale. » Quand on songe à l'importance de la région d'Angola, démembrement de l'ancien royaume Kongo, comme lieu de départ d'une forte proportion des déportés par la traite atlantique, on voit à quel point les estimations actuelles sont parcellaires ; et susceptibles de corrections substantielles dans les années à venir.

Les conséquences

En Afrique

Avec la traite, les sociétés africaines ont connu de profonds bouleversements.

L'impact social

Lors d'un colloque sur "La tradition orale et la traite négrière" [36], il a été présenté que la traite négrière a été dévastatrice pour l'Afrique sur les plans social et économique.

Selon le professeur Gueye Mbaye :

« dans certains secteurs, les populations avaient renoncé à vivre dans de gros villages pour se contenter de petits hameaux éparpillés à l’intérieur de la forêt et auxquels on n’accédait que par des sentiers le long desquels on avait établi des ruches d’abeilles guerrières qui en interdisaient l’accès à toute cavalerie. C'est compte tenu de tout ceci que les vieillards interrogés sur les stagnations voire la régression de l’agriculture africaine sont unanimes à incriminer « la période des chevauchées permanentes ». »

Selon Eduardo Galeano, la situation globale de l'Afrique au temps de la traite négrière est à mettre en parallèle avec celle de l'Amérique et des Amérindiens[37]. Il existe selon lui une indéniable corrélation entre l'extermination de ces derniers et la déportation de millions d'Africains dans les mines et plantations américaines ; entre l'effondrement des cultures (matérielles et spirituelles) amérindiennes au contact des Européens et l'agonie des sociétés traditionnelles africaines au sortir de la conjoncture négrière atlantique.

L'impact économique

Dans sa contribution à l'ouvrage collectif The Oxford History of the British Empire, l' historien David Richardson estime [38] que les profits de la traité négrière n'ont représenté environ qu'1% des investissements réalisées dans les premières années de la Révolution industrielle britannique. De grands ports négriers comme Bristol, ou encore Nantes en France, n'ont pas connu de décollage industriel, leur arrière-pays restant rural, car les profits de la traite négrière ont dans leur quasi-totalité été investis dans des placements fonciers.

Un commerce d'hommes influents

La traite négrière, qui comporte d'importants risques militaires, nécessite une surface financière conséquente: on y trouve guère d'artisans ou petits marchands mais surtout des officiers supérieurs, la plupart du temps très proches de la royauté, ou des financiers confirmés. Un homme d'origine plus modeste, comme Henry Morgan, s'y fait une place grâce à son statut de leader des pirates de la caraïbe au début des années 1670.

Craints et respectés dans leur milieu, ces hommes disposent d'un pouvoir considérable, qui explique le développement très rapide de la traite entre 1665 et 1750 et l'acquisition de fortunes considérables, à une époque où l'argent est rare et circule peu, l'absence d'industrie limitant les possibilités de s'enrichir vite. Leur influence amène l'Angleterre puis la France à se rapprocher de l'Espagne pour l'approvisionner en esclaves, alors que le Traité de Tordesillas interdit encore à cette dernière l'accès aux côtes d'Afrique.

  • En 1647, la Barbade compte déjà 4000 esclaves, 8 fois plus qu'en 1642. La spéculation sur le sucre explose. Le colonel Hilliard, qui avait payé 400 sterling sa plantation en 1642 en revend en 1647 la moitié à Thomas Modyford, futur gouverneur, pour 7000 sterling.
  • En 1660, la révolution anglaise s'achève, Charles II Stuart retrouve son trône et fonde la compagnie des aventuriers d'Afrique, dirigée par Thomas Modyford jusqu'en 1669.
  • En 1665, Sir John Yeamans et le colonel Benjamin Berringer, planteurs de sucre de la Barbade, partent avec plusieurs centaines d'esclaves dans la Province de Caroline, dont ils deviennent gouverneurs, fonder l'expansion des grandes plantations de tabac.
  • En 1664, Thomas Modyford quitte la Barbade avec 700 de ses esclaves pour la Jamaïque, devient gouverneur et implante l'économie sucrière.
  • En 1671, Thomas Lynch planteur et négociant d'esclaves lui succède, après avoir vécu cinq ans en Espagne. Conformément au souhait de Charles II de faire de la Jamaïque la réserve d'esclaves de l'empire espagnol, il désarme les flibustiers pour assurer la stabilité politique.
  • En 1672, la nouvelle Compagnie royale d'Afrique reçoit le monopole de l'importation d'esclaves et construit des dizaines de forts en Afrique. Son créateur est le duc d'York Jacques Stuart, qui succède de 1685 à 1688 à son frère le roi Charles II.
  • En 1676, le chef pirate Henry Morgan, arrêté en 1672 par la Royal Navy, devient gouverneur de la Jamaïque et l'un des plus riches planteurs. Il désarme les pirates. Dans les années 1680, 8000 esclaves arrivent chaque année dans l'île.
  • En 1677, l'amiral Jean-Baptiste Du Casse, directeur de la Compagnie du Sénégal, obtint le privilège royal de vendre aux Antilles chaque année pendant 8 ans 2000 esclaves puis devient en 1791 gouverneur de Saint-Domingue, où il acquiert une grande plantation.
  • Dès 1678, son plus grand client fut le capitaine Charles François d'Angennes, marquis de Maintenon. Après avoir dirigé la flotte corsaire contre les hollandais, il devient le plus riche planteur de la Martinique, qui ne comptait encore que 2600 esclaves en 1674.
  • En 1701, Antoine Crozat prend la direction de la Compagnie de Guinée, que Louis XIV autorise désormais à amener "3000 nègres pour chaque an aux îles". Acquéreur de la Louisiane en 1712, il y importe des esclaves et se heurte aux amérindiens.
  • En 1735, Antoine Walsh, leader de la communauté jacobite des irlandais de Nantes et fils de Phillip Walsh, qui a ramené en France Jacques II, est le premier négociant de Nantes. Il finance les rebellions du jacobitisme et fait échec aux projets de taxation du sucre.
  • De 1748 à 1751, grâce aux capitaux parisiens levés par société Grou et Michel et la société d'Angola, les familles Grou, Michel et Walsh, à la fois alliées et rivales, contrôlent 48% de la traite nantaise. Guillaume Grou avait épousé Anne O'Shiell, soeur d'Antoine Walsh. Sans descendance, leur fortune (4,5 millions de livres) est confisquée en 1793.
  • En 1771 et 1775, Thomas Sutton de Clonard, actionnaire et officier de la Compagnie des Indes orientales, associé du banquier Isaac Panchaud, achète une immense plantation sucrière à Saint-Domingue pour 7,8 millions de livres [39].

Voir aussi

Références

  1. Laurent Carroué, Didié Collet et Claude Ruiz, Les Amériques, Editions Bréal (ISBN 2749505305), p. 32 
  2. Olivier Pétré-Grenouilleau, Les traites négrières, Essai d'histoire globale, éd. Gallimard, 2004, p.20-21
  3. Définition donnée par l'art. 7, al.2, c), du statut de Rome de la Cour Pénale Internationale[1]
  4. Olivier Pétré-Grenouilleau, Les traites négrières, Essai d'histoire globale, éd. Gallimard, 2004, p.18-20
  5. Dictionnaire de l'Académie française, 8ème édition, 1932-1935.
  6. Le trésor de la langue française informatisé.
  7. Significativement, avant de voir se mettre le Commerce triangulaire en place, la traite atlantique débuta par une période qui vit se poursuivre la déportation de captifs africains vers la péninsule ibérique (cette fois sous contrôle européen chrétien) et ce, pendant plusieurs décennies ; v. Gomes Eanes de Zurara, Chronique de Guinée, éd. IFAN, Dakar, 1960
  8. in La Chaîne et le lien, Doudou Diène, (éd.), Paris, Editions Unesco, 1998 [2]
  9. Gomes Eanes De Zurara, Chronique de Guinée, éd. IFAN, Dakar, 1960
  10. Gomes Eanes de Zurara, « Chronique de Guinée », éd. IFAN-Dakar, 1960, chap XXIV & XXV
  11. « Voyages en Afrique Noire d’Alvise Ca Da Mosto », éd. Chadeigne/UNESCO, Paris, 2003.
  12. De Zurara, 1960, chap. VII, « Dans lequel sont exposées cinq raisons qui poussèrent le seigneur Infant à faire découvrir les terres de Guinée ».
  13. http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/cuba_dans_l_empire_espagnol.asp
  14. a  et b Jean Sévilla, Historiquement correct. Pour en finir avec le passé unique, Perrin, Paris, 2003 (ISBN 2262017727) , p.251
  15. a  et b Melchior Mbonimpa, Idéologies de l'indépendance africaine, L'Harmattan, 1989, 247 p. (ISBN 2738404308), p. 33 
  16. Olivier Pétré-Grenouilleau, Les traites négrières, Essai d'histoire globale, éd. Gallimard, 2004, pp. 185-186
  17. Olivier Pétré-Grenouilleau, Les traites négrières, Essai d'histoire globale, éd. Gallimard, 2004, p. 186
  18. Lombard, Denys, Le carrefour javanais. Essai d'histoire globale, EHESS, 1990
  19. Jean Sévilla, Historiquement correct. Pour en finir avec le passé unique, Perrin, Paris, 2003 (ISBN 2262017727) , p.252
  20. Christian Delacampagne, Histoire de l'esclavage. De l'Antiquité à nos jours, Le livre de poche, Paris, 2002 (ISBN 2253905933) , p.208
  21. Christian Delacampagne, Histoire de l'esclavage. De l'Antiquité à nos jours, Le livre de poche, Paris, 2002 (ISBN 2253905933) , p.214
  22. a  et b Christian Delacampagne, Histoire de l'esclavage. De l'Antiquité à nos jours, Le livre de poche, Paris, 2002 (ISBN 2253905933) , p.215
  23. Cf. Eric Williams, "Capitalisme et esclavage"
  24. Cf. Hugh Thomas, "La traite des Noirs, 1440-1870", éd. R. Laffont pour la traduction française, Paris 2006, pp.870-871 : "Statistiques approximatives". Voir aussi la note consacrée à ces statistiques, pp.933-935, où l'auteur retrace la succession d'estimations depuis les années 1950.
  25. Cf. "Traditions orales et archives de la traite négrière", sous la direction de Djibril Tamsir Niane, éd. UNESCO, 2001. Précisément, l'article intitulé "Les forts danois de la Côte de l'Or et leurs habitants à l'époque de la traite des esclaves", p.114
  26. Trans-Atlantic Slave Trade Database, Université Emory. Consulté le 6 décembre 2008
  27. http://www.droitshumains.org/esclav/30quest/noirs04.html http://www.droitshumains.org/esclav/30quest/noirs30.html
  28. Cf. "Forced Migration, Londres, 1982
  29. "The volume of the atlantic slave trade : a synthesis"
  30. "The impact of the slave trade in Africa"
  31. Cf. Ralph Austen, "The Trans-Saharan Slave Trade: A Tentative Census" in H.A. GEMERY & J.S. HOGENDORN eds, The Uncommon Market. Essays in the Economic History of the Atlantic Slave Trade, New York, Academic Press, en 1979, pages 66 et 68
  32. African Economic History. Internal Development and External Dependency, London, James Currey, 1987, p. 275
  33. "The atlantic slave trade, a census", Madison, 1969
  34. "Les archives des compagnies danoises d'outre-mer : une source pour la Route de l'esclave", in Traditions orales et archives de la traite négrière, sous la direction de Djibril Tamsir Niane, éd. UNESCO, 2001
  35. "Les archives de la traite en Angola", in "Tradition orale et archives de la traite négrière", éd. UNESCO, Paris, 2001
  36. (fr) Tradition orale et archives de la traite négrière
  37. Cf. Eduardo Galeano, "Les veines ouvertes de l'Amérique Latine, une contre-histoire", éd. Plon, 1981
  38. P. J. Marshall, The Oxford History of the British Empire, vol. II : The Eighteenth Century, Paperback, 662 p. (ISBN 9780199246779) 
  39. Claude Wanquet, Benoît Jullien, Révolution française et océan Indien, Prémices, Paroxysmes, héritages et déviances, L'Harmattan, 1996, 526 p. (ISBN 978-2738441102) 

Bibliographie

Livres
  • Olivier Pétré-Grenouilleau, les Traites négrières, Essai d'histoire globale, éditions Gallimard, 2004
  • Olivier Pétré-Grenouilleau, La traite des Noirs, Que sais-je? PUF, Paris, 1997
  • Olivier Pétré-Grenouilleau, Nantes au temps de la traite des Noirs, Hachette Littérature, Paris, 1998
  • Djibril Tamsir Niane (dir), La Tradition orale, source de connaissance des relations entre Europe-Afrique à partir de la Côte, UNESCO
  • Théophile Conneau, Capitaine Canot. Vingt années de la vie d'un négrier, Mercure de France, coll « Les Libertés françaises », 1938
    traduction de : Captain Canot, or, Twenty years of an African slaver being an account of his career and adventures on the coast, in the interior, on shipboard, and in the West Indies, New York, D. Appleton, 1854
  • Jean-Pierre Plasse, Journal de bord d'un négrier, adapté du français du XVIIIepar Bernard Plasse, préface de Olivier Pétré-Grenouilleau, Marseille, Éditions le Mot et le reste, 2005 (ISBN 2-915378-12-6)
  • Tidiane N'Diaye, Mémoire d'errance, Éditions A3, 1998.
  • Tidiane N'Diaye, L'Éclipse des Dieux, Éditions Du Rocher/Le Serpent A Plumes, 2006.
  • Tidiane N'Diaye, Le Génocide voilé : enquête historique, Gallimard, 2008 (ISBN 978-2-07-011958-5)
    la traite des Noirs d'Afrique par le monde arabo-musulman
  • Hugh Thomas, La Traite des Noirs, éd. Robert Laffont, 2006
  • Eric Williams, Capitalisme et esclavage, éd. Présence Africaine, 1968
  • Walter Rodney, Et l'Europe sous-développa l'Afrique..., Éditions caribéennes, 1972
  • Eduardo Galeano, Les Veines ouvertes de l'Amérique, éd. Plon, 1981
  • Gomes Eanes de Zurara, Chronique de Guinée, éd. IFAN-DAKAR, 1960
  • Nelly Schmidt, L'Abolition de l'esclavage, éd. Fayard, 2005
  • Serge Daget, La Répression de la traite des Noirs au XIX° siècle, Karthala, 1997
  • Serge Daget, Répertoire des expéditions négrières françaises à la traite illégale (1814-1850), CRHMA, Nantes, 1988
  • Serge Daget, La Traite des Noirs, Éditions Ouest-France/-Université, 1990
  • François Renault et Serge Daget, Les Traites négrières en Afrique, Karthala, 1986
  • La Traite négrière du XVe au XIXe siècle : documents de travail et compte-rendu de la réunion d'experts organisée par l'Unesco à Port-au-prince, Haïti, 31 janvier - 4 février 1978, Unesco, 1979
  • La Traite des Noirs par l'Atlantique, œuvre collective, Société française d'histoire d'outre-mer, Paris, 1986
  • The Making of New World Slavery, Robin Blackburn, 1997
Articles
  • Joseph Inikori, L'Afrique dans l'histoire du monde : la traite des esclaves et l'émergence d'un ordre économique dans l'Atlantique, HGA, tome V, Chap. 4, éd. Présence Africaine/UNESCO, 1998
  • Joseph Inikori, 'The volume of the British slave trade, 1655-1807, Cahiers d'Études Africaines N°128, 1992
Films
  • Christian Richard, Le courage des autres, fiction 90 minutes. Grand prix aux festivals de Mannheim et Amiens en 1983.
  • Portail de l’esclavage Portail de l’esclavage
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