- Antoine Crozat
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Antoine Crozat
Marquis du ChatelPortrait d'Antoine Crozat (1655-1738), portant le collier de l'Ordre du Saint-Esprit
Huile sur toile de Alexis Simon Belle, Musée national du château de VersaillesNaissance vers 1655
à ToulouseDécès 7 juin 1738 (à 83 ans)
à ParisNationalité Royaume de France Pays de résidence Royaume de France Profession Financier Conjoint Marguerite le Gendre d'Armeny Enfant • Joseph-Antoine Crozat
• Louis Antoine Crozat
• Marie-AnneFamille Famille Crozat Antoine Crozat, marquis du Chatel, né vers 1655 à Toulouse et mort le 7 juin 1738 à Paris, est un financier français des XVIIe et XVIIIe siècles. Il est l'acteur français le plus important de la traite négrière, le premier propriétaire de la Louisiane et la première fortune de France à la fin du règne de Louis XIV. Il fut le « plus riche homme de Paris », selon Saint-Simon.
Une ascension à l'ombre de Pennautier et de la ferme du tabac
Antoine Crozat est le fils de Marc-Antoine Crozat, seigneur de la Bastide, marchand-banquier originaire de Castres et capitoul de Toulouse, ex-protestant, repenti, devenu membre du consistoire en 1685, ami de Paul Pellisson et conseiller de Fouquet dans les années 1650[1].
Antoine devient secrétaire, à l'âge de 17 ans, de Pierre Louis Reich de Pennautier, l'un des acteurs de l'affaire des poisons, puis caissier. Comme Pennautier, il deviendra à son tour trésorier des États de Languedoc.
Les deux hommes ont eu chacun leur hôtel particulier (ou leur parcelle) sur la Place Vendôme, qui peuvent toujours être admirés:
- Au numéro 17, l'Hôtel Crozat, l'un des plus anciens de la place, construit avant 1703, par Pierre Bullet pour Antoine Crozat, acquéreur du terrain dès 1700 et qui y vécut avec son épouse jusqu'en 1738,
- Au numéro 19, l'Hôtel d'Évreux, sur une parcelle vendue en 1700 à Pennautier, qui le 5 août 1706 céda le terrain et sa charge à Antoine Crozat, qui porta l'année suivante la parcelle à 3 800 mètres carrés et fit construire l'hôtel par Pierre Bullet pour y loger sa fille, alors âgée de douze ans, et son gendre, Louis Henri de La Tour d'Auvergne, comte d'Évreux.
Il fit partie dès 1675, à vingt ans, du consortium de financiers qui rachète la ferme du tabac[2] à la Marquise de Maintenon[2].
Cette toute nouvelle ferme du tabac a le monopole sur les 2,5 millions de livres de tabac vendus chaque année par Saint-Domingue. Elle abaisse le prix d'achat aux planteurs et relève le prix de vente, pour augmenter la rentabilité. Revers de la médaille, la production baisse et les acheteurs préfèrent le tabac concurrent, du Maryland, de Virginie et de la nouvelle colonie de Caroline fondée par des planteurs jacobites venus de la Barbade. Ces trois nouvelles régions de production, encore naissantes, en profitent pour supplanter complètement le tabac des îles françaises.
Il achète, en 1682, l'office de receveur des tailles du diocèse de Saint-Papoul, qu'il fil exercer par son frère, et devint en 1689 receveur général de la généralité de Bordeaux.
En 1701, il dirige la compagnie de Guinée
La création en 1680 d'une ferme générale étend son influence. Antoine Crozat estime que le commerce du sucre, plus rentable que le tabac, doit dominer à Saint-Domingue. Dès 1701 il dirige la Compagnie de Guinée, créé en 1685 par Louis XIV, l'une des plus importantes sociétés de la traite négrière entre Nantes et Saint-Domingue, où il est associé avec la société Grou et Michel. En 1701, Louis XIV lui avait confié la mission d'intensifier l'activité de cette compagnie. Il la réussit, se débarrassant définitivement des planteurs de tabac qui entravaient l'essor du sucre. En 1706, il acheta sa charge de receveur général du clergé de France et construit deux hôtels aux n°s 17 et 19 place Vendôme.
Le premier actionnaire de la Louisiane
Louis XIV lui accorde ensuite en 1712 le privilège du commerce de la Louisiane française, où vivaient des « gens de couleur » ayant fui Saint-Domingue, des boucaniers et des trappeurs. Premier propriétaire privé et directeur de la colonie de 1712 à 1717, il y est actionnaire à hauteur de 0,6 à 0,7 million de livres[3] et cherche des métaux précieux. Crozat obtint le privilège d'y faire venir chaque année un bateau de Noirs, et le monopole de la traite pour les Espagnols. Mais l'introduction d'esclaves déclenche l'inquiétude des Amérindiens avec lesquels commercent les trappeurs au Nord du Mississippi et une multiplication de conflits très violents, préludes au massacre du 28 novembre 1729, dit "massacre de Natchez", puis à la guerre de Sept Ans, qui commence en 1756.
Par ailleurs, les trappeurs canadiens l'accusent de relever le prix des fourrures, dont il a le monopole de la vente, et de leur acheter à un prix trop bas[4] et de gâcher ainsi le formidable atout commercial qu'est le Mississippi.
Épuisé par ses avances, dépassant 1 250 000 livres, trompé dans son espoir d’ouvrir des communications avec le Mexique, il accepte l'idée que la Louisiane n'est pas une entreprise rentable, d'autant que ses affaires sont plus florissantes à Saint-Domingue.
Une dette fiscale de 6,6 millions de livres à la mort de Louis XIV
La mort en 1715 de Louis XIV le prive d'un soutien majeur. La taxe à laquelle il est assujetti en 1716 s'élève à 6 600 000 livres, selon le Journal de l'avocat Barbier (février 1723)[5]. C'est pour acquitter une dette vis-à-vis de l'État qu'il doit effectuer des cessions[6]. Crozat restitue en 1717 à la Couronne de France les privilèges accordés en 1712[7].
La Louisiane est récupérée par le banquier écossais John Law, qui obtient le 23 août 1717 la rétrocession des privilèges de la Compagnie de Louisiane et de la ferme du tabac pour créer le système de Law, destiné à convertir l'énorme dette du royaume en actions de la Compagnie d'Occident qui devient bientôt la Compagnie du Mississippi, au capital de 100 millions de livres, réparti en 200 000 actions payables en emprunts d'État. Law rachète aussi de force la ferme des impôts indirects aux frères Pâris[6]. Le Système de Law et ses spéculations se déroulent rue Quincampoix à Paris.
Dans la ligne de la décision de Crozat de se concentrer sur Saint-Domingue, les Français cèderont en 1764, après la guerre de Sept Ans, le Canada et l'immense Louisiane, afin de conserver la partie ouest de Saint-Domingue et sa très rentable industrie du sucre.
La rive ouest du Mississippi revient aux Espagnols, l'autre est cédée aux anglais, ouvrant la voie à la spéculation immobilière et la conquête de l'Ouest vingt ans plus tard. Les généraux américains de la guerre d'indépendance violeront en effet l'engagement anglais de ne pas coloniser l'Ouest des Appalaches, donné en gage à leurs alliés indiens lors de la guerre de Sept Ans. De 1715 à 1724, il exerça aussi les fonctions de trésorier de l'Ordre du Saint-Esprit.
En 1726 après la fusion des fermes existantes, Antoine Crozat est devenu un des quarante fermiers généraux de la ferme générale.
Les difficultés du Canal de Picardie
Crozat est placé en 1724 à la tête de la compagnie créée par Gagnard de Marcy, en vue d'ouvrir le canal de Picardie, qui devait réunir Saint-Quentin sur la Somme à Chauny sur l’Oise. Il obtint en juin 1732 la concession perpétuelle, mais les travaux prirent du retard. Seule fut achevée la partie comprise entre Saint-Quentin et Pont, mise en service en 1738, l'année de la mort d'Antoine Crozat. Elle ne rapporta même pas de quoi payer l'entretien du canal.
Parmi ses héritiers, la duchesse de Choiseul était l'épouse d'un ministre de Louis XV. En 1767, le canal de Picardie est rattaché aux biens de la couronne, ses héritiers recevant une indemnité égale aux sommes avancées, 3 millions de livres. Une rue Crozat reconnaît son œuvre à Saint-Quentin[8].
C'est pour sa fille que l'abbé A. Le François rédigea la géographie élémentaire connue sous le nom de Géographie de Crosat. Avec son frère Pierre Crozat, il finance les œuvres d'Antoine Watteau et d'artistes rococo, en accumulant une importante collection privée.
Mariage et descendance
Antoine Crozat épouse Marguerite le Gendre d'Armeny en 1690. De cette union naissent :
- Joseph-Antoine Crozat († 1750), qui épousa Catherine Amelot de Gournay, sans enfant ;
- Louis-François Crozat (1691-1750), marquis du Châtel, fut secrétaire du Roi en 1741. En 1722, il avait épousé Marie-Thérèse de Gouffier, décédée en 1746, fille de Charles-Antoine de Gouffier, marquis d'Heilly. Une de leurs filles, Antoinette-Eustachie Crozat du Châtel (1728-1747) épousa en 1744 Charles-Antoine-Armand, marquis, puis duc de Gontaut. Elle eût avant son décès prématuré le temps de donner naissance à un fils Armand Louis de Gontaut-Biron, duc de Lauzun[9].
- Louis Antoine Crozat, baron de Thiers, qui épousa Louise Augustine de Montmorency-Laval ;
- Marie-Anne qui épousa Louis Henri de La Tour d'Auvergne, comte d'Évreux et fils de Marie Anne Mancini
Notes et références
- Un professionnel des lettres au XVIIe siècle: Valentin Conrart sur Google Livres, p. 323 Nicolas Schapira,
- (en) Robin Blackburn, The making of New World slavery: from the Baroque to the modern, 1492-1800 sur Google Livres p.284
- Constructing Early Modern empires: proprietary ventures in the Atlantic ... par Louis H. Roper,Bertrand Van Ruymbeke. sur Google. Consulté le 15 avril 2010
- Canada-Québec: synthèse historique, 1534-2000 par Jacques Lacoursière,Jean Provencher,Denis Vaugeois sur Google. Consulté le 15 avril 2010
- Livre Commode Des Adresses De Paris Tome l" sur Archive. Consulté le 15 avril 2010.
- L'obligation de meilleure exécution. Consulté le 15 avril 2010 [PDF]
- L’Émigration française vers la Louisiane De 1698 à 1754 sur daniel_burgot.club.fr. Consulté le 15 avril 2010
- Le canal Crozat ancêtre du canal de Saint-Quentin. Consulté le 15 avril 2010
- http://www.pastellists.com/Genealogies/Crozat.pdf
Sources et bibliographie
- Gilles-Antoine Langlois, Jean-Pierre Frey, Des villes pour la Louisiane française sur Google Livres
- (en) Louis H. Roper,Bertrand Van Ruymbeke, Constructing Early Modern empires: proprietary ventures in the Atlantic sur Google Livres
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Voir aussi
Liens externes
- Guillaume Vitrich, magistère de juriste d’affaires, sur la Louisiane, mai 2006 .
- Le canal Crozat ancêtre du canal de Saint-Quentin
Liens internes
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