Jean-Camille Fulbert-Dumonteil

Jean-Camille Fulbert-Dumonteil

Jean-Camille Fulbert-Dumonteil (11 avril 1831 aux Mondeaux, Cendrieux Dordogne - 2 mai 1912 (à 81 ans)) est un écrivain et chroniqueur gastronomique de la Belle Époque originaire du Périgord. Ce maître de lart gastronomique signait ses écrits littéraires, dabord « Fulbert Dumonteil » puis « Fulbert-Dumonteil ».

Biographie

Il était le dernier descendant dune longue lignée de tabellions et de notaires royaux attestés dès 1704. Son père, Jean Augustin Dumonteilh fils, fut notaire à Cendrieux Dordogne du 24 janvier 1816 à 1842. Sa mère, Mathilde Petit, était également issue dune vieille famille vernoise.

Fulbert-Dumonteil, comme cétait alors lhabitude, fut placé chez une nourrice. Il découvrit ainsi la vie rustique des fermes périgordines, les balades solitaires dans les champs, le parfum des bois dalentour, la succession des rudes hivers, des nouveaux printemps, des étés chauds et des automnes humides. Le soir, à la veillée, bercé par les récits des luttes épiques de jadis, tandis que retentissait tout proche, le hurlement des loups ou le ricanement de la chouette, il sentait déjà séveiller en lui une imagination débordante.

Il suivit dhonorables études, dabord à lécole primaire de Vergt, puis au collège de cette commune. Sil prenait grand plaisir à sétendre sur un tapis de mousse pour écouter les oiseaux ou à parcourir la campagne à la recherche des animaux des bois, il fut aussi un très bon élève. Le 23 août 1843, le maître de pension du collège, Philibert Durieu (en fait de la famille du Rieu de Marsaguet), lui décerna dailleurs les premiers prix de version et de thème latins. Il fréquenta ensuite le Collège royal de Périgueux (aujourdhui Cité scolaire Bertran-de-Born, 11, rue Charles Mangold) il compléta ses études sur le plan littéraire. Cet établissement lui semblait tout proche de sa demeure paternelle quand il entendait les grelots de la diligence qui, sans aucune vitesse excessive et dangereuse pour les passants, allait le ramener du côté de Vergt.

A la fin de ladolescence, il quitta le Périgord pour commencer son droit à Paris, il demeurait 36, rue Bonaparte. Sur la recommandation de labbé Masson (1802-1881), curé de Vergt, qui lhonorait de son amitié, le périgourdin Pierre Magne (1809-1879), alors ministre des Travaux Publics, le fit entrer à la Compagnie des Chemins de fer et le fit nommer, en Alsace, « commissaire de surveillance administrative des Chemins de fer, en résidence à Bitche, arrondissement de Sarreguemines ».

Toujours sur la recommandation du ministre Magne, Fulbert-Dumonteil rejoignit alors les services de lHôtel de ville de Paris, à la préfecture de la Seine, il fut le compagnon de bureau des polémistes Henri Rochefort (1831-1913) et Édouard Drumont (1844-1917) avant dêtre attaché au cabinet personnel du baron Georges Eugène Haussmann (1809-1891). Il noua à cette époque des contacts précieux pour la nouvelle carrière qui allait souvrir à lui.

Dun caractère fantasque, Fulbert-Dumonteil quitta assez vite ladministration pour se consacrer entièrement au journalisme et participer activement à la vie littéraire quelque peu bohème de cette seconde moitié du XIXe siècle, devenant même membre de lAssociation des Journalistes Parisiens. Il débuta au Figaro dHippolyte Auguste Cartier de Villemessant (1812-1879), en 1862, par une petite nouvelle Deux yeux sans pareils. Il collabora ensuite à dautres quotidiens parmi lesquels Le Mousquetaire dAlexandre Dumas (1802-1870), Le Gaulois, Le Charivari et le Petit Marseillais,mais aussi à des publications du Sud-Ouest dont La France de Bordeaux et du Sud-Ouest à laquelle il donna jusquà la fin de ses jours une chronique scientifique bien quil neut aucune formation dans ce domaine. Il participa également à la rédaction de revues variées, comme Le monde illustré, Nain Jaune, le Musée des familles, Le Journal des Demoiselles ou Le Chasseur français.

Conteur délicat et fin, au style alerte et pittoresque, on lui doit en outre une trentaine de livres dont Portraits zoologiques (1874), Bêtes curieuses, Histoire naturelle en action (1883), Une visite aux Cynghalais (1886), Le Monde des Fauves (1890), Les Fleurs à Paris (1890), Cage et Volières (1893) ou Le Monde des Insectes. Il aborda même des sujets à caractère ethnographiques dont Les Lapons (1889), Les Somalis (1890), Guerrières et guerriers du Dahomey (1891) ou Les Paï-Pi-Bri (1893). Il fut, de ce point de vue, un des fondateurs de la vulgarisation scientifique. Le conteur, moraliste et patriote quil était rédigea aussi de charmantes histoires comme Le Voyage au pays du bien (1878, on y reconnaît entre autres le portrait dun régent de Vergt, M. Malafaye, chez qui il avait commencé ses humanités), Les carillons de Noël (1880), Les Sept femmes du colonel dArlot (1884) ou Les Contes jaunes (1886). Dans ces historiettes mystérieuses que de légendes superbes, que de biographies extravagantes, que dincursions terrifiantes dans la vie dautrefois, que de croquis de personnages disparus, comme Baroger, marchand ambulant, qui vendait aux jeunes filles de Vergt quelques recettes pour approvisionner leurs amoureux.

Eclectique et prolifique, il publia également, en 1869, les portraits des Députés de la Seine. Il fut particulièrement élogieux pour Jules Simon (1814-1896) et Léon Gambetta (1838-1882). Ce qui nempêchera pas de les cribler de flèches, en 1872, dans un pamphlet politique acerbe Les Septembrisés dans lequel les républicains dits du Quatre Septembre étaient pris à partie. Il est vrai que Fulbert-Dumonteil devait beaucoup au Second Empire.

Toutefois, son domaine le plus apprécié, et celui qui a fait sa véritable renommée, fut celui de gourmet. Il livra son savoir à des revues, dont La cuisine des familles, remplie de savoureuses recettes, collabora durant près dun quart de siècle à lArt culinaire et participa à la rédaction de LAlmanach des gourmands. Mais il put surtout faire étalage de son talent décrivain gastronomique dans deux ouvrages fondamentaux : La cuisine française, lart de bien manger, fins et joyeux croquis gastronomiques écrits par les gourmets (1901) et surtout La France gourmande (1906) qui est un chef-dœuvre de gastronomie impressionniste et qui lui valut de la part des cuisiniers reconnaissants le titre envié de maître à goûter.

Fulbert-Dumonteil parlait, avec cette voix un peu lente, alors habituelle chez les Périgourdins des campagnes, qui aimaient à retenir lattention de leurs auditeurs moins pour faire admirer leur éloquence que pour obtenir lhommage à la richesse de leur passé. Il y avait aussi dans cet excellent conteur un peu de ce lyrisme imprégné dhumour, qui était une critique légère, ironique, mais réservée, atténuée et aussi indulgente de lépoque romantique.

Avec sa petite moustache triomphante qui relevait sa figure, son œil clair, sa douceur teintée dune paillette de vague raillerie, Fulbert-Dumonteil se retira, en 1877, à Neuilly-sur-Seine après la mort de son épouse, Amable Constance Marie Bohers, qui lavait laissé seul avec deux enfants, qui devaient disparaître tous deux à vingt-cinq ans, et une fille (mariée à M. Girard). Il vécut dès lors dans le voisinage du jardin dacclimatation dont il se fit lhistoriographe et devint lami de son directeur Albert Geoffroy Saint-Hilaire. A partir de 1892, il ne mit plus les pieds à Paris, demeurant fidèle à ses sabots, à sa vieille pipe de merisier, à ses cannes il sétait amusé à sculpter toute une faune fantastique, à son béret, bref à sa tenue rustique qui avait aussi son élégance.

Il séteignit le 2 mai 1912 dans la maison de retraite Galignani frères, 89, boulevard Bineau à Neuilly-sur-Seine (aujourdhui Hauts-de-Seine), à lâge de quatre-vingt-un ans. Cet établissement avait été construit entre 1885 et 1888 par les architectes de l'Assistance publique Paul Véra et Albert François Germain Delage (1816-1896) grâce à un legs fait à cette institution par les frères Antoine et William Galignani, éditeurs et journalistes. Le legs imposait les architectes, le nom des donateurs et laccueil gratuit jusquà la fin de leur vie de cinquante libraires, auteurs ou éditeurs français.

Peu après la mort de Fulbert-Dumonteil, un comité se réunit pour ériger au musée du Périgord (aujourdhui Musée dArt etArchéologie du Périgord) de Périgueux, le buste de lintéressé. Linauguration de lœuvre dEdouard Lormier (1847-1919), fondue par les frères Montagutelli, eut lieu le 5 décembre 1912 en présence de Géraud Lavergne (1884-1965), représentant le préfet, Alexandre Dorin représentant le maire, Ferdinand Villepelet (1839-1923) de la Société Historique et Archéologique du Périgord et Albert Dujarric-Descombes (1848-1926) du Bournat, association félibréenne du Périgord. Joseph Durieux (1873-1950), André de Lachapelle, rédacteur au Journal des Débats, Lucien-Victor Meunier, rédacteur en chef de La France du Sud-Ouest, et Robert Benoît (1862-1942) prirent, entre autres, la parole, de même que MM. Chassaing, Malafaye et Paulin de Brou de Laurière au nom de la population vernoise.

Dans le même temps, la ville de Périgueux et la commune de Vergt attribuèrent son nom à lune de leurs rues.

Enfin, lors de la Félibrée qui se tint à Vergt, sa ville natale, le 7 juillet 1963, le Bournat fit apposer dans le hall de la mairie une plaque à sa mémoire :

A LA MEMOIRE DE

FULBERT DUMONTEIL
18311912
LO BORNAT DOU PERIGORD

7 JULLIET 1963

Bien que journaliste de talent, chroniqueur prolifique, romancier fécond, duelliste invétéré et éternel amoureux, Fulbert-Dumonteil fut lun des premiers à mettre au service dun talent littéraire incontestable une connaissance approfondie de la gastronomie. Ne cite-t-on pas encore en exemple sa louange poétique de la grive : « Je chante la grive à laile grise qui se grise dans les vignes du grain lisse des raisins… » ou cette page dithyrambique sélevant jusquaux accents dun lyrisme dévot : « A lombre des vieux chênes repose, mystérieuse et cachée, la truffe divine qui embaume le monde... Dieu la fit pour le ciel, et se trompant de route, la truffe roula sur la terre... ». Il était, en effet, le seul, disait-on, qui pouvait « poétiser la morue » ! Ses ouvrages dans ce domaine, loin de se résumer à une simple litanie de recettes mille fois ressassées, nous offrent un saisissant panorama de considérations historiques sur lart de la table, de multiples anecdotes aimables et pittoresques aussi bien sur des personnages célèbres que sur dhumbles paysans, sans oublier un florilège varié de mets gourmands et inattendus.

Artiste des fourneaux et chevalier de la plume, il a brossé ses recettes comme des tableaux dArcimboldo et dépeint ses contemporains comme les caricatures de Sem, son compatriote. En outre, selon Lucien Victor Meunier, rédacteur en chef de La France de Bordeaux et du Sud-Ouest, « En lui lestomac, de quelque prédilection quil fut entouré, nétouffait point le cœur ». En effet, sur la porte de sa salle à manger, Fulbert-Dumonteil avait écrit : « Pensez aux autres ». Cétait donc aussi un homme de cœur.

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