Histoire de l'érythrée

Histoire de l'érythrée

Histoire de l'Érythrée

Le nom d’Érythrée remonte à l'époque de la Grèce antique (Erythraía, Ερυθραία, puis en latin Erythræa). Par le passé, l'Érythrée a donné son nom à la Mer Rouge, alors appelée mer d'Érythrée.

L'Érythrée a obtenu son indépendance de l'Éthiopie le 24 mai 1993.

Sommaire

Histoire ancienne

L'histoire connue de l'Érythrée est l'une des plus anciennes d'Afrique sub-saharienne et du monde. L'Érythrée est considérée, avec l'Éthiopie et la côte du Soudan, comme le pays nommé Punt ou Ta Netjeru (Pays des Dieux) par les Égyptiens, dont la première mention remonte au XXVe siècle av. J.-C.. La plus ancienne référence connue à la Mer d'Érythrée est attribuée à Eschyle (Fragment 67), qui la désigne comme le bijou de l'Éthiopie[réf. nécessaire] (Éthiopie désignait alors probablement la Nubie ou la partie de l'Afrique situé au sud de l'Égypte en général). Vers le VIIIe siècle av. J.-C., un royaume connu sous le nom de D'mt s'établit au nord de l'Érythrée et de l'Éthiopie, avec Yeha comme capitale. Il fut suivi par le Royaume d'Aksoum, au Ier siècle av. J.-C.. Le Périple de la mer Érythrée, un document du IIe siècle précise qu'il existait en Afrique de l'Est une route commerciale qui reliait le monde romain à la Chine. Les peuples du centre de l'Érythrée et du nord de ce qui forme actuellement l'Éthiopie partagent un héritage historique et culturel commun, issu du Royaume d'Aksoum et des dynasties qui ont suivi au long du Ier millénaire av. J.-C. et de la langue guèze. La culture swahilie, fortement marquée par le monde arabe, s'est elle développée sur la côte et plus au sud.

Le tigrinya et l'amharique, langues officielles respectivement en Érythrée et en Éthiopie, dérivent de l'ancienne langue guèze. En outre, les Érythréens et les Éthiopiens ont très tôt partagé leur religion au sein de l'Église orthodoxe d'Éthiopie

Histoire médiévale

La culmination de l'influence musulmane en l'Érythrée remonte à 1557 avec l'invasion ottomane de Soliman le Magnifique et la conquête de Massaua, Arqiqo et Debarwa, capitale de Bahr negus Yeshaq (qui régnait sur une région très similaire à l'Érythrée contemporaine). Yeshaq reprit Debarwa et l'or que les envahisseurs y avaient amassé. En 1560, Yeshaq fit alliance avec les Ottomans contre le nouvel Empereur Ethiopien mais rompit son alliance lors du couronnement de roi d'Ethiopie Sarsa Dengel. Lors de l'attaque des hauts-plateaux érythréens par l'imam Ahmed Gragne, le negassi Yeshaq pouvait compter sur ses soldats menés notamment par l'Adkamé Melaga, gouverneur de la province de Seraye. Il noua une deuxième alliance avec les Ottomans peu de temps après mais fut battu définitivement en 1578, laissant aux Ottomans la maîtrise de Massaua (l'un des plus grands ports de la région), d'Arqiqo et des côtes environnantes.

Massaua au XIXe siècle

Pendant la période décentralisée en Ethiopie du Zemene Mesafent, des seigneurs de guerres originaires de la province ethiopienne de Tigré eurent de l'influence sur certaines régions de l'Érythrée actuelle. Les incursions musulmanes se poursuivirent, en particulier sur la côte et les plaines qui furent islamisées à la fin de la période médiévale. Au milieu du XIXe siècle, quelques immigrants issus de la péninsule arabique, les Rashaida s'installèrent en Érythrée où ils forment aujourd'hui moins de 1% de la population[réf. nécessaire].

L'État ottoman garda le contrôle des zones côtières du nord durant près de trois siècles avant de céder leurs possessions, la province de Habesh, à l'Égypte en 1865, qui la cédera à son tour à l'Italie en 1885[réf. nécessaire]. L'intérieur des terres, en particulier les hauts plateaux de Hamasien, Akkele Guzay et Serae, majoritairement chrétiens orthodoxes gardèrent leur independence. Un prêtre italien catholique du nom de Sapetto acheta le port d'Assab au sultan Afar, un vassal de l'empereur d'Éthiopie, pour le compte du conglomérat commercial italien Rubatinno. Plus tard, lorsque l'Égypte se retira du Soudan pendant la révolte Mahdiste, la Grande-Bretagne conclut un accord permettant aux forces égyptiennes de se retirer à travers l'Éthiopie, en échange de quoi ils autoriseraient l'Empereur à occuper les plaines dont il s'était disputé la possession avec l'Empire ottoman et l'Égypte. L'Empereur Yohannès IV crut que cela incluait Massaua mais l'Égypte et la Grande-Bretagne cédèrent le port à l'Italie qui l'unit au port d'Assab pour former un comptoir. L'Italie profita des troubles qui agitèrent le nord de l'Éthiopie suite à la mort de Yohannès IV pour occuper les hauts plateaux et établir une nouvelle colonie en Érythrée, reconnue par le nouvel empereur de l'Éthiopie, Ménélik II.

Colonisation par l'Italie

La Campagne d'Érythrée (1941)

La colonisation en 1885 par l'Italie fixa les frontières de l'Érythrée moderne. La présence italienne dans la corne de l'Afrique fut formalisée en 1889 avec la signature du traité de Wuchale avec Ménélik II – bien que Ménélik revint plus tard sur l'accord. Les relations entre l'Italie et l'Éthiopie furent marquées pour les cinquante années qui suivirent par de fréquentes tentatives de l'Italie d'étendre sa base coloniale vers la Somalie et l'Éthiopie, en particulier en 1896 lorsque l'Éthiopie battit l'armée italienne dans le Tigré.

L'arrivée au pouvoir de Benito Mussolini en 1922 fut l'occasion de profonds remaniements du gouvernement colonial en Érythrée. Le régime fasciste adopta des lois raciales et ségrégationnistes et les Érythréens employés dans la fonction publiques furent relégués aux postes subalternes. Les réformes agricoles se poursuivirent, mais réservées aux fermes possédées par des Italiens. En 19351936, l'Italie mena une nouvelle campagne visant à coloniser l'Ethiopie.

La période durant laquelle l'Érythrée fut colonisée par l'Italie fut faste pour le développement des infrastructures portuaires (port de Massaoua), ferroviaire (chemins de fer d'Érythrée), ou par câble (le téléphérique de Massaoua à Asmara constituant la plus longue ligne de téléphérique du monde).

Lors de la défaite italienne de la Seconde Guerre mondiale, l'Érythrée fut placée sous administration militaire britannique.

Administration par la Grande-Bretagne et fédéralisation

Les forces armées britanniques battirent l'armée italienne en Érythrée en 1941 à la bataille de Keren et placèrent le pays sous administration britannique en attendant que les forces alliées décident de son sort. Faute d'accord entre les alliés, l'administration britannique se poursuivit jusque dans les années 1950. Au sortir de la guerre, la Grande-Bretagne proposa de partager l'Érythrée entre l'Éthiopie et le Soudan selon les frontières religieuses[réf. nécessaire]. L'URSS, comptant sur une victoire communiste lors des élections italiennes, soutint dans un premier temps une rétrocession de l'Érythrée à l'Italie sous tutelle ou comme colonie. Les États arabes soutinrent quant à eux la formation d'un État indépendant.[réf. nécessaire]

En 1950, constatant l'absence d'un accord entre les alliés et face aux requêtes de l'Érythrée à l'auto-détermination[réf. nécessaire], les Nations unies envoyèrent une commission dans l'espoir de trouver une solution. La commission proposa une forme d'union avec l'Éthiopie, proposition adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies avec une disposition mettant fin à l'occupation britannique pour le 15 septembre 1952. La Grande-Bretagne organisa des élections le 16 mars 1952 en vue de constituer une assemblée représentative de 68 membres divisée à parts égales entre chrétiens et musulmans.[réf. nécessaire] L'assemblée approuva un projet de constitution proposée par le commissariat de l'ONU le 10 juillet. Le 11 septembre 1952, l'Empereur d'Éthiopie Hailé Sélassié Ier ratifia la constitution. L'Assemblée représentative devint alors l'Assemblée érythréenne et la résolution des Nations unies visant à fédérer l'Érythrée avec l'Éthiopie devint effective. La résolution ne donna pas suite aux désirs d'indépendances des Érythréens[réf. nécessaire] mais leur accordaient certains droits démocratiques et une certaine autonomie. Ces droits furent cependant abrogés ou violés peu après l'entrée en vigueur de la fédération.[réf. nécessaire]

Selon la résolution de l'Assemblée générale de l'ONU du 15 septembre 1952, l'Érythrée et l'Éthiopie devaient être liées par une structure fédérale assez libre sous la souveraineté de l'Empereur. L'Érythrée aurait sa propre organisation administrative et judiciaire, son propre drapeau et une autonomie sur ses affaires internes, y compris la police, l'administration locale et la fiscalité[réf. nécessaire]. Le gouvernement fédéral impérial serait en charge des affaires étrangères (y compris commerciales), la défense, les finances et les transports. Hailé Sélassié s'empressa cependant de limiter l'autonomie de l'Érythrée[réf. nécessaire] et poussa le pouvoir exécutif à la démission, déclara l'amharique langue officielle à la place du tigrinya et de l'arabe, interdit l'usage du drapeau érythréen, imposa la censure et déplaça les centres d'affaires hors de l'Érythrée. En 1962, il fit pression sur l'Assemblée érythréenne pour abolir la fédération et soumettre entièrement l'Érythrée au pouvoir impérial.

Combat pour l’indépendance

L'opposition contre l'incorporation de l'Érythrée à l'Éthiopie débuta en 1958 avec la fondation du Mouvement de libération de l'Érythrée (MLE), composé principalement d'étudiants, d'intellectuels et de travailleurs salariés citadins[réf. nécessaire]. Mené par Hamid Idris Awate, le MLE se livra à des activités politiques clandestines pour soutenir la résistance au pouvoir central impérial. Il fut découvert et dissout par les autorités impériales en 1962. Dans la foulée, Hailé Sélassié dissout le parlement érythréen de manière unilatérale et annexa le pays.

Au cours des années 1960, le combat pour l'indépendance fut repris par le Front de libération de l'Érythrée fondé au Caire par des exilés. Contrairement au MLE, le FLE était un mouvement de lutte armée, composé en majorité de musulmans originaires des plaines rurales de l'ouest du pays. Il bénéficia rapidement du soutien militaire et financier d'États arabes comme la Syrie et l'Irak.

Le FLE lança ses premières opérations militaires en 1961 et intensifia ses activités en réponse à la dissolution de la fédération en 1962. En 1967, le mouvement avait considérablement gagné en popularité auprès des paysans, en particulier du nord et de l'ouest, et à Massaua[réf. nécessaire]. Haile Selassié tenta d'apaiser les troubles en visitant le pays et en garantissant à ses habitants un traitement égal sous le nouvel ordre. Il accorda titres, argent et fonctions officielles aux opposants dans l'espoir de les voir se rallier au gouvernement central mais la résistance se poursuivit. En 1971, l'Empereur déclara l'entrée en vigueur de la loi martiale en Érythrée et déploya ses armées pour contenir la résistance.

Issayas Afeworki

Des disputes internes au FLE à propos des tactiques et stratégies à adopter aboutirent à la scission du FLE et à la fondation du Front populaire de libération de l'Érythrée, mouvement multi-ethnique dirigé par des dissidents chrétiens parlant le tigrinya, langue majoritaire en Érythrée. Les deux mouvements s'affrontèrent sporadiquement entre 1972 et 1974. Le combat pour l'indépendance se poursuivit après la chute de Sélassié suite au coup d'État de 1974 et l'accession au pouvoir du Derg, junte militaire marxiste avec Mengistu Haile Mariam à sa tête. À la fin des années 1970, le FPLE devint le principal groupe de lutte contre le gouvernement éthiopien, avec le futur président Issayas Afeworki à sa tête.

En 1977, une livraison massive d'armes soviétiques à l'Éthiopie permit à l'armée de cette dernière d'infliger des défaites au FPLE[réf. nécessaire]. De 1978 à 1986, le Derg lança huit offensives d'importance contre le mouvement indépendantiste ; toutes échouèrent. En 1988, le FPLE prit Afabet, où se trouvaient les quartiers généraux de l'armée éthiopienne au nord-est de l'Érythrée, forçant le retrait de l'Éthiopie vers les les plaines de l'ouest. Le FPLE se progressa ensuite vers Keren, deuxième ville d'Érythrée. À la fin des années 1980, l'URSS informa Mengistu qu'elle ne renouvellerait pas son accord de défense et de coopération. L'armée éthiopienne s'en trouva affaiblie et le FPLE, soutenu par d'autres forces rebelles éthiopiennes, poursuivit son avance vers les positions éthiopiennes.

Indépendance

Les États-Unis jouèrent un rôle de médiateur au cours des pourparlers de paix à Washington, les mois précédant la chute du régime de Mengistu en mai 1991 et la fuite de ce dernier au Zimbabwe, laissant derrière lui un gouvernement provisoire. Après la défaite de l'Éthiopie en Érythrée, les troupes du FPLE prirent le contrôle de l'Érythrée. La fin de la guerre fut formalisée à Londres à la fin du mois de mai dans le cadre d'une conférence qui réunissait les quatre principaux groupes combattants.

Du 1er au 5 juillet 1991, la Conférence d'Addis Abeba établit un gouvernement de transition en Éthiopie. Le FPLE participa à la conférence en tant qu'observateur et négocia avec le nouveau gouvernement à propos des relations entre l'Érythrée et l'Éthiopie. Cela aboutit sur un accord dans lequel l'Éthiopie reconnaissait à l'Érythrée le droit d'organiser un référendum sur la question de l'indépendance.

Le FPLE affirma sa volonté de mettre en place un gouvernement démocratique en Érythrée et de soutenir une économie de marché. Certains de ses cadres s'étaient intéressés par le passé à l'idéologie marxiste mais le soutien de l'Union soviétique à Mengistu les en avait dissuadés. Le FPLE institua un gouvernement provisoire avec à sa tête Isaias, leader du mouvement. Le Comité central du FPLE tenait lieu de corps législatif.

Le peuple érythréen se prononça pour l'indépendance au cours d'un référendum tenu du 23 au 25 avril sous la surveillance de l'ONU. Les autorités érythréennes déclarèrent l'indépendance le 27 avril. L'Assemblée nationale élut Issayas Afeworki au poste de président du pays. Le FPLE se réorganisa en parti politique, prenant le nom de Front populaire pour la démocratie et la justice.

Après l'indépendance

Des soldats de l'ONU surveillant la frontière entre l'Érythrée et l'Éthiopie

La Constitution érythréenne a été ratifiée en juillet 1996, mais n'est toujours pas matériellement appliquée.

En 1998, un conflit territorial avec l'Éthiopie éclata et porta un sérieux coup au développement économique et social de l'Érythrée, provoquant le déplacement de populations civiles. Les Accords d'Alger mirent officiellement fin aux combats en fixant le tracé de la frontière disputée et décrétèrent la tenue d'une opération de maintien de paix, la Mission des Nations unies en Éthiopie et en Érythrée (MINUEE). En avril 2006, plus de 4 000soldats de l'ONU étaient toujours stationnés dans la région. L'Éthiopie contesta le tracé de la frontière tel que rapporté dans les Accords d'Alger et en 2003, une commission indépendante (EEBC, Eritrean-Ethiopian Boundary Commission) rendit une nouvelle décision, qui fut également rejetée par l'Éthiopie. En 2006, la question n'est toujours pas réglée.

Notes

Voir aussi

Bibliographie

  • (de) Kefelew Zelleke et Friedrich Heyer, Das orthodoxe Äthiopien und Eritrea in jüngster Geschichte, Tabor Society Heidelberg, Heidelberg, 2001, VII-239 p. (ISBN 3-9808160-0-1)
  • (en) Tom Killion, Historical dictionary of Eritrea, Scarecrow Press, Lanham, Londres, 1998, XLI-535 p. (ISBN 0-8108-3437-5)
  • (en) Peter R. Schmidt, Matthew C. Curtis et Zelalem Teka (dir.), The archaeology of ancient Eritrea, Red Sea Press, Trenton, NJ ; Asmara, Erythrée, 2008, XIX-469 p. (ISBN 1-56902-284-4)
  • (fr) Fabienne Cayla-Vardhan, Les enjeux de l'historiographie érythréennee, Centre d'étude d'Afrique noire, Institut d'études politiques de Bordeaux, Université Montesquieu-Bordeaux IV, Pessac, 2000, 65 p. (ISBN 2-908065-54-1)
  • (fr) Nafi Hassan Kurdi, L'Érythrée : une identité retrouvée, Karthala, Paris, 1994, 188 p. (ISBN 2-86537-498-X)
  • (it) Gianni Dore, Joanna Mantel-Niecko et Irma Taddia, I quaderni del Wälqayt : documenti per la storia sociale dell'Etiopia, L'Harmattan Italia, Turin, 2005, 217 p. (ISBN 88-7892-017-7)
  • (it) Alessandro Triulzi (dir.), La colonia : Italiani in Eritrea, il Mulino, Bologna, 2002, 302 p. (ISBN 88-15-08555-6) (numéro de Quaderni storici, n° 109, 2002)

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