Alexandre Ier de Grèce

Alexandre Ier de Grèce
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Alexandre Ier de Grèce
Αλέξανδρος Α΄
KingAlexandrosI.PNG.png
Titre
Roi des Hellènes
10 juin 191725 octobre 1920
&&&&&&&&&&&012333 ans, 4 mois et 15 jours
Premier ministre Elefthérios Venizélos
Prédécesseur Constantin Ier de Grèce
Successeur Pavlos Koundouriotis
Régent de Grèce
Biographie
Titre complet Roi des Hellènes et
prince de Danemark
Dynastie Maison de Schleswig-Holstein-Sonderbourg-Glücksbourg
Date de naissance 1er août 1893
Lieu de naissance Hellenic Kingdom Flag 1935.svg Athènes (Grèce)
Date de décès 25 octobre 1920
Lieu de décès Hellenic Kingdom Flag 1935.svg Athènes (Grèce)
Père Constantin Ier de Grèce
Mère Sophie de Prusse
Conjoint Aspasía Mános
Enfants Alexandra de Grèce

Royal Coat of Arms of Greece (1863-1936).svg
Monarques de Grèce

Alexandre Ier de Grèce (en grec moderne : Αλέξανδρος Α΄ της Ελλάδας / Aléxandros tis Elládhas) est au palais d'été de Tatoï, près dAthènes, le 1er août 1893 et est décédé dans la capitale grecque le 25 octobre 1920. Il est roi des Hellènes du 10 juin 1917 à sa mort.

Deuxième fils du roi Constantin Ier de Grèce, le prince Alexandre succède à son père en 1917 après que les Alliés ont poussé ce dernier et son fils aîné, le diadoque Georges, à partir en exil en Suisse. Sans réelle expérience politique, le nouveau souverain est privé de tout pouvoir par la faction vénizéliste et emprisonné dans son propre palais. Son Premier ministre, le Crétois Elefthérios Venizélos, gouverne en effet avec lappui des puissances de lEntente. Réduit au statut de fantoche, Alexandre Ier soutient toutefois les troupes grecques dans leur guerre contre la Bulgarie et lEmpire ottoman. Il devient finalement le souverain dune Grèce considérablement agrandie après la Première Guerre mondiale et le début de la Guerre gréco-turque de 1919-1922.

Sur un plan plus privé, Alexandre Ier contracte une union considérée comme inégale avec une jeune « aristocrate » grecque, Aspasía Mános, en 1919. Le mariage provoque un énorme scandale en Grèce et au sein de la famille royale et la jeune fille est forcée de quitter le pays pendant plusieurs mois. Peu de temps après avoir été autorisé à retrouver son épouse, Alexandre est mordu par un singe domestique et meurt de septicémie. La disparition du souverain cause alors dimportantes difficultés politiques en Grèce et pose la question de la survie de la monarchie, comme de celle du régime vénizéliste.

Sommaire

Famille

Alexandre Ier est le deuxième fils du roi Constantin Ier de Grèce (1868-1923) et de son épouse la princesse Sophie de Prusse (1870-1932), elle-même fille de lempereur Frédéric III dAllemagne (1831-1888) et de sa femme la princesse Victoria du Royaume-Uni (1840-1901).

Alexandre a donc la particularité généalogique d'être à la fois l'arrière-petit-fils du roi Christian IX de Danemark (1818-1906), surnommé « le beau-père de l'Europe », et celui de la reine Victoria Ire du Royaume-Uni (1819-1901), surnommée la « grand-mère de l'Europe ». Il est également le neveu du Kaiser Guillaume II d'Allemagne et un proche parent du tsar Nicolas II de Russie et du roi Georges V du Royaume-Uni.

Le 17 novembre 1919, Alexandre Ier épouse, à Athènes, l’« aristocrate[N 1]» grecque Aspasía Mános (1896-1972), fille du colonel Petros Mános (1871-1918), et de son épouse Maria Argyropoulos (1874-1930). De cette union inégale[N 2] naît une fille posthume :

Biographie

Les enfants du roi Constantin Ier de Grèce en 1905. De gauche à droite, on peut voir la princesse Hélène (future reine de Roumanie), la princesse Irène (future reine de Croatie), le diadoque Georges (futur Georges II), le prince Alexandre (futur Alexandre Ier) et le prince Paul (futur Paul Ier). Seule la princesse Catherine est absente de la photographie.

Un prince grec

Enfance

Deuxième fils du diadoque Constantin, le prince Alexandre passe une enfance heureuse entre le palais royal dAthènes et celui de Tatoï. Avec ses parents, il effectue de nombreux voyages à létranger et rend régulièrement visite à sa grand-mère maternelle, limpératrice douairière dAllemagne, qui a une affection particulière pour sa descendance grecque[1]. Le prince visite également le Danemark, le Royaume-Uni[2] et la Russie, dont les souverains sont de proches parents de sa famille.

Très proche de sa sœur cadette, Hélène, Alexandre lest moins de son frère aîné Georges, avec lequel il a peu daffinités[3]. Alors que son aîné est un enfant sérieux et réfléchi, Alexandre est beaucoup plus malicieux et extraverti : il fume des cigarettes fabriquées avec du buvard d'écolier, samuse à mettre le feu dans la salle de jeu du palais et manque, un jour, de tuer son petit frère Paul en le promenant à toute vitesse dans une charrette pour enfants[1].

Carrière militaire

Léducation que reçoit Alexandre est soignée mais elle ne lest pas autant que celle réservée à son frère aîné car il nest pas destiné à monter un jour sur le trône. Contrairement à Georges qui effectue une partie de sa formation militaire en Allemagne[4], Alexandre suit toute sa scolarité en Grèce. Il intègre ainsi l'École des Évelpides, la principale académie militaire grecque, ont déjà étudié plusieurs de ses oncles. Dans cette prestigieuse institution, le prince se fait cependant davantage remarquer pour son talent pour la mécanique que pour ses capacités intellectuelles[3]. De fait, Alexandre est passionné par les voitures et les motos. Il est dailleurs lun des premiers Grecs à acquérir une automobile[1].

En 1912-1913, le prince se distingue au combat lors des Guerres balkaniques[3]. Jeune officier, il est attaché, avec son frère aîné, au service de son père et accompagne celui-ci lors de son entrée, à la tête de la Première Division grecque, dans la ville de Thessalonique, en 1912[5]. À la fin de la Première Guerre balkanique, la cité et sa région sont rattachées à la Grèce, ce qui permet au pays d'accroître considérablement sa superficie. Cependant, peu de temps après, le roi Georges Ier est assassiné dans la ville et le père d'Alexandre monte à son tour sur le trône sous le nom de Constantin Ier[6].

Vie sentimentale

Article connexe : Aspasía Mános.

En 1915, Alexandre retrouve lune de ses amies denfance[N 3], Aspasía Mános, lors dune fête donnée à Athènes par le maréchal Théodore Ypsilántis. La jeune fille, qui revient tout juste de France et de Suisse elle a fait ses études, est jugée très belle par ses contemporains[N 4]. Pour Alexandre qui, à lâge de vingt-et-un ans, collectionne déjà les conquêtes, cest un coup de foudre[7]. À partir de cette soirée, le prince ne cherche plus quà séduire la jeune femme et part même la rejoindre sur lîle de Spetses, elle se rend en vacances cette année-. Cependant, Aspasía se montre réticente face à ce prince qui lui fait la cour. Lui aussi est certes considéré comme très beau mais la réputation que lui valent ses nombreuses liaisons passées nest pas pour la séduire[7]. Malgré tout, Alexandre parvient à conquérir la belle « aristocrate » grecque. Très amoureux, le couple se fiance même mais l'engagement reste secret. De fait, pour le roi Constantin et la reine Sophie, il nest pas envisageable que leurs enfants épousent des personnes qui ne sont pas de leur rang[8]. Or, les Mános ont beau être issus de la « haute aristocratie » phanariote et avoir, parmi leurs ancêtres, des gouverneurs de principautés roumaines, ils ne sont pas de sang royal[9].

Roi des Hellènes

Un contexte difficile

Le roi Constantin Ier en uniforme de feld-maréchal allemand (1913).

Pendant la Première Guerre mondiale, le roi Constantin Ier de Grèce mène une politique de neutralité bienveillante envers lAllemagne et ses alliés de la Triplice. Beau-frère du kaiser Guillaume II, le roi est par ailleurs assez germanophile depuis quil a effectué une partie de sa formation militaire en Prusse. Ce comportement provoque la rupture entre le souverain et son Premier ministre, Elefthérios Venizélos, qui est quant à lui convaincu de la nécessité de soutenir les pays de la Triple-Entente pour rattacher les minorités grecques de l'Empire ottoman et des Balkans au royaume hellène. Protégé par les pays de l'Entente, et par la France, en particulier, l'homme politique forme, en 1916, un gouvernement parallèle à celui du monarque à Thessalonique. Le centre de la Grèce est occupé par les forces alliées et le pays est en passe de sombrer dans la guerre civile : c'est le « Schisme national »[10].

En dépit de ce contexte difficile, Constantin Ier refuse de modifier sa politique et doit faire face à l'opposition toujours plus nette de l'Entente et des vénizélistes. En juillet 1916, un incendie criminel ravage le domaine de Tatoï et la famille royale échappe de peu aux flammes. Alexandre n'est pas touché mais sa mère sauve sa plus jeune sœur de justesse en la portant dans les bois sur plus de deux kilomètres. Parmi le personnel du palais et les pompiers venus éteindre le feu, seize personnes trouvent la mort[11].

Finalement, le 10 juin 1917, Charles Jonnart, le Haut-Commissaire de l'Entente en Grèce, ordonne au roi Constantin de quitter le pouvoir[12]. Sous la menace d'un débarquement de l'Entente au Pirée, le souverain accepte de partir en exil, sans toutefois abdiquer officiellement. Les Alliés ne souhaitant pas instaurer la république en Grèce, lun des membres de sa famille doit lui succéder. Mais comme le diadoque est jugé tout aussi germanophile que son père[13], cest dabord à lun des frères du souverain, le prince Georges, que les Alliés pensent pour le remplacer[14]. Cependant, Georges naspire plus à aucune charge politique depuis son échec en tant que haut-commissaire de la Crète autonome entre 1901 et 1905. Surtout, il se montre fidèle à son frère et refuse catégoriquement de monter sur le trône[15]. Cest donc le deuxième fils de Constantin, le prince Alexandre, que Venizélos et lEntente choisissent comme nouveau monarque[13].

Malgré tout, la destitution de Constantin ne fait pas lunanimité chez les anciennes puissances protectrices du royaume hellène. Si la France ne cache pas sa joie de voir partir lancien roi et que la Grande-Bretagne ne fait rien pour empêcher Jonnart dagir, le gouvernement provisoire russe proteste officiellement auprès de Paris[16]. Petrograd demande même quAlexandre ne reçoive pas le titre de roi mais seulement celui de régent afin de préserver les droits du souverain déposé et du diadoque. La Russie nest cependant pas écoutée et cest bien en tant que monarque quAlexandre monte sur le trône[17].

Roi malgré lui

Article connexe : Elefthérios Venizélos.
Elefthérios Venizélos, l'ennemi farouche de la famille royale grecque (1919).

La cérémonie par laquelle Alexandre monte sur le trône, le 10 juin 1917, est entourée de tristesse. Hormis larchevêque dAthènes Théoclète Ier, qui reçoit le serment du nouveau souverain, seuls y assistent le roi Constantin Ier, le diadoque Georges et le Premier ministre Alexandros Zaimis[18]. Aucune festivité ni aucune pompe nentourent lévénement, qui demeure dailleurs secret[13]. Alexandre, qui a alors vingt-trois ans, a la voix cassée et les larmes aux yeux lorsquil prête serment de fidélité sur la constitution grecque[18]. Il sait quil sapprête à jouer un rôle difficile dans la mesure lEntente et les vénizélistes sont opposés à la famille royale et ne sont pas prêts à lui obéir. Surtout, il est conscient que son règne est de toute façon illégitime. De fait, ni son père ni son frère aîné nont renoncé à leurs droits sur la couronne et, avant la cérémonie, Constantin a longuement expliqué à son fils quil est désormais loccupant du trône mais pas le véritable monarque[13].

Le soir même de la cérémonie, la famille royale décide de quitter le palais dAthènes pour se rendre à Tatoï. Mais les habitants de la capitale refusent de voir leurs souverains partir en exil et des foules se forment autour du palais pour empêcher Constantin et les siens den sortir. Le 11 juin, le roi et sa famille parviennent à senfuir en cachette de leur résidence[19]. Dès le lendemain, le roi, la reine et tous leurs enfants hormis leur deuxième fils gagnent le petit port dOropos et prennent le chemin de lexil[20]. Cest la dernière fois quAlexandre Ier est en contact avec sa famille[N 5].

Un roi fantoche

Une fois ses parents et ses frères et sœurs partis en exil, Alexandre Ier se retrouve totalement isolé par les nouveaux hommes forts de la Grèce. De fait, les vénizélistes et les représentants de lEntente font comprendre aux oncles et tantes du jeune roi, et en particulier au prince Nicolas, quils ne sont plus les bienvenus au palais royal car ils pourraient avoir une influence néfaste sur le souverain[21]. Par ailleurs, lensemble du personnel de la monarchie est progressivement remplacé par les ennemis de Constantin Ier et le souverain se voit écarté de ses amis, quand ceux-ci ne sont pas tout simplement emprisonnés. Même les portraits de sa famille sont retirés des résidences dAlexandre et il arrive aux nouveaux ministres de lappeler en sa présence « fils de traître »[22].

Dès le 26 juin 1917, le jeune roi doit appeler Elefthérios Venizélos à la tête du gouvernement. Malgré les promesses faites par lEntente lors du départ de Constantin, Zaimis est en effet contraint à démissionner et Venizélos revient à Athènes[23]. Cependant, Alexandre soppose presque immédiatement au Crétois et, contrarié par les rebuffades du souverain, lhomme politique menace rapidement de le destituer et de nommer à sa place un conseil de régence au nom du prince Paul, alors mineur. Finalement, les puissances de lEntente demandent lapaisement à Venizélos et Alexandre conserve la couronne[24]. Mais, espionné nuit et jour par les partisans du Premier ministre, le monarque devient rapidement prisonnier dans son propre palais et ses ordres ne sont pas écoutés[22].

Dans les affaires dÉtat, Alexandre Ier na aucune expérience et ses ministres ne laident guère à se former à son métier de roi. Le jeune homme est cependant dévoué à sa tâche et accomplit son travail avec sérieux[22], même sil prend rarement la peine de lire les documents officiels quil est amené à signer[25]. À lextérieur du palais, les fonctions du roi sont limitées. Elles se résument à peu près à visiter le front macédonien afin de soutenir le moral des troupes hellènes. Depuis le retour de Venizélos au pouvoir, Athènes est en effet en guerre contre les empires centraux et les soldats grecs combattent les Bulgares au nord[26].

Roi dune Grèce plus vaste

L'expansion territoriale de la Grèce entre 1832 et 1947.

À la fin de la Première Guerre mondiale, la Grèce a considérablement élargi ses frontières de 1914. Les traités de Neuilly (1919) et de Sèvres (1920) confirment d'ailleurs les conquêtes territoriales du pays. Athènes acquiert ainsi la majeure partie de la Thrace (auparavant sous domination bulgare et turque), plusieurs îles égéennes ottomanes (dont Imbros et Ténédos) et même la région de Smyrne, en Ionie, placée sous mandat grec[27]. Alexandre devient ainsi le souverain dun royaume hellène au territoire augmenté denviron un tiers et il nen est pas peu fier[26]. Ce nest cependant pas le monarque qui en retire la gloire mais, encore une fois, Venizélos. Cest en effet le Premier ministre qui sest déplacé à Paris lors des négociations de paix avec Constantinople et Sofia et cest lui qui reçoit, des mains mêmes du roi, une couronne de laurier pour son travail en faveur de lhellénisme, lors de son retour en Grèce en août 1920[28].

Malgré tout, les Grecs ne se montrent pas satisfaits des gains territoriaux quils retirent du premier conflit mondial. Désireux dannexer Constantinople et une partie plus vaste de lAsie mineure ottomane, ils envahissent lAnatolie au-delà de Smyrne et cherchent à prendre Ankara dans le but danéantir la résistance turque menée par Mustapha Kemal[29]. Cest le début de la Guerre gréco-turque de 1919-1922. Et si le règne dAlexandre Ier voit larmée hellène remporter victoire sur victoire contre ses ennemis, ce sont finalement les forces révolutionnaires dAtatürk qui obtiennent la victoire en 1922[N 6].

Mariage

Un mariage controversé

Le jour de son accession au trône, le 10 juin 1917, Alexandre a révélé à son père sa liaison avec Aspasía Mános et lui a demandé lautorisation dépouser la jeune fille. Très réticent à lidée du mariage de son fils avec une femme de sang non-royal, Constantin a alors demandé à Alexandre dattendre la fin des hostilités pour sengager. En contrepartie, le roi lui a cependant promis dêtre son témoin le jour de ses noces. Dans ces circonstances, Alexandre a accepté de repousser son projet jusquau rétablissement de la paix en Grèce[30].

Cependant, les mois passant, le jeune roi supporte de plus en plus mal la séparation davec sa famille. Régulièrement, il écrit des lettres à ses parents mais ses courriers sont interceptés par le gouvernement et sa famille ne les reçoit pas[23]. Dans ces conditions, le seul réconfort dAlexandre reste Aspasía et il prend la décision de lépouser malgré les recommandations de son père et lopposition de son Premier ministre. De fait, Elefthérios Venizélos a beau être un ami de Petros Mános[7], le père dAspasía, il préfèrerait voir le monarque épouser la princesse Mary du Royaume-Uni afin de consolider les liens qui unissent la Grèce à sa puissante alliée, la Grande-Bretagne[31],[N 7].

Aspasía Mános en costume grec traditionnel.

Malgré tout, le mariage dAlexandre et dAspasía na pas que des ennemis. La dynastie grecque est en effet dorigine germano-danoise et il faut remonter au Moyen Âge byzantin pour retrouver des ancêtres grecs chez les souverains[N 8]. Dans ces circonstances, lunion du monarque et de sa fiancée permettrait dhelléniser la famille royale, ce qui ne serait pas pour déplaire à tous les Grecs. Enfin, chez les puissances étrangères mêmes, et particulièrement à lambassade anglaise, lhypothèse de ce mariage est vue dun bon œil. De fait, l'influence de la jeune femme est jugée positive sur le souverain[8]. La visite du prince Arthur, duc de Connaught et Strathearn, à Athènes en mars 1918 confirme dailleurs le soutien du Royaume-Uni au projet de mariage. Après avoir remis lordre du Bain à Alexandre, le fils de la reine Victoria demande à rencontrer Aspasía et déclare ensuite au souverain que, sil avait été plus jeune, lui-aussi aurait cherché à épouser la jeune fille[31].

Un mariage inégal

Face aux oppositions, Alexandre et Aspasía décident de se marier secrètement. Avec laide du beau-frère de la jeune fille, Christo Zalocostas, et après trois essais infructueux, le couple parvient à sunir devant un chapelain du palais royal, l'archimandrite Zacharistas, le 17 novembre 1919 au soir[8]. Après la cérémonie, le religieux jure de garder le silence sur l'acte quil vient de célébrer mais il rompt rapidement sa promesse et court se faire confesser par larchevêque-primat dAthènes[32]. Or, selon la constitution grecque, les membres de la famille royale doivent non seulement obtenir lautorisation du souverain pour se marier mais encore celle du chef de lÉglise orthodoxe nationale[33]. En épousant Aspasía sans en référer à larchevêque, Alexandre Ier a donc désobéi à la loi et son attitude cause un énorme scandale dans le pays. Par conséquent, bien que le mariage du jeune couple soit considéré comme légal, Aspasía ne peut porter le titre de « reine des Hellènes » : c'est donc sous le nom de « Madame Mános » qu'elle est désormais connue[26].

Malgré sa colère face à ce mariage inégal, Venizélos autorise Aspasía et sa mère à sinstaller au palais royal à la condition que lunion ne soit pas rendue publique[8]. Malgré tout, linformation ne reste pas longtemps secrète et la jeune femme est obligée de quitter Athènes et la Grèce pour échapper au scandale. Elle sétablit alors à Rome, puis à Paris, Alexandre Ier est autorisé à la rejoindre, six mois après, pour leur lune de miel. Finalement, Aspasía et son époux reçoivent la permission du gouvernement de revenir ensemble en Grèce durant lété 1920. Dans la capitale hellène, « Madame Mános » est dabord accueillie chez sa sœur avant de sinstaller au palais de Tatoï[34]. C'est pendant cette période qu'elle tombe enceinte, et le couple sen fait une très grande joie[26].

Une disparition inattendue

L'accident du 2 octobre et ses conséquences

Le 2 octobre 1920, un incident survient pendant quAlexandre Ier fait une promenade sur les terres du domaine de Tatoï. Un singe domestique appartenant au régisseur des vignes du palais attaque le berger allemand du souverain et ce dernier tente de séparer les deux animaux. Mais, ce faisant, un autre primate attaque Alexandre et le mord profondément à la jambe et dans la région de lestomac. Finalement, des domestiques accourent et chassent les singes. La plaie du souverain est ensuite nettoyée et pansée mais pas cautérisée. De fait, le roi ne prête guère attention à ce qui vient de lui arriver et demande même que la nouvelle de lincident ne soit pas communiquée[35].

La reine Sophie de Grèce par Georgios Jakobides (1915).

Cependant, Alexandre est atteint de forte fièvre dès le soir de l'événement : sa plaie sinfecte et il est bientôt atteint de septicémie. Devant la rapide évolution de son mal, les médecins envisagent de lui amputer la jambe mais aucun ne souhaite vraiment prendre la responsabilité dun tel acte[36]. Pendant plusieurs jours, le jeune roi souffre atrocement sous leffet de lempoisonnement et ses cris de douleurs remplissent, par moments, le palais royal. Le 19 octobre, il commence à délirer et appelle sa mère auprès de lui dans son coma. Cependant, le gouvernement grec refuse de permettre à la reine Sophie de revenir dans le pays. À Saint-Moritz, elle est exilée avec le reste de la famille royale, la souveraine supplie les autorités hellènes de la laisser prendre soin de son fils mais Venizélos reste inflexible. Finalement, la reine douairière Olga, veuve de Georges Ier, est autorisée à se rendre seule à Athènes auprès de son petit-fils. Mais, retardée par une mer agitée, la vieille femme arrive douze heures après sa mort, le 25 octobre 1920[37]. Informés par télégramme dans la nuit, les autres membres de la famille royale accueillent la nouvelle du décès avec beaucoup de tristesse[N 9].

Deux jours après le décès du monarque, ses funérailles sont célébrées dans la cathédrale dAthènes. Une fois encore, la famille royale se voit refuser lautorisation de séjourner en Grèce et la reine Olga est la seule parente du souverain (avec son épouse Aspasía[38]) présente à lenterrement. Le corps dAlexandre est ensuite enseveli sur les terres du domaine royal de Tatoï[39].

Pour la famille royale de Grèce, le règne dAlexandre Ier na jamais été pleinement légitime. Dans le cimetière royal, alors que les tombes des autres souverains de la dynastie portent simplement linscription « Roi des Hellènes, prince de Danemark », on peut lire, sur la tombe du jeune souverain, les mots « Alexandre, fils du roi des Hellènes, Prince de Danemark. Il régna à la place de son père du 14 juin 1917 au 25 octobre 1920 »[39]. Selon la sœur préférée du monarque, la reine Hélène de Roumanie, ce sentiment d'illégitimité aurait dailleurs été largement partagé par le souverain lui-même, ce qui expliquerait en grande partie sa mésalliance[40].

La question de la succession

La reine Olga de Grèce par Philip Alexius de Laszlo (1914).

Pour le gouvernement hellène, la mort dAlexandre Ier pose la question de la succession au trône ainsi que celle de la forme du régime. Le roi ayant contracté une union inégale, sa descendance nest pas dynaste en Grèce[N 10] ; conserver la monarchie implique donc de trouver un nouveau souverain. Or, si le Parlement hellénique affirme officiellement quil ne demande pas la destitution de la dynastie mais seulement lexclusion de Constantin Ier et du diadoque Georges[39], Elefthérios Venizélos cache, quant à lui, difficilement ses opinions républicaines. Malgré tout, le 29 octobre 1920, le gouvernement se résout à proposer la couronne au frère cadet dAlexandre et de Georges, le prince Paul[41].

Cependant, le troisième fils de Constantin Ier refuse de monter sur le trône tant que son père et son frère aîné sont en vie. Il insiste sur le fait quaucun deux na renoncé à ses droits et quil ne peut donc ceindre une couronne qui ne lui revient pas légitimement. Le trône étant vacant et le conflit avec la résistance turque s'éternisant, les nouvelles élections législatives se transforment en conflit ouvert entre les partisans de Venizélos et ceux de lex-roi Constantin. Le 14 novembre 1920, les monarchistes l'emportent et Dimitrios Rallis devient Premier ministre. Vaincu, lhomme politique crétois choisit de partir en exil. Avant son départ, il demande cependant à la reine Olga daccepter la régence jusquau retour de Constantin[42].

Le roi Alexandre Ier dans la culture populaire

Pièce commémorative de 30 drachmes frappée pour le centenaire de la monarchie hellénique, en 1963. Le portrait d'Alexandre Ier se trouve en bas.
Toponymie

La ville de Dedeagatch, sur la frontière gréco-turque, a changé de nom en 1920, en l'honneur d'Alexandre, à l'occasion d'une visite royale. Elle s'appelle aujourd'hui Alexandroúpoli[43].

Littérature

Lécrivain britannique Louis de Bernières évoque la mort du roi Alexandre Ier dans son roman Des oiseaux sans ailes (en anglais : Birds Without Wings)[44].

Philatélie

Plusieurs timbres à leffigie du roi Alexandre Ier ont été émis par la Poste grecque :

Annexes

Bibliographie

  • (fr) Édouard Driault et Michel Lheritier, Histoire diplomatique de la Grèce de 1821 à nos jours. Tome V, Paris, PUF, 1926.
  • (en) Michael of Greece, Arturo E. Beéche et Helen Hemis-Markesinis, The Royal Hellenic dynasty, Eurohistory, 2007. (ISBN 0-9771961-5-1)
  • (es) Ricardo Mateos Sainz de Medrano, La Familia de la Reina Sofίa, La Dinastίa griega, la Casa de Hannover y los reales primos de Europa, La Esfera de los Libros, Madrid, 2004 (ISBN 84-9734-195-3)
  • (en) John Van der Kiste, Kings of the Hellenes: The Greek Kings, 1863-1974, Sutton Publishing, 1994 (ISBN 0-7509-2147-1)
  • (en) A. B. Malan, « Monkey Bite » dans Royalty Digest n° 4, p. 280 et sq.
  • (fr) Jean-Fred Tourtchine, « Alexandre I » dans Le Royaume des Deux-Siciles volume II - Le Royaume de Grèce, collection Les Manuscrits du Cèdre. Dictionnaire historique et généalogique, CEDRE (Cercle d'études des dynasties royales européennes), décembre 1998, pp. 165 et 167 (ISSN 0993-3964)
  • (fr) Alexandra de Yougoslavie, Pour l'amour de mon roi, Gallimard, Coll. L'air du temps, Paris, 1957, tr. fr.

Liens externes

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Notes et références

Notes

  1. En dehors de la famille royale et de la noblesse d'origine vénitienne des Îles ioniennes, il n'existe pas, à proprement parler, de noblesse, en Grèce. Dominique Frémy (dir.), « Noblesse (Archive, Wikiwix, que faire ?) » sur Quid.fr. Malgré tout, la famille paternelle et maternelle d'Aspasía appartient à la haute société phanariote et a notamment donné plusieurs voïvodes aux principautés roumaines. C'est la raison pour laquelle la jeune fille est souvent qualifiée d'« aristocrate » par les historiens.
  2. On parle de « mariage inégal » pour qualifier l'union entre une personne issue d'une famille souveraine ou médiatisée avec un individu de rang "inférieur", qu'il soit noble ou non. Pour plus de détail, et même si ce statut n'existe pas, à proprement parler, en Grèce, voir l'article « mariage morganatique ».
  3. Aspasia est la fille de lécuyer du diadoque Constantin et elle a donc beaucoup fréquenté les enfants de lhéritier du trône lorsquelle était petite. John van der Kiste, op. cit. , p. 117.
  4. Lécrivain britannique Compton MacKenzie la décrit ainsi : « Elle était grande et sa peau rappelait un ancien profil de la Grèce classique ». Quant au prince Christophe de Grèce, il la juge « exquisément belle, avec un profil similaire à celui des nymphes dune frise grecque classique ». Cité par Ricardo Mateos Sainz de Medrano, op. cit., p. 176.
  5. Même lors de son séjour à Paris pendant sa lune de miel avec Aspasía, le gouvernement hellène fait tout pour empêcher les contacts entre Alexandre et ses parents. Ainsi, lorsque la reine Sophie tente de contacter son fils dans son hôtel parisien, un ministre intercepte l'appel et répond à la souveraine que « Sa Majesté est désolée mais qu'elle ne peut répondre au téléphone ». John van der Kiste, op. cit., p. 117.
  6. Le traité de Lausanne de 1923 consacre la perte des régions ottomanes conquises par la Grèce depuis 1919. Édouard Driault et Michel Lheritier, op. cit., p. 433-434.
  7. Cependant, selon le prince Pierre de Grèce, « il a été dit quElefthérios Venizélos […] aurait encouragé le mariage [dAlexandre et dAspasía] afin den tirer un profit politique pour lui et son parti en apportant le discrédit sur la famille royale ». Prince Peter of Greece and Denmark, « Comments by HRH Prince Peter of Greece and Denmark » dans Patricia H. Fleming « The Politics of Marriage Among Non-Catholic European Royalty » dans Current Anthropology, vol. 14, n° 3, The University of Chicago Press, juin 1973, p. 246.
  8. « Byzantine ancestry of Greek Royal Family (en) » sur la Wikipédia anglophone.
  9. C'est le prince Nicolas qui reçoit le premier la nouvelle mais il ne la communique au couple royal que le lendemain matin. John van der Kiste, op. cit., p. 124.
  10. Il faut attendre juillet 1922 pour que la fille unique dAlexandre soit pleinement reconnue comme un membre de la Maison de Grèce. Mais, de toute façon, la loi salique fonctionne dans le pays jusquau tout début du règne de Constantin II. Ricardo Mateos Sainz de Medrano, op. cit., p. 180, 402 et 238.

Références

  1. a, b et c John van der Kiste, Kings of the Hellenes: The Greek Kings, 1863-1974, Sutton Publishing, 1994, p. 62.
  2. John van der Kiste, op. cit., p. 85-89.
  3. a, b et c Ricardo Mateos Sainz de Medrano, La Familia de la Reina Sofίa, La Dinastίa griega, la Casa de Hannover y los reales primos de Europa, La Esfera de los Libros, Madrid, 2004, p. 174.
  4. John van der Kiste, op. cit. , p. 83.
  5. John van der Kiste, op. cit. , p. 72.
  6. John van der Kiste, op. cit. , p. 74-75.
  7. a, b et c Ricardo Mateos Sainz de Medrano, op. cit., p. 176.
  8. a, b, c et d Ricardo Mateos Sainz de Medrano, op. cit., p. 177.
  9. Généalogie de la princesse Aspasía sur Genealogics.
  10. John van der Kiste, op. cit., p. 89-101.
  11. John van der Kiste, op. cit., p. 96-98.
  12. John van der Kiste, op. cit., p. 106.
  13. a, b, c et d John van der Kiste, op. cit., p. 107.
  14. Celia Bertin, Marie Bonaparte, Perrin, Paris, 1982, p. 215 et 220.
  15. Celia Bertin, op. cit., p. 220.
  16. Édouard Driault et Michel Lheritier, Histoire diplomatique de la Grèce de 1821 à nos jours. Tome V, Paris, PUF, 1926, p. 305-307.
  17. Édouard Driault et Michel Lheritier, op. cit., p. 306.
  18. a et b John van der Kiste, op. cit., p. 107-108
  19. John van der Kiste, op. cit., p. 108-109
  20. John van der Kiste, op. cit., p. 110-111
  21. John van der Kiste, op. cit., p. 115
  22. a, b et c John van der Kiste, op. cit., p. 112.
  23. a et b John van der Kiste, op. cit., p. 113.
  24. Édouard Driault et Michel Lheritier, op. cit., p. 312.
  25. John van der Kiste, op. cit., p. 114.
  26. a, b, c et d John van der Kiste, op. cit., p. 119.
  27. Édouard Driault et Michel Lheritier, op. cit., p. 382-384.
  28. Édouard Driault et Michel Lheritier, op. cit., p. 387.
  29. Édouard Driault et Michel Lheritier, op. cit., p. 386.
  30. John van der Kiste, op. cit., p. 117-118.
  31. a et b John van der Kiste, op. cit., p. 118
  32. John van der Kiste, op. cit., p. 118-119.
  33. John van der Kiste, op. cit., p. 120-121.
  34. Ricardo Mateos Sainz de Medrano, op. cit., p. 178.
  35. John van der Kiste, op. cit., p. 122-123.
  36. John van der Kiste, op. cit., p. 123.
  37. John van der Kiste, op. cit., p. 123-124.
  38. Ricardo Mateos Sainz de Medrano, op. cit., p. 179.
  39. a, b et c John van der Kiste, op. cit., p. 125.
  40. John van der Kiste, op. cit., p. 118.
  41. John van der Kiste, op. cit., p. 125-126.
  42. John van der Kiste, op. cit., p. 126.
  43. Information sur IBIS.
  44. Louis de Bernière, Des oiseaux sans ailes, Mercure de France, coll. Bibliothèque étrangère, 2006 (ISBN 2-7152-2538-5).
  45. Voir les timbres sur un site de collectionneurs.
  46. Timbre sur une page consacrée à la famille royale grecque.
Précédé par Alexandre Ier de Grèce Suivi par
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