Hendiadyn

Hendiadyn

Hendiadys

Lhendiadys ou hendiadyn [rarement : hendiadyoin, hendiadyin]

Lhendiadyn [graphie plus proche de létymologie et préférée de la plupart des rhétoriciens actuels], de genre masculin, est une figure de rhétorique qui consiste à remplacer la subordination ou la détermination qui solidarise deux mots, par une relation de coordination ou toute autre dissociation syntaxique. Il se rencontre le plus souvent avec le remplacement de deux mots inclusifs, ou dun substantif et son épithète, par deux substantifs coordonnés.

séparés mais associés

Sommaire

Étymologie

Les diverses graphies viennent de la forme du duel grec : « δυοῖν ». Et ce mot vient de la locution grecque «  ἓν διὰ δυοῖν » [hen dia duoin] qui signifie « un au moyen de deux ».


La figure

Lhendiadyn régit un rapport de contiguïté ou dinclusion et sert généralement dans le langage actuel à ralentir une expression de la pensée en dissociant une même chose sous deux aspects bien distincts. Il permet détirer le sens de cette expression quune association de mots rendrait trop concentrée, trop immédiate. Molinié la classe parmi les figures microstructurales, celles attachées aux mots stricts employés.

Cette figure qui se rencontre fréquemment dans des textes assez anciens est longtemps passé inaperçue. Elle apparaît abondamment et naturellement chez les Grecs et les Latins. «  Lhendiadys consiste à coordonner grammaticalement deux noms dont lun devrait être logiquement subordonné à lautre parce que exprimant deux aspects dune même notion.  »[1]

Elle est ignorée par Pierre Fontanier, des traités de rhétorique et des dictionnaires français jusquà lorée du XXe siècle : en 1902, selon le Trésor de la Langue française et elle nous viendrait peut-être de la philologie allemande ou anglaise, daprès Kliebenstein et Berthier[2].



Un procédé des langues anciennes

Elle apparaît une figure typique de la syntaxe latine et Virgile qui a déclare au début de lÉnéide: « arma virumque cano » [je chante les faits darmes et le héros ...] en a fréquemment usé.

exemple canonique

« Magnis pollicitationibus atque praemiis »

[par des promesses [et] de grandes récompenses]


Citations

« Tum Danai, gemitu atque ereptae virginis ira... [dans un cri [et] de colère...] »

— Virgile, Énéide (II,413)

« cultu atque humanitate [de culture et d'humanité (dun genre de vie civilisé)] »

— Julius Caesar, De bello gallico

« Peto auxilium et vestras manus [J'ai besoin de l'aide [et] de vos mains] »

— Cicéron, Les Tusculanes ( II, 37-41)

« τῇ τάξει καὶ τῇ ἀπολογίᾳ [l'ordre des arguments] »

— Démosthène, Sur la couronne

Utilisation de lhendiadyn

Emplois modernes

« Jai connu cet homme et sa probité »

Henri Morier indique dans son exemple que la phrase remplace : « jai connu la probité de cet homme », la qualité ayant pris alors du poids, substantivée par la coordination. Cette figure exprime une expérience : lon a connu un homme et sa fréquentation a permis de reconnaître sa probité. Ce qui peut se traduire par « Jai bien connu cet homme et jai pu mapercevoir quil était honnête. »


Morier fournit un second exemple :

« Loiseau sélance à travers lespace et la limpidité »

lhendiadyn dissocie encore leffet en deux temps: dabord loiseau prenant son essor dans le ciel, dont on remarque, alors, les yeux levés, la clarté et la limpidité.


«  Lenfant en rentrant dut subir son père et ses réprimandes »

le fait de séparer les termes a, de même, l'effet de répartir le récit en deux tableaux : dabord affronter le père et son visage sévère, ensuite entendre la réprimande.
« un temple rempli de voix et de prières »

— Alphonse de Lamartine, Harmonies,(I,1)

le son résonnant des voix à lunisson quon entend de loin est perçu bien avant de distinguer les paroles.
« Respirer l'air du lac et la fraîcheur »

— Jean-Jacques Rousseau, Les Rêveries du promeneur solitaire, (Cinquième promenade, 1782)

cet extrait incite à penser que ce nest pas toujours un complément de nom qui doit être remplacé. Il est plus juste dentendre: « lair frais du lac » que « la fraîcheur de lair du lac ». L'hendiadyn fait mieux ressentir lair qui fouette le visage, auquel s'ajoute la sensation de fraîcheur. Si lair avait eu un premier qualificatif, la figure aurait pu être considérée comme une simple hyperbate : lair cinglant du lac et sa fraîcheur.

Hendiadyn et hyperbate

« Il nest cependant pas toujours facile didentifier cette figure et la part dinterprétation subjective est grande dans ce domaine »[3]. Certaines figures oscillent, en effet, entre hendiadyn et hyperbate.

Tandis que lhendiadyn éclaire une idée sous deux angles, lhyperbate ajoute une idée adjacente à une idée précédente pour lamplifier ou en élargir la vision :

« Les armes au matin sont belles et la mer. »

— Saint-John Perse, Anabase[4]


Exemples litigieux

« Avez-vous quelquefois, calme et silencieux,

Monté sur la montagne, en présence des cieux ?
Était-ce aux bords du Sund ? aux côtes de Bretagne ?
Aviez-vous l'océan au pied de la montagne ?
Et , penché sur l'onde et sur l'immensité,

Calme et silencieux, avez-vous écouté ? »

— Victor Hugo, Ce quon entend sur la montagne (Les Feuilles dautomne)

la figure porte sur le détachement des deux mots « onde et immensité ». À traduire par « limmensité de londe », si cest un hendiadyn. Mais le poète nous fait comprendre davantage car cette « immensité » apparaît rapidement « plus importante » que celle de « leau ». Lhyperbate nest donc pas exclue puisquà partir de sa vision en altitude, le poète a donné tout de suite au décor une dimension grandiose en lélargissant à la montagne, à locéan, aux cieux. Il tourne sa pensée vers une méditation profonde (écouter), voire métaphysique, qui embrasse tout lunivers, gardant lesprit recueilli, « calme et silencieux ».


Expression de Stendhal[5]:

«  Si Dieu existait, et bon  »

dans la collocation « Bon Dieu », Berthier et Bordas discernent « une dissociation proche de lhendiadys ». De fait, si lon part de ce syntagme usuel formulé en forme dinclusion, lexpression tiendrait plutôt de lhendiadyn; mais on nest pas supposé sen rappeler et à première lecture on pense davantage à lélargissement dune hyperbate : Dieu ne doit pas se contenter dexister mais il se doit aussi dêtre bon.

Hendiadyn et métonymie

« La terre avait, parmi ses hymnes d'innocence,
Un étourdissement de sève et de croissance »

— Victor Hugo, Le sacre de la Femme)

dans cet exemple, lhendiadyn joue à plein son rôle classique: le poète obtient une concision frappante par ellipse : la sève qui monte (vertige) et qui permet la croissance.


Lemploi de lhendiadyn décrit parfois avec pertinence un état psychologique :

« Il fut le maître de mon cœur et de moi. »

— Stendhal, Chroniques

il ny a pas réelle contiguïté ou inclusion entre « cœur » et « moi » puisque l'un des vocables est placé sur le plan figuré. Le cœur est ici le siège de la passion qui, dabord naissante, aliène bientôt la personne physiologique tout entière.


Lhendiadyn impose tout autant une progression psychique, comme dans lexemple suivant :

« Bianca trouva lambition et ses fureurs »

— Stendhal, Histoire de la peinture

le fort désir de parvenir à quelque chose de grand, puis les motivations exaltantes quil engendrera.


hendiadyn et synecdoque

Le type de relation « du tout et dune partie » est de nature descriptive et consiste parfois en un retour sur un détail pittoresque.

« Monsieur le docteur et sa bosse. »

— Stendhal, Lamiel

« Le Tasse, dont les contemporains croyaient fermement à Lucifer et à ses cornes... »

— Stendhal, Chroniques

Notes et références

  1. Clavis : Grammaire latine pour la lecture des auteurs (p 223)
  2. Figures du destin stendhalien (p. 227-228).
  3. Clavis (p 223)
  4. cité par Michèle Aquien
  5. citée in Stendhal et le style (p 42)

Voir aussi


Bibliographie

  • (fr) Anne-Marie Boxus & Marius Lavency, Clavis : Grammaire latine pour la lecture des auteurs, Peteers, =Louvain-la-Neuve, 2007 
  • (fr) Philippe Berthier et Éric Bordas, Stendhal et le style, Presses Sorbonne, Paris, 2005 

Bibliographie des figures de style

  • Quintilien (trad. Jean Cousin), De Linstitution oratoire, tI, Les Belles Lettres, coll. « Bude Serie Latine », Paris, 1989, 392 p. (ISBN 2251012028) 
  • Antoine Fouquelin, La Rhétorique Françoise, A. Wechel, Paris, 1557 
  • César Chesneau Dumarsais, Des tropes ou Des diferens sens dans lesquels on peut prendre un mème mot dans une mème langue, Impr. de Delalain, 1816, 362 p..
    Nouvelle édition augmentée de la Construction oratoire, par labbé Batteux. Disponible en ligne
     
  • Pierre Fontanier, Les figures du discours, Flammarion, Paris, 1977 (ISBN 2080810154) 
  • Patrick Bacry, Les figures de style : et autres procédés stylistiques, Belin, coll. « Collection Sujets », Paris, 1992, 335 p. (ISBN 2-7011-1393-8 (br.)) 
  • Bernard Dupriez, Gradus,les procédés littéraires, 10/18, coll. « Domaine français », Paris, 2003, 540 p. (ISBN 2264037091) 
  • Catherine Fromilhague, Les figures de style, Armand Colin, coll. « 128 Lettres », Paris, 2007 (ISBN 978-2-2003-5236-3) 
  • Georges Molinié et Michèle Aquien, Dictionnaire de rhétorique et de poétique, LGF - Livre de Poche, coll. « Encyclopédies daujourdhui », Paris, 1996, 350 p. (ISBN 262531-3017-6) 
  • Henri Morier, Dictionnaire de poétique et de rhétorique, Presses Universitaires de France, coll. « Grands Dictionnaires », Paris, 1998 (ISBN 2130493106) 
  • Michel Pougeoise, Dictionnaire de rhétorique, Armand Colin, Paris, 2001, 16×24 cm, 228 p. (ISBN 9782200252397) 
  • Olivier Reboul, Introduction à la rhétorique, Presses Universitaires de France, coll. « Premier cycle », Paris, 1991, 15 cm × 22 cm, 256 p. (ISBN 2-13-043917-9) 
  • Van Gorp, Dirk Delabastita, Georges Legros, Rainier Grutman et al., Dictionnaire des termes littéraires, Honoré Champion, Hendrik, 2005, 533 p. (ISBN 978-2745313256) 


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