- Fonction convexe
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En mathématiques une fonction convexe est une fonction réelle d'une variable réelle définie sur un intervalle et dont le graphe est « tourné vers le haut » : pour tous points A et B de ce graphe, le segment [AB] est situé entièrement au-dessus du graphe. À l'inverse, une fonction dont le graphe est « tourné vers le bas » est une fonction concave.
Formellement, une fonction définie sur un intervalle I est convexe lorsque, pour tous x et y de I et tout t dans [0,1] on a :
Lorsque l'inégalité est stricte (avec x différent de y et t dans ]0,1[), on parle de fonction strictement convexe.
Plus généralement, une fonction définie sur un ensemble convexe D et à valeurs dans R est dite convexe lorsqu'elle vérifie l'inégalité ci-dessus pour tous points x et y de D et tout t dans [0,1], tx + (1 − t)y désignant le barycentre du système pondéré (x;t)(y;(1 − t)).
Les fonctions convexes possèdent d'intéressantes propriétés de continuité et de dérivabilité. Elles permettent de démontrer un grand nombre d'inégalités remarquables, dites inégalités de convexité, et d'apporter des facilités pour la recherche d'extrema.
Sommaire
Convexité pour une fonction d'une variable réelle
Dans cette première section, on va supposer que l'ensemble de départ est un intervalle I de . Cette restriction permet de fournir une première initiation aux fonctions convexes d'abord plus aisée et parce que la possibilité de tracer des représentation graphiques planes facilite certainement la tâche, ensuite et surtout parce que les concepts de continuité ou dérivabilité sont significativement plus maniables pour les fonctions d'une seule variable. Cette approche montre tout de même vite ses limites, en particulier parce qu'elle n'est guère pertinente pour appliquer la théorie des fonctions convexes à l'optimisation qui en est sans doute la principale motivation.
Le lecteur qui recherche la définition d'une fonction convexe de plusieurs variables, ou définie sur un ensemble convexe d'un espace vectoriel ou affine est invité à se rendre directement à la section suivante.
Définitions
Définition — Une fonction f d’un intervalle I de vers est dite convexe lorsque, pour tous x1 et x2 de I et tout λ dans [0,1] on a :
Cela signifie que pour tout x1 et x2 de I, le segment de , où et , est situé au-dessus de la courbe représentative de f.
Une fonction concave est une fonction dont la fonction opposée est convexe.
On vérifie aussitôt ce qui suit, reliant les notions d'ensemble convexe et de fonction convexe :
Remarque — La fonction f est convexe sur I si et seulement si est un sous-ensemble convexe de .
Cet ensemble est appelé l'épigraphe de f.
Exemple : la fonction est convexe, parce que son épigraphe est un quart de plan (lui-même convexe comme intersection de deux demi-plans). Il est souvent malcommode de vérifier la convexité d'une fonction définie par une formule concrète à partir de la seule définition, on attendra donc quelques paragraphes pour donner d'autres exemples, lorsqu'on disposera d'un critère de convexité plus utilisable en pratique.
Possibilité de n'utiliser que des milieux
La définition de la convexité fait apparaître des barycentres où les coefficients sont des réels arbitraires de [0,1]. Il est possible de n'utiliser que des milieux, mais il est alors indispensable d'ajouter une hypothèse supplémentaire de régularité portant sur f[1].
Proposition — Une fonction f continue sur I est convexe sur I si et seulement si quels que soient les éléments x1 et x2 de I :
- .
DémonstrationPremière preuve : par densité des dyadiques
Ce théorème se démontre en deux temps :
- On prouve le résultat pour les fractions dyadiques par récurrence sur le dénominateur ;
- Puis on étend l'inégalité obtenue en utilisant la densité des dyadiques.
Par récurrence sur n, on démontre que, pour toute fraction rationnelle avec :
- Si n = 1, on applique directement l'hypothèse du théorème.
- Supposons le résultat démontré jusqu'à l'entier n − 1 ;
- Si p est pair, par simplification d'un facteur 2, on se ramène au cas d'une fraction rationnelle de dénominateur 2n − 1 ; on applique alors l'hypothèse de récurrence.
- Si p est impair, p = 2r + 1, on constate :
-
- avec et ;
- En appliquant l'hypothèse de récurrence à x' et à y', il vient :
On conclut alors par densité.
Deuxième preuve : via l'existence d'extrema pour les fonctions continues sur les compacts
On va démontrer l'énoncé contraposé. Soit donc f une fonction continue non convexe sur I.
On peut alors trouver un intervalle [a,b] inclus dans I tel qu'il existe dans cet intervalle un point c avec (c,f(c)) strictement au-dessus de la corde qui joint (a,f(a)) à (b,f(b)). Quitte à soustraire à f la fonction affine qui prend les mêmes valeurs qu'elle en a et en b, on peut supposer f(a) = f(b) = 0, l'information sur c se réduisant alors à 0 < f(c).
Soit A le maximum atteint par la fonction continue f sur le compact [a,b]. Ce maximum est donc strictement positif. Soit maintenant m le plus petit élément de [a,b] en lequel f prend la valeur A. Pour ε > 0 assez petit pour qu'on reste dans [a,b], posons et . Alors f(x1) < f(m) et , donc l'inégalité de la proposition n'est pas vérifiée pour ces valeurs de x1 et x2.
Extension à des barycentres de plus de deux points
Article détaillé : Inégalité de Jensen.L'inégalité de la définition s'étend comme suit (on peut le démontrer par récurrence sur l’entier p). On dénomme parfois cette version l'inégalité de Jensen :
Proposition — Si f est convexe sur I et si sont des points de I et des réels positifs ou nuls tels que , alors :
- .
Géométrie du graphe d'une fonction convexe
On appelle parfois « lemme des trois cordes » le résultat suivant[2] :
Proposition — Si f est convexe sur I, pour tous points x1, x2, x3 de I avec x1 < x2 < x3
Réciproquement, si l'une des deux inégalités est vérifiée pour tous x1, x2, x3 de I avec x1 < x2 < x3, alors f est convexe.
Régularité des fonctions convexes
Le « lemme des trois cordes » permet de montrer que[3] :
Théorème — Si f est convexe sur un intervalle ouvert I
- f est continue en tout point ;
- f est dérivable à gauche et à droite en tout point, et les fonctions sont croissantes sur I ;
- l’ensemble des points x où f n'est pas dérivable (c'est-à-dire tels que ) est au plus dénombrable.
Démonstration- Soit . On définit sur le taux d'accroissement en a par . Cette fonction est croissante d'après le lemme des trois cordes appliqué pour les trois cas: a < x < y, x < a < y et x < y < a. Elle admet donc une limite à gauche et à droite en a finies.
- Cela montre que f est dérivable à gauche et à droite mais cela implique aussi que f est continue.
- Montrons que l'ensemble des points où f n'est pas dérivable est au plus dénombrable.
- Déjà, f n'est pas dérivable en tout point où la dérivée à gauche est différente de la dérivée à droite, et en particulier par croissance du taux d'accroissement, quand la dérivée à droite est supérieure strictement à la dérivée à gauche. Soit un segment inclus dans I. On note , et pour tout n > 0. Il faut montrer que E est au plus dénombrable. Comme , en montrant que En est fini pour tout n > 0, on aurait que E serait une réunion dénombrable d'ensemble finis, donc au plus dénombrable.
- Supposons donc par l'absurde qu'il existe n > 0 tel que En ne soit pas fini. Soit A > 0. Alors , puisque En est infini, on peut prendre m éléments distincts dans cet ensemble où m est un entier tel que . Cela implique par croissance de f'g que , ce qui signifie que f'g diverge vers en b − . Or comme b est dans I ouvert, cela est absurde puisque f'g est croissante sur un intervalle autour de b. On a montré que En est fini pour tout n > 0.
- Pour conclure, il suffit de voir que I est une réunion dénombrable de segments: si , , si , etc. On a que I est le réunion dénombrable d'ensembles au plus dénombrables, donc il est au plus dénombrable.
Cas des fonctions dérivables
On dispose des caractérisations suivantes :
Proposition — Soit f une fonction dérivable sur un intervalle I.
- f est convexe si et seulement si sa courbe représentative est au-dessus de chacune de ses tangentes ;
- f est convexe si et seulement si sa dérivée est croissante sur I.
d'où on tire le corollaire immédiat fort pratique pour vérifier sans mal la convexité d'exemples spécifiques :
Corollaire — Soit f une fonction deux fois dérivable sur un intervalle I.
f est convexe si et seulement si sa dérivée seconde f'' est à valeurs positives ou nulles.
Ainsi on peut désormais facilement ajouter à sa collection de fonctions convexes (ou concaves) les exemples suivants :
- la fonction est convexe ;
- la fonction est convexe ;
- la fonction est concave.
Stricte convexité
En faisant intervenir des inégalités strictes, on dispose d'une variante de la convexité, la stricte convexité.
Définition — Une fonction f d’un intervalle I de vers est dite strictement convexe lorsque, pour tous x1 et x2 distincts dans I et tout λ dans ]0,1[ on a :
Les résultats énoncés plus haut pour des fonctions convexes s'adaptent généralement sans mal aux fonctions strictement convexes. On prendra garde à une nuance : de même que les fonctions dérivables convexes sont celles qui ont une dérivée croissante, les fonctions dérivables strictement convexes sont celles qui ont une dérivée strictement croissante. En revanche, il ne faudrait pas croire que la dérivée seconde d'une fonction dérivable strictement convexe est nécessairement une fonction à valeurs strictement positives : la dérivée d'une fonction strictement croissante peut s'annuler occasionnellement, ou plus exactement peut s'annuler sur un ensemble de points d'intérieur vide. Penser à pour un exemple de fonction strictement convexe dont la dérivée seconde s'annule.
Le cas général
Définitions
On peut donner au moins deux définitions légèrement différentes d'une fonction convexe, qui reviennent essentiellement au même mais ne fournissent néanmoins pas exactement les mêmes fonctions. On prendra donc garde au contexte lors d'une invocation d'une de ces définitions pour comprendre s'il s'agit ou non de fonctions susceptibles de prendre des valeurs infinies.
Définition 1 — Une fonction f d’un convexe C d'un espace vectoriel (ou affine) réel vers est dite convexe lorsque, pour tous x1 et x2 de C et tout λ dans [0,1] on a :
- .
Définition 2 — Une fonction f d’un espace vectoriel (ou affine) réel E vers est dite convexe lorsque, pour tous x1 et x2 de E et tout λ dans [0,1] on a :
- .
Étant donnée une fonction convexe au sens de la définition 1, on peut lui associer une fonction convexe au sens de la définition 2 en la prolongeant hors de C par la valeur ; réciproquement étant donnée une fonction convexe f au sens de la définition 2, il est immédiat de vérifier que l'ensemble des points où elle prend une valeur finie est un convexe C et la restriction de f à ce convexe est alors une fonction convexe au sens de la définition 1. Les deux transformations sont réciproques l'une de l'autre : les deux définitions, quoique techniquement distinctes, décrivent bien la même notion.
Certaines sources requièrent de plus que C soit non-vide (dans la définition 1) ou que f ne soit pas la constante (dans la définition 2) pour prévenir certaines exceptions désagréables dans quelques énoncés[4].
Fonction fortement convexe
Soit un espace normé. On dit que est fortement convexe, de module α > 0, si pour tout x0 et x1 dans le domaine de f et pour tout , on a
On retrouve la notion de fonction convexe lorsque α = 0.
Exemples de fonctions convexes
Voici quelques exemples de fonctions convexes, dont certaines interviennent souvent en analyse convexe :
- fonction convexe polyédrique dont l'épigraphe est un polyèdre convexe,
- fonction d'appui d'un ensemble,
- fonction indicatrice d'un ensemble convexe,
- fonction marginale dont les valeurs sont obtenues en minimisant une seconde fonction paramétrée par ses arguments,
- fonction sous-linéaire.
Propriétés élémentaires
Une proportion significative de résultats valables pour des fonctions convexes d'une variable se reproduisent à l'identique pour des fonctions convexes sur une partie d'un espace vectoriel, soit qu'on se ramène pour les prouver à considérer la restriction de la fonction à une droite, soit que la démonstration soit une simple révision de la version à une variable. En voici quelques unes :
- Une fonction convexe est une fonction dont l'épigraphe est convexe.
- Dans un espace vectoriel topologique, une fonction qui vérifie l'inégalité de convexité pour les seuls milieux et qui est continue est convexe.
- Une fonction convexe vérifie l'inégalité de Jensen.
- Dans un espace normé E, on dira qu'une application U définie sur un convexe de E et à valeurs dans le dual E * est monotone lorsque pour tous x1, x2 dans C, . Soit maintenant f différentiable sur un ouvert convexe de E. Alors f est convexe si et seulement si sa différentielle est monotone.
- Dans un espace normé E, soit f une fonction numérique deux fois différentiable sur un ouvert convexe. Alors f est convexe si et seulement si, en chaque point, la forme quadratique dérivée seconde est positive.
Minorante affine
La technique de minoration des fonctions convexes par des fonctions affines est une variante adaptée à l'analyse de l'utilisation des hyperplans d'appui en géométrie convexe. La forme analytique du théorème de Hahn-Banach permettrait de minorer directement une fonction convexe définie (et à valeurs finies) sur la totalité de son espace de départ. En revanche, dès que la fonction n'est pas définie partout, il faut poser quelques restrictions techniques[5].
Proposition — Soit E un espace vectoriel topologique, f une fonction convexe et continue définie sur un ouvert convexe non vide U de E et x0 un point de U. Il existe alors une fonction affine continue qui minore f et qui coïncide avec elle en x0.
On verra un peu plus bas que l'hypothèse de continuité est superflue en dimension finie (c'est une conséquence de la convexité). En revanche, la condition topologique sur U est indispensable, même en une seule variable : pour la fonction convexe sur [ − 1,1] (dont le graphe est un demi-cercle) et x0 = 1, on ne peut trouver de fonction affine minorante au sens de la proposition précédente.
DémonstrationConsidérons d'une part l'épigraphe strict de f : il est convexe par convexité de f, ouvert dans parce que U est ouvert et f continue, et d'autre part le singleton L = {(x0,f(x0))}. En utilisant la première forme géométrique du théorème de Hahn-Banach, on a la garantie qu'existe un hyperplan d'appui à C passant par (x0,f(x0)), qui est fermé. Cet hyperplan ne peut contenir la droite par une nouvelle utilisation du caractère ouvert de U. On en conclut qu'il est le graphe d'une application affine qui minimise f, et qui est continue parce que H est fermé.
Fonctions convexes en dimension finie
Problèmes de continuité
Continuité sur un ouvert
Comme en dimension 1, une fonction convexe définie sur un ouvert de est forcément continue en tout point de l'ouvert. La démonstration va nous donner une information plus précise[6] :
Théorème — Une fonction convexe définie (et à valeurs finies) sur un ouvert de est localement lipschitzienne, et donc continue.
DémonstrationSoit f fonction convexe définie sur l'ouvert convexe C, et soit x0 un point de C.
On va dans un premier temps montrer que f est localement bornée. La dimension finie est utilisée ici de façon essentielle : qu'on songe que le résultat serait faux pour une forme linéaire discontinue en dimension infinie.
Pour majorer localement f, prenons un simplexe contenant x0 en son intérieur, et notons M la plus grande valeur prise par f sur les n + 1 sommets de ce simplexe. L'inégalité de convexité permet d'étendre cette majoration à tout le simplexe, donc à un voisinage de x0.
Passons à la minoration locale, valable sur toute boule B centrée en x0 sur laquelle on sache déjà majorer f par un M. Pour tout point x1 de cette boule, en introduisant le symétrique x'1 de x1 par rapport à x0 et en écrivant l'inégalité de convexité pour x0 comme milieu de [x1,x'1] et en y reportant la majoration de f(x'1), on obtient la minoration .
Soit alors δ un réel strictement positif assez petit pour que f prenne des valeurs plus petites que M (et donc plus grandes que 2f(x0) − M) sur la boule ouverte B2 de centre x0 et de rayon 2δ. On vérifie alors assez facilement que f est L-lipschitzienne sur la boule ouverte B1 de centre x0 et de rayon δ, où on pose :
- .
Pour cette vérification, soit x1 et x2 distincts dans B1. On introduit les points auxiliaires x'1 et x'2 définis par :
- et .
On remarque que ces points auxiliaires sont dans B2. Si on écrit successivement alors les inégalités de convexité correspondant à la représentation de x1 comme un point du segment [x'1,x2] et à la représentation de x2 comme un point du segment [x1,x'2], puis qu'on y insère les majorations et minorations disponibles pour les valeurs de f sur B2, on obtient rapidement la majoration souhaitée :
- .
Discontinuités au bord
À une variable, sur un intervalle non ouvert, on a vu qu'une fonction convexe n'était pas nécessairement continue.
Néanmoins il est possible de la rendre continue par un procédé simple : si f est convexe sur un intervalle [a,b], alors nécessairement la limite à gauche f + (a) de f en a existe et est inférieure ou égale à la valeur f(a). La discontinuité de f en la borne a se produit alors dans le cas où f + (a) < f(a). On peut s'en démêler en modifiant simplement la valeur de f en ce point : il suffit de la diminuer et la remplacer par f + (a)[7].
Dès la dimension 2, les choses ne sont pas aussi confortables, comme le montre l'exemple suivant :
Soit C le disque-unité fermé de ; considérons la fonction f définie sur C par :
Cette fonction f est convexe. Elle est toutefois discontinue au point (0, − 1) mais ici la discontinuité ne peut être levée par une simple modification de la valeur f(0, − 1). On constate en effet que si on tend radialement vers ce point, la fonction étant nulle sur le rayon, f(0,y) tend vers 0 ; mais un calcul facile permet de constater que, si on tend vers (0, − 1) le long du cercle frontière de C, f(x,y) tend vers 2. Toutes les valeurs comprises entre 0 et 2 sont d'ailleurs valeurs d'adhérence de f au point (0, − 1) et il est définitivement illusoire d'espérer rendre cette f continue en modifiant ses valeurs sur le bord[8].
Toutefois, si l'ensemble de définition est un polytope, les choses se passent comme sur les intervalles de , comme on peut le voir en appliquant le théorème suivant[9] :
Théorème — Une fonction convexe bornée définie sur l'intérieur d'un polytope admet un prolongement convexe continu au polytope.
Fermeture d'une fonction convexe
Une fois qu'on a compris qu'il est vain de vouloir modifier une fonction convexe f sur la frontière de son domaine de définition jusqu'à la rendre continue, on peut néanmoins choisir un jeu de valeurs sur cette frontière plus remarquable que les autres, en exigeant que le prolongement soit à la fois semi-continu inférieurement (ce qui nécessite de choisir des valeurs faibles) et convexe (ce qui nécessite de les prendre fortes).
Pour écrire l'énoncé assez confortablement, il est ici particulièrement approprié d'utiliser des fonctions définies sur tout et prenant éventuellement la valeur ; on appellera domaine effectif d'une telle fonction convexe l'ensemble des points où elle prend une valeur finie.
Théorème — Soit f une fonction convexe de domaine effectif . On note la fonction définie en par :
La fonction est alors caractérisée par l'une au choix des trois propriétés suivantes :
- coïncide avec f en les points qui ne sont pas sur la frontière relative de ; elle est convexe et semi-continue inférieurement ;
- coïncide avec f en les points qui ne sont pas sur la frontière relative de Df et, pour tout point x de la frontière relative de Df et tout segment semi-ouvert ]x,z] inclus dans l'intérieur relatif de Df, ;
- a pour épigraphe l'adhérence de l'épigraphe de f.
DémonstrationLe fait que est semi-continue inférieurement et la propriété (3) sont vrais sans utiliser l'hypothèse de convexité de f, et sont de simples exercices de topologie élémentaire.
Le fait que coïncide avec f hors de l'adhérence de Df, c'est-à-dire prenne la valeur en tout point de cette partie de l'espace est lui aussi évident.
Le fait que coïncide avec f sur l'intérieur relatif de Df provient de la continuité de la restriction de f à cet intérieur relatif, en tant que fonction convexe sur un convexe ouvert (relativement à son enveloppe affine).
La convexité de peut sembler claire, puisque son épigraphe est convexe comme adhérence d'un convexe, mais il y a ici un piège ! Il ne faut en effet pas oublier de vérifier que prend ses valeurs dans (autrement dit, que la liminf servant à définir ne vaut nulle part ) ce qui n'est pas évident. Pour ce faire, il est souhaitable de se placer provisoirement dans l'espace affine enveloppe affine de Df. Par la proposition d'existence des fonctions affines minimisantes, on construit une forme affine sur ce sous-espace qui minore f sur l'intérieur relatif de Df ; la minoration est encore vraie sur la frontière relative (on s'en aperçoit point par point en restreignant l'espace de départ à une droite passant par ce point), on prolonge enfin arbitrairement cette formea affine à tout entier en une forme affine, continue puisqu'on est en dimension finie, et qui minore partout f. Cette forme minore alors aussi les liminf qui construisent prouvant qu'elles ne peuvent valoir .
Une fois connue la convexité de f, donc de sa restriction à tout segment, l'affirmation (2) provient du lemme facile suivant : une fonction d'une seule variable qui est à la fois convexe et semi-continue inférieurement est en fait continue.
Il est clair que (2) et que (3) caractérisent . Pour (1), cela découle du paragraphe précédent de la démonstration, dans lequel on a montré que (1) entraîne (2).
La fonction est appelée la fermeture de f. Les fonctions convexes égales à leur fermeture sont appelées des fonctions convexes fermées ; dit autrement ce sont les fonctions convexes dont l'épigraphe est fermé, ou encore autrement dit ce sont les fonctions convexes semi-continues inférieurement[10].
Applications en physique
L'analyse convexe trouve un grand nombre d'applications en physique, lorsque les potentiels énergétiques sont localement convexes (existence de solutions stables, de changements de phase). En homogénéisation, par exemple, les théories de type variationnel permettent d'estimer les solutions d'équations aux dérivées partielles elliptiques grâce à la représentation des potentiels énergétiques par transformée de Legendre. La transformée de Legendre, formulation mathématique qui représente une fonction convexe par l'ensemble de ses tangentes, permet le développement de méthodes de linéarisation[11].
Annexes
Notes
Les ouvrages mentionnés par des lettres entre crochets dans ces références sont ceux cités dans la section bibliographique.
- Johan Jensen et renvoient à son article « Sur les fonctions convexes et les inégalités entre les valeurs moyennes », Acta Mathematica vol. 30 (1906), p. 175-193. La deuxième preuve ci-dessous est celle fournie dans [N-P]. Ce résultat est mentionné par [NP] p. 10, qui l'attribuent à
- Ce résultat est cité par [N-P], p. 20-21, qui l'attribuent à L. Calvani, renvoyant à son article « Sulle funzioni converse di una o due variablili definite in aggregate qualunque », Rend. Circ. Mat. Palermo, vol. 41 (1916), p. 103-134.
- Otto Stolz, renvoyant à son traité Grundzüge der Differential und Integralrechnung, vol. 1, Teubner, Leipzig, 1893. Voir [N-P], p. 21. Cet ouvrage attribue le théorème de dérivabilité à gauche et à droite à
- Pour l'ensemble de cette sous-section, voir [H-L], p.74 à 76.
- La proposition qui suit est énoncée dans [N-P], p. 114 (sous l'hypothèse d'un espace E normé, qui ne joue pas un rôle essentiel dans la preuve).
- [H-L], p. 102-104, la minoration de la fonction convexe ayant été adaptée au vu de [N-P], p. 119.
- Ces remarques sont disponibles, avec leurs preuves et quelques détails, dans [N-P], p. 22.
- f. L'exemple figure dans [H-L] p. 105, avec l'explication de la convexité de
- Ce théorème est cité sans démonstration par [N-P], p. 123, qui renvoie à D. Gale, V. Klee et R.T. Rockafellar, « Convex functions on convex polytopes », Proceedings of the American Mathematical Society, vol. 19 (1968), p. 867-873.
- (de), renvoyant à Convex cones, sets and fucnctions, Princeton University Press, 1951. Pour l'ensemble de cette sous-sous-section, voir [H-L], p.79-80. [N-P], p. 122, mentionne également ces résultats en les attribuant à Werner Fenchel
- ISBN 0-89871-399-4. Voir pour un aperçu § 4 in Ivar Ekeland, Roger Temam, SIAM, 1999, Convex Analysis and Variational Problems,
Bibliographie
[H-L] - Jean-Baptiste Hiriart-Urruty et Claude Lemaréchal, Fundamentals of convex analysis, coll. « Grundlehren Text Editions », Springer, 2001 (ISBN 3540422056) R. Tyrrell Rockafellar, Convex Analysis, Princeton University Press, 1970, ISBN 0-691-01586-4.
[N-P] - Constantin Nicolescu et Lars-Erik Persson, Convex Functions and their Applications : A Contemporary Approach, coll. « Ouvrages de mathématiques de la Société mathématique du Canada », vol. 23, Springer, 2006 (ISBN 978-0387243009)
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