- Théorème de Carathéodory (géométrie)
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Le théorème de Carathéodory est un théorème de géométrie relatif aux enveloppes convexes dans le contexte des espaces affines de dimension finie.
Sommaire
Énoncé
Le théorème, établi par le mathématicien grec Constantin Carathéodory[1] affirme que :
Théorème — Dans un espace affine de dimension n, l'enveloppe convexe d'un sous-ensemble A est l'ensemble des barycentres à coefficients positifs ou nuls de familles de n + 1 points de A.
Preuves
La preuve usuelle
Notons Conv(A) l'enveloppe convexe de A, et Γ l'ensemble des barycentres à coefficients positifs ou nuls d'au plus n + 1 points de A. On veut montrer l'égalité de ces deux ensembles.
L'inclusion est évidente. La démarche de la preuve est de montrer que pour tout , si un élément x de l'enveloppe convexe s'écrit comme combinaison convexe de p + 1 points (i.e. comme barycentre à coefficients positifs ou nuls de ces points), alors c'est une combinaison convexe de p points bien choisis parmi ces p + 1 ; on réitère alors le procédé jusqu'à obtenir .
Soit . Ainsi x s'écrit , où est un entier, les λi sont des réels positifs ou nuls de somme 1, et les ai sont des points de A.
Si , alors . Si , alors est affinement lié, c'est-à-dire que l'un des points, disons par exemple , est barycentre des autres : il existe des réels de somme 1 tels que .
En posant et pour , , on obtient : , et .
Choisissons k tel que : et remplaçons, dans l'expression de x, le point ak par .
Par "associativité du barycentre" on obtient , où les , définis par , sont des réels de somme 1, dont il reste à montrer qu'ils sont tous positifs ou nuls.
Si , alors et donc . Si , alors est positif en tant que somme de deux termes positifs.
x est donc barycentre à coefficients positifs ou nuls de p éléments de A.
Une preuve comme conséquence du théorème de Helly
Les possibilités de déduire l'un de l'autre les théorèmes de Helly et de Caratheodory, le premier parlant d'intersections finies de convexes, qu'on peut ramener au seul problème d'intersections finies de demi-espaces, tandis que le second parle d'enveloppe convexe d'un nombre fini de points sont fort instructives pour illustrer les techniques de dualité en géométrie convexe, qui échangent points et demi-espaces. Deux preuves du théorème de Helly dans l'article qui lui est consacré en font une conséquence de Carathéodory, dont une fort instructive via le lemme de Farkas ; aller dans l'autre sens (tirer Carathéodory de Helly) est plutôt plus facile encore, et on peut se borner à utiliser un théorème de Gordan d'esprit voisin du lemme de Farkas, mais de démonstration nettement plus aisée.
Soit x un point de l'enveloppe convexe de A. Quitte à translater la figure, on peut supposer que x = 0. Il existe donc une famille finie de points de A, soit dont 0 est un barycentre à coefficients positifs ou nuls. Si il n'y a rien à faire, supposons donc . On munit E d'une structure euclidienne, et pour chacun des aj on considère la forme linéaire fj définie sur E par fj(y) = < aj | y > et le demi-espace .
Le théorème de Gordan (en réalité le sens évident de celui-ci) assure que les demi-espaces Rj (j variant entre 1 et k) ont une intersection vide. Le théorème de Helly assure à son tour qu'il en existe une sous-famille avec seulement d + 1 membres qui a à son tour une intersection vide. Le sens plus significatif du théorème de Gordan permet alors de conclure que les d + 1 points aj correspondant à cette liste ont à leur tour 0 dans leur enveloppe convexe[2].
Corollaire : un résultat de compacité
Corollaire — Dans un espace affine de dimension finie, l'enveloppe convexe d'un compact est compacte.
En effet, soit l'ensemble des -uples de nombres positifs de somme . Alors Conv(A) est l'image du compact par l'application continue
Un théorème de Fenchel et Bunt
Si l'on suppose en outre que A est connexe (ou même seulement qu'il n'a pas trop de morceaux), on peut limiter le nombre de sommets des simplexes nécessaires pour construire l'enveloppe convexe à la dimension de l'espace ambiant. L'énoncé précis, dû à W. Fenchel (de) et L. Bunt est le suivant[3] :
Théorème — Dans un espace affine de dimension n, soit A un sous-ensemble ayant au plus n composantes connexes. Alors l'enveloppe convexe de A est l'ensemble des barycentres à coefficients positifs ou nuls de familles de n points de A.
Ainsi dans le cas le plus simple, celui de la dimension 2, si une figure plane A est formée d'au plus deux morceaux, on peut reconstituer son enveloppe convexe en faisant la réunion de tous les segments ayant leurs deux extrémités dans A.
DémonstrationPréparons d'abord le terrain pour la preuve en envisageant la situation suivante : soit un n + 1-uplet de ayant pour enveloppe affine tout entier, et positionné de telle sorte que . Pour chaque indice i entre 1 et n + 1, notons Ci l'ensemble des points x de qui peuvent s'écrire avec des coordonnées αk toutes strictement positives (et pas de terme en yi).
On vérifie alors aisément les informations suivantes :
- (i) Chaque Ci est un ouvert de
- (ii) Tout point de peut s'écrire de façon unique comme une combinaison linéaire à coefficients positifs ou nuls, l'un au moins des coefficients étant nul
- (iii) Pour , Ci et Cj sont disjoints.
(Pour la première, on songera que est une base de et qu'on peut donc écrire tout point proche d'un de Ci par une formule ayant la même forme dans laquelle les coefficients sont proches des αi ; pour la seconde, on s'assurera d'abord qu'étant donnée une écriture d'un point de Rn comme combinaison linéaire des yi, ses autres écritures comme telles combinaisons linéaires sont exactement les écritures où ρ parcourt , une fois ceci connu, l'ajustement requis des coefficients est atteint pour le seul choix de ρ = − Mini(αi) ; la troisième découle immédiatement de la seconde, puisqu'un hypothétique point de aurait deux écritures différentes vérifiant toutes les conditions ci-dessus).
On peut alors entamer la démonstration proprement dite. Soit un point arbitraire de Conv(A), l'objectif étant de parvenir à l'écrire comme barycentre à coefficients positifs de n points de A ; quitte à prendre un système de coordonnées approprié sur l'espace affine ambiant, on peut supposer que celui-ci est et que le point étudié est l'origine. Le théorème de Carathéodory nous fournit déjà une écriture :
de 0 comme combinaison linéaire à coefficients positifs de n + 1 points de A.
Deux cas dégénérés se traitent sans difficulté : si un au moins des λi est nul, on a terminé ; si l'enveloppe affine des xi n'est pas tout entier, en appliquant le théorème de Carathéodory dans cette enveloppe affine on peut diminuer d'au moins un le nombre de ceux-ci dans l'écriture de 0.
Reste le cas sérieux, celui où les xi forment un repère affine de , tous les coefficients λi qui apparaissent dans (1) étant strictement positifs. On pose alors pour chaque indice i, yi = − λixi : ces points sont positionnés comme sommets d'un simplexe dont le centre de gravité est à l'origine et on peut donc utiliser les Ci introduits en préliminaires.
Parmi les n + 1 points xi de A, qui a au plus n composantes connexes, il est inévitable que deux au moins, disons xj et xk appartiennent à une même composante connexe A0 de A. Cela entraîne que A ne peut être inclus dans : si tel était le cas, la division de A0 en les deux parties et découperait A0 en deux ouverts (dans A0) disjoints, non vides puisque l'un contient xj et l'autre xk. On a donc ainsi montré que A contient au moins un point x qui n'est dans aucun des Ci.
Vu d'une part la remarque (i), et vu d'autre part la non-appartenance de x aux Ci, c'est donc que x peut être écrit comme combinaison linéaire des yi à coefficients tous positifs dont deux au moins sont nuls ; quitte à renuméroter les xi, on supposera pour simplifier l'écriture que ce sont les deux premiers.
On dispose alors, pour ce point x de A d'une écriture :
dans laquelle tous les βi sont positifs.
Il ne reste plus qu'à regrouper différemment celle-ci, en allant rechercher la définition des yi :
pour obtenir ce qu'on cherchait depuis le début : une écriture de 0 comme barycentre à coefficients positifs de seulement n points de A.
Références
- Constantin Carathéodory, Über den Variabilitätsbereich der Koeffizienten von Potenzreihen, die gegebene Werte nicht annehmen, Math. Ann., 64:95-115, 1907. On trouvera un exposé moderne du théorème par exemple dans Marcel Berger, Géométrie [détail des éditions], Théorème 11.1.8.6, tome 3, p. 27.
- Cette preuve figure dans H.G. Eggleston, Convexity, Cambridge University Press, coll. « Tracts in Mathematics and Mathematical Physics » n° 47, 1958, réimpression avec corrections 1969, p. 40-41
- ISBN 3540422056), Th. 1.3.7, p. 30. L'énoncé et sa démonstration figurent dans H.G. Eggleston, op. cit. p. 37-38 ; pour l'attribution du résultat à Fenchel et Butt, voir Fundamentals of convex analysis, Jean-Baptiste Hiriart-Urruty et Claude Lemaréchal, coll. « Grundlehren Text Editions », Springer, 2001 (
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