Dynastie hafside

Dynastie hafside

Hafsides

Étendard des territoires sous contrôle hafside

Les Hafsides (arabe : الحفصيّون) sont une dynastie berbère masmouda[1] qui commence par être l'alliée des Almohades. Devenant la dynastie régnante de l'Ifriqiya de 1230 à 1574, elle étend son pouvoir sur le nord-est de l'Algérie (Bougie, l'actuelle Béjaïa), la Tunisie (Tunis) et une petite partie du nord-ouest de la Libye.

Sommaire

Histoire

Fondation

Carte des États méditerranéens au XIVe siècle, parmi lesquels les États (à partir de gauche) des Mérinides, Zianides et Hafsides

Au début du XIIIe siècle, le Maghreb est encore soumis à la domination des souverains almohades. Suite à l'irruption en Berbérie orientale des frères Ali et Yahia Ben Ghania, descendants des Almoravides que l'almohade Abd al-Mumin avait dépossédé, et après avoir traversé l'Algérie en vainqueurs, les deux frères se taillent une principauté dans le Jérid. Ali est tué mais son frère Yahia entreprend la conquête du centre et du nord de l'Ifriqya. Il réussit à s'emparer de Mahdia, Kairouan et Tunis en 1202, faisant prisonnier le gouverneur almohade et ses enfants. Ben Ghania pille alors les villes, leurs jardins et les animaux qui s'y trouvent.

Étendue du territoire hafside au début du XVe siècle

Devant cette situation dangereuse, le calife Muhammad an-Nasir, qui règne à Marrakech, part lui-même à la reconquête de l'Ifriqya et entre en février 1206 dans Tunis abandonnée par l'ennemi. Il y reste un an pour rétablir l'autorité almohade sur l'ensemble du territoire puis, avant de repartir pour le Maroc, il confie le gouvernement de la province à l'un de ses fidèles lieutenants, le cheïkh Abû Muhammad `Abd al-Wâhid ben Abî Hafs ou plus simplement Abd al-Wâhid ibn Hafs, forme arabisée du nom berbère Fazkat dont son aïeul est Inti de la tribu Hintata des Masmouda[1].

Le nouveau gouvernement est investi de pouvoirs plus étendus que par le passé : il recrute des troupes qui lui sont nécessaires pour maintenir la paix et pour préparer d'éventuelles guerres, nomme les fonctionnaires de l'État, les cadis, etc. Après la mort de Abd al-Wâhid ibn Hafs, son fils Abû Zakariyâ Yahyâ lui succède en 1228. Un an après sa nomination, il se proclame indépendant du calife de Marrakech sous prétexte que celui-ci avait embrassé le sunnisme. Prince de grande envergure, il fonde la dynastie hafside qui régnera sur la Bérbérie orientale pendant trois siècles.

Splendeur et déclin

Bougie redevient une place commerciale, scientifique et culturelle prospère sous le règne des Hafsides

Il étend les frontières de son État en soumettant l'Algérie centrale, allant même jusqu'à imposer sa suzeraineté au royaume de Tlemcen, au Maroc septentrional et à l'Espagne des Nasrides de Grenade. Les Hafsides deviennent totalement indépendants en 1236. Le successeur d'Abû Zakariyâ' Yahyâ, Abû `Abd Allah Muhammad al-Mustansir, se proclame calife en 1255 et continue la politique de son père. C'est durant son règne qu'a lieu la seconde croisade de Saint-Louis qui se solde par un échec. Débarqué à Carthage, le roi meurt de la peste au milieu de son armée décimée par la maladie en 1270[2].

Après la mort d'Abû `Abd Allah Muhammad al-Mustansir, des troubles éclatent et durent 40 ans. À cela s'ajoute les attaques du Royaume d'Aragon avec lesquelles Abû `Abd Allah Muhammad al-Mustansir avait pourtant de bonnes relations. La dynastie connaît un léger déclin : le Sud tunisien et la Tripolitaine se détachent de l'autorité hafside puis le Sud constantinois est contrôlé par l'émir de Bougie qui se rend pratiquement indépendant en 1294.

Abû Yahyâ Abû Bakr al-Mutawakkil refait l'unité de l'État hafside. Après la mort de ce dernier, l'État est alors à nouveau divisé en trois (Tunis, Bougie et Constantine) puis en deux (Bougie et Constantine passant sous la même autorité en 1366) et finalement réunifié par Abû al-`Abbâs Ahmad al-Fadî al-Mutawakkil. Le pays connaît alors un essor économique important et devient un centre commercial du bassin méditerranéen. L'essor touche également le domaine culturel avec le grand historien et père de la sociologie Ibn Khaldoun.

À son arrivée en 1394, Abû Fâris `Abd al-`Azîz al-Mutawakkil renforce l'autorité du pouvoir central, pacifie le Sud, s'empare d'Alger, impose sa suzeraineté au souverain de Tlemcen, repousse une attaque du roi d'Aragon contre Djerba et maintint généralement de bonnes relations avec les États chrétiens. Son petit-fils Abû `Umar `Uthmân poursuit son œuvre dans les mêmes domaines. À la mort d'Abû `Umar `Uthmân commence une nouvelle décadence irrémédiable marquée par des luttes pour le pouvoir. Au XVIe siècle, les Hafsides se trouvent au sein de la lutte entre les puissances espagnole et ottomane. Ils sont renversés en 1574 après la bataille de Tunis. La Tunisie devient dès lors une province de l'Empire ottoman.

Les XVe et XVIe siècles voient l'arrivée des maures musulmans et juifs andalous chassés d'Espagne par la Reconquista.

Économie

Souks

La plus grande partie de l'activité économique des villes hafsides était concentrée dans les souks, réseau de ruelles couvertes et bordées de boutiques de commerçants et d'artisans regroupés par spécialités. Situés souvent autour d'une grande mosquée, les quartiers des souks se sont fortement étendus sous le règne hafside. Abû `Abd Allah Muhammad al-Mustansir organise également en corporation les tisserands et crée des manufactures pour le tissage de la soie connues sous le nom de fondouks. Il crée par ailleurs des ateliers d'État appelés tiraz.

Monnaie

Pièces de monnaies hafsides du Musée du Bardo à Tunis

Les sultans hafsides battaient comme monnaie le dinar d'or, pesant 4,72 grammes, et le dirham d'argent pesant 1,5 grammes environ.

Douane

L'administration douanière était une institution d'État qui est amenée à un certain degré de perfectionnement sous les hafsides. Le directeur des douanes ou surintendant est toujours une personne considérée et l'un des premiers cheïkhs de l'empire. Il assiste à la conclusions des traités et reçoit souvent les pleins pouvoirs pour les négocier[3] qui ajoute que la douane était le lieu où s'effectuaient en grand partie les opérations de ventes et d'achats entre Européens et Arabes.

Négociants

Les négociants établis à Tunis à cette époque étaient presque tous originaires des États de la péninsule italienne avec lesquels le sultan hafside avait conclu des traités de commerce : Génois, Vénitiens, Pisans, Florentins mais aussi Catalans.

Les négociants chrétiens étaient logés dans des fondouks ou caravansérails situés hors des murs des cités. Un fondouk était un vaste bâtiment carré, clos de murs sans fenêtres, et possédant une seule porte donnant accès à un patio sur lequel s'ouvraient les logements et magasins des marchands. À l'époque, le fondouk des Génois et celui des Vénitiens étaient pourvus de chapelle dans laquelle on disait la messe chaque matin.

Le commerce d'exportation et d'importation avec l'Europe était en grande partie entre les mains des négociants italiens. On exportait du blé, de l'huile d'olive, des dattes, des amandes et surtout des laines, cuirs et peaux. On importait de grosse quantité de laine, de coton et de soie, des vins, du papier à écrire, des armes, des lingots d'or et d'argent pour le monnayage et la bijouterie. Tous ces produits payaient en principe un impôt de 10 % ou dîme. Le commerce des épices se faisait aussi avec l'Orient.

Culture

Vie intellectuelle

À la cour hafside brillent les poètes, versificateurs habiles dont la principale production littéraire était l'éloge du souverain. Abû Zakariyâ Yahyâ avait un tel souci de de la culture en général qu'il constitua une bibliothèque de 30 000 manuscrits qu'il mettait à la disposition des lettrés. Quelques médecins, andalous pour la plupart, ont prolongé en qualité de médecin de la cour les traditions médicales léguées par l'école de Kairouan mais sans originalité ni découverte à leur actif.

Le règne hafside a également laissé sa trace dans l'histoire intellectuelle de l'humanité à travers l'historien et philosophe Ibn Khaldoun.

La vie intellectuelle de l'Ifriqiya se trouve mêlée indirectement au parcours de quelques européens. Ainsi, Anselm Turmeda abjure le christianisme et se convertit à l'islam à son arrivée à Tunis en 1388. Léon l'Africain est fait prisonnier à Tripoli en 1520, à son retour d'un voyage en Orient, et ramener à Naples où il rédige en italien sa fameuse Description de l'Afrique. Baptisé à Rome par le pape, il revient probablement mourir à Tunis avant 1550.

Religion

Les principales médersas hafsides sont la médersa Achoumaiya fondée vers 1240 par Abû Zakariyâ Yahyâ, la médersa Attaoufikia fondée par Latf, épouse ou veuve d'Abû Zakariyâ Yahyâ, la médersa Al Maridh fondée vers 1280, la médersa Al Onqiya fondée en 1342 par la sœur du sultan régnant ou la médersa Al Montaciriya fondée en 1438.

L'un des pôles d'attraction de la vie religieuse de l'époque est le soufisme, mouvement mystique oriental qui s'était rapidement propagé dans toutes les couches de la population arabo-berbère. Enseigné par des cheïkhs d'une certaine envergure intellectuelle et d'une grande élévation morale, le soufisme voit se dresser d'abord contre lui les oulémas qui le considèrent comme une déviation de l'islam orthodoxe. Mais, sous l'effet de la pression populaire et probablement du pouvoir, les docteurs de la loi finissent par le tolérer et l'admettre comme interprétation licite du Coran. On ferme même les yeux sur ses manifestations les plus suspectes. Le soufisme connaît alors une fortune extraordinaire en Berbérie qu'il contribue à islamiser et son action dans la vie sociale s'est perpétuée jusqu'à nos jours sous la forme du culte des saints et de confréries religieuses qui se réclament de la tariqa ou doctrine des cheïkhs soufis réputés. Parmi ces soufis figurent Sidi Bou Saïd, Abou Hassan al-Chadhili (plus connu sous le nom de Sidi Belhassen), Sidi Ali El Gorjani, Sidi Mohammed El Chérif, Sidi Ali El Hattab, Sidi Hassen El Séjoumi ou encore Lella Manoubia.

Le XVe siècle est moins fécond en personnalités mais le Maroc continue à pourvoir l'Ifriqiya en soufis avec d'autant plus de facilité que la Tunisie se trouve sur le chemin du pèlerinage vers La Mecque. À leur retour, séduits par le climat et l'ambiance, les soufis marocains s'arrêtent volontiers à Tunis comme dans les campagnes. En revanche, la doctrine n'est plus soutenue avec le même éclat intellectuel, sa diffusion dégénère en un maraboutisme de « faiseurs de miracles », des thaumaturges porteurs d'une baraka plus ou moins authentique. Le XVe siècle siècle voit ainsi surgir beaucoup de marabouts excentriques, objets de vénération populaire tels Sidi Ben Arous.

Vie sociale

Le niveau de vie sous le règne hafside est fonction des riches ressources de l'Ifriqiya. Toutefois, en raison des difficultés de transport, les villes sont tributaires des produits de leurs régions limitrophes. Avec le blé qui venait de Béja, on fabriquait du pain blanc, très savoureux et bien apprêté, mais les habitants de Tunis se nourrissait aussi de pain à base d'orge. Les oliveraies des environs de Tunis et Sousse fournissaient une huile d'olive abondante et l'on vendait du lait et du beurre. Les bouchers débitaient surtout de la viande d'agneau en toute saison. Les jardins donnaient des légumes et des fruits de qualité et le poisson ne manquait pas. Seule l'eau potable et le bois à brûler étaient rares selon Léon l'Africain. Malgré tout, le petit peuple était assez misérable et, toujours selon Léon l'Africain, « plein de superstitions grossières ».

Les villes comptaient beaucoup de maisons à un étage qui s'ouvraient sur un patio et les chambres étaient pavées de zellij vernissés, la plus belle d'entre elles étant la skiffa ou grand vestibule où l'on recevait ses hôtes et ses amis.

Les hommes de la bourgeoisie sont vêtus quelques fois d'une plisse et plus souvent d'une robe de laine ou de coton et soie appelée jebba de couleur blanche, grenat, bleu ou verte sur laquelle ils passent un burnous de laine fine, surtout en hiver. Ils sont coiffés d'un turban avec un voile replié par dessus. La chaussure habituelle est la balgha ou mule. Les cavaliers ont des bottes en cuir rouge. Les femmes sortent de leurs maisons, le visage couvert d'un voile et habillés d'une grande pièce d'étoffe appelée sefsari. Néanmoins, elles sont coquettes car « en parfums et parures, elles emploient le plus grand de leur soucis, tellement que les parfumeurs sont toujours les derniers à fermer boutique ». Elles participent activement à la vie économique en filant un fil particulièrement résistant qui fait la renommée des toiles de Tunisie lesquelles se vendent à travers toute l'Afrique.

Dynastie


Notes et références

  1. a  et b Ibn Khaldoun, Histoire des Berbères, traduction de William McGuckin de Slane, éd. Berti, Alger, 2003, p. 557
  2. Alia Mabrouk, L'émir et les croisés, éd. Clairefontaine, Tunis, 2005
  3. Louis de Mas Latrie, Relations et commerce de l'Afrique septentrionale, ou Magreb, avec les nations chrétiennes au Moyen Âge, éd. Firmin-Didot, Paris, 1886, p. 191

Voir aussi

Lien interne

Lien externe

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