- Abbaye Notre-Dame Du Bec
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Abbaye Notre-Dame du Bec
Abbaye Notre-Dame du Bec Vue générale de l'édifice Latitude
LongitudePays France Région Haute-Normandie Département Eure Ville Le Bec-Hellouin Culte Catholique romain Type Abbaye Début de la construction 1034, puis 1039, enfin 1060 à l’emplacement actuel Fin des travaux XVIIIe siècle par les Mauristes Style(s) dominant(s) Régence Classé(e) Classé monument historique (1840, 1948 et 1963[1]) modifier L’abbaye Notre-Dame du Bec est une abbaye catholique bénédictine faisant aujourd'hui partie de la congrégation de Sainte-Marie de Mont-Olivet et située au Bec-Hellouin, près de Brionne, dans le département de l’Eure. Elle a été fondée en 1034 par Herluin, chevalier du comte Gilbert de Brionne.
Avec l’arrivée de l’italien Lanfranc de Pavie, prieur et maître de l’école monastique, puis d’Anselme de Cantorbéry, le Bec devient l’un des principaux foyers de la vie intellectuelle du XIe siècle : le futur pape Alexandre II y étudie vers 1050 ainsi que nombre de futurs légats et évêques.
Depuis près de 1 000 ans, l’abbaye du Bec est liée par l'histoire à la cathédrale de Cantorbéry, à qui elle a donné trois archevêques.
Laissée en ruines par la Révolution, l'abbaye est classée à partir de 1840 au titre des monuments historiques[1], et aujourd'hui gérée par le Centre des monuments nationaux[2]. Elle a retrouvé vie grâce aux moines bénédictins qui, depuis 1948, y perpétuent à nouveau la vie monastique, sous l'égide depuis son élection en 1996 de dom Paul-Emmanuel Clénet, 49e abbé.
L'abbaye se compose aujourd’hui de la salle capitulaire, du cloître (XVIIe siècle) et des majestueux bâtiments conventuels (XVIIIe siècle). La grande église abbatiale (XIVe siècle) ne possède plus que ses fondations (l’église actuelle se trouve dans l’ancien réfectoire). L’ensemble est dominé par la puissante tour Saint-Nicolas (XVe siècle).
Sommaire
Histoire de l'abbaye
Fondation
995 Naissance d'Herluin,
fondateur du Bec.1034 Fondation du premier monastère
à Bonneville.1042 Arrivée de Lanfranc de Pavie. 1059 Arrivée d'Anselme d'Aoste. 1063 Lanfranc est nommé abbé de
St Étienne de Caen.1070 Lanfranc devient
archevêque de Cantorbéry.1078 Mort d'Herluin.
Anselme élu 2e abbé du Bec.1089 Mort de Lanfranc. 1093 Anselme nommé
archevêque de Cantorbéry.1109 Mort d'Anselme. 1350 Début de la Guerre de Cent Ans. 1418 Pillage par les Anglais. 1450
1515Reconstruction après
la guerre de Cent Ans.1520 Début du régime commendataire. 1626 Réforme des Mauristes au Bec. 1644
1666Construction du cloître. 1735 Construction du logis abbatial. 1742
1750Reconstruction des bâtiments
conventuels.1792 Expulsion du dernier moine
et arrêt de la vie monastique.1802 L'armée transforme l'abbaye en
dépôt de remonte.1809 L'ancienne abbatiale est vendue
comme carrière à pierres.1940
19452e Guerre mondiale : différents corps
d'armée occupent les lieux.1945 L'abbaye est abandonnée. 1947 Création d'une association de sauvegarde
des bâtiments subsistants.1948 Restauration de la vie monastique. 1959 Transfert des reliques d'Herluin dans
la nouvelle église abbatiale.1969 Dédicace de la nouvelle église abbatiale[3]. Contrairement à ce qui se faisait le plus souvent au XIe siècle, l'origine de la fondation de l'abbaye du Bec n'est pas une dotation de riches seigneurs normands, mais celle d'Herluin, simple chevalier sans éducation, tardivement touché par la dévotion. Propriétaire de terres à Bonneville, sur le plateau à l'ouest de la vallée du Bec, Herluin s'y retire et y bâtit un ermitage en 1034 avec l'accord du comte Gilbert de Brionne, le seigneur local et son ancien maître. Cette première donation se limite au patrimoine de son fondateur, et la charte mentionne : « Que tous ceux qui font profession de la religion chrétienne sachent que moi, Hellouin, fils d'Ansgot, en présence et de l'agrément et de l'aveu de mes frères, Eudes et Roger, avec l'approbation de Gilbert, comte, d'Albert et de Ranulphe, du consentement de Robert, comte, et de Robert, archevêque, j'ai donné à Notre-Dame le tiers de Bonneville, y compris les dépendances, Quevilly et Surcy, avec ce qui dépend de ces deux domaines, la terre de Cernay avec ses attenances, biens qu'Ansgot, mon père, a possédés pendant sa vie ; j'y ajoute la dot de ma mère qui, par la volonté expresse de mon père, m'a été donnée en entier : en présence des témoins Fulbert, prêtre, Vital Rainald et autres. »[4]
Le 24 mars de l'année suivante, l'évêque de Lisieux le nomme abbé, à la tête du monastère soumis à la règle de saint Benoît, et consacre la chapelle dédiée à Notre-Dame[5].
Pendant cinq ans, Herluin et ses compagnons cultivent et défrichent les terres autour du monastère. Puis, vers 1039, ils doivent descendre dans la vallée en raison du manque d'eau sur le plateau et s'installent à Pont-Authou, à la confluence du Bec et de la Risle. Une seconde église est consacrée le 23 février 1041 par l'archevêque de Rouen Mauger. Cent trente-six moines font profession sous l'abbatiat d'Herluin[6].
Les possessions s'étendent notamment par une part de la forêt de Brionne, le Parc-du-Bec, grâce au soutien de Guy de Bourgogne, seigneur de Brionne après l'assassinat du comte Gilbert, et l'abbaye de Saint-Évroult, apportée par Guillaume Giroie dans laquelle Herluin restaure la vie religieuse[4].
L'école du Bec
Le rayonnement du monastère commence à se faire sentir avec la création de l'École du Bec, en 1045, par Lanfranc de Pavie arrivé en 1039 dans la communauté, et qui devient prieur de l'abbaye. Elle est, comme d'autres monastères bénédictins au XIe siècle, ouverte non seulement aux oblats mais aussi aux fils d'aristocrates, destinés ou non à une carrière ecclésiastique[7]. Selon Guillaume de Malmesbury, cette école publique permet à la communauté de récolter de larges fonds financiers. Les qualités d'enseignement du prieur, déjà exercées à Avranches, font venir des élèves de toute la Normandie, fils de barons et de riches laïcs. Ils étaient une centaine à suivre ensemble les cours de Lanfranc. Passeront par ce « centre intellectuel le plus considérable de la Normandie et même de la France », de nombreux intellectuels, comme Anselme de Laon, plusieurs évêques dont Yves de Chartres et le futur pape Alexandre II, et Anselme d'Aoste, qui succèdera à son maître Lanfranc à la tête de l'école puis au siège de Cantorbéry[8].
Face au nombre grandissant de moines s'y présentant, la nouvelle abbaye se révèle insuffisante en plus d'être humide et malsaine. Sous l'impulsion de Lanfranc, devenu proche conseiller du duc Guillaume de Normandie sans abandonner la communauté d'Herluin, une translation et une extension sont envisagées. Financés par les dons des seigneurs normands dont les enfants fréquentent l'école, les travaux débutent en 1060. En trois ans, les bâtiments claustraux sont achevés, mais les moines ne quittent Pont-Authou qu'à l'automne 1073. Anselme, arrivé comme élève en 1059, devient prieur et écolâtre du Bec quand son maître Lanfranc est appelé par Guillaume le Conquérant à la tête de l'abbaye Saint-Étienne de Caen en 1063. Après que Lanfranc soit nommé par le duc, archevêque de Cantorbéry en 1070, l'élève et le maître, tous deux italiens, poursuivent à distance une relation épistolaire faite de respect mutuel. Le primat d'Angleterre vient consacrer le 23 octobre 1077 la nouvelle église qu'il avait contribué à faire édifier, en présence des évêques de Bayeux, Évreux, Lisieux, Sées et Le Mans, et de nombre de seigneurs normands, français et anglais. Herluin meurt en 1078, et Anselme lui succède comme abbé du Bec, avant d'être appelé en 1093 à succéder à Lanfranc à Cantorbéry[8].
Sous la direction de Lanfranc puis d'Anselme, l'enseignement du trivium et du quadrivium à l'école du Bec a gagné une réputation de qualité « exceptionnelle »[9], qui a fait venir pendant un demi siècle, des élèves « de France, de Gascogne, de Bretagne, de Flandres, d'Allemagne et de Rome même »[10]. Si le sanctuaire normand possède aussi des chaires de théologie, d'écriture sainte et de droit canonique et civil, il se différencie des autres communautés scolaires de cette époque par l'importance donnée par ses deux premiers écolâtres à la littérature, la mettant presqu'autant à l'honneur que la discipline monastique. Et lorsque Baudri de Bourgueil visite l'abbaye, il loue « l'esprit religieux dans toute sa plénitude, sans mensonge, sans flatterie, sans défaillance ». Un « esprit de douceur et de bénignité » vanté également par l'abbé Porrée dans son Histoire de l'abbaye du Bec, et que Bernard Gicquel attribue aux trois fondateurs de l'abbaye — Herluin, Lanfranc, et Anselme — ayant respectivement apporté la « piété », la « science » et la « mansuétude ». A l'enseignement de la scolastique, s'ajoute la participation de l'abbaye aux controverses théologiques de son temps, telle celle sur la nature de l'eucharistie pour laquelle Lanfranc défend contre Bérenger de Tours sur le principe d'une présence substantielle et non seulement spirituelle du corps et du sang du Christ dans l'ostie et le vin, ou encore la dénonciation du nominalisme de Roscelin de Compiègne par Anselme[4]. Autre trace de cette activité intellectuelle, l'écriture très probable dans cette enceinte vers 1050 de la Chanson de saint Alexis, et plus tard la Chanson de Roland de Turold[11]. La musique y est également pratiquée[4].
La prestigieuse école forme durant cette période des auteurs de la pensée ecclésiastique, des acteurs du monachisme normand, des réformateurs de l'Église d'Angleterre… Ainsi, on compte parmi ses élèves le futur pape Alexandre II, Guillaume Bonne-Âme, archevêque de Rouen, Yves, évêque de Chartres, les évêques de Rochester Hernost, Gundulf (en) et Arnoul, Foulques, évêque de Beauvais, Turold d'Envermeu, évêque de Bayeux, Guillaume, abbé de Cormeilles, les premiers abbés de Lessay Roger et Geoffroy, Henri, abbé de la Bataille, Richard, abbé d'Ely, Richard, abbé de Sainte-Vaubourg, Lanfranc, neveu de l'écolâtre, abbé de Saint-Wandrille, Adelelme, abbé d'Anchin, Lanfred, abbé de Saint-Wulmer, William, écolâtre de Bamberg, moine de Fulda et abbé de Mersbourg, Henri, doyen de Cantorbéry, Bernard, abbé du Mont-Saint-Michel, Durand, Guillaume, Normand, abbés d'Ivry, Jean, abbé de Saint-Sabas, et Jean, abbé de Telese, en Italie, ou encore les théologiens Anselme de Laon et Guimond d'Aversa[12].
XIIe ‑ XVIe siècle : déclin intellectuel et enrichissement foncier
Appelé à Cantorbéry, Anselme choisit en 1093 pour lui succéder à la tête de la congrégation, Guillaume de Beaumont, prieur de Poissy après avoir passé 15 ans au Bec. De 1077 à 1106, le Bec enregistre la fondation de onze prieurés aussi bien en Normandie qu'en Île-de-France et en Angleterre. À ce moment, l'aristocratie est très impliquée dans le développement du Bec, tant au niveau le plus élevé avec les ducs de Normandie et les rois de France, qu'au niveau des familles qui gravitent dans l'entourage des précédents, ou de la petite aristocratie qui dote le Bec de terres, de fours, de moulins et d'églises dans le voisinage de l'abbaye[14]. On trouve notamment parmi ses bienfaiteurs les noms de Richard de Bienfaite, Henri d'Eu et Hugues III de Meulan.
L'école du Bec perd de son aura au début du XIIe siècle, époque correspondant au départ d'Anselme pour l'archevêché de Cantorbéry et avec lui l'émigration en Angleterre de plusieurs de ses compagnons, ainsi qu'à l'affaiblissement général des écoles monastiques au profit des écoles urbaines qui se multiplient, en particulier celles de Paris[9],[15]. Tandis que le nombre des moines sur place diminue au profit des prieurés donnés ou fondés sous l'autorité de la communauté, « il n'y a plus au Bec ni philosophe, ni théologien » au milieu du XIIe siècle[4]. Jusqu'à la fin du siècle, l'abbaye poursuit toutefois sa tradition scolaire et intellectuelle, accueillant en ses murs le chroniqueur Robert de Torigni et les poètes Étienne de Rouen et Pierre de Dives[5], et sa réputation attire toujours de nouveaux frères, à l'instar du roi Philippe Ier et le dauphin Louis VI qui s'affilie au Bec sous l'abbatiat de Guillaume[4].
L'abbaye continue de s'agrandir et de voir augmenter son rayonnement. En ce temps-là, la célèbre abbaye possède dans tout le pays de si gros revenus et de si vastes propriétés que l'on dit à son propos : « De quelque côté que le vent vente, l’abbaye du Bec a rente ». Elle profite de la générosité de nombreux donateurs, parmi lesquels Henri Ier d'Angleterre, proche de l'abbé Boson, puis sa fille Mathilde l'Emperesse qui s'y fait inhumer en 1167[5]. Avec la conquête de l'Angleterre par le Guillaume de Normandie, les barons En Angleterre même, le village de Tooting Bec, aujourd’hui dans la banlieue londonienne, tient son nom de ce que l’abbaye en possédait les terrains[16].
En 1138, Thibaut, ancien prieur du Bec, puis abbé, est élu à son tour archevêque de Cantorbéry. À l'abbaye, lui succède Létard, moine natif du village du Bec, qui fait construire la salle capitulaire de 1140 à 1146, grâce aux libéralités de Robert de Neubourg qui prend la robe à la fin de sa vie[4]. Le successeur de Létard, Roger 1er, fait rénover entièrement l'église abbatiale, dont la première pierre est posée le 14 août 1161 par l'évêque Rotrou et la consécration célébrée en avril 1178 en présence du roi d'Angleterre. Roger fait également édifier une infirmerie et une maison pour recevoir les voyageurs, rénover le dortoir, creuser des canaux pour porter l'eau aux appartements[4].
L'église est partiellement détruite en 1195. En 1214, l'architecte Enguerrand (ou Ingelramme), successeur de Jean d'Andely pour l'édification de la cathédrale de Rouen, entame sa reconstruction. Les travaux sont poursuivis par Gautier de Meulan, mais elle est brûlée à deux reprises avant d'être reconstruite vers 1275[17].
Mais au milieu du XIVe siècle l'abbaye doit s'organiser en raison de la Guerre de Cent Ans. Le plan de Louis d'Harcourt qui prévoit de démolir l'église à peine érigée n'est pas appliqué, mais en 1358 la basilique et le chapitre sont fortifiés et entourés de fossés, tandis que trois côtés du cloître et une partie du dortoir et du cellier sont rasés[4]. Financièrement exsangue, partiellement détruite par le conflit, l'abbaye est restaurée à l'ultime fin du XIVe siècle. Mais la lutte entre Anglais et Français se poursuit, et en 1418, après un siège d'un mois par le duc de Clarence, la place forte se rend en laissant l'abbaye aux pillards. Reprise en 1421 par les Français, les fortifications du Bec sont par la suite rasées par les troupes anglaises. Pour abriter ses moines durant le conflit, l'abbé Robert III fait construire l'hôtel du Bec à Rouen, à l'emplacement de l'hôtel des Fontaines. C'est surtout à partir de 1450, à la sortie des hostilités, que l'abbaye commence à se redresser sous l'administration de Geofroy d'Épaignes, qui restaure église, bâtiments claustraux et infirmerie, et de celle de Jean Bouchard, premier abbé commendataire, qui fait achever le beffroi. Robert d'Évreux lui succède en 1484 comme abbé régulier, il démissionne l'année suivante en faveur de Guillaume Guérin (1492-1515), trente-troisième abbé du Bec, et dernier régulier[4].
Régime de la commende
Le régime de la commende est établi par le concordat de Bologne de 1516 conclu entre le Pape Léon X et François Ier. L'abbé n'est plus élu, mais nommé par le roi de France. Ces abbés sont mis en place plus pour les revenus des abbayes que pour assurer leur direction ou la défense de leurs intérêts. En effet, une part importante des rentes de l'abbaye leur revient, cette part, d'au moins un tiers, peut se monter aux deux tiers.
Le Bec connait sept abbés commendataires dont le plus jeune est âgé de 10 ans. Le régime de la commende affaiblit beaucoup l'abbaye financièrement, mais aussi spirituellement si bien que l'esprit monastique s'étiole.
À cela, il faut ajouter les troubles causés par les guerres de religion. L'abbaye est complètement saccagée par les huguenots et deux moines sont égorgés. Les moines sont obligés de quitter l'abbaye et les abbés commendataires laissent les bâtiments à l'abandon ; très vite l'abbaye n'est plus que ruines.
Réforme de Saint-Maur
La Congrégation bénédictine de Saint-Maur entreprend de réformer la plupart des monastères français par une restauration de la discipline régulière, une vie austère tournée vers le travail intellectuel et des travaux d'érudition. Elle engage aussi de vastes entreprises de construction, dont le Bec — une des premières abbaye à être réformées — bénéficie largement. Malgré la forte réticence de la plupart des abbés commendataires, l'abbaye du Bec est restaurée avec beaucoup de soin. Le rayonnement intellectuel de l'abbaye s'en trouve également grandi.
Mise en économat en 1766, l'abbaye du Bec est donnée en 1782 à Yves Alexandre de Marbeuf (1782-1790), évêque d'Autun, puis archevêque de Lyon à partir de 1788. Il devait être le dernier abbé du Bec.
Liste des abbés
Liste des abbés de l'abbaye Notre–Dame du Bec de 1034 à 1790
Liste établie d'après Gallia Christiana et le chanoine Porée.N° Début de l'abbatiat Fin de l'abbatiat Abbé 1 1034 26 août 1078 Bienheureux Herluin ou Hellouin 2 1078 mars 1093 Saint Anselme, élu le 6 mars 1093 archevêque de Cantorbéry, originaire du Val d’Aoste, d’abord prieur de céans (1063), mort le 21 avril 1109 à l’âge de 76 ans. 3 15 août 1093 16 avril 1124 Guillaume Ier de Beaumont, 3e fils du seigneur Roger de Beaumont et de Pont-Audemer. 4 avril 1124 juin 1136 Boson, † 24 juin 1136 d’une gangrène généralisée à l’âge de 71 ans, natif de Montivilliers, d’abord prieur de céans (1115). 5 juin 1136 décembre 1138 Thibaut, élu le 24 décembre 1138 archevêque de Cantorbéry, d’abord prieur de céans (1126), † 18 avril 1161. 6 9 juin 1139 2 juillet 1149 Létard, † 2 juillet 1149 à l’âge d’environ 65 ans, ancien prieur de Pontoise puis de Notre-Dame du Pré à Rouen. 7 6 juillet 1149 25 septembre 1179 Roger 1er de Bailleul, † 25 septembre 1179, d’abord prieur de céans. Porté archevêque de Cantorbery, il refuse cette élection 8 octobre 1179 23 septembre 1187 Osbern, † 23 septembre 1187, ancien prieur de la Trinité de Beaumont. 9 septembre 1187 10 ou 11 décembre 1194 Roger II, † 10 ou 11 décembre 1194, d’abord prieur de céans. 10 1195 résigne en 1197 Gauthier, d’abord prieur de céans, mort un 22 janvier. 11 1197 16 mai 1198 Hugues de Cauquainvilliers, † 16 mai 1198 au prieuré de Bonne-Nouvelle, dont il était ancien prieur. 12 5 juillet 1198 18 septembre 1211 Guillaume II Le Petit, ancien moine de céans. 13 26 septembre 1211 17 juillet 1223 Richard de Saint-Léger, élu le 17 juillet 1223 évêque d’Évreux, d’abord justicier de céans, mort le 4 avril 1236. 14 1223 21 ou 22 juin 1247 Henri de Saint-Léger, † 21 ou 22 juin 1247, parent du précédent, d’abord prieur de céans. 15 22 juillet 1247 23 novembre 1265 Robert 1er de Clairbec, † 23 novembre 1265, ancien moine de céans, intendant des vignes de l'abbaye dans l'Île-de-France. 16 1265 11 octobre 1272 Jean 1er de Guineville, † 11 octobre 1272, d’abord prieur de céans. 17 1272 2 novembre 1281 Pierre de la Cambe, † 2 novembre 1281, d’abord prieur d’Envermeu. 18 26 novembre 1281 15 novembre 1304 Ymer de Saint-Ymer, † 15 novembre 1304, d’abord prieur de Saint-Hymer. 19 15 décembre 1304 24 août 1327 Gilbert de Saint-Étienne, † 24 août 1327, d’abord prieur de Saint–Nicaise de Meulan (…1293) et grangier de l’abbaye. 20 29 août 1327 avril 1335 Geoffroy 1er Faé, élu le 1er avril 1335 évêque d’Évreux, ancien moine de Beaumont-le-Roger et prieur de Bonne-Nouvelle, mort le 15 avril 1341 et inhumé à gauche du chœur en l’église abbatiale. 21 23 juin 1335 19 février 1351 Jean II des Granges, † 19 février 1351, d’abord justicier de l’abbaye. 22 avril 1351 15 septembre 1361 Robert II de Rotes alias Couraye, † 15 septembre 1361, docteur en décrets. 23 1361 2 mai 1388 Guillaume III de Beuzeville alias Popeline, † 2 mai 1388. 24 1388 résigne en 1391 Estout d’Estouteville, d’abord abbé de Cerisy (1385), élu ensuite à Fécamp qu’il gouvernera jusqu’à sa mort le 13 octobre 1423. 25 14 mars 1391 15 juin 1399 Geoffroy II Harenc, † 15 juin 1399, moine profès de céans, bachelier en décret, ancien abbé de Jumièges depuis 1389. 26 17 juillet 1399 3 janvier 1418 Guillaume IV d’Auvillars, † 3 janvier 1418. 27 7 février 1418 4 mai 1430 Robert Vallée, † 4 mai 1430 à Rouen en son manoir de la Fontaine, neveu du précédent, docteur en décrets, d’abord prieur de Bonne-Nouvelle à Rouen (1410). 28 9 juin 1430 5 juillet 1446 Thomas Frique, † 5 juillet 1446, d’abord prieur de céans, figura parmi les juges de Jeanne d'Arc. 29 4 septembre 1446 17 novembre 1452 Jean III de La Motte, † 17 novembre 1452 à Rouen, fils d’un bourgeois de cette ville, docteur en décrets de l’Université de Paris, d’abord prieur de céans (1430). 30 20 décembre 1452 14 mai 1476 Geoffroy d’Épaignes, † 14 mai 1476, ancien prieur de Bonne-Nouvelle à Rouen (1446). 31 23 mai 1476 28 novembre 1484 Jean IV Boucard, † 28 novembre 1484 près Saint-Lô, évêque d’Avranches depuis 1453, docteur en théologie, aumônier du roi Louis XI (1468), aussi abbé de Cormery (1476) (abbé commendataire). 32 10 décembre 1484 résigne en novembre 1491 Robert d’Évreux, licencié en droit canon, ancien prieur de Beaumont-le-Roger (1465), mort le 22 janvier 1492. 33 novembre 1491 résigne en mars 1515 Guillaume V Guérin, ancien prieur de Meulan, chapelain du précédent, mort le 4 avril 1515. Abbés commendataires 34 19 mars 1515 résigne en octobre 1515 Jean V Ribault, neveu du précédent, puis abbé de Valmont d’août 1517 à sa mort en juillet 1558. 35 23 octobre 1515 résigne en février 1520 Adrien Gouffier de Boissy, frère du célèbre amiral de Bonnivet, évêque de Coutances (1509), puis d’Albi (1519), créé cardinal le 14 décembre 1515, grand-aumônier de France, aussi abbé de Saint-Nicolas d’Angers, Fécamp, Angle et Déols, mort le 24 juillet 1523 au château de Villandry. 36 1520 24 septembre 1533 Jean d’Orléans, cardinal de Longueville, † 24 septembre 1533 à Tarascon à l’âge de 49 ans, fils de François d’Orléans, comte de Dunois et duc de Longueville, archevêque de Toulouse (1503) et évêque d’Orléans (26 juin 1521), créé cardinal le 3 mars 1533. 37 13 mars 1534 7 août 1543 Jean Le Veneur, † 7 août 1543 à Marle en Thiérache, évêque de Lisieux (1505-1539), membre du Conseil Royal depuis 1516, grand aumônier de France (1526), créé cardinal le 7 novembre 1533, aussi abbé de Grestain (1503), Lonlay (1505), Préaux (1506), du Mont-Saint-Michel (1524), de Lyre (1527), Saints-Serge-et-Bacchus d’Angers (1533) et Saint-Fuscien-aux-Bois. 38 janvier 1544 6 juin 1558 Jacques d’Annebaut, † 6 juin 1558 à Rouen vers l’âge de 57 ans, cousin du précédent, évêque de Lisieux (1539), créé cardinal du titre de Sainte-Suzanne le 19 décembre 1544, aumônier ordinaire du Roi, également abbé des Saints-Serge-et-Bacchus d’Angers (1534), de Préaux (1535), Bonport (1537), Saint-Taurin d’Évreux (1540) et du Mont-Saint-Michel (1543). 39 1558 résigne le 24 octobre 1572 Louis de Lorraine, premier cardinal de Guise, successivement évêque de Troyes (1545), puis d’Albi (1550), archevêque de Sens (1561-1562), évêque de Metz (1568), créé cardinal le 22 décembre 1553, aussi abbé de S.Victor de Paris, S.Valery, Moissac, S.Julien de Tours, Bourgueil, S.Benoît-sur-Loire, Tournus, S.Germain d’Auxerre, S.Pierre de Chalon, Châtillon-sur-Seine et Fontenay, mort à Paris le 29 mars 1578 à l’âge de 51 ans. 40 1572 9 janvier 1591 Claude de Lorraine, chevalier d’Aumale, il est nommé abbé à l’âge de dix ans, tué le 9 janvier 1591 à la tête des Ligueurs parisiens tentant de s’emparer de Saint-Denis, petit-neveu du précédent, aussi abbé de Trois-Fontaines et d’Aumale (1581). 41 1591 1597 Emeric de Vic. 42 1er septembre 1597 21 décembre 1661 Dominique de Vic, † 21 décembre 1661 à Auch à l’âge de 73 ans, neveu du précédent, coadjuteur (1621), puis archevêque d’Auch (29 octobre 1629). L’abbaye demeure en éconômat durant trois années. 43 13 mars 1664 10 décembre 1707 Jacques Nicolas Colbert, il est pourvu à l'âge de neuf ans, † 10 décembre 1707 à Paris à l’âge de 52 ans, fils du célèbre Ministre du Roi, coadjuteur de l’archevêque de Rouen (1680), puis archevêque lui-même (29 janvier 1691), aussi prieur de La Charité (1665) et d’Ambierle (1669), abbé de Saint–Remi de Reims (1665-57). 44 11 décembre 1707 18 juin 1717 Roger de La Rochefoucauld, † 18 juin 1717 à Buda en Hongrie à l’âge de 30 ans, aussi abbé de Fontfroide (1708). 45 novembre 1717 1771 Louis de Bourbon-Condé, comte de Clermont, gouverneur de Champagne en 1751, membre de l’Académie française depuis 1754, aussi abbé de Saint-Claude (1718-1737), Chaalis et Marmoutier (1721-1737), Cercamp (1723), Buzay (1733), Saint-Germain-des-Prés (1737), mort le 16 juin 1771. 46 1782 1790 Yves Alexandre de Marbeuf, évêque d’Autun (19 avril 1767), puis archevêque de Lyon (12 mai 1788), aussi abbé de Bonneval (1775-1778), mort à Lübeck (Allemagne) le 15 avril 1799 à l’âge de 65 ans. Dépôt des Remontes générales de l'Armée
La Révolution française arrive et, en 1792, le dernier moine est expulsé. Pendant une dizaine d'années, les bâtiments subissent dégradations et pillages divers. Le chartrier est brûlé, la bibliothèque pillée, les sculptures martelées, jusqu'à ce qu'en 1802, les lieux soient transformés en dépôt d'étalons à usage de l'armée. Le mobilier cultuel (maître-autel, jubé…) et les pierres tombales des abbés sont transférés en l'église Sainte-Croix de Bernay. L'église abbatiale et la salle capitulaire sont vendues comme carrière à pierres en 1809 et détruites. Les bâtiments conventuels, transformés en écuries et en chambrées de caserne, résistent malgré tout à cet état de choses qui dure jusqu'en 1940.
En 1802 Napoléon transforme le Bec en dépôt d'étalons dépendant du haras du Pin. Le nombre d'étalons au Bec varie dans le temps de 25 à plus d'une cinquantaine. L'arrivée des chevaux sauve l'abbaye d'une destruction qui aurait fini par être complète, mais pour adapter un monastère aux nécessités d'un haras on a engagé d'importantes transformations et quelques démolitions. Malgré cela, les bâtiments n'ont jamais été parfaitement adaptés à ce nouvel usage. Le manège est installé dans le cloître du XVIIe siècle, et la grande écurie dans le réfectoire mauriste du XVIIe siècle, l'église abbatiale actuelle. Quand le corps de Remonte est créé en 1831, le dépôt de remonte du Bec devient une succursale du dépôt de Caen (actuel Quartier Lorge), siège de la première circonscription de Remonte[18].
À partir de 1945, les chevaux ont également accès au deuxième étage par « l'escalier des matines » dont la conception aux larges marches, peu hautes, permet cette ascension.
Restauration de la vie monastique
Enfin, en 1947, une association se crée pour sauvegarder les bâtiments subsistants. L'année suivante, un siècle après la mention du lieu parmi les monuments historiques à sauvegarder, une partie des ruines est classée[1].
À Cormeilles en Parisis, une communauté bénédictine olivétaine, engagée dans le mouvement œcuménique, a désiré s'enraciner dans un lieu où les anglicans venaient communier dans le souvenir de Lanfranc et d'Anselme. L'État prit à sa charge les travaux indispensables de restauration et de mise dans un état minimum d'habitabilité, puis loua les bâtiments à l'association qui les mit aussitôt à la disposition des moines. Pierre Mendès France, alors président du Conseil général et parlementaire, a joué un rôle capital dans la renaissance du Bec[19].
Une nouvelle époque s'ouvre alors qui voit la restauration de la vie monastique au Bec et une lente mais régulière remise en état de l'abbaye désormais rendue à sa destination première. En 1948, la vie monastique reprend à l’abbaye du Bec.
Bibliothèque
Il y a peu ou pas de continuité entre la bibliothèque de l'abbaye sous l'Ancien Régime et celle que la communauté s’efforce de reconstituer depuis cinquante ans. L'histoire de la bibliothèque du Bec se découpe en quatre tranches chronologiques :
- la bibliothèque médiévale, telle qu’elle a pu se constituer dès les origines sous l’impulsion de Lanfranc, d’Anselme et de leurs successeurs ;
- la bibliothèque mauriste, héritière de ce passé, mais qui va connaître un nouvel essor grâce à la tradition intellectuelle de cette Congrégation et au développement du livre imprimé ;
- la période révolutionnaire et post-révolutionnaire où la bibliothèque sera pillée et dispersée ;
- la bibliothèque actuelle enfin qui, depuis la restauration de l’abbaye il y a cinquante ans, mais surtout depuis une vingtaine d’années, connaît un fort développement[5],[20].
En 1991, la communauté commence l'informatisation du catalogue. Cette tâche est aujourd’hui bien avancée, puisque la base bibliographique comporte en 2006 environ 50 000 notices et s’enrichit régulièrement.
Durant ces vingt dernières années, les acquisitions de livres ont connu un rythme soutenu. Le fonds a pour ainsi dire doublé, atteignant aujourd’hui environ 90 000 volumes.
Architecture
Les tours du Bec Hellouin appartiennent à la première liste de la commission de classement des monuments historiques de 1840 « pour lesquels des secours ont été demandés ». Un premier arrêté d'inscription du 24 février 1928 ayant été annulé, l'ancienne abbaye est classé monument historique le 30 janvier 1948, protection complétée par le classement le 2 octobre 1963, qui l'élargit à l'ancien logis abbatial (façades et toitures, sol du jardin et ancienne porte de l'abbaye)[1].
Tour Saint-Nicolas
Au premier abord, se dégage de l'ensemble la tour Saint-Nicolas qui domine les magnifiques bâtiments monastiques édifiés initialement entre 1644 et 1666 et réaménagés au XVIIIe siècle.
Construite dans la deuxième moitié du XVe siècle elle servait de clocher afin que les quatre grosses cloches qu'elle renfermait n'ébranlent pas les tours du portail de l'abbatiale quand elles sonnaient à la volée.
C'est une construction carrée de plus de onze mètres de côté, de style anglo-normand. Jusqu'en 1810, elle était surmontée d'une flèche de quinze mètres de haut qui fut anéantie par un incendie. Les cloches ont été détruites à la Révolution. Chaque angle possède un contrefort surmonté de deux statues monumentales représentant sainte Marie, saint Benoît, saint Nicolas, saint Jean, saint Michel, saint Jacques, saint Louis et saint André. Sur la face occidentale, est inscrit en latin : « Marie », « Sauveur du monde prends pitié », « Jésus-Christ est fils de Dieu », et sur la face est : « Jésus est fils de Dieu ».
Cloître
L'ancien cloître du XIIIe siècle ayant été détruit, le cloître actuel a été construit au milieu du XVIIe siècle.
Ici, comme ailleurs à cette époque, l'influence italienne se fait sentir. C'est l'ordre toscan qui prédomine, avec des arcades en plein cintre à archivoltes moulurées. Les voutes d'arêtes qui couvrent le cloître sont soulignées par des moulurations imitant la voûte d'ogive. Les clefs de voutes circulaires et saillantes, toutes différentes les unes des autres, sont ornées de feuillages et de rosaces. Les arcades retombent sur des impostes de piles, de section carrée, renforcées de pilastres saillants se terminant à leur sommet par une console sculptée de feuilles d'acanthes de style corinthien surmontée d'une corniche moulurée[21].
Bâtiments conventuels
Ces bâtiments reconstruits au milieu du XVIIIe siècle par les moines de la Congrégation de Saint-Maur sont de style Régence. L'église abbatiale actuelle, située dans l'ancien réfectoire et dédicacée en 1969 par Antoine Caillot, évêque d’Évreux, est perpendiculaire au ruisseau du Bec, l'ensemble de l'aile mesurant 75 m. Puis, à angle droit, l'aile du réfectoire actuel s'étend sur 66 m. Ensuite, à l'extrémité sud, toujours à angle droit s'élève un premier pavillon — avec un balcon devant la fenêtre du centre — abritant au deuxième étage l'infirmerie actuelle, enfin, à nouveau à angle droit un dernier pavillon orienté Ouest–Est qui était l'ancienne infirmerie.
Escaliers
Six escaliers du XVIIIe siècle permettent l'accès aux étages. Ces escaliers méritent d'être cités car leur construction leur confère une remarquable impression de légèreté. En effet, les marches ne paraissent être portées que d'un côté par le mur ; leurs extrémités intérieures semblent flotter dans l'espace. Bien entendu, il ne s'agit que d'une impression, car, en réalité, le poids de l'escalier, des marches et de leur charge est appliqué sur la partie extérieure des marches sur laquelle est fixée la rampe (limon), et par la taille particulière des pierres, cet effort est transmis de proche en proche jusqu'au premier palier qui est, de fait, d'une masse impressionnante.
La communauté actuelle
Origines
Le fondateur, Emmanuel André, curé de campagne, a créé une petite communauté monastique dans son presbytère de Mesnil-Saint-Loup, dans les années 1860. Après plusieurs essais infructueux d’affiliation, à Solesmes, puis à la Pierre-Qui-Vire, il s’est rattaché à la Congrégation de Sainte Marie de Mont Olivet, une réforme bénédictine du XIVe siècle, en Italie, menée par le bienheureux Bernardo Tolomei[22]. Par admiration pour Bernard de Clairvaux dont il a pris le prénom, et par dévotion à la Vierge, Bernardo Tolomei a voulu que les moines de sa fondation soient « blancs », c'est ainsi qu'au Bec Hellouin les moines bénédictins sont vêtus de blanc.
En 1925, la tradition des Oblates Moniales de Sainte-Françoise Romaine a été reprise en lien avec la communauté des frères. Les sœurs habitaient alors Cormeilles-en-Parisis. De leur côté, c'est en 1938 que les frères du Mesnil, avec leur prieur, dom Paul Grammont, arrivent à Cormeilles et ouvrent une maison d’étude. Après la guerre, les deux communautés de Cormeilles ont cherché un lieu plus vaste et à l’écart, pour vivre de façon plus régulière leur charisme propre. Elles sont arrivées au Bec en 1948, sous Alphonse-Paul-Désiré Gaudron, évêque d'Évreux (1930-1964).
La communauté
La communauté actuelle se compose en décembre 2008 de 15 moines, plus un père ermite à Saint-Évroult-Notre-Dame-du-Bois, près de la Trappe, et un autre retiré chez les petites sœurs des pauvres, à Saint-Servan. Cette communauté, de la Congrégation de Mont Olivet, arrive en 1948 de Cormeilles-en-Parisis sous l'impulsion de dom Paul-Marie Grammont.
À deux kilomètres, le monastère Sainte-Françoise Romaine abrite des sœurs, « oblates » de l'abbaye Notre-Dame du Bec, qui viennent également de Cormeilles-en-Parisis. Elles ont rejoint les moines dès 1949 après avoir construit leur monastère, installées à proximité de l'abbaye des frères conformément à la tradition léguée à l'Église par sainte Françoise Romaine dès le XVe siècle. Le monastère des sœurs a à sa tête une prieure élue par la communauté. Pour leur profession monastique les sœurs novices remettent leurs vœux entre les mains de l'abbé, à l'abbaye. Également, les jours de fête et les dimanches, les sœurs se rendent à l'abbaye pour participer aux offices majeurs (messes, vêpres, vigiles).
Dans la tradition bénédictine, l'abbaye possède une hôtellerie qui permet à ceux qui le souhaitent de faire retraite quelques jours et accueille également plus longuement des jeunes gens qui voudraient partager la vie de la communauté.
Travail dans la communauté
Le travail manuel, pratiqué en silence, est fondamental dans la vie bénédictine. Ora et labora (prie et travaille) est une devise traditionnelle de la vie bénédictine.
La communauté monastique du Bec a développé un atelier de faïences artisanales qu'elle vend dans son magasin sur place ou en ligne. Cette activité artisanale lui permet de subvenir à ses besoins.
La vie en communauté nécessite aussi tout un ensemble de travaux de maison : cuisine, ménage, jardinage, lavage et repassage, couture, comptabilité, bricolage, infirmerie, porterie, accueil, etc. Ils sont répartis entre tous, du plus jeune au plus vieux, selon les possibilités de chacun. Le travail intellectuel y trouve également sa place.
Vocation à l’œcuménisme
En raison même de l'histoire de l'abbaye du Bec, les communautés de moines et de moniales se sont engagées dès leurs arrivées en 1948–1949 sur la voie de l'unité et du dialogue entre les différentes confessions chrétiennes. Les communautés monastiques du Bec ont suivi avec un intérêt passionné le déroulement du concile Vatican II dont les travaux confortaient l'orientation ecclésiologique, liturgique et œcuménique donnée par dom Grammont. L'œcuménisme est l'un des plus grands soucis de l'abbaye du Bec[23].
Anglicanisme
Le Bec ayant donné à la Communion anglicane trois archevêques de Cantorbéry, l'anglicanisme y tient tout naturellement une place importante. La réciproque étant également vraie, très rapidement de nombreuses visites d'anglais catholiques, mais surtout anglicans, amenèrent le développement de relations amicales. C'est ainsi que l'abbaye du Bec est un de ces lieux où catholiques anglicans et catholiques romains peuvent se retrouver pour prier et apprendre à mieux se connaître. La bibliothèque de l'abbaye abrite, entre autres, 5 000 ouvrages sur l'anglicanisme provenant du dépôt de l'évêque John Graham.
Lorsque le pape Jean-Paul II vint à la cathédrale de Cantorbéry rencontrer l'Archevêque Robert Runcie en 1982, dom Grammont et la mère prieure du monastère Sainte-Françoise Romaine eurent le privilège de partager ce grand moment de l'histoire de la cathédrale. Les communautés du Bec assistent aux évènements importants marquant la vie de la Communion anglicane comme l'intronisation des archevêques ou les Conférences de Lambeth.
« Dans un horizon qui paraît sombre, le dialogue anglican-catholique ménage toujours de grandes trouées de lumière. On se demande seulement si les communautés catholiques se sentent aussi engagées dans le dialogue que la Communion anglicane. Peut-on rêver d'une émulation spirituelle à tous les niveaux entre nos églises[24] ? »
Relations avec la cathédrale de Cantorbéry
Les relations entre l'abbaye du Bec et la cathédrale de Cantorbéry sont tout à fait privilégiées. On doit noter que les cinq derniers archevêques de Cantorbéry[25] sont venus en visite au Bec. Pour renforcer ces liens, les communautés du Bec ont signé à la Pentecôte 2007 une charte œcuménique avec le chapitre de la cathédrale de Cantorbéry. Elle stipule :
« Des liens existent entre le Bec et Cantorbéry depuis les XIe siècle et XIIe siècle : trois moines du Bec, à cette époque, sont devenus archevêques de Cantorbéry : Lanfranc, Anselme et Théobald. Nous avons le désir d’approfondir cet héritage commun pour une meilleure connaissance mutuelle et un renforcement de nos liens spirituels.Nous nous engageons donc :
- à nous rendre visite tous les ans dans la mesure du possible, une année au Bec, l’autre à Cantorbéry,
- à partager, d’une manière ou d’une autre, les grands évènements de nos deux communautés,
- à nous accueillir en frères et sœurs dans le Christ,
- à prier chaque jeudi pour l’unité des chrétiens et pour chacune de nos deux communautés. »
Elle est signée par dom Paul-Emmanuel Clénet, abbé du Bec, et mère Marie-Placide Cazenave, prieure des moniales du Bec, pour l’abbaye du Bec, et par Robert Willis, doyen de Cantorbéry, pour le chapitre de Cantorbéry.
Orient et orthodoxie
Les communautés des moniales du monastère Sainte-Françoise-Romaine et des moines de l'abbaye du Bec entretiennent des liens étroits avec l'Orient et l'orthodoxie à la suite de rencontres fortes et au travers de visites riches et nombreuses.
- Liban
En 1954, à la suite de la demande du prieur du monastère de Kobé au Liban, la communauté des moniales du monastère Sainte-Françoise-Romaine du Bec décide d'essaimer dans ce pays. C'est ainsi que la communauté des sœurs du Bec est présente au Liban de 1957 à 1962. Ces années de découverte de l'Orient (Église maronite et Église orthodoxe) font envisager à Mère Elisabeth de Wavrechin, prieure du monastère Sainte-Françoise, la perspective d'une fondation à Jérusalem. Dom Grammont, abbé du Bec, demande de laisser murir ce projet pendant le concile Vatican II qui s'annonce ; il réapparaîtra quinze ans plus tard avec la fondation des monastères d'Abu Gosh en 1976.
- Juridictions orientales, orthodoxes et catholiques
Les relations des communautés du Bec avec les Orthodoxes concernent avec les différentes juridictions présentes en France : l'archevêché russe d'Europe occidentale — dont la cathédrale est à Paris, rue Daru — le patriarcat œcuménique dont la cathédrale est à Paris, l'archevêché roumain. Les archevêques russe, grec et roumain ont rendu visite à l'abbaye. Des rencontres amicales ont lieu avec les paroisses orientales catholiques, maronites et melkites (Saint-Julien-le-Pauvre à Paris).
- Rencontre avec le monachisme orthodoxe
En août 1972, un des frères du Bec accompagne un hôte de l'abbaye au Mont Athos pour un pèlerinage de huit jours dans une douzaine de monastères. Par la suite, cet hôte fait profession monastique au Bec. Le Père Nikodimos, un hiéromoine iconographe, vient le visiter en 1982 rendant ainsi plus étroits les liens de l'abbaye avec l'orthodoxie.
Pendant l'hiver 1974–1975, l'abbaye reçoit un ancien higoumène orthodoxe serbe.- Roumanie
Dès 1967, le monastère Sainte-Françoise accueille une moniale roumaine du monastère de Dealu.
En 1991, l'abbaye accueille deux jeunes séminaristes orthodoxes, et à partir de 1994, ce sont des séminaristes gréco-catholiques de Transylvanie qui sont hébergés chaque été pendant plusieurs semaines. En 1995 et 1997, deux évêques catholiques de rite oriental visiteront le Bec.Protestantisme
Dès les premières années de la venue au Bec, l'abbaye est entrée en relation avec les paroisses de l'Église réformée de France implantées dans la région normande, surtout dans la vallée de la Seine (Rouen, Elbeuf, Le Havre, Dieppe, Évreux). Mais ce n'est que plus tardivement, dans les années 1970, qu'un véritable travail commun est entrepris.
- Foyers mixtes
Les monastères du Bec ont accueilli, entre 1969 et 1975, un groupe de foyers mixtes (catholiques–protestants) pour une réflexion sur les problèmes des couples mixtes.
Dans le prolongement de cet accueil, des réunions de conseils presbytéraux de paroisses réformées du Havre, de Rouen, du Temple de l'Étoile, ont eu lieu régulièrement au monastère Sainte-Françoise, célébrant la Sainte-Cène dans l'oratoire des moniales.
Des relations se sont développées également avec les luthériens ; plusieurs visites de la paroisse suédoise de Paris, plusieurs sessions sur l'œuvre de Martin Luther.
Le 19 janvier 1984, dom Grammont fut invîté à prêcher dans l'église luthérienne des Billettes à Paris.- Renouveau charismatique
À partir de 1970, le renouveau charismatique commence à se développer en France, d'abord parmi les protestants pentecôtistes et évangéliques, puis parmi les catholiques.
L'abbaye du Bec fut parmi les premiers lieux d'ouverture à ce mouvement et un groupe de prière œcuménique s'y réunit (en 2009) toutes les semaines depuis 1973.Judaïsme
Dom Grammont avait ressenti l'importance du peuple dans lequel les chrétiens sont enracinés. À son instigation, moines et moniales du Bec, avec leurs amis protestants, ont pris part à la découverte des communautés juives vivant en France. Un groupe de dialogue judéo-chrétien s'est réuni au Bec à plusieurs reprises.
L'un des résultats les plus importants de ce travail fut la fondation du monastère d'Abu Gosh en Israël, sur le site d'Emmaüs.
Fondations
En 1976, l'abbé dom Paul-Marie Grammont († 1989) a envoyé, coup sur coup, d'une part trois frères en Israël à Abu Gosh[26] et d'autre part un, puis deux autres, à Mesnil-Saint-Loup, au diocèse de Troyes, relever le monastère Notre-Dame de la Sainte Espérance[27] d’où vient la communauté.
En 1998, cinq frères partent en Irlande du Nord et fondent le monastère de la Sainte-Croix à Rostrevor.
Ces trois communautés sont aujourd’hui pleinement autonomes, relevant, comme l'abbaye du Bec, de la Congrégation bénédictine de Sainte Marie de Mont Olivet.
En 1999, le monastère d'Abu Gosh fut canoniquement érigé en abbaye, sous le vocable de Sainte-Marie de la Résurrection.
Notes et références
- ↑ a , b , c et d Notice no PA00099327, sur la base Mérimée, ministère de la Culture.
- ↑ L'abbaye sur le site des Monuments nationaux
- ↑ Source : site de l'abbaye.
- ↑ a , b , c , d , e , f , g , h , i et j Bec-Hellouin, in M. Charpillon et Anatole Caresme, Dictionnaire historique de toutes les communes du département de l'Eure, 1868, p. 257-277
- ↑ a , b , c et d Antoine Desfarges, L’histoire - Abbaye Notre Dame du Bec, site de l'Abbaye
- ↑ A. Porée, Histoire de l'abbaye du Bec, tome 1, p. 131, note 1 et Appendice no1.
- ↑ Histoire culturelle de la France. Tome 1 : Le Moyen Âge, Points Histoire, Seuil - p. 118. (ISBN #978-2020826754)
- ↑ a et b Adolphe-André Porée, Les origines de l'abbaye du Bec : conférence faite au grand séminaire, le 10 janvier 1899, impr. de L. Odieuvre, Evreux, 1899
- ↑ a et b Histoire culturelle de la France. Tome 1, p. 119-120
- ↑ Dom Rivet, Histoire littéraire de la France, t. VII, p. 75.
- ↑ Bernard Gicquel, Généalogie de la Chanson de Roland, éditions Publibook, 2003, p. 107-109
- ↑ Histoire de l'abbaye du Bec, p. 102-104
- ↑ Germain Demay, Inventaire des sceaux de la Normandie, Impr. nationale, 1881. p. 294
- ↑ Aspects du monachisme en Normandie (IVe — XVIIIe siècle), actes du colloque scientifique de l'« Année des abbayes normandes », Caen, 18—20 octobre 1979, Paris, 1982, Librairie philosophique J. Vrin. (ISBN 2-7116-2034-4)
- ↑ M. Lenormant in Séance publique du 13 août 1846, Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie, vol. 17, 1847
- ↑ « L'Abbaye du Bec Hellouin », Normandie gîte
- ↑ « Restes de l'abbaye du Bec-Hellouin », Édouard Charton (dir.), Le Magasin pittoresque, 1850, p. 344
- ↑ Abel Hugo, France pittoresque, tome 1, Paris, Delloye, 1835, p. 41-42
- ↑ Marcel Baudot, Pierre Mendès-France… son action pour le Bec.
- ↑ Geneviève Nortier, Les bibliothèques médiévales des abbayes bénédictines de Normandie et Claude Jolly, Histoire des bibliothèques françaises t. II : Les bibliothèques sous l’Ancien Régime, 1530-1789.
- ↑ Abbaye Notre-Dame du Bec, Éditions Gaud, Moisenay, 1999 (ISBN 2-84080-046-2)
- ↑ Vie du bienheureux Bernard Tolomei, Paris 1898, CUPER, in Acta SS (1739) Aug. IV. 464-75 : Maréchaux.
- ↑ Sur l'œcuménisme, voir la Revue des Amis du Bec-Hellouin de 1962 à 1990, nombreux articles remarquables, entre autres ceux de dom Philibert Zobel († 2008), osb.
- ↑ L. Derousseaux, Unité des chrétiens, n° 113, p. 22.
- ↑ Michael Ramsey, Donald Coggan, Robert Runcie, George Carey, Rowan Williams.
- ↑ Article de la Wikikto sur le monastère d'Abu Gosh.
- ↑ Site du monastère de la Sainte-Espérance à Mesnil-Saint-Loup.
Annexes
Bibliographie
: source utilisée pour la rédaction de cet article
- Abbaye Notre-Dame du Bec, Moisenay : Éditions Gaud, 1999. (ISBN 2-84080-046-2)
- Adolphe-André Porée, Histoire de l’abbaye du Bec, Évreux : Impr. Hérissey, 1901, Bruxelles : Culture et civilisation, 1984. 2 vol.
- Adolphe-André Porée, L'Abbaye du Bec au XVIIIe siècle : étude historique et archéologique, Tours : Paul Bousrez, 1881
- Adolphe-André Porée, Ed., Chronique du Bec et chronique de François Carré, Rouen : Ch. Métérie, 1883
- Geneviève Nortier, Les bibliothèques médiévales des abbayes bénédictines de Normandie, Caen : Caron & C°, 1966, p. 34-60
- Claude Jolly (dir.), Histoire des bibliothèques françaises t. II : Les bibliothèques sous l’Ancien Régime, 1530-1789, Paris : Promodis, 1988, p. 29-43 (les bibliothèques bénédictines). (ISBN 2-903181-68-3)
- Marie-Pascal Gilbert Crespin, Dickson, Ed, La Vie de saint Herluin, fondateur et premier abbé du Bec, Le Bec-Hellouin, Les Ateliers du Bec, 1961
- (en) Margaret Gibson, Lanfranc of Bec, Oxford : Clarendon Press, 1978. (ISBN 13 : 9780198224624, ISBN10 : 0198224621)
- Vie du bienheureux Bernard Tolomei, Paris 1898, CUPER, in Acta SS (1739) Aug. IV. 464-75 : Maréchaux
- Marcel Baudot, Normandie bénédictine, Les amis du bec Hellouin, 1979
- André Poupet, L'Abbaye du Bec au temps des chevaux 1790-1948, Les Ateliers du Bec, 1998. (ISBN 2-908109-04-2)
- Dom Grammont
- Paul Grammont, Présence à Dieu, présence aux hommes, Paris : Cerf, 1991, (Foi vivante, 261). (ISBN 2-204-04260-9)
- Alain Maillard de la Morandais, Dom Grammont, abbé du Bec, Paris : Fayard, 1986
- La Varende, L'abbaye du Bec-Hellouin, préface et postface de dom Paul Grammont, éditions des Ateliers du Bec, 1982.
- Œcuménisme
- Étienne Fouilloux, Les Catholiques et l'Unité Chrétienne du XIXe au XXe siècle, Paris : éditions du Centurion, 1982. (ISBN 9782227310377)
- Monique Simon, La vie monastique, lieu œcuménique dans le cœur de l'Église–communion, Paris : éditions du Cerf, 1997. (ISBN 2-204-05647-2)
- Nouvelle histoire de l'Église, tome V, Paris : éditions du Seuil, 1975.
- Suzanne Martineau, Les Anglicans, Turnout : éditions Brepols, 1996. (ISBN 9782503504650)
Liens internes
- Chevalier Herluin : fondateur de l'abbaye du Bec
- Saint Anselme de Cantorbéry
- Lanfranc de Cantorbéry
- Dom Paul Grammont
- Ordre du Mont-Olivet
- Bernardo Tolomei
- Monastère Notre-Dame de la Sainte Espérance : fondation au diocèse de Troyes
- Abbaye Notre-Dame de Maylis, l'autre abbaye bénédictine olivétaine en France.
- Cathédrale de Cantorbéry
Liens externes
- Site officiel de l'Abbaye Notre-Dame du Bec
- Informations sur le monastère Sainte Françoise Romaine du Bec — site du diocèse d'Évreux
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