- Abbaye Notre-Dame de Bernay
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Abbaye Notre-Dame de Bernay
Façade de l'église abbatiale côté ouest et bâtiment conventuel à droitePrésentation Culte Catholique romain Type Abbatiale Début de la construction 1010 Style(s) dominant(s) Roman Protection Classé MH (1862) Géographie Pays France Région Haute-Normandie Département Eure Ville Bernay Coordonnées Géolocalisation sur la carte : France
modifier L'abbaye Notre-Dame de Bernay est située à Bernay dans l'Eure en Haute-Normandie. Elle comprend la plus ancienne église abbatiale de Normandie encore debout.
Elle fut fondée par Judith, femme de Richard II, duc de Normandie au XIe siècle. L'abbatiale fait l'objet d'un classement au titre des monuments historiques par la liste de 1862[1].
Sommaire
Histoire
Lors de son mariage avec Richard II duc de Normandie, Judith, fille du duc de Bretagne, reçoit en cadeau un douaire qui comporte entre autres les terres de Bernay[2]. Elle décide de consacrer Bernay à la fondation d'un monastère dédié à Notre-Dame.
La construction débute en 1010 mais Judith meurt en 1017 les travaux étant inachevés[3]. En 1025, son mari Richard II décide de reprendre la construction et confie le chantier à l'abbé Guillaume de Volpiano[2], architecte italien et ancien moine de Cluny, renommé notamment pour avoir participé à l'achèvement des monastères à Fécamp, à Jumièges, ou encore, Troarn. Il meurt en 1031.
Pendant quelque temps, Bernay n'a pas d'abbé propre mais dépend de gardiens. C'est vers 1050 qu'apparaît Vital, premier abbé dont les textes font mention. Il reste jusqu'en 1076, date à laquelle Guillaume le Conquérant le place à la tête de Westminster. L'abbatiale est terminée vers 1050[3].
Ensuite, l'histoire de Bernay est mal connue. On sait qu'en 1249, un grave incendie ravage une partie du bâtiment[2]. Au XVe siècle, on remanie le bas-côté Nord de la nef et l'abside de l'abbatiale dans le style gothique flamboyant[2]. En 1563, l'amiral de Coligny saccage l'abbaye et pille les trésors et les archives. En 1628, Bernay est prise en main par les mauristes qui y commencent de vastes travaux[2]. À cette occasion, la façade principale et les deux travées les plus occidentales de l'église et les deux absidioles du chevet furent rasées[2]. Une façade de style classique est alors montées[3]. En 1790, l'abbaye est supprimée[2] et fut affectée à divers usages municipaux. Le bras nord du transept disparaît en 1810 et l'abside est détruite en 1827. Au XIXe siècle, la tour centrale est supprimée. À partir de 1963, l'abbatiale, en très mauvais état, va connaître au long des restauration des fouilles archéologiques[2]. L'édifice est restauré en 1978, ce qui permet de comprendre l'importance qu'elle a eu au XIe siècle.
Armes de l'abbaye
- échiqueté d'or et d'azur, au franc quartier d'hermines
- d'azur, à une Notre-Dame, tenant son enfant Jésus, d'or[4].
L'église abbatiale
Description
Plan
L'église possède un plan en croix latine.
La façade Ouest de l'édifice est droite et était simplement pourvue de contreforts plats.
Au XVe siècle, les moines la détruisirent et amputèrent la nef des deux travées les plus occidentales.
La nef comprenait un vaisseau principal et deux collatéraux, le tout divisé en sept travées. À l'origine, elle était charpentée.
Les deux premières travées comportaient des voûtes d'arêtes.
Le collatéral Nord a été complètement repris au XVe siècle, les travées ont reçu des voûtes sur croisées d'ogives avec nervures à pénétration et clefs pendantes.
Le collatéral Sud est divisé en travées carrées par doubleau. Sur chaque travée a été établie une petite coupole très plate que les spécialistes font remonter au maximum au XVIIe siècle. Elle a peut-être remplacé une croisée d'arêtes.
La croisée du transept supportait autrefois une tour centrale carrée qui a disparu au début du XIXe siècle. Elle est constituée par quatre arcs en plein cintre.
Le transept est saillant.
Les deux bras comportaient chacun une absidiole orientée peu profonde.
Seul le bras Sud est resté intact alors que le bras Nord a été détruit en 1810.
Le chevet est organisé selon la tradition bénédictine classique.
On a donc un chevet échelonné à trois chapelles précédées d'une travée droite aussi large que la nef.
L'abside principale en cul de four est dans l'alignement du vaisseau principal. Elle est plus profonde que les deux petites chapelles qui l'encadrent. Les bas-côtés du chevet étaient voûtés d'arêtes sur plan carré. Selon les plans anciens, les deux collatéraux du chœur se terminaient par un chevet plat et l'on dit que l'abside du vaisseau principal était à cinq pans depuis le XVe siècle.L'église est construite en appareil mixte. Les 5 travées sont toutes identiques.
La nef
La nef comporte 3 niveaux d'élévation :
- 1er niveau : une grande arcade plein cintre qui repose sur une pile presque carrée à laquelle viennent se coller des colonnes engagées qui supportent un arc-doubleau pour soutenir la voûte des bas-côtés. À l'intérieur de l'arcade, il y a une demi colonne engagée qui repose sur un mince dosseret sur lequel repose un arc en tore assez épais qui est une moulure ronde, semi-cylindrique. Tous les chapiteaux des colonnes sont sculptés. Les bases de ces colonnes sont moulurées simplement.
- 2e niveau : alternance de baies géminées plein cintre et d'arcades aveugles peu profondes qui brisent l'unité des surfaces. Les baies géminées sont séparées par une colonnette surmontée d'un chapiteau évasé et se trouvent dans l'alignement des grandes arcades.
Cette alternance traduit une certaine phase expérimentale sur le traitement structurel et plastique des murs. Les baies géminées donnent sur des combles dans lesquels on accède par les escaliers situés dans les croisillons du transept. Cela forme une galerie ou tribune au-dessus du collatéral. Le mur est donc composé de 2 épaisseurs : c'est un effet de composition pour alléger la structure générale.
- 3e niveau : fenêtre haute dans l'alignement des baies géminées et grandes arcades ce qui permet un éclairage direct de la nef.
L'ouverture de ces fenêtres hautes était possible car la nef était charpentée. Il n'y avait donc pas trop de risque pour la solidité du mur.
Cette élévation typique est appelée « Mur épais normand ».
On remarque qu'il existe une certaine correspondance entre ces trois niveaux : l'alignement grande arcade, baie géminée et fenêtre haute ainsi que celui des piles composées et des fausses fenêtres introduit un certain rythme dans l'élévation. Cela souligne la continuité des volumes et une recherche esthétique.
Derrière les grandes arcades du rez-de-chaussée, on distingue le collatéral Sud : il est divisé en travées par des doubleaux de section carrée retombant sur des pilastres adossés aux piles de la nef. Sur chaque travée a été établie une petite coupole sur pendentif très plate appareillée en moellons de dimension réduite qui date au moins du XVIIe siècle. Des baies ont été percées dans les murs pour assurer un éclairage. Au-dessus des voûtes des collatéraux s'ouvrent les baies géminées renforcées du côté des combles par de puissants arcs de décharge destinés à raidir les murs gouttereaux dépourvus de contreforts.
Le transept
La croisée du transept est formée de 4 gros piliers. Ces massifs cruciformes supportaient la tour. Le pilier cruciforme est caractéristique de l'art roman. Le croisillon Sud est délimité par un immense arc outrepassé qui repose sur un colonne engagée avec chapiteaux sculptés. Le côté occidental du croisillon communique avec le collatéral Sud par une arcade en plein cintre à l'intérieur duquel sont inscrits deux pilastres supportant un arc en tore. À côté se trouve une arcade plein cintre aveugle qui est percée d'une baie ébrasée qui éclaire directement le croisillon. Cette arcade repose sur des colonnes presque monolithes. Le mur oriental est percé de trois fenêtres romanes en plein cintre simple sans mouluration qui donnent sur la galerie. La galerie est éclairée directement par des baies. Cette galerie assure donc la circulation dans les parties hautes de l'édifice. Ce passage n'est pas dissimulé et fait partie de l'élévation intérieure.
Toute cette partie est réalisée en grand appareil.
La sculpture
La sculpture apparaît principalement dans l'abbatiale sur les chapiteaux et les bases de certaines colonnes engagées.
Pendant la première moitié du XIe siècle, trois ateliers d'une grande diversité se répartissent les décors sculptés[3]:
Le premier atelier a décoré les parties basses du chœur et une partie du transept Sud en développant les formes tronconiques à tablettes : volume triangulaire du chapiteau surmonté d'un bandeau de pierre lisse. Les thèmes sculptés :
- Masques humains en tête de feuille,
- Grands oiseaux,
- Chapiteau signé de son auteur Isembard. Il témoigne d'une influence arabe ou byzantine de par la disposition des animaux, répartis symétriquement par rapport à l'arbre de vie.
Le deuxième atelier a sculpté les bases et les chapiteaux des parties hautes du cœur ainsi que quelques chapiteaux du transept. Cet atelier a privilégié les motifs géométriques et les entrelacs. Les sources d'inspirations seraient méridionales mais rappellent l'art celte qui a imprégné la Normandie.
- Le troisième atelier a effectué des chapiteaux antiquisants d'inspiration corinthienne.
On remarque qu'il y a une hésitation dans le style architectural, ce qui donne à Bernay une place à part.
Spécificités
- Plan basilical avec chevet échelonné de type bénédictin.
- Les piles composées car elles sont expérimentales.
- L'élévation à trois niveaux qui au deuxième étage est composée de baies géminées préfigurant le principe du triforium.
- Le passage mural. Cet élément architectural porte le nom de Mur épais normand.
Contexte historique
L'abbaye de Bernay est liée à l'histoire des ducs de Normandie et à la conquête de l'Angleterre.
Son église abbatiale reste encore aujourd'hui l'un des édifices majeurs des débuts de l'art roman en Normandie.
Liste des abbés
Liste des abbés :Selon le catalogue fourni par le Gallia christiana[5], il y a eu 36 abbés réguliers et commendataires ; les recherches récentes de Christophe Queval ont permis d'étoffer et préciser quelque peu cette liste :
1- Vital de Creully, ca 1050 – nommé en 1076 contre son gré abbé de Westminster, où il mourut le 19 juin 1085 et fut inhumé, ancien moine de Fécamp.
2- Osbern, 1076 – 1095… , frère du précédent, ancien moine de Troarn.
3- Robert Noë, …1106 - † 1er novembre 1128.
4- Nicolas, 1128 – 1135… , ancien moine de Fécamp.
5- Richard Ier, …1142 – † 1169, ancien moine de Fécamp.
6- Goscelin, 1169 - † 15 août 1175, ancien moine du Bec.
7- Guillaume Ier, 1175 – † 19 octobre 1190, ancien moine du Bec.
8- Second, 1190 - … , ancien moine du Bec.
9- Jean, …1201…
10- Gautier, … - 1226.
11- Guillaume II, 1226 - † 1227.
12- Laurent Ier le Trécalier, …1231 - † 24 mai 1264.
13- N… , 1264 – 1277.
14- Gilbert Chouquet, avril 1277 – 1300, ancien moine et aumônier de céans.
15- Guillaume III, 1300 – † 1342.
16- Étienne, 1342 - † 11 janvier 1367.
17- Guillaume IV Viard, 1367 – † 18 septembre ca 1389.
18- Guy (ou Guidon) de Roffinhac, 1389 – transféré en 1394 à Notre-Dame de Lagrasse, qu’il gouverna jusqu’à sa mort le 1er juillet 1416.
19- Bégon de Murat, 19 mars 1394 – résigne en 1400, gentilhomme originaire d’Auvergne, docteur en décrets, d’abord prieur d’Elincourt-Sainte-Marguerite, recteur du collège Saint-Martial d’Avignon (1384), puis procureur général et vicaire de Jean, abbé de Cluny, nommé abbé de Fleury le 14 février 1404, où il mourut le 6 avril 1414.
20- Bertrand de Saint-Bausille, 1400 – 1406.
21- Ponce Pignon, 1406 – déposé le 1er décembre 1421.
22- Simon Ier Gonelle, 23 juin 1422 – résigne en 1456, ancien grainetier et administrateur de céans, mort le 31 décembre 1463, âgé de 80 ans.
23- Guillaume V de Flocques, 1456 – † 25 novembre 1464, évêque d’Evreux (1443-47 ; 1464).
24- Richard III Boschage, 1465 – † 1476.
25- Jean de La Chapelle, …1481 – † 13 juillet 1488, vicaire de Saint-Pierre de Chartres, aussi abbé commendataire de Nogent-sous-Coucy (1486).
26- Simon des Allées, 1488 – † 11 avril ca 1497/99, ancien prieur de Bolbec (1472).
27- Louis des Haulles, 1499 – 1524.
Abbés commendataires :
28- François Bohier, 1524 – † septembre 1569, doyen de Tours, prévôt de Normandie en l’église de Chartres, nommé le 31 décembre 1534 coadjuteur de son oncle Denis Briçonnet, évêque de Saint-Malo, auquel il succédera le 15 décembre 1535.
29- Antoine Vialard, 1569 – † 4 décembre 1576, , archevêque de Bourges (septembre 1572), aussi prieur de Saint-Martin-des-Champs (1563) et S.Nicolas d’Acy.
30- Thomas Bohier de Nazelles, 11 mars 1577 - … , frère de François et Gilles évêque d’Adge ; doyen de Tours, abbé et baron de Bernay.
31- Aymar Hennequin, 1578 (?) – † 13 janvier 1596 à Rennes, chanoine de N-D. de Paris, évêque de Rennes (décembre 1572), membre du conseil général de la Ligue (janvier 1589), aussi abbé d’Épernay (1569).
32- Jérôme Hennequin, 1596 – résigne en 1618, frère du précédent, chanoine de Paris, évêque de Soissons (17 août 1587), mort le 10 mars 1619 à Soissons à l’âge de 72 ans.
33- Dreux Hennequin de Villenoxe, 1618 – † 7 mars 1651 à l’âge de 77 ans, neveu des précédents et coadjuteur de son oncle à Soissons (1612), docteur en droit civil et canon, chanoine et trésorier de Soissons, conseiller au Parlement de Paris (12 août 1598), connu comme fin gourmet : selon Tallemant des Réaux, "il était tellement féru de la vision de tenir la meilleure table de Paris qu’il en était ridicule. On l’appelait "le cuisinier de satin"... C’était un pédant de bonne chère, car il était esclave de l’ordonnance de ses plats".
34- François Feydeau de Brou, 1651 – † 1666, neveu du précédent, conseiller au Parlement de Paris.
35- Léon Potier de Gesvres, 1666 (nommé à 10 ans !) – † 12 novembre 1744 à Versailles âgé de 88 ans, protonotaire du Saint-Siège apostolique (1681), docteur en théologie (1694), archevêque de Bourges (1694-1729), commandeur de l’Ordre du Saint-Esprit (1724), créé cardinal le 29 novembre 1719, aussi abbé d’Aurillac (1679), Saint-Amand-les-Eaux (1720), Crespin-en-Hainaut (1725), Saint-Remi de Reims (1729).
36- Jean-Baptiste-Joseph Languet de Gergy, mai 1745 – † 11 octobre 1750 à Bernay à l’âge de 76 ans, docteur en Sorbonne, curé de Saint-Sulpice à Paris de 1714 à 1748, frère de l’archevêque de Sens et de l’abbé de Morimond.
37- Jean-Léonard de Poudens, novembre 1754 – 1790, aumônier de la Dauphine puis de la comtesse de Provence, vicaire général de l’évêque d’Aix, ancien abbé de Reigny (1744).Comparaison
- plan : Cluny III
- élévation : Abbaye de Jumièges
Bibliographie
- Lucien Musset, Normandie romane, t. 2, La Haute-Normandie, Éditions Zodiaque, La Pierre qui Vire, 1974.
Notes et références
- Ministère de la Culture, base Mérimée, « Notice no PA00099330 » sur www.culture.gouv.fr.
- Joseph Decaëns, Le paysage monumental de la France autour de l’an mil, Paris, Picard, 1987, 560-562 p. (ISBN 2-7084-0337-0), « Bernay (Eure): Notre-Dame »
- Maylis Baylé, L’architecture normande au Moyen- Âge, tome 2 : les étapes de la création, Luneray, Éditions Charles Corlet/Presses Universitaires de Caen, 2e édition 2001 (ISBN 2-84133-134-2 et 2-85480-950-5), « Bernay: abbatiale Notre-Dame », p. 27-31
- Armorial de la province des villes de Normandie, Rouen: A. Péron, 1849. Alfred Canel,
- La France pontificale (Gallia christiana), histoire chronologique et biographique des archevêques et évêques de tous les diocèses de France depuis l'établissement du christianisme jusqu'à nos jours, divisée en 17 provinces ecclésiastique. Rouen
Voir aussi
Liens externes
Catégories :- Monument historique classé en 1862
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