- Bete du Gevaudan
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Bête du Gévaudan
La Bête du Gévaudan serait un animal à l'origine d'une série d'attaques contre des humains survenues entre le 30 juin 1764 et le 19 juin 1767. Ces attaques, le plus souvent mortelles, entre 88 à 124 recensées selon les sources, eurent lieu principalement dans le nord de l'ancien pays du Gévaudan (qui correspond globalement à l'actuel département de la Lozère). Quelques cas ont été signalés dans le sud de l'Auvergne, et dans le nord du Vivarais et du Rouergue.
La « Bête du Gévaudan » dépassa rapidement le stade du fait divers, au point de mobiliser de nombreuses troupes royales et de donner naissance à toutes sortes de rumeurs, tant sur la nature de cette « bête » – vue tour à tour comme un loup, un animal exotique et même un loup-garou, voire un tueur en série à une époque plus récente[N 3] — que sur les raisons qui la poussaient à s'attaquer aux populations — du châtiment divin à la théorie de l'animal dressé pour tuer. L'affaire ne fut jamais élucidée.
De 1764 à 1767, deux animaux, identifiés comme de gros loups, furent abattus. Le premier par François Antoine, porte-arquebuse du roi de France, en septembre 1765, sur le domaine de l'abbaye royale des Chazes. À partir de cette date, les journaux et la cour se désintéressèrent du Gévaudan, bien que d'autres morts attribuées à la Bête aient été déplorées ultérieurement. Le second loup fut abattu par Jean Chastel, enfant du pays domicilié à La Besseyre-Saint-Mary, le 19 juin 1767. Selon la tradition, l'animal tué par Chastel était bien la Bête du Gévaudan car, passée cette date, plus aucune mort ne lui fut attribuée.
Sommaire
Histoire
Premières attaques
La première personne que la Bête attaqua fut une femme habitant tout près de Langogne, mais des bœufs arrivèrent et firent fuir l'animal. La femme n'eut donc d'autre mal que ses habits déchirés. La première victime officielle de la Bête fut Jeanne Boulet, jeune fille âgée de quatorze ans, tuée le 30 juin 1764[1], au village des Hubacs (près de Langogne) dans la paroisse de Saint-Étienne-de-Lugdarès en Vivarais.
La victime fut enterrée « sans sacrements », n'ayant pu se confesser avant sa mort. On relève toutefois sur la consignation de sa mort que le curé de la paroisse mentionne[N 4] qu'elle fut victime de la bête féroce, ce qui suggère qu'elle ne fut pas la première victime mais seulement la première déclarée.
Une deuxième victime est rapportée le 8 août. Âgée de 14 ans, elle habitait au hameau de Masméjean, paroisse de Puy-Laurent[2]. Ces deux victimes ont été tuées dans la vallée de l'Allier. Les suivantes, dès la fin du mois d'août, et au cours du mois de septembre, meurent autour et dans la forêt de Mercoire[3].
Étienne Lafont, syndic du diocèse de Mende, se trouvait à Marvejols en cette fin du mois d'août. C'est depuis cet endroit qu'il envoya des chasseurs de Mende, dirigés par le sieur Mercier, afin de venir en aide aux chasses qui se mettaient peu à peu en place à proximité de Langogne[1]. Cependant, Lafont se rendit vite compte que ces chasses étaient insuffisantes et avertit donc M. de Saint-Priest, intendant du Languedoc, et M. le comte de Montcan, gouverneur de la province, de la situation. C'est ce dernier qui donna l'ordre au capitaine Duhamel, stationné à Langogne avec ses dragons, de conduire les opérations de chasse contre la Bête[4].
Duhamel et les dragons
C'est ainsi à partir du 15 septembre que le capitaine Duhamel et ses dragons débutent leurs chasses[4], armant les paysans pour qu'ils leur viennent en aide. Il y avait, cette année-là, quatre compagnies de dragons, volontaires de Clermont, stationnées à Langogne ou Pradelles et commandées par Duhamel, capitaine et aide-major[5]. Ces militaires étaient alors très présents dans les régions autour des Cévennes, du fait des conflits avec les Camisards au début du siècle (1702-1715). Durant les multiples battues menées en la forêt de Mercoire, jamais la Bête n'est aperçue. Cependant, c'est sans doute à cause de ces diverses chasses que la Bête quitte rapidement cette zone. Elle se déplace alors aux confins de la Margeride et de l'Aubrac, au début du mois d'octobre.
Le 7 dudit mois, une jeune fille est tuée au village d'Apcher, paroisse de Prunières, et sa tête n'aurait été retrouvée que huit jours plus tard. Le lendemain, un garçon vacher de 15 ans est attaqué à proximité de La Fage-Montivernoux. Ce même jour, la Bête attaque un autre vacher entre Prinsuéjols et le château de la Baume, propriété du comte de Peyre. Cependant, le jeune garçon se réfugie parmi ses vaches, qui parviennent à repousser la Bête[6]. Peu de temps après, des chasseurs qui sortent d'un bois avoisinant aperçoivent la Bête qui rode encore autour du garçon[7]. Deux de ces chasseurs tirent et touchent la Bête qui, par deux fois, tombe puis se relève. Personne n'arrive cependant à la rattraper alors qu'elle s'enfuit dans un bois. La battue qui est organisée le lendemain se solde par un échec. Deux paysans affirment avoir vu l'animal sortir, en boitant, durant la nuit. Ainsi, et pour la première fois, la Bête a été blessée[4]. C'est pendant ce mois d'octobre 1764 que la Bête perpétue ses attaques les plus méridionales, notamment celle qui coûte la vie à Marie Solinhac, attaquée au Brouilhet, sur la commune des Hermaux.
Le 2 novembre, Duhamel et ses 57 dragons quittent Langogne pour s'installer à Saint-Chély, chez l'aubergiste Grassal[8]. Ce n'est pourtant que le 11 novembre qu'ils peuvent effectuer leur première chasse, en raison d'importantes chutes de neige[9],[4]. Voyant le manque de résultat des chasses jusqu'à présent, les États du Languedoc se réunissent le 15 décembre, et promettent une prime de 2 000 livres à qui tuerait la Bête[10]. Cinq nouvelles personnes meurent pourtant après une attaque attribuée à la Bête[N 5] durant ce mois de décembre[3].
L'appel aux prières
Le 31 décembre 1764, l'évêque de Mende, monseigneur Gabriel-Florent de Choiseul-Beaupré, également comte de Gévaudan, lance un appel aux prières et à la pénitence. Cet appel est resté dans l'Histoire sous le nom de « mandement de l'évêque de Mende »[N 7]. Tous les prêtres du diocèse ont pour ordre de l'énoncer à leurs fidèles. Dans ce texte, l'évêque qualifie la Bête de fléau envoyé par Dieu pour punir les hommes de leurs pêchés[11]. Il cite saint Augustin pour évoquer la « justice de Dieu », ainsi que la Bible et les menaces énoncées par Dieu à travers la bouche de Moïse : « j'armerai contre eux les dents des bêtes farouches »[12]. À l'issue de ce mandement, il est ordonné que soient respectées quarante heures de prières et de chants, et ce durant trois dimanches consécutifs.
Mais les prières semblent vaines, puisque la Bête continue son massacre en ce début d'année 1765. Au cours des mois de janvier et de février, les chasses de Duhamel et des dragons s'avèrent infructueuses. Les habitants des lieux se plaignent, par ailleurs, de l'attitude des dragons. Ils sont ainsi accusés de ne pas payer les logements ni la nourriture, ou encore de détruire les récoltes[13]. Le conseiller du Roi, Clément Charles François de L'Averdy, envoie alors un chasseur normand, le sieur Denneval (ou d'Enneval), pour les suppléer. Il est réputé bon chasseur de loups, puisqu'il en aurait abattu plus de 1 200[14]. Martin Denneval[N 8] et son fils se rendent donc en Gévaudan au milieu du mois de février.
Le combat de Portefaix
Avant l'arrivée des Denneval, le 12 janvier, la Bête s'attaque à sept enfants du Villaret, paroisse de Chanaleilles. Le combat qui l'a opposée aux jeunes bergers et le courage dont ces derniers ont fait preuve sont restés dans les annales. Depuis l'apparition de la Bête, il était recommandé de ne pas envoyer seuls les enfants garder le bétail. L'élevage dans cette région était principalement celui des vaches et des moutons. Cependant, les hommes adultes étaient souvent occupés aux travaux des champs. Pour limiter les positions de faiblesse que présentent des enfants seuls, les troupeaux sont donc souvent groupés afin que les jeunes gardent ensemble les animaux.
C'est le cas des sept enfants du Villaret, cinq garçons et deux filles âgés de huit à douze ans. La Bête s'attaque à eux, tournant autour des enfants qui s'étaient regroupés en position de défense. Elle s'empare alors de l'un des plus jeunes garçons, mais les autres réussissent à piquer la Bête à l'aide de lames fixées sur des bâtons, jusqu'à lui faire lâcher prise. Elle a cependant le temps de dévorer une partie de la joue droite de sa victime. Elle revient ensuite à la charge, saisissant Joseph Panafieu[16], le plus jeune, par le bras, et l'emportant avec elle. L'un des jeunes suggére alors de s'enfuir pendant qu'elle est occupée, mais un autre, Jacques André Portefaix, énonce le contraire. Ils accourent alors pour secourir leur infortuné compagnon, tentant de piquer la Bête au niveau des yeux. Ils parviennent finalement à lui faire lâcher prise et à reculer. À l'arrivée d'un ou plusieurs hommes, alertés par les cris, la Bête s'enfuit dans un bois voisin[17].
Monsieur de Saint-Priest informe monsieur de l'Averdy de ce combat. Et, pour le récompenser de son courage, le Roi offrit de payer l'éducation de Jacques Portefaix. Ainsi, le 16 avril 1765, Portefaix est admis chez les Frères de la Doctrine Chrétienne, ou Frères Ignorantins, de Montpellier. Il y reste jusqu'en novembre 1770, date à laquelle il entre à l'école du Corps Royal d'artillerie. Il devient ensuite lieutenant, sous le nom de Jacques Villaret, et meurt le 14 août 1785, à l'âge de 32 ans[18].
L'arrivée des Denneval
C'est le 17 février 1765 que les Denneval arrivent à Clermont-Ferrand où ils sont présentés à l'intendant d'Auvergne, monsieur de Ballainvilliers. Le lendemain, ils sont à La Chapelle-Laurent et, le surlendemain, à Saint-Flour[19]. C'est au début du mois de mars qu'ils prennent place en Gévaudan.
Ce mois de mars est le témoin du combat héroïque de Jeanne Jouve pour sauver ses enfants[20]. Jeanne Chastang, femme de Pierre Jouve, domiciliée au mas de la Vessière (Saint-Alban) est devant sa maison avec trois de ses enfants vers midi en ce 14 mars. Soudain, attirée par un bruit, elle s'aperçoit que sa fille de 9 ans vient d'être saisie par la Bête qui est passée par-dessus la muraille. La fille Jouve tenait, qui plus est, le plus jeune des garçons, âgé de 14 mois environ. Jeanne Jouve se jette alors sur la Bête et parvient à lui faire lâcher prise. Cette dernière revient malgré tout à la charge sur le plus jeune des enfants, mais elle ne peut l'atteindre, car la mère le protège. La Bête se jette alors sur l'autre garçon, Jean-Pierre, âgé de 6 ans, le saisit par le bras et l'emporte. Jeanne Jouve se jette à nouveau sur la Bête. S'en suit un long combat où Jeanne Jouve est repoussée au sol, griffée, mordue à plusieurs reprises. Finalement la Bête, qui tient toujours Jean-Pierre, parvient à s'échapper, mais elle se retrouve face aux deux plus grands enfants Jouve, qui se préparaient à emmener le troupeau aux pâtures. Ces derniers parviennent à libérer leur jeune frère et à faire fuir la Bête. Jean-Pierre succomba cependant à ses blessures quelques heures plus tard. En récompense de son acte héroïque, Jeanne Jouve reçut 300 livres de gratification de la part du roi[21].
Les Denneval, eux, s'installent en Gévaudan. Dès leur arrivée, ils veulent l'exclusivité des chasses, et doivent donc éliminer Duhamel. Ils font alors intervenir monsieur de l'Averdy et, le 8 avril, Duhamel et ses dragons doivent quitter le pays pour leur nouvelle affectation de Pont-Saint-Esprit[22]. Cependant, les Denneval tardent à lancer de grandes chasses, la première n'intervenant que le 21 avril. Le but de cette première chasse semblait être de ramener la Bête vers Prunières et les bois appartenant au comte de Morangiès[23]. S'ils purent approcher la Bête, celle-ci parvint à s'échapper sans qu'ils ne puissent tirer.
En ce mois d'avril 1765, l'histoire de la Bête se répand dans toute l'Europe. Le Courrier d'Avignon relate ainsi que des journalistes anglais tournent en dérision le fait que l'on ne puisse abattre un simple animal[24]. Pendant ce temps, monseigneur l'évêque ainsi que les intendants doivent faire face à un afflux massif de courrier. Des personnes de toute la France proposent des méthodes plus ou moins farfelues pour venir à bout de la Bête[25].
Le 1er mai, la Bête se trouve à proximité du bois de la Rechauve, entre Le Malzieu et Saint-Alban[N 9]. Alors qu'elle s'apprête à attaquer un jeune berger, un homme, l'un des frères Marlet[26] du hameau de La Chaumette, situé au sud-est de Saint-Alban, l'aperçoit depuis la fenêtre de sa maison, située à 200 mètres de là environ. Il prévient alors ses deux frères et tous s'empressent de s'armer et de sortir de la maison. La Bête aurait reçu deux coups de fusil, serait tombée à chaque fois avant de pouvoir se relever. Elle parvient à s'échapper bien que blessée au cou[19]. Le lendemain, Denneval, prévenu entre temps, se rend sur place et poursuit la trace accompagné d'une vingtaine d'hommes. Tous espèrent que la Bête a été blessée à mort. L'annonce qu'une femme a été tuée dans l'après-midi, sur la paroisse de Venteuges, les détrompe finalement.
Le lendemain de cette chasse, le marquis Pierre-Charles de Morangiès écrit au syndic Étienne Lafont pour se plaindre des Denneval : « MM. Denneval arrivèrent et donnèrent comme à l'ordinaire de jactance de l'inutilité la plus désolante. (...) vous qui êtes homme politique êtes obligé de dévoiler aux yeux des puissances l'effronterie des ces normands qui n'ont d'humains que la figure. »[19]. Le 18 mai, Morangiès adresse une nouvelle lettre de plainte auprès de Lafont, alors que les chasses des Denneval sont toujours infructueuses. Le 8 juin, sur ordre du Roi, François Antoine, porte-arquebuse de sa majesté, quitte Paris pour le Gévaudan. Il est accompagné de son plus jeune fils, Robert François Antoine de Beauterne, mais également de huit capitaines de la garde royale, six gardes-chasse, un domestique, et deux valets de limiers[19].
Antoine remplace Denneval
C'est le 20 juin que le porte-arquebuse, souvent nommé « Monsieur Antoine », arrive à Saint-Flour. Investi du pouvoir du Roi, il ne peut pas échouer dans sa mission. Il s'installe au Malzieu, qu'il atteint le 22 juin[27]. Antoine et ses hommes se joignent alors à Denneval lors de différentes chasses. Cependant, il ne parvient pas à s'accorder avec ce dernier sur la manière dont les chasses doivent être conduites. La cohabitation semblant impossible, les Denneval quittent le pays le 18 juillet sur ordre du Roi[28]. Pour Antoine, la Bête n'est rien d'autre qu'un loup, c'est d'ailleurs ce qu'il écrit dans l'une de ses nombreuses correspondances : les traces relevées n'offrent « aucune différence avec le pied d'un grand loup »[29]. Le porte-arquebuse ne parvient cependant pas immédiatement à débusquer l'animal. Il est mis à mal par la géographie du pays et demande donc de nouveaux chiens en renfort[29]. Il reçoit également le secours du comte de Tournon, gentilhomme d'Auvergne.
Le dimanche 11 août, il organise une grande battue. Pourtant, cette date ne reste pas dans l'Histoire pour ce fait, mais pour l'exploit réalisé par « la Pucelle du Gévaudan ». Marie-Jeanne Valet, âgée d'environ 20 ans[30], était la servante du curé de Paulhac. Alors qu'elle emprunte, en compagnie d'autres paysannes, une passerelle[N 10] pour franchir un petit cours d'eau, elles sont attaquées par la Bête. Les filles font quelques pas de recul, mais la Bête se jette sur Marie-Jeanne. Cette dernière arrive alors à lui planter sa lance[N 11] dans le poitrail. La Bête se laisse alors tomber dans la rivière et disparaît dans le bois[31]. L'histoire parvient rapidement à Antoine, qui se rend alors sur les lieux pour constater que la lance est effectivement couverte de sang, et que les traces retrouvées sont similaires à celle de la Bête. C'est dans une lettre au ministre qu'il surnomme Marie-Jeanne Valet la « pucelle du Gévaudan »[32].
Les Chastel emprisonnés
Quelques jours plus tard, le 16 août, se produit un événement qui aurait pu rester dans l'anonymat s'il n'avait pas été lié à la famille Chastel, dont Jean, le père, est reconnu comme le pourfendeur de la Bête. Ce jour, une chasse générale est organisée dans le bois de Montchauvet. Jean Chastel et ses deux fils, Pierre et Antoine, y participent. Deux des gardes-chasses de François Antoine, Pélissier et Lachenay, passent à leur côté et demandent leur avis sur le terrain avant de s'engager, à cheval, dans un couloir herbeux entre deux bois[32]. Ils veulent en effet s'assurer qu'il ne s'agit pas là de marécages. Les Chastel les assurant de la sûreté du sol, Pélissier s'engage alors sans crainte, avant que son cheval ne s'embourbe et qu'il soit désarçonné. C'est non sans mal qu'il parvient, avec l'aide de Lachenay, à sortir du marécage, pendant que les Chastel s'amusent de la situation. Les deux gardes-chasses s'emparent alors du plus jeune des Chastel afin de l'amener auprès de François Antoine. L'aîné et le père prennent alors Lachenay en joue en lui imposant de relâcher le plus jeune. Alors que Pélissier lui vient en aide, il est lui aussi mis en joue. Les gardes-chasses sont donc contraints de battre en retraite[32]. Le soir, ils rédigent un procès verbal pour relater les faits, et, sur ordre de François Antoine, les Chastel sont arrêtés et emprisonnés à Saugues. La consigne qui est donnée aux juges et consuls de la ville par Antoine est la suivante : « Ne les laissez sortir que quatre jours après notre départ de cette province »[33]. Le fait qu'il y ait eu un ralentissement des attaques de la Bête durant la période de cet emprisonnement est souvent repris par certains auteurs pour établir un lien entre la famille Chastel et la Bête[34].
Le loup des Chazes
Durant la deuxième quinzaine du mois de septembre, vers le 20 ou le 21, François Antoine est averti qu'un gros loup, peut-être la Bête, rôde près du bois des dames de l'abbaye des Chazes, à proximité de Saint-Julien-des-Chazes. Même si, jusqu'alors, la Bête ne s'était jamais rendue de ce côté de l'Allier, Antoine décide de s'y porter. Il fait cerner, avec l'aide de 40 tireurs venus de Langeac, le bois de Pommier. Et c'est lui, François Antoine, qui débusque l'animal, qui se retrouve à 50 pas de sa personne. Il tire, la bête tombe, se relève, et se jette sur lui. Le garde Rinchard, qui se trouve à proximité, tire à son tour et abat l'animal[37]. Selon le procès verbal dressé par François Antoine, cet animal n'est autre qu'un gros loup qui pèserait dans les 130 livres. Ils le transportent alors à Saugues, où il est disséqué par le sieur Boulanger, chirurgien de la ville. Selon ce même procès verbal, plusieurs témoins confirment qu'il s'agit bien là de la Bête qui les a attaqués. Parmi les témoins cités se trouvent Marie-Jeanne Valet et sa sœur[38].
Presque immédiatement après la rédaction du procès verbal, Antoine de Beauterne, le fils, charge l'animal sur son cheval afin de se rendre à Paris. Il fait cependant étape à Saint-Flour pour le montrer à M. de Montluc. Il arrive à Clermont-Ferrand dans la soirée. Là, il fait naturaliser et embaumer l'animal[38]. Le 27 septembre, Antoine de Beauterne quitte Clermont avec l'animal et arrive à Versailles le 1er octobre. La bête est alors exposée dans les jardins du Roi[38]. Pendant ce temps, François Antoine et ses gardes-chasse sont restés en Auvergne et continuent de chasser dans le bois alentour de l'abbaye royale des Chazes, où une louve et ses petits ont été signalés. Le dernier de ces louveteaux est abattu 19 octobre[39]. François Antoine et ceux qui l'accompagnent peuvent alors quitter le pays, ce qu'ils font le 3 novembre.
Officiellement, la Bête du Gévaudan est morte, tuée par le porte-arquebuse du Roi, François Antoine. Peu importe les événements qui ont suivi, le loup des Chazes était bien la Bête. Ce caractère officiel a d'ailleurs été confirmé en 1770 lorsque François Antoine s'est vu accordé, par brevet, le droit de porter un loup mourant, symbolisant la Bête, dans ses armes[40],[N 12].
Les nouvelles attaques
Le mois de novembre se déroule sans qu'aucune attaque ne soit relevée. Le peuple commence à considérer qu'Antoine a bien tué le monstre qui terrorisait le pays. Dans une lettre du 26 novembre, Lafont indique d'ailleurs à l'intendant du Languedoc ; « On n'entend plus parler de rien qui ait rapport à la Bête »[41]. Rapidement pourtant, la rumeur commence à relater des attaques qu'aurait commises la Bête vers Saugues et Lorcières. Ces attaques sont épisodiques jusqu'au début de l'année 1766, et le peuple comme Lafont ne savent s'ils doivent attribuer ces méfaits à la Bête ou à des loups. Cependant, le 1er janvier, M. de Montluc, dans une lettre à l'intendant d'Auvergne semble persuadé que la Bête a bien reparu[42]. Ce dernier alerte le Roi, mais celui-ci ne veut plus entendre parler de cette Bête puisque son porte-arquebuse en est venu à bout. À partir de cet instant, les journaux n'ont d'ailleurs plus relaté les attaques survenues en Gévaudan ou dans le sud de l'Auvergne.
Le 24 mars, les États particuliers du Gévaudan se tiennent en la ville de Marvejols. Étienne Lafont et le jeune marquis d'Apcher préconisent d'empoisonner des cadavres de chiens et de les porter aux passages habituels de la Bête[42]. Les attaques se sont d'ailleurs multipliées durant ce mois de mars, et les gentilshommes du pays se sont aperçus que leur salut ne viendrait pas de la cour du Roi. La Bête, elle, semble ne plus parcourir autant de terrain qu'auparavant. Elle s'est, en effet, fixée dans la région des trois monts : mont Mouchet, mont Grand et mont Chauvet. Ces trois sommets sont distants d'environ 15 kilomètres l'un de l'autre.
Les mesures prises s'avèrent inefficaces. De petites battues sont bien organisées, mais en vain. La Bête continue ses attaques durant toute cette année 1766. Il semble cependant que son mode opératoire ait légèrement changé, elle serait moins entreprenante, beaucoup plus prudente. C'est en tout cas ce qui est écrit dans les diverses correspondances, comme celles du curé de Lorcières, le chanoine Ollier, à destination du syndic Étienne Lafont[43].
La Bête de Chastel
Au début de l'année 1767, une légère accalmie des attaques se fait sentir[44]. Mais au printemps, on assiste à une recrudescence des attaques. Le peuple ne sait plus que faire pour en venir à bout, si ce n'est prier. Alors les pèlerinages se multiplient, principalement à Notre-Dame-de-Beaulieu[N 14] et à Notre-Dame-d'Estours[N 15]. L'un d'eux est resté célèbre, au début du mois de juin, puisque la légende veut que Jean Chastel y aurait fait bénir trois balles, fondues à partir des médailles de la Vierge Marie qu'il portait à son chapeau[45].
Le 18 juin, il est rapporté au marquis d'Apcher que, la veille, la Bête avait été vue dans les paroisses de Nozeyrolles et de Desges. Elle aurait tué, dans cette dernière paroisse, Jeanne Bastide, âgée de 19 ans, au village de Lesbinières[3]. Le marquis décide de mener une battue dans cette région, sur le mont Mouchet dans le bois de la Ténazeire, le 19 juin. Il est accompagné de quelques volontaires voisins, dont Jean Chastel, réputé comme étant un excellent chasseur[44].
Alors que ce dernier se trouvait au lieu dit la « sogne » d'Auvers[N 16], un carrefour de chemins, il vit passer l'animal, lui tira dessus et parvint à l'atteindre à l'épaule. Rapidement, les chiens du marquis seraient arrivés pour achever la Bête[44].
De ce coup de fusil, la légende[36] a conservé le discours romancé de l'abbé Pierre Pourcher qu'il disait tenir de la tradition orale de sa famille : « Quand la Bête lui arriva, Chastel disait des litanies de la Sainte Vierge, il la reconnut fort bien, mais par un sentiment de piété et de confiance envers la Mère de Dieu, il voulut finir ses prières ; après, il ferme son livre, il plie ses lunettes dans sa poche et prend son fusil et à l'instant tue la Bête, qui l'avait attendu. »[46].
Huit jours après la destruction de la Bête par Jean Chastel, le 25 juin, une louve qui, selon plusieurs témoignages, accompagnait la Bête, est tuée par le sieur Jean Terrisse, chasseur de monseigneur de la Tour d'Auvergne[44]. Il reçoit alors 48 livres de gratification[47].
Le destin de la Bête
La Bête est alors portée au château de Besque, vers Charraix, résidence du marquis d'Apcher. On mande le notaire Marin, qui établit un rapport très précis sur les dimensions de l'animal. Il est accompagné du chirurgien de Saugues, le sieur Boulanger, et de son fils, ainsi que d'Agulhon de la Mothe, médecin[48]. La Bête est ensuite empaillée par Boulanger, et est exposée au château de Besque. Le marquis d'Apcher ne rechigne pas à la dépense pour recevoir fastueusement la foule qui s'empresse de venir voir la Bête. De nombreux témoignages de victimes d'attaques viennent alors s'inscrire au rapport Marin. La Bête reste donc un long moment à Besque (une douzaine de jours[44]) avant que Chastel ne se décide à l'emmener à Versailles pour la montrer au Roi.
Arrivée au château du Roi, la Bête est dans un état de putréfaction avancé. Boulanger s'est en effet contenté de vider les entrailles et de les remplacer par de la paille. Le trajet et la chaleur n'ont pas dû favoriser la conservation. Lorsque Chastel demande une entrevue avec le Roi pour lui présenter la Bête, cette demande est refusée en raison de l'état de l'animal. C'est donc Georges-Louis Leclerc de Buffon en personne qui l'examine et conclut qu'il s'agit là d'un loup de grande taille[44]. La Bête est alors enterrée dans un jardin du château sans que rien n'en soit conservé. Réunis le 9 septembre, les États particuliers du Gévaudan octroyèrent à Jean Chastel une modique récompense s'élevant à 72 livres[44],[46].
Compléments historiques
Localisation
La Bête a sévi principalement dans le pays du Gévaudan, dont les limites sont sensiblement les mêmes que le département de la Lozère. Mais elle s'est rendue également dans le Velay (Haute-Loire), la Haute-Auvergne (Cantal), et le Rouergue (Aveyron). Si l'on considère le découpage administratif des années 2000, la Bête aurait fait plus de 80 victimes[N 17] dans la région Auvergne et plus de 70 dans le Languedoc-Roussillon. Au niveau des départements, c'est la Lozère qui est la plus touchée avec plus de 70 victimes, devant la Haute-Loire qui en déplore plus de 60. Les cantons de Saugues, de Pinols et du Malzieu sont ceux où l'on recense le plus de victimes, avec respectivement 34, 23 et 22 personnes[49].
Si l'on se limite aux frontières géographiques, la Bête a été présente majoritairement dans les montagnes de la Margeride, et en certaines occasions sur les monts de l'Aubrac.
Elle était d'abord dans l'est du Gévaudan, vers Langogne et la forêt de Mercoire, avant de migrer vers la Margeride et la zone des Trois Monts : mont Chauvet, Montgrand et mont Mouchet.
Au XVIIIe siècle, l'environnement du Gévaudan était constitué de vallées et de montagnes très boisées. Il existe alors, en Margeride, de nombreuses tourbières (aussi appelées « sagnes » ou « molières »), rendant difficile tout déplacement. Les villages étaient alors très dispersés, et les infrastructures routières limitées.
En ce qui concerne le climat, il n'était pas rare que l'hiver soit très long. En effet, les premières neiges pouvaient survenir dès le mois de septembre, et la saison hivernale pouvait durer jusqu'en mai.
Repères chronologiques
Date En Gévaudan ou en Auvergne En France 1715 Fin de la guerre des Camisards - 25 octobre 1722 - Louis XV de France devient Roi 1723 Gabriel-Florent de Choiseul-Beaupré devient évêque de Mende - 1756 - 1763 - Guerre de Sept Ans 30 juin 1764 Jeane Boulet est la première victime de la Bête - 15 septembre 1764 Début des chasses de Duhamel - 2 novembre 1764 Duhamel s'installe à Saint-Chély - 31 décembre 1764 Mandement de l'évêque - 12 janvier 1765 Combat de Portefaix - mars 1765 Arrivée de Denneval - 8 juin 1765 - François Antoine quitte Paris pour le Gévaudan 22 juin 1765 François Antoine s'installe au Malzieu - 18 juillet 1765 Les Denneval quittent le Gévaudan - 11 août 1765 Combat de Marie-Jeanne Valet - 16 août 1765 Jean, Pierre et Antoine Chastel sont emprisonnés - 21 septembre 1765 Le loup des Chazes est abattu par François Antoine - 1er octobre 1765 - Antoine de Beauterne présente la Bête au Roi 3 novembre 1765 François Antoine quitte le Gévaudan - 20 décembre 1765 - Mort du dauphin Louis-Ferdinand 18 juin 1767 Jean Chastel abat la Bête du Gévaudan à la sogne d'Auvers - Le rapport Marin
Le 20 juin 1767, lendemain de la mort de l'animal tué par Jean Chastel, le notaire royal Roch Étienne Marin rédige un rapport de son autopsie depuis le château de Besque, propriété du marquis d'Apcher, sur la commune de Charraix (Haute-Loire). Ce rapport a été retrouvé en 1958, et apporte quelques informations sur la nature de cet animal[50]. Voici une partie des dimensions (avec comme repère, un pied faisant 33 cm, un pouce faisant 22,07 mm et une ligne faisant 2,25 mm) :
Élément Taille en pouces/pieds Équivalent actuel Longueur depuis la racine de la queue jusqu’au sommet de la tête trois pieds 99 cm Depuis le sommet de la tête jusque entre les deux grands angles des yeux six pouces 16,2 cm Largeur d’une oreille à l’autre sept pouces 18,9 cm Ouverture de la gueule sept pouces 18,9 cm Largeur horizontale du col huit pouces six lignes 23 cm Largeur des épaules onze pouces 29,7 cm Largeur à la racine de la queue huit pouces six lignes 23 cm Longueur de la queue huit pouces 21,6 cm Diamètre de la queue trois pouces six lignes 9,5 cm Longueur d’oreille quatre pouces six lignes 12,2 cm Largeur du front au-dessous des oreilles six pouces 16,2 cm Longueur de l’humérus huit pouces quatre lignes 22,5 cm Longueur de l’avant bras huit pouces 21,6 cm Longueur de la mâchoire six pouces 16,2 cm Largeur du nez un pouce six lignes 4 cm Longueur de la langue quatorze pouces depuis sa racine 37,9 cm Largeur des yeux un pouce trois lignes 3,4 cm Épaisseur de la tête sept pouces 18,9 cm Jambes de derrière de la première à la seconde articulation sept pouces deux lignes 19,4 cm De la seconde à la troisième articulation jusqu’aux ongles dix pouces 27 cm Largeur des pattes quatre pouces six lignes 12,2 cm De la châtaigne au bout de la patte six pouces 16,2 cm Par ailleurs, ce rapport nous apprend des détails sur les mâchoires de l'animal. Ainsi, on apprend que la mâchoire supérieure est composée de 14 dents, soit 6 incisives, 2 crochets et 6 molaires. La mâchoire inférieure, elle, comporte 22 dents : 12 incisives et 10 molaires.
Ce rapport est également agrémenté de plusieurs témoignages de personnes reconnaissant l'animal, ainsi que les blessures qu'il possédait.
De plus, la tradition décrit l'animal comme pesant plus de 50 kg[51].
Statistiques
Les statistiques sont assez variables suivant les auteurs et la période de leurs écrits. Elles doivent, de plus, être pondérées pour plusieurs raisons. Tout d'abord rien ne prouve que toutes les victimes qualifiées d'officielles par les actes de décès sont vraiment à attribuer à la Bête. Certaines personnes ont en effet pu faire passer un mort comme étant une victime de la Bête. A contrario, suite au mandement de l'évêque mettant en avant les pêchés du peuple, certains actes de sépulture ont pu ne pas signaler qu'il s'agissait là d'un meurtre perpétré par la Bête. De la même façon, après le départ de François Antoine, les sources sont moins fréquentes.
Les sources qualifiées d'officielles font état d'un peu plus de 80 personnes tuées[52],[53]. Il y aurait également eu une trentaine de personnes blessées, et une cinquantaine d'autres attaquées[54].
S'il semble exact que la Bête n'a fait aucun mort chez les hommes adultes, elle ne faisait pas de préférence entre les femmes et les hommes. Elle s'attaquait cependant plus fréquemment aux enfants qu'aux adultes[53].
Caractéristiques de la Bête
Si l'histoire de la Bête du Gévaudan a été autant commentée depuis les événements et sa disparition, c'est principalement parce qu'elle présente plusieurs mystères.
Tout d'abord sur sa nature morphologique. En effet, ni l'animal tué par François Antoine ni celui tué par Jean Chastel, n'a été conservé. Si l'on s'en tient au rapport Marin, il s'agirait d'un canidé, mais d'aspect inhabituel[55]. Toutefois, de nombreux témoins, accoutumés à la présence de loups dans leur campagne, n’ont pas reconnu dans cet animal un loup, mais l’ont directement dénommé sous le terme bestia, « la bête » en langue d'oc.
Ensuite, de nombreux témoignages font penser à une relative invulnérabilité de cette Bête. Le manque d'efficacité des armes a alimenté la théorie selon laquelle elle aurait pu porter une cuirasse en peau de sanglier, comme en portaient les chiens utilisés à la guerre jusqu'au début du XIXe siècle. De nombreux témoignages relatent le fait que la Bête aurait été touchée par une ou plusieurs balles de fusil, tirées par des chasseurs de bonne réputation, et pourtant elle se serait relevée à chaque fois.
Les témoignages font également apparaître un don d'ubiquité à la Bête. Elle aurait, en effet, été aperçue dans un très faible intervalle de temps en des lieux distants de plusieurs kilomètres les uns des autres. Cependant, ces distances restent, dans bien des cas, envisageables pour un seul animal.
Deux des traits les plus marquants de cette Bête sont sa familiarité et son audace. Au moins jusqu'au départ de François Antoine, elle semble ne pas craindre l'homme. Lorsque la bête rencontre une résistance de la part de la victime ou de ses compagnons, elle s'éloigne « de 40 pas », s'asseoit parfois sur le train arrière pendant quelques instants et, si elle n'est pas poursuivie, revient à la charge. Elle s'éloigne du lieu de son forfait au petit trot ou au pas. Plusieurs fois, des victimes auraient été attaquées en plein village[N 18] et une majeure partie des témoignages attestent que les attaques ont eu lieu de jour[56].
Enfin la Bête est très agressive et agile[57]. Cette agressivité est caractérisée par un acharnement qui ne semble pas toujours dicté par la faim. Elle est de plus très agile, car selon les témoignages, elle avait la capacité de sauter par-dessus des murs qu'un chien n'aurait pu franchir.
Les personnes liées
La famille Chastel
Article connexe : Jean Chastel.La famille Chastel est restée dans l'histoire pour plusieurs raisons. Tout d'abord parce que Jean Chastel est celui qui a tué la Bête du Gévaudan. Mais également parce que plusieurs auteurs ont accusé les Chastel, notamment Antoine, fils de Jean, d'avoir dompté et programmé la Bête. Jean Chastel vivait au village de La Besseyre-Saint-Mary, et était connu sous le sobriquet de « de la masqua », autrement dit le « fils de la sorcière ». Il était lettré, comme le signale sa présence fréquente pour signer les registres. C'est par ces signatures que l'on retrouve son métier. Ainsi, il était laboureur, brassier, mais également cabaretier[58].
Deux des fils de Jean Chastel sont reliés à l'histoire de la Bête : Antoine et Pierre. Ils furent emprisonnés en même temps que leur père, en août 1765. Il a été écrit, depuis les livres d'Abel Chevalley et d'Henri Pourrat, qu'Antoine vivait dans le bois de la Ténazeyre, non loin de là où devait se cacher la Bête, cependant ceci n'appartient pas à la tradition orale, et aucun écrit d'époque ne vient corroborer cette affirmation[58],[59].
La famille de Morangiès
La maison de Molette de Morangiès est sans doute issue d'une petite seigneurie située à Molette, aujourd'hui commune de Prévenchères. Elle serait, par ailleurs, propriétaire à la Garde-Guérin[60]. En 1410, Jean de Molette hérite du château et de la seigneurie de Morangiès, voisine de celle de Molette[61]. En 1608, François de Molette de Morangiès épouse Marie de Louet de Calvisson[62], héritière de la seigneurie gentilhommière de Saint-Alban[N 19]. Le 31 décembre 1726, Pierre-Charles de la Molette de Morangiès épouse Louise-Claudine de Guérin de Châteauneuf-Randon de Tournel. Cette union permet aux Morangiès d'acquérir la baronnie du Tournel, et le droit d'entrée aux états du Languedoc. Il s'installe alors au château du Boy dans le Valdonnez, qu'il embellit grandement[63]. En 1741 il rachète pour 20 000 livres[64] une partie de la baronnie de Canilhac, mais également les droits d'entrées aux états du Gévaudan et du Languedoc qui y étaient associés[65]. Il fait alors transférer ce titre à sa terre de Saint-Alban par décision royale[61].
Pierre-Charles de Molette se titre ainsi marquis de Morangiès, comte de Saint-Alban, baron et seigneur de maints lieux. En 1745 il se distingue à la bataille de Fontenoy, alors qu'il est maréchal de camp. Ceci lui permet de recevoir la croix de chevalier de Saint-Louis et de devenir lieutenant-général. Il est ensuite fait prisonnier durant la guerre de Sept Ans. Il est aussi atteint par la disgrâce du maréchal de Soubise après la défaite de Rossbach. Il se retire alors dans son hôtel particulier à Paris, avant de revenir à Saint-Alban. En 1765 l'évêque de Mende l'informe que le Roi lui a rendu sa confiance[61].
Il aurait eu quatre fils et deux filles. L'un d'eux est resté dans l'histoire de la Bête du Gévaudan, il s'agit de Jean-François-Charles, comte de Morangiès. Il est né le 22 février 1728 au château du Boy. À 14 ans, il devient mousquetaire du Roi. Il était colonel du régiment d'infanterie du Languedoc durant la bataille de Minorque en 1756. Il est d'ailleurs nommé gouverneur de Minorque par le maréchal de Richelieu[61]. Il le resta jusqu'en 1763. En 1753 il avait épousé Marie-Paule-Thérèse de Beauvilliers de Saint-Aignan, fille d’un duc et pair, avec qui il eut deux fils.
La famille d'Apchier
Article connexe : Jean-Joseph d'Apcher.La baronnie d'Apchier est l'une des huit baronnies du Gévaudan, donnant droit d'entrée aux États particuliers du Gévaudan, mais également, suivant la roue de tour[N 21] aux États du Languedoc. Cette baronnie se situe, dès le XXe siècle, entre le Bès et la Truyère. Elle gagne en puissance lorsque Garin de Châteauneuf, co-seigneur avec son frère Odilon de la baronnie de Châteaunef-Randon, épouse Alix d'Apchier, héritière de la baronnie[66]. Le château principal de la baronnie se trouve alors au village d'Apcher, désormais commune de Prunières en Lozère. En 1638, l'héritière de la baronnie, Marguerite, épouse François de Crussol, duc d'Uzès. Son petit-fils, Charles de Crussol, vend alors la baronnie pour payer ses dettes[66]. C'est Pierre Bouniol, juge général au « comté d'Apchier », qui rachète la majeure partie de la baronnie. Il la revendra, avec le droit d'entrée aux états du Gévaudan, entre 1717 et 1719 au marquis de Roquelaure, Emmanuel de Besuéjouls[66].
En 1764, le marquis d'Apcher est Jean-Joseph. Il est né le 3 juin 1745 au château de Besque. Il est le fils de Joseph de Randon et Henriette de La Rochefoucauld. En 1765 il a 20 ans quand il prend peu à peu la tête des chasses contre la Bête du Gévaudan. C'est d'ailleurs lui qui organise la battue du 19 juin 1767, où Jean Chastel a vaincu la Bête.
Le corps ecclésiastique
Article connexe : Gabriel-Florent de Choiseul-Beaupré.- Gabriel-Florent de Choiseul-Beaupré
Gabriel-Florent de Choiseul-Beaupré était évêque de Mende, et par conséquent comte de Gévaudan depuis 1723. Il est issu de la famille de Choiseul, et, pendant son épiscopat, ses cousins César Gabriel de Choiseul-Praslin et Étienne François de Choiseul occupaient des postes de haut rang[N 22] auprès du royaume. Il cherche continuellement à prendre soin des habitants du Gévaudan. Mais il n'hésite pas à critiquer leurs mœurs lors du mandement resté dans la postérité. C'est également lui qui décide de retirer saint Sévérien de la liste des évêques de Mende, fait repris par l'abbé Pourcher pour qualifier la Bête de « fléau de Dieu ».
- Abbé Trocellier
L'abbé Trocellier, curé d'Aumont-Aubrac, a organisé de nombreuses battues dans sa paroisse et au-delà. Il a également été témoin oculaire de la Bête, dont il a fait la description dans sa multiple correspondance. Il écrit ainsi que : « ... la Bête se redresse sur ses deux jambes de derrière, et, dans cette position elle badine de ses deux pattes de devant, pour lors elle paraît de la hauteur d’un homme de taille médiocre »[67]. Cette bipédie lui fit évoquer l'idée d'un babouin pour définir à quel animal correspondait la Bête lors d'une lettre adressée au syndic Lafont. Il consigna ses impressions dans le registre paroissial[N 23],[N 24], dessinant même un portrait de la Bête[68].
Le corps administratif
- Étienne Lafont
Étienne Lafont était avocat au parlement de Toulouse, syndic du diocèse de Mende et, depuis 1749, subdélégué de l'intendant du Languedoc en Gévaudan. Le Gévaudan était en effet l'un des pays d'états qui composaient la province du Languedoc. Il était né à Marvejols le 16 mars 1719[N 25] et est mort en juillet 1767, 18 jours après la Bête tuée par Chastel.
Ses frères, Jacques et surtout Trophime, l'ont aidé dans son travail pour éradiquer la Bête.
- Monsieur de Montluc
Pierre de Tassy de Monluc, né à Saint-Flour en 1721 et mort en 1796, était le subdélégué du diocèse de Saint-Flour auprès de l'intendant d'Auvergne.
- Comte de Moncan
Jean-Baptiste Marin, comte de Moncan, était maréchal des armées du Roi et gouverneur militaire du Languedoc. Il fut ensuite lieutenant-général et grand'croix de l'Ordre de Saint-Louis, et nommé sénéchal et gouverneur du Rouergue le 1er mars 1767. Il resta en charge jusqu'à sa mort, en 1779.
- Monsieur de Saint-Priest
Marie-Joseph de Guignard de Saint Priest était l'intendant du Languedoc à partir de 1764. Il fut préalablement conseiller à la cours des aides de Montpellier, puis, en 1757, maître des requêtes, avant de devenir intendant[69].
- Simon Charles Sébastien Bernard de Ballainvilliers
Simon de Ballainvilliers était intendant de la province d'Auvergne de 1757 à 1767[70]. Le 19 juin il rapporte dans une lettre le détail de la fin de la Bête, ainsi il écrit : « Jean Chastel, un enfant du pays, a tué une bête qui parut être un loup, mais un loup extraordinaire et bien différent par sa figure et ses proportions des loups que l'on voit dans ce pays. »
- Comte de Saint-Florentin
Monsieur le comte Louis Phélypeaux de Saint-Florentin était un ministre du Roi. Il fut l'un des interlocuteurs privilégiés des correspondances entre les gentilshommes du Gévaudan et la cour du Roi.
- Monsieur de l'Averdy
Comme le comte de Saint-Florentin, Clément de l'Averdy était un ministre du Roi, contrôleur général des finances, et a entretenu une correspondance avec le Gévaudan.
Les chasseurs
- Capitaine Duhamel
Jean Baptiste Louis François Boulanger, seigneur de Duhamel, fut d'abord lieutenant au régiment de Cambis à partir de 1747. De 1756 à 1758 il devient cornette au régiment de Royal Roussillon cavalerie. Puis il est engagé comme aide-major d'infanterie du régiment des volontaires de Clermont-Prince. C'est cette année 1758 qu'il obtient le grade de capitaine. Il devient aide-major des dragons en 1760. Aux premières attaques de la Bête, en 1764, il commandait ses troupes dans la région de Langogne.
- Messieurs Denneval
Jean Charles Marc Antoine Vaumesle d’Enneval, parfois prénommé Martin, né en 1703, était grand louvetier du haras d’Exmes en Normandie de 1703 à 1769. Il est venu en Gévaudan avec son fils Jean-François.
- Monsieur Antoine et Antoine de Beauterne
François Antoine, né vers 1695, était porte-arquebuse du roi Louis XV, sous-lieutenant des chasses et inspecteur de la forêt de la Capitainerie de Saint-Germain-en-Laye. Il était également grand louvetier du royaume et chevalier de l'Ordre de Saint-Louis.
Il était venu avec son troisième fils, Robert-François Antoine de Beauterne, né le 26 juin 1748, porte-arquebuse du dauphin et gendarme de la garde du roi. Ce dernier avait acquis la particule « de Beauterne » indépendamment d'un quelconque héritage familial.
Ils étaient assistés par[37] : le garde général Lacoste ; les gardes-chasse de la capitainerie royale de Saint-Germain Pélissier, Régnault et Dumoulin ; les gardes-chasse à cheval du duc d'Orléans Lacour et Rinchard[N 26] et les gardes-chasse du duc de Penthièvre Lecteur, Lachenay et Bonnet.
Les théories
Le fléau de Dieu
Le terme de « fléau » est employé en 1765 par monseigneur de Choiseul-Beaupré dans son mandement : « ce fléau extraordinaire, ce fléau qui nous est particulier et qui porte avec lui un caractère si frappant et si visible de la colère de Dieu »[71]. La Bête n'est donc pas un loup, ni un quelconque animal connu, mais une Bête unique envoyée par Dieu pour punir le peuple de ses péchés. Cette théorie est d'ailleurs reprise par celui qui est considéré comme le premier historien de la Bête, l'abbé Pierre Pourcher[72]. Né au Mazet, vers Julianges, l'abbé Pourcher était curé à Saint-Martin-de-Boubaux et imprimait lui-même les livres qu'il écrivait[73]. Pour lui, ce fléau a été envoyé par Dieu principalement à cause de la disparition de Sévérien de la liste des évêques de Mende. Sévérien, qui aurait été disciple de Martial de Limoges, a longtemps été considéré comme l'évangélisateur du Gévaudan[N 27] au cours du IIIe siècle. Cependant, il se pourrait que ce soit une mauvaise interprétation des textes qui ait fait confondre Sévérien de Gabala[N 28], en Syrie, avec un Sévérien du pays des Gabales[N 29]. C'est pour cette raison que l'évêque Gabriel-Florent de Choiseul-Beaupré l'avait déclassé de la liste des évêques en 1763[74], peu avant les premières attaques.
Un ou plusieurs loups
Officiellement, tous les animaux tués en Gévaudan lors des chasses contre la Bête ont toujours été des loups. C'est en tout cas ce qui est dit par monsieur de Buffon à propos de l'animal tué par François Antoine, comme de celui ramené par Jean Chastel. La théorie du loup anthropophage a été évoquée au moment des faits, et s'est conservée au fil des années. L'abbé François Fabre évoque une famille de loups, alors qu'à partir des années 1960 on en compte trois. Ces trois loups, selon l'abbé Xavier Pic, auraient été celui tiré par les frères Marlet de la Chaumette[N 30], celui tué par François Antoine et le garde Rinchard, et le troisième tué par Jean Chastel[75]. Jacques Delperrié de Bayac arrive à la même conclusion, même s'il évoque la possibilité de la présence d'un quatrième loup[76]. Guy Crouzet[77],[78] et le chanoine Félix Buffière[79] sont beaucoup moins précis sur leur nombre, mais concluent également à la culpabilité des loups.
Un animal exotique
Le fait que la Bête soit un animal exotique a été l'une des premières théories, d'ailleurs avancées au moment même des événements. Le mandement de l'évêque évoque en effet « une bête féroce, inconnue dans nos climats »[71]. L'animal le plus souvent cité est alors la hyène qui aurait pu s'évader de la foire de Beaucaire[80]. Guy Crouzet l'évoque avec prudence, alors que Gérard Ménatory émet l'hypothèse que cette hyène aurait été ramenée d'Afrique par Antoine Chastel[81]. Il associe donc l'animal exotique à l'intervention humaine.
Pour corroborer l'hypothèse de la hyène, est parfois utilisé un petit fascicule paru en 1819, et vendu au Jardin des Plantes. Ce fascicule évoque un animal autrefois exposé, une hyène barrée d'Orient : « Ce féroce et indomptable animal est rangé dans la classe du loup cervier ; il habite l’Égypte, il parcourt les tombeaux pour en arracher les cadavres ; le jour, il attaque les hommes, les femmes et les enfants, et les dévore. Il porte une crinière sur son dos, barrée comme le tigre royal ; celle-ci est de la même espèce que celle que l’on voit au cabinet d’Histoire Naturelle, et qui a dévoré, dans le Gévaudan, une grande quantité de personnes »[N 31],[N 32].
Mais bien d'autres animaux ont été cités comme étant la Bête, comme le glouton[82] (ou carcajou), le thylacine[81], ou bien le tigron[83]. La famille des félidés est d'ailleurs plusieurs fois évoquée : lion, panthère, guépard, etc. Sont suggérés également : un grand singe[N 33] (comme le babouin) ou même un ours brun[84].
Un fou sadique
La théorie du fou sadique écarte totalement la présence d'un animal. C'est le docteur Puech, professeur agrégé à l'université de médecine de Montpellier, qui avance cette hypothèse en 1910. Selon lui, les cadavres abandonnés par le fou incriminé auraient été rongés par des loups. C'est la présence de mystificateurs recouverts de peaux de loups qui auraient entretenu la peur et l'accusation d'une Bête[85].
Cette hypothèse a ensuite été reprise mais n'impliquerait plus une mais deux personnes minimum[86]. Le terme « sadique » se rattache à la mise en scène de certains meurtres, où les têtes ont été retrouvées tranchées.
L'intervention humaine ou le complot
Ce sont Abel Chevalley et Henri Pourrat qui ont popularisé la théorie selon laquelle la Bête du Gévaudan serait un animal dressé pour tuer, accompagné d'un ou plusieurs humains. Un noble du pays, Jean-François-Charles de Morangiès, et un paysan solitaire nommé Antoine Chastel, sont souvent les personnes désignées comme dresseurs. Abel Chevalley voit en la Bête un mâtin (gros chien) ou une hyène ramenée par Antoine Chastel d'Afrique, ce dernier ayant le fils Morangiès comme complice[87]. Pour Henri Pourrat c'est le même Antoine Chastel qui aurait dressé la Bête, couvert par son père Jean, qui aurait finalement abattu l'animal[88].
Raymond-Francis Dubois va un peu plus loin dans cette piste. En défenseur des loups, c'est un chien qui est accusé[89]. Ce chien, dressé pour la guerre comme il en existait au XVIe siècle, était alors recouvert d'une cuirasse. Le poil de sanglier, très dru et serré, aurait pu constituer une protection efficace y compris contre les balles. Là aussi c'est Antoine Chastel qui aurait élevé et guidé cet animal, suivant les ordres d'un noble du pays. Michel Louis, fondateur et directeur du parc zoologique d'Amneville est partisan de cette théorie. Pour lui, la raie noire constatée sur le dos de la Bête ne correspond pas au pelage du loup, mais est, par contre, caractéristique de celui du sanglier. Il relève également que cette caractéristique n'a pas été observée sur le cadavre des différents animaux tués[90].
La théorie d'un animal dressé pour le dessein des notables du pays a été reprise fréquemment à partir des années 1990 pour les besoins de productions littéraires, BD, etc. comme dans la fiction[N 34] de Christophe Gans Le Pacte des loups.
Utilisations modernes de la légende
Sites touristiques
La région où a sévi la Bête, ainsi que les lieux alentours, se sont peu à peu appropriés sa légende. Musées, statues et sentiers pédagogiques ont fait leur apparition. On retrouve ainsi :
- une sculpture de la Bête à Saint-Privat-d'Allier ;
- le musée de la Bête du Gévaudan à Saugues. Il restitue par des personnages en plâtre et des effets sonores, l'atmosphère de terreur qui régna entre 1764 et 1767 dans la région de Saugues[N 36]. Il fête ses dix ans d'existence en juillet 2009[91] ;
- une statue de bois se dresse également dans le village de Saugues, à laquelle viennent se rajouter diverses représentations ;
- une statue se trouve au village d'Auvers. Elle représente le combat de Marie Jeanne Vallet contre la Bête, et a été exécutée par le sculpteur Philippe Kaeppelin. Elle a été inaugurée en 1995, suscitant même une polémique à propos de l'usage touristique d'une Bête ayant commis de tels crimes[92] ;
- une stèle à la mémoire de Jean Chastel, le vainqueur de la Bête, se trouve dans le village de La Besseyre-Saint-Mary ;
- une statue de la Bête du Gévaudan sculptée par Auricoste figure à Marvejols. La Bête n'est pourtant jamais venue à proximité de la cité.
À cela s'ajoute le musée du parc à loups du Gévaudan, qui possède quelques documents relatifs à la légende. De plus, de nombreuses entreprises, ou autres clubs sportifs, de Lozère et de Haute-Loire, ont choisi la Bête du Gévaudan comme emblème.
Théâtre
L'histoire de la Bête du Gévaudan a été adaptée au théâtre. Il s'agit d'une pièce en trois actes de Jacques Audiberti, sortie en 1936 sous le nom de La Bête noire[93]. Elle est présentée en 1948 à la Huchette à Paris, et a été renommée en La Fête noire. Les noms historiques n'ont pas été conservés. La pièce présente une lutte entre paysans et aristocrates locaux[94].
En 2008, un nouvelle pièce est montée sous le nom de La Bête est là..., avec Geneviève et Robert Sicard et une mise en scène de Patricia Capdeveille. Il s'agit d'une adaptation du livre de Laurent Fournier intitulé Petite histoire des grands ravages d'une méchante bête[95].
Cinéma et télévision
Plusieurs films ont pris pour trames de fond l'histoire ou la légende de la Bête du Gévaudan. On retrouve ainsi :
- Le Pacte des loups, film de Christophe Gans (2001) ;
- La Bête du Gévaudan, téléfilm de Patrick Volson (2003).
Mais cette histoire a aussi fait l'objet de plusieurs reportages et autres documentaires, comme :
- La Bête du Gévaudan, dramatique de la série Le Tribunal de l'impossible diffusée en 1967 (ORTF) ;
- La Bête du Gévaudan, autopsie d'un mythe, de David Teyssandier ;
- La bête du Gévaudan, documentaire de 1970 de la Télévision suisse romande[96] ;
- Quel est le mystère de la bête du Gévaudan ?, dans la série Secrets d'histoire, documentaire de 2007-2008 de France 2.
Littérature
L'écrivain écossais Robert Louis Stevenson a traversé le Gévaudan en 1878, périple qu'il raconte dans son récit Voyage avec un âne dans les Cévennes. Il écrit ainsi à propos de la Bête : « C'était, en effet, le pays de la toujours mémorable Bête, le Napoléon Bonaparte des loups. Quelle destinée que la sienne ! Elle vécut dix mois à quartier libre dans le Gévaudan et le Vivarais, dévorant femmes et enfants et "bergerettes célèbres pour leur beauté" [...] si tous les loups avaient pu ressembler à ce loup-ci, ils eussent changé l'histoire de l'humanité »[97].
La Bête est devenue, à partir des années 1970, le personnage central de plusieurs bandes dessinées. Ces premières apparitions sous ce format sont même antérieures, puisque le magazine Héroic dans son numéro 23, du 1er juin 1955, a raconté le « récit véridique de la Bête du Gévaudan »[98]. Entre 1970 et 1990, la Bête apparaît dans les dessins de Comès, de Claude Auclair ou encore du duo Pierre Christin/Enki Bilal[99]. Certains auteurs de bandes dessinées, comme Convard, tentent de s'éloigner légèrement de l'histoire dite officielle, en ne citant aucun nom notamment[100].
Dans les années 2000, le duo Adrien Pouchalsac et Jan Turek sortent une trilogie, La Bestia, qui se veut la plus proche possible de l'histoire[N 37]. Il en est de même pour La Bête du Gévaudan de Jean-Louis Pesch, ou encore Le secret de Portefaix, l'enfant du Gévaudan de Cyrille Le Faou et Roger Lagrave. Les romanciers de fiction se sont également inspirés de l'histoire de la Bête pour leurs récits, comme, par exemple Gévaudan de Philippe Mignaval[N 38] ou Le Chien de Dieu de Patrick Bard[N 39].
Jeu vidéo
Article principal : La Bête du Gévaudan (jeu vidéo).L'histoire de la Bête du Gévaudan a également servi de trame pour un jeu vidéo sorti en 1985. Ce jeu vidéo a été développé et édité par C.I.L. (Compagnie Informatique Ludique)[101]. Se présentant sous la forme d'un jeu d'aventure textuelle, il est sorti sur les micro-ordinateurs Apple II. L'histoire reprend l'hypothèse selon laquelle la Bête était un loup-garou. Le joueur incarne cette Bête est doit trouver un moyen de soigner son mal[102].
Annexes
Articles connexes
- Bête de Touraine
- Bête des Cévennes
- Bête du Cézalier
- Bête de Noth
- Bête des Vosges
- Bête de Sarlat
- Bête du Valais
Notes
- ↑ Cette gravure date du début 1765, avant la prime de 9 000 livres accordée par Louis XVI. La légende complète est la suivante : « Figure du Monstre qui désole le Gévaudan. Cette Bête est de la taille d'un jeune Taureau elle attaque de préférence les Femmes, et les Enfans, elle boit leur Sang, leur coupe la Tête et l'emporte. Il est promis 2700lt à qui tuerait cet animal »
- ↑ La signature porte : AF Alençon 1765
- ↑ L'hypothèse de l'intervention humaine dont les crimes seraient masqués par la Bête est apparue en 1910 avec les publications du docteur Puech. Cette version a été reprise dans plusieurs livres ou fiction dans les années 1990 et 2000, comme dans le film Le Pacte des loups.
- ↑ Acte visible sur le site des AD07, commune de Saint-Étienne-de-Lugdares, types d'acte : baptêmes, mariages et sépultures datés de 1757 à 1780, page 113 ((fr) actes en ligne)
- ↑ Exemple avec [image] l'extrait du registre paroissial de Rieutort-de-Randon, et l'acte d'inhumation de Jeanne Bonnet le 26 décembre 1764
- ↑ Une version existe avec comme légende : « Représentation véritable de la Bête sauvage, une hyène qui se manifeste, présentement, depuis le mois de septembre 1764, en France, dans le Gévaudan, province du Languedoc et qu'on nomme aussi la grande dévoreuse ». [image] Autre version de la gravure
- ↑ (fr) [image] Exemple de couverture d'une impression du mandement
- ↑ Ses prénoms exacts sont : Jean Charles Marc Antoine, cependant le prénom de Martin lui est souvent attribué
- ↑ La commune n'a pris le nom de Saint-Alban-sur-Limagnole qu'en 1847. La ville se nommait alors simplement Saint-Alban.
- ↑ [image] Photo de la passerelle
- ↑ [image] Photo de la lance
- ↑ [image] Blason des Beauterne avec l'adjonction du loup mourant
- ↑ L'original non colorisé date de 1764, Bibliothèque nationale, Histoire de France, titre original : « Figure de la Bête féroce que l'on croit être une hyène »
- ↑ Commune de Paulhac-en-Margeride, Lozère
- ↑ Commune de Monistrol-d'Allier, Haute-Loire
- ↑ [image] Photo de la sogne d'Auvers
- ↑ Le terme « victime » regroupe ici les personnes tuées, blessées ou simplement attaquées par la Bête. Les données sont approximatives et proviennent des compléments apportés par Jean Richard au livre de François Fabre.
- ↑ Selon Michel Louis, ont dénombrerait 22 victimes agressées en plein village
- ↑ Le Gévaudan était composée de huit baronnies qui avait chacune une entrée aux États particuliers du Gévaudan. À cela, venaient s'ajouter douze seigneuries gentilhommières, qui avait aussi un droit d'entrée. Saint-Alban faisait partie de ces douze seigneuries.
- ↑ Il s'agit d'une peinture à l'huile de 1,45 m par 1,10 m, qui a du être exécutée avant 1789. Il existe deux versions de ce tableau, un original et une copie.
- ↑ Chaque année, à tour de rôle, l'une des baronnies peut envoyer un représentant
- ↑ Lieutenant général, secrétaire d'État, ...
- ↑ [image] Extrait du registre paroissial, pour l'inhumation, le 25 novembre 1764, de Catherine Valy, victime de la Bête
- ↑ Exemples : [image] 1, [image] 2, [image] 3, [image] 4, [image] 5 de la description donnée par Trocellier dans le registre paroissial
- ↑ [image] Acte de naissance
- ↑ Sur certaines gravures ou peinture, on retrouve également la graphie Rinhard
- ↑ Fêté tous les 26 janvier jusqu'au XVIIIe siècle
- ↑ La graphie Gabalis peut également se trouver
- ↑ Les Gabales étant le peuple gaulois habitant le Gévaudan
- ↑ L'animal blessé n'a pas été retrouvé.
- ↑ Ce petit fascicule est toujours consultable à la Bibliothèque Centrale du Muséum National d’Histoire Naturelle, 38 rue Geoffroy Saint Hilaire Paris 5 où il est archivé sous la cote : 8° Rés. 48.
- ↑ (fr) Numérisation du fascicule
- ↑ C'est l'abbé Trocellier qui évoque cette hypothèse dans sa correspondance avec Étienne Lafont
- ↑ Le Pacte des loups utilise des noms qui ne sont pas historiques, et a rajouté des personnages imaginaires tels Marianne de Morangias
- ↑ Le blasonnement exact est : d'argent aux deux bêtes du Gévaudan affrontées de sable, allumées et armées de gueules, sur un mont de sinople, surmontées d'une croisette de Malte aussi de gueules.
- ↑ (fr) Présentation du musée
- ↑ (fr) Plus d'information sur la trilogie, la Bestia
- ↑ Roman sorti en 2006 aux éditions du Pré aux Clercs.
- ↑ Roman sorti en avril 2008, aux éditions du Seuil.
Sources et références
- ↑ a et b Michel Louis, La Bête du Gévaudan, édition 2006, partie I, chapitre 2
- ↑ François Fabre, La bête du Gévaudan, édition complétée par Jean Richard, édition De Borée, 2006, Chapitre premier, p.1
- ↑ a , b et c François Fabre, La bête du Gévaudan, édition complétée par Jean Richard, édition De Borée, 2006, Annexes : tableau des victimes de la Bête
- ↑ a , b , c et d Michel Louis, La Bête du Gévaudan, édition 2006, partie I, chapitre 3
- ↑ Félix Buffière, Ce tant rude Gévaudan [détail des éditions], tome II, p. 1142
- ↑ Xavier Pic, La Bête qui mangeait le monde, p.35
- ↑ (Pourcher, chap. 4)
- ↑ (Pourcher, chap. 7)
- ↑ Jean-Louis Pesch, La Bête du Gévaudan, p. 12
- ↑ (Pourcher, chap. 9)
- ↑ (Pourcher, chap. 10)
- ↑ Bible de Saci traduit du vulgate, Deutéronome, chap. XXXII, verset 24 [1]
- ↑ François Fabre, La bête du Gévaudan, édition complétée par Jean Richard, édition De Borée, 2006, Chapitre cinq p.37
- ↑ Jean-Louis Pesch, La Bête du Gévaudan, p. 23
- ↑ François Fabre, La bête du Gévaudan, édition complétée par Jean Richard, édition De Borée, 2006, table des illustrations
- ↑ Marie-Pascale Vincent, Les Grandes Affaires Criminelles de la Lozère, p.57
- ↑ (fr) Récit de l'histoire
- ↑ (fr) Récapitulatif des faits
- ↑ a , b , c et d Michel Louis, La Bête du Gévaudan, édition 2006, partie I, chapitre 5
- ↑ (fr) Récit complet du combat de Jeanne Jouve
- ↑ (Pourcher, chap. 21)
- ↑ Félix Buffière, Ce tant rude Gévaudan [détail des éditions], tome II, p. 1151
- ↑ François Fabre, La bête du Gévaudan, édition complétée par Jean Richard, édition De Borée, 2006, Chapitre septième, p.52
- ↑ François Fabre, La bête du Gévaudan, édition complétée par Jean Richard, édition De Borée, 2006, Chapitre septième, p.55
- ↑ (Pourcher, chap. 17)
- ↑ Félix Buffière, Ce tant rude Gévaudan [détail des éditions], tome II, p. 1413
- ↑ François Fabre, La bête du Gévaudan, édition complétée par Jean Richard, édition De Borée, 2006, Chapitre neuvième p.69
- ↑ Jean-Louis Pesch, La Bête du Gévaudan, p. 55
- ↑ a et b Félix Buffière, Ce tant rude Gévaudan [détail des éditions], tome II, p. 1162
- ↑ (fr) Plus d'informations sur Marie-Jeanne Valet et son combat avec la Bête
- ↑ Michel Louis, La Bête du Gévaudan, édition 2006, partie I, chapitre 6
- ↑ a , b et c Félix Buffière, Ce tant rude Gévaudan [détail des éditions], tome II, p. 1163
- ↑ Félix Buffière, Ce tant rude Gévaudan [détail des éditions], tome II, p. 1164
- ↑ Éric Mazel, Pierre-Yves Garcin, La Bête du Gévaudan à travers 250 ans d'images, p. 47
- ↑ Éric Mazel, Pierre-Yves Garcin, La Bête du Gévaudan à travers 250 ans d'images, pp. 48-49
- ↑ a et b Éric Mazel, Pierre-Yves Garcin, La Bête du Gévaudan à travers 250 ans d'images, p. 65
- ↑ a et b François Fabre, La bête du Gévaudan, édition complétée par Jean Richard, édition De Borée, 2006, chapitre XII
- ↑ a , b et c Michel Louis, La Bête du Gévaudan, édition 2006, partie I, chapitre 7
- ↑ François Fabre, La bête du Gévaudan, édition complétée par Jean Richard, édition De Borée, 2006, chapitre XIV
- ↑ Éric Mazel, Pierre-Yves Garcin, La Bête du Gévaudan à travers 250 ans d'images, p. 132
- ↑ Félix Buffière, Ce tant rude Gévaudan [détail des éditions], tome II, p. 1167
- ↑ a et b Michel Louis, La Bête du Gévaudan, édition 2006, partie I,chapitre 8
- ↑ François Fabre, La bête du Gévaudan, édition complétée par Jean Richard, édition De Borée, 2006, chapitre XVII
- ↑ a , b , c , d , e , f et g François Fabre, La bête du Gévaudan, édition complétée par Jean Richard, édition De Borée, 2006, chapitre XX
- ↑ Félix Buffière, Ce tant rude Gévaudan [détail des éditions], tome II, p. 1169
- ↑ a et b (Pourcher, chap. 53)
- ↑ Pierre Cubizolles, Loups-garous en Gévaudan : le martyre des innocents, 1995, p. 101
- ↑ Félix Buffière, Ce tant rude Gévaudan [détail des éditions], tome II, p. 1172
- ↑ François Fabre, La bête du Gévaudan, édition complétée par Jean Richard, édition De Borée, 2006, Annexes complétées
- ↑ (fr) Transcription du rapport Marin
- ↑ (fr) [pdf] La deuxième mort de la Bête du Gévaudan, Franz Julien, p.3
- ↑ François Fabre, La bête du Gévaudan, édition complétée par Jean Richard, édition De Borée, 2006, Annexes : personnes tuées par la Bête
- ↑ a et b (fr) Études statistiques par Phil Barnson, d'après Alain Bonet
- ↑ François Fabre, La bête du Gévaudan, édition complétée par Jean Richard, édition De Borée, 2006, Annexes : Les personnes blessées ou attaquées
- ↑ Michel Louis, La Bête du Gévaudan, édition 2006, partie II, chapitre 4
- ↑ Michel Louis, La Bête du Gévaudan, édition 2006, partie II, chapitre 2 : Une Bête bien familière
- ↑ Éric Mazel, Pierre-Yves Garcin, La Bête du Gévaudan à travers 250 ans d'images, p. 76
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- ↑ (fr) Apple2c Dsk Archive. Notice de La Bête du Gévaudan
Bibliographie sélective
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- 1990 DUBOIS R.F., Les loups du Gévaudan. Modave. Ogam.
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- 2004 BOYAC Hervé, La Bête du Gévaudan, Plaidoyer pour le loup, chez l'auteur.
- 2005 POUCHALSAC Adrien, TUREK Jan, La Bestia, Trilogie BD, Editions Bois sans feuille, (ISBN 2916039015)
- 2007 BOYAC Hervé, La Bête du Gévaudan : Le loup acquitté enfin ! (ISBN 2952183503 et ISBN 978-2952183505)
- 2008 MORICEAU Jean-Marc, La Bête du Gévaudan : 1764-1767 (ISBN 978-2035841735)
Liens externes
- (fr) Site officiel des loups du Gévaudan
- (fr) Un site sur la bête du Gévaudan
- (fr) Dans l'ombre de la Bête
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