Justus de Harduwijn

Justus de Harduwijn
Justus de Harduwijn
Frontispice des Goddelijcke wenschen de 1629
Frontispice des Goddelijcke wenschen de 1629

Autres noms Justus Harduyn
Justus de Harduijn
Justus De Harduyn
Justus de Harduwijn
Activités Poète
Prêtre catholique
Naissance 11 avril 1582
Gand
Flag - Low Countries - XVth Century.png  Pays-Bas espagnols
Décès 21 juin 1636 (à 54 ans)
Oudegem
Flag - Low Countries - XVth Century.png  Pays-Bas espagnols
Langue d'écriture français
néerlandais
Mouvement Baroque
Genres Poésie

Justus (De) Harduyn/Harduijn, ou Harduwijn, né à Gand le 11 avril 1582 et mort à Oudegem le 21 juin 1636[1], est un prêtre et un poète des Pays-Bas espagnols, écrivant en néerlandais, en dehors de quelques poèmes mis en vers en français[2].

Sommaire

Biographie

Enfance – éducation – débuts de sa prêtrise

Ce poète est issu d'une famille aristocratique de Gand[3],[4]. Le grand-père de Justus, Thomas de Harduwijn, directeur des biens du conseiller principal de l’empereur Charles Quint, Louis de Flandres, a suivi le conseil de celui-ci, de faire étudier ses enfants[5]. Donaes, fils de Thomas et mort le 4 janvier 1605, est le prototype du vrai humaniste ayant visité l’Italie ; Justus héritera de sa bibliothèque qui a dû être considérable et de haute valeur, puisqu’elle fut estimée d’une valeur de cinq à six cent florins[6]. Sa fille Josyne se marie avec une personnalité célèbre : l’un des secrétaires de la ville de Gand, Maximiliaan de Vriendt (1559-1614), qui est l’auteur de plusieurs poèmes latins. Le fils de Thomas, François, écrivit, hormis des odes et des élégies en latin, des poèmes en langue néerlandaise qui n’ont pas été conservés[5]. François, père de Justus, était un homme instruit et un humaniste, qui avait fait la connaissance des poètes de la Pléiade lors de son séjour en France ; c’est à Paris qu’il entre en contact avec le savant Dorat, le véritable indicateur de la voie à suivre du groupe de la Pléiade[3],[4]. François avait travaillé à Anvers, comme Correcteur dans l’imprimerie de Plantin où il se lie d’amitié avec Jan van der Noot, qui, dans un de ses poèmes, s’adresse à lui dans des termes amicaux[4]. Il mourut en 1609[5].

Autour du moment où il termine ses études secondaires, le 15/16 mai 1598, sous l'épiscopat de Petrus Damant, il reçut la tonsure, ce qui signifie peut-être qu’il a accédé au clergé ; à peine avait-il seize ans. Peut-être, une affaire amoureuse mit fin à ses premières tentatives d’accéder au clergé. Il est certain, cependant, qu'il n'a été admis que huit ans plus tard, le 22/23 décembre 1606, à la première ordination « ad minores »[7].

François de Harduwijn, dont la famille aux racines nobles était restée fidèle à l’église catholique romaine dès le début de la révolte des gueux et de la guerre de religion qui en suivit - comme d’ailleurs celle de sa femme Livina Tayaert appartenant à la même couche sociale -[8], envoya son fils Justus étudier les droits, à partir de 1600, à Louvain[9], où il obtint le baccalauréat en 1605[3]. Élève de Justus Lipsius[10], il s’y lie d’amitié avec le futur évêque d’Ypres, Cornelis Jansenius, ainsi qu’avec Henricus Calenus et le Hollandais Joannes Baptist Stalpart van der Wiele, et bien d’autres[11].

De septembre 1605 jusqu’au mois d’août 1606, il étudie au séminaire et à l’université de Douai, où il est promu « magister artium ». Il retourne à Gand pour s’y préparer à l’ordination[12]. Finalement, il est ordonné prêtre, le 21/22 septembre 1607, par l’évêque Petrus Damant. Le chapitre concerné, celui de Cambrai, le nomme curé d’Audeghem et de Mespelare, près de Termonde : deux villages jadis sous la juridiction épiscopale de Malines[12].

Il était un parent proche de Jacob van Zevecote, le meilleur ami de Lindanus de Termonde (David van der Linden) et de Simon van den Kerkhove[13] et un disciple de Puteanus.

Roose-mond

De Harduwijn était membre de la chambre de rhétorique Sainte-Cathérine d'Alost[3] et ce sont ses amis rhétoriciens qui l’ont amené à publier, en 1613, par les soins du facteur, ou poète en titre, de cette chambre, Guilliam Caudron sr., le recueil De weerliicke Liefden tot Roose-mond (amours honnêtes pour [une fille appelée] Bouche rosée), dans lequel n’apparaît pas son nom, hormis dans un acrostiche à la fin d’une louange. Ce recueil, qui réunit de la poésie d’amour profane[3], partiellement adaptée d’après des modèles grecs, latins et français[9] ou traduite de Du Bellay et Belleau[14], aurait été écrite avant 1605. De Harduwijn applique ici, à l’instar d’Houwaert, de D'Heere et de Van der Noot, le mètre de vers de la Renaissance et les nouvelles formes pétrarquistes. Beaucoup de ses poèmes sont une imitation créative de la poésie de la Pléiade et de celle de Philippe Desportes. Le genre cyclique, la couronne de sonnets, a été introduit pour la première fois dans la littérature néerlandaise par De Harduwijn[3].

Le recueil comprend un cycle de 50 sonnets ; trois chansons, quelques odes, une élégie et une plainte offrent, au moins dans la forme, un peu de variation[15].

Il y a pourtant peu de diversité dans la matière traitée, qui puise son inspiration dans les sujets ordinaires du lyrisme pétrarquiste, transmis par le biais de la Pléiade et à la mode dans son temps[15]. L’auteur a, avant tout, écrit des variations sur deux thèmes centraux, présents dans l'ensemble du cycle[15] : les qualités exquises[9] et la beauté de la bien-aimée, de qui, en premier lieu, les cheveux et les yeux ont ému le poète, et les plaintes et les douleurs d'un amant abandonné, demeurant inconsolable.

La plupart de ces sonnets[15], techniquement impeccables[9], doivent leur existence et leur origine, par-dessus tout, à la littérature, et non à la vie et aux expériences[15]. La nature et l'origine des conceptions célébrées et la fréquence de lamentations semblables dans la poésie contemporaine, de la Renaissance, pointent dans cette direction[15].

Le recueil comprend un grand nombre de traductions et d’imitations : de près de la moitié des poèmes - 27 sur 59 -, la source peut se retrouver presque avec certitude ; en grande partie, elle remonte à la poésie de la Pléiade. Cependant, ce n’est pas son chef de file Ronsard qui a inspiré De Harduwijn, mais bien les auteurs ayant suivi ses pas : Du Bellay, Belleau et Desportes. C’est surtout avec ce dernier que Harduwijn a des affinités : son ton doux et élégiaque est devenu entièrement le sien[15]. Pourtant, la tradition littéraire néerlandaise n'a pas manqué de l’influencer : c’est à Jan van der Noot qu’il doit la flexibilité de ses vers - il emploie l’alexandrin avec césure après le troisième pied et alterne rime féminine et masculine -, la force de sa technique et la structure de son sonnet[16].

La sacralisation de Roose-mond

Sur l'insistance du haut clergé, disciple de la Contre-réforme, De Harduwijn dut suivre une voie plus spirituelle dans sa poésie. Le résultat en est le recueil des Goddelicke lof-sanghen ou des louanges divines, de 1620, dans lequel un nombre de poèmes profanes du recueil Roose-mond[17] ont été remaniés pour en faire de la poésie spirituelle[18], moyennant quelques modifications mineures[17]. L’amour charnel devenu spirituel[18], purifié, Harduwijn, créa des poèmes qui appartiennent à la plus pure poésie lyrique spirituelle du XVIIe siècle[18], et dans lesquels il projette son amour terrestre dans la Sainte Vierge Marie, qui est également mère, et qu’il observe avec un plaisir voluptueux lorsqu’elle allaite et embrasse son bébé, sa bien-aimée céleste ; alors que, devant le Christ crucifié, le poète se perd dans un enlacement sensuel[19],[18].

Le recueil Den val ende op-stand vanden coninck ende prophete David ou la chute et le redressement du roi et prophète David, de 1620, comprend également de la poésie spirituelle[17], de laquelle Oscar Dambre a découvert que les Amours de David et de Bersabee de Rémy Belleau n’en étaient pas l’unique source d’inspiration, mais, du moins et pour un long fragment de ce poème épique, Den Binckhorst, de 1613, du poète zélandais Philibert van Borsselen. L’influence s’étendrait plus loin que seulement aux vers 102, 105, 108-113 et 115-122 de De Harduwijn, mais également à la structure des vers et au vocabulaire qu’emploie le poète originaire des Pays-Bas espagnols dans ses œuvres publiées dans les années 1620 et 1629, surtout quand il énumère des fleurs et dépeint des scènes de la nature[20].

Mysticisme et propagande à l’espagnol

En outre, De Harduwijn a écrit un nombre de poèmes de circonstance. Il a traduit, entre autres, les Pia Desideria de Hermanus Hugo, transformés en Goddelijcke wenschen ou vœux divins en 1629, encore réimprimés en 1645. L’Alexipharmacum, dat is teghen-gift ou antidote, de 1630, est adapté d’après un ouvrage de Cornelius Jansenius[17].

Selon Dambre, les Goddelijcke wenschen appartiennent à ce courant néo-mystique ramolli et assez infantile qu’immergeait la littérature ascétique de cette époque sous l’influence espagnole[21].

Un ouvrage publié à Anvers chez Hendrik Aertssens en 1635 en commémoration de la Joyeuse Entrée à Gand du prince royal, le cardinal infant Ferdinand d'Autriche, gouverneur des Pays-Bas et de Bourgogne, comprend de la prose et de la poésie en néerlandais par De Harduwijn et en latin par David van der Linden[14]. Ce pamphlet de propagande, l’un des nombreux sortis en latin et en néerlandais à l’occasion de l’arrivée du frère du roi Philippe IV d'Espagne, est d’autant plus remarquable, qu’il est imprégné de patriotisme flamand indéniable et que le fait que le comté de Flandre a su maintenir l’autonomie et la liberté, ne fléchissant jamais devant les ambitions du roi de France, y est accentué. La souscription de l’illustration représentant la Vierge de Flandre contenait les paroles : Invicta Gallo - Noyt Fransch (jamais français)[22].

Importance dans la littérature néerlandaise & appréciation

Réception de Roose-mond

De Harduwijn imitait ses exemples d’une façon créative, écrivant dans un langage poétique de son cru, et tout cela dans les premières années du XVIIe siècle, alors que Hooft et Bredero ne venaient que de commencer ; cela fait du Roose-mond un recueil d’une modernité exceptionnelle pour l’époque à laquelle et le lieu où il a été crée. Erycius Puteanus (1574-1646), l’illustre successeur de Lipsius à Louvain, avait pris connaissance de ces poèmes et s’est réjouit de leurs qualités littéraires[23].

En effet, Harduyn atteint les plus hauts sommets dans les sonnets qu’il n’a pas traduits d’après ses modèles et dans lesquels on peut admirer ses propres dons, sans interférence. Les caractéristiques de ces œuvres sont les vagues déferlantes de ses alexandrins, qui dépasseraient en éloquence et cadence ceux de Van der Noot, et le ton doux et élégiaque, qui rapproche ce poète, par l’intermédiaire de Desportes, plus de Pétrarque que de Ronsard et Van der Noot, mais avant tout le sentiment frais et délicat de la nature ; ce sentiment joyeux de la Renaissance qui s’exprime par un émerveillement ingénu et presque enfantin[24].

Quoique soumettant, comme l’a remarqué Schrant, comme l’un des premiers, les vers flamands aux règles de la versification française[25], inspiré de l'esthétique de la Pléiade (XVIe siècle) dans les sonnets du weerliicke liefden tot Roose-mond (1613) et dans les poèmes spirituels des Goddelicke lof-sanghen (1620), il essayait néanmoins, d’après l’avis du même Schrant et de Willems, de purifier la langue néerlandaise de mots bâtards d’origine latine et française[25].

La reconnaissance de la modernité du poète et le succès de son recueil ont été limités à ce cercle restreint qu’était celui de ses amis[26].

Appréciation de ses contemporains

Theoderik van Liefvelt Jr., seigneur d’Opdorp[27], le prêtre Simon van den Kerkhove, Jacob van Lumele van der Mark, Andries Hoyen et Franciscus Sweertius, Willem van Nieuwelandt et Jan David Heemsen, ont mis en vers des louanges sur ses œuvres[13]. Jacob van Zevecote a dédié quelques élegies à Harduyn[2].

Selon Dambre, dans un article pour une revue de la langue et la littérature néerlandaise, le prêtre et poète Harduwijn aurait annoncé le poète flamand Guido Gezelle à bien des égards. Il a constaté qu’il y a d’étonnantes ressemblances entre les versifications rimées de psaumes et d’hymnes et les descriptions de la nature dans les poèmes de ces deux poètes[28].

Appréciation de la postérité

Il semble que l’œuvre de De Harduwijn ait perdu son attrait dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Par contre, au XIXe siècle, il est redécouvert par Jan Frans Willems et Johannes Matthias Schrant[17]. Le professeur Matthijs Siegenbeek estime qu’il occupe la première place parmi les grands novateurs de la littérature néerlandaise de son temps, et il voit en lui l’émule d’un Coornhert, Visscher, Spiegel ou d’autres auteurs des Pays-Bas septentrionaux, jusqu’à le préférer à la plupart d’entre eux ; ses poèmes seraient plus fluides, plus poétiques que ceux de Coornhert[25].

Œuvre

Sources[14]

Références

  1. Dambre-De Harduwijn 15
  2. a et b Witsen Geysbeek 62
  3. a, b, c, d, e et f Verkruijsse 249
  4. a, b et c Van Es & Rombauts 397
  5. a, b et c Knuvelder 576
  6. Serrure 410
  7. Dambre-De Harduwijn 11
  8. Dambre-De Harduwijn 9
  9. a, b, c et d Knuvelder 577
  10. Frederiks & Van den Branden 319
  11. Dambre-De Harduwijn 12-13
  12. a et b Dambre-De Harduwijn 14
  13. a et b Frederiks & Van den Branden 320
  14. a, b, c et d Ter Laan 199
  15. a, b, c, d, e, f et g Van Es & Rombauts 398
  16. Van Es & Rombauts 398-399
  17. a, b, c, d et e Verkruijsse 250
  18. a, b, c et d Knuvelder 580
  19. Buitendijk 231
  20. Dambre 364-366
  21. Knuvelder 581
  22. Sabbe 217-218
  23. Knuvelder 578
  24. Van Es & Rombauts 399
  25. a, b et c Van Duyse 27
  26. Knuvelder 578-579
  27. Van Es & Rombauts 340
  28. Dambre 1924, 189

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Justus de Harduwijn de Wikipédia en français (auteurs)

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