- Bataille de la mer de Corail
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La bataille de la mer de Corail est une bataille navale de la Seconde Guerre mondiale qui se déroula en mer de Corail, au nord-est de l'Australie du 4 au 8 mai 1942, entre la Marine impériale japonaise et les forces alliées navales et aériennes des États-Unis et d'Australie. Cette bataille fut la première bataille navale uniquement aéronavale de l'histoire, dans laquelle les navires se sont affrontés par porte-avions interposés sans jamais être à portée de canon.
Pour renforcer leur positionnement dans le Pacifique Sud et menacer l'Australie, les Japonais tentent en mai 1942 d'envahir Port Moresby au sud de la Nouvelle-Guinée. Les forces déployées par la marine du Japon, sous le commandement général de Shigeyoshi Inoue, comprennent en particulier deux porte-avions et un porte-avions léger pour fournir une couverture aérienne aux flottes d'invasion. Les États-Unis, dont les services d'écoute ont percé le plan ennemi, dépêchent deux groupes de porte-avions et une force de croiseurs, sous le commandement de l'amiral Frank J. Fletcher.
Les Américains déjouent l'opération japonaise, empêchant notamment le débarquement à Port Moresby. Les pertes en navires capitaux sont légèrement à l'avantage des Japonais. Les Japonais coulent le porte-avions USS Lexington et endommagent le USS Yorktown, tandis que les Américains coulent le porte-avions léger Shoho et endommagent le Shokaku.
Même si cette bataille est une victoire tactique pour les Japonais en termes de navires coulés, la bataille est un succès moral pour les Américains, qui déjouent pour la première fois une opération japonaise. De plus, il apparaît après coup que l'engagement a des conséquences stratégiques positives pour les Alliés : les porte-avions japonais Shokaku et Zuikaku — l'un endommagé et l'autre avec un nombre d'avions réduit — ne peuvent participer à la bataille de Midway le mois suivant, tandis que les Américains parviennent à y engager le Yorktown.
Sommaire
Contexte
Contexte
À la suite de l'attaque sur Pearl Harbor, les Japonais s'emparent de territoires riches en ressources naturelles ainsi que de bases militaires stratégiques pour défendre leur vaste empire. Ils conquièrent la Malaisie, les Philippines, les Indes néerlandaises, et font mainmise sur la Thaïlande. Ils prennent le contrôle des bases de Singapour, de Guam, de l'île de Wake, de Rabaul. Le Japon a prévu d'utiliser ces territoires pour établir un périmètre de défense de son empire à partir duquel il pourrait employer des tactiques d'usure pour défaire ou épuiser toutes les contre-attaques alliées[1].
En mai 1942, le Japon a atteint tous ses objectifs initiaux dans le Pacifique. Il engage de nouvelles campagnes, la première se déroulant autour de la mer de Corail.
Le plan japonais
Peu de temps après le début de la guerre, l'état-major de la Marine impériale japonaise recommande une invasion du nord de l'Australie afin d'empêcher l'utilisation de l'Australie comme base menaçant les défenses du périmètre de sécurité du Japon dans le Pacifique Sud. L'armée impériale japonaise (AIJ) a toutefois rejeté la recommandation, en précisant qu'elle n'avait pas les forces armées ni les capacités de transport suffisantes pour effectuer une telle opération. Dans le même temps, le vice-amiral Shigeyoshi Inoue, commandant de la Tulagi dans le sud-est des îles Salomon et de Port Moresby en Nouvelle-Guinée, ce qui mettrait le nord de l'Australie à portée des avions japonais. Inoue estime que la prise et le contrôle de ces deux sites offre davantage de sécurité et de possibilité de défense en profondeur que la base principale japonaise de Rabaul en Nouvelle-Bretagne. L'état-major de la marine et de l'Armée impériale japonaise acceptent la proposition d'Inoue et envisagent en outre l'utilisation de ces lieux comme des bases d'appui pour s'emparer de la Nouvelle-Calédonie, des Fidji et des Samoa pour couper l'alimentation et les lignes de communication entre l'Australie et les États-Unis [9].
En avril 1942, l'armée et la marine ont fini d'élaborer un plan intitulé « Opération MO ». Le plan prévoit que Port Moresby sera envahi par l'océan et sécurisé pour le 10 mai. Le plan comprend également la saisie, les 2 et 3 mai de Tulagi, où la marine établira une base d'hydravions pour les opérations aériennes potentielles contre les forces alliées et les territoires du Pacifique Sud et fournira une base pour les avions de reconnaissance. A l'issue de l'opération MO, la marine prévoit d'engager l'opération RY, en utilisant des navires libérés de l'opération MO, pour prendre Nauru et l'île Océan le 15 mai et s'emparer de leurs gisements de phosphate. D'autres opérations contre les Fidji, les Samoa et la Nouvelle-Calédonie (Opération FS) sont envisagées une fois que les opérations MO et FY seront achevées. En raison des dommages subis par les forces navales japonaises lors d'attaques alliées par des avions basés à terre ou embarqués sur des porte-avions lors de l'invasion de Lae-Salamaua, en Nouvelle-Guinée, en mars, Inoue demande à la Marine impériale japonaise de lui envoyer des porte-avions pour lui fournir une couverture aérienne pour les forces de l'Opération MO. Inoue est particulièrement préoccupé par les bombardiers alliés stationnés sur des bases aériennes de Townsville et Cooktown en Australie, alors qu'il sera hors de portée de ses propres bombardiers basés à Rabaul et à Lae[2].
L'amiral Isoroku Yamamoto, commandant les forces navales japonaises, planifie parallèlement une opération pour le mois de juin dans laquelle il espère attirer les porte-avions américains, dont aucun n'a été endommagé lors de l'attaque de Pearl Harbor, dans une épreuve de force avec sa flotte au centre du Pacifique à proximité de l'atoll de Midway. Dans l'intervalle, toutefois, Yamamoto affecte certains de ses principaux navires, dont deux porte-avions, un porte-avions léger, une division de croiseurs et deux divisions de destroyers, à l'appui de l'opération MO et confie à Inoue la prise en charge de la partie maritime de l'opération MO[3].
La réponse alliée
Forces en présence
Article détaillé : Ordre de bataille de la bataille de la mer de Corail.Les Japonais détachèrent, sous le commandement du vice-amiral Takea Takagi, les porte-avions Zuikaku et Shokaku, couverts par le petit porte-avions Shoho, deux flottilles de destroyers (dont le Kikuzuki) et une de croiseurs (dont l'Haguro, le Nyoko, l'Aoba, le Furutaka, le Kako et le Kinugasa), le tout formant l'opération MO destinée à soutenir les débarquements sur Port-Moresby. La flotte pouvait également compter sur le soutien des avions basés à Lae (au nord de la Nouvelle-Guinée) et à Rabaul, où était basée la 25e flottille aérienne.
Les Américains sont mis au courant du plan par l'interception et le déchiffrement des communications japonaises. Ils réagissent en envoyant la Task force 17 (Yorktown et Lexington), escortée de 5 destroyers et 3 croiseurs (dont le Chicago, le Portland et le Minneapolis), sous le commandement de l'amiral Frank J. Fletcher.
Les forces embarquées totalisent 143 avions américains contre 148 japonais. Cependant, ces derniers peuvent compter sur l'appui de leur 25e flottille aérienne basée à Rabaul.
Premier engagement le 7 mai
Les navires de Takagi quittent Truk le 28 Avril, suivi des porte-avions Zuikaku et Shokaku le 1er Mai. Les Japonais déclenchent l'opération Mo par l'invasion de Tulagi, faiblement défendue, le 3 mai, pour y construire une base d'hydravions. Les Américains bombardent la position deux fois le 4 mai, coulant le pétrolier Hoshima Maru et trois cargos de 12 000 tonnes, endommageant deux contre-torpilleurs, coulèrent le destroyer Kikutsuki et détruisant plusieurs avions. Les Américains y perdent 3 avions, mais, surtout, cette attaque dévoile la présence aux japonais de porte-avions ennemis.
Après s'être cherchées sans se trouver, les flottes s'engagent une première fois le 7 mai au matin, quand les avions de reconnaissance des deux camps se repèrent mutuellement. Les Japonais découvrent ainsi « un porte-avions et un croiseur », tandis que les Américains repèrent un petit porte-avions. Les Japonais envoient alors 24 torpilleurs, 36 bombardiers en piqué et 18 Zéro. Arrivant au-dessus de la « flotte » américaine, ils ne trouvent que le pétrolier Neosho, escorté du destroyer Sims, tout deux rapidement coulés. Les Américains coulent le torpilleur Kikuzuki par une seule torpille et le porte-avions léger Shoho[4] par 13 bombes et 7 torpilles.
En fin d'après-midi, un assaut d'avions torpilleurs japonais est intercepté par les Américains. Seuls 6 avions sur les 27 envoyés regagnent leur porte-avions. Des pertes qui seront lourdes de conséquence pour le lendemain, les Japonais se trouvant ainsi privés de la moitié de leurs torpilleurs.
Le soleil se couchant à 18 h 30, certains appareils doivent retrouver et se poser de nuit sur leur porte-avion. La situation est confuse et les navires ennemis sont suffisamment proches pour qu'au moins une fois un groupe de neuf avions japonais manque de se poser sur le Yorktown[5].
Second engagement le 8 mai
Le matin, les avions de reconnaissances décollent de part et d'autre et les ennemis se découvrent l'un l'autre aux alentours de 8h30. Réagissant tous deux très vite, ils font décoller leurs vagues d'assaut : 96 avions pour les Américains (41 bombardiers en piqué Dauntless, 22 avions torpilleurs Douglas et 33 chasseurs), 108 avions pour les Japonais (47 bombardiers en piqué Aichi D3A Val, 26 avions torpilleurs Nakajima B5N Kate et 35 chasseurs Zéro).
Les lents TBD Devastator américains échouent à infliger des dégâts à cause de la déficience de leurs torpilles, tandis que les Douglas SBD Dauntless mettent le Shokaku hors de combat par trois coups au but. Le porte-avions, la propulsion intacte, rentre au Japon pour y être remis en état.
Les derniers avions américains disponibles (17 Grumman F4F Wildcat), trop peu nombreux, ne parviennent pas à défendre leurs porte-avions. Les Japonais touchent le Lexington avec deux torpilles et deux bombes et le USS Yorktown par un coup au but. Le USS Lexington est abandonné (après le retour de son aviation) car les équipes du bord ne parviennent pas à maîtriser les incendies et coule quelques heures plus tard[4]. Le Yorktown est gravement endommagé.
Les deux flottes, ayant des moyens réduits et craignant pour leur ravitaillement en carburant, décident de se retirer. Faute de couverture navale suffisante, et bien que disposant du Zuikaku intact, l'amiral Inouye annule le débarquement à Port Moresby. Les américains attendent le renfort de 2 autres porte-avions venant de Hawaï, et qui doivent arriver 4 jours plus tard.
Une victoire en trompe-l'œil
La propagande de chaque camp tente de faire de la bataille de la Mer de Corail une victoire. Les Japonais pensent avoir mis hors d'état de nuire deux navires majeurs américains et se voient confirmés dans leur piètre opinion des capacités combattantes ennemies. Les Américains, qui n'ont pas repéré la flotte de débarquement japonaise, ne sont pas absolument certains qu'elle a été lancée, ni repoussée ; les rapports de aviateurs japonais certifient la destruction des deux porte-avions américains alors que le seul détruit, le Lexington, n'a été perdu que des heures plus tard quand les incendies y ont repris. Les Américains célèbrent le fait d'avoir pour la première fois coulé un navire plus gros qu'un destroyer[6].
Tactiquement, la bataille est une victoire japonaise : destruction d'un porte-avions lourd américain (le Lexington représentait à l'époque un quart de la capacité de transport aéronavale américaine dans le Pacifique[7]), du destroyer USS Sims et du pétrolier Neosho, contre la perte du porte-avions léger japonais Shoho, du torpilleur Kikuzuki et l'endommagement du porte-avions Shokaku[4].
Pourtant, les Australo-Américains ont réussi à empêcher la prise de Port Moresby, dernier verrou protégeant l'Australie des Japonais[8]. C'est d'autre part la première fois dans la guerre du Pacifique qu'une flotte d'invasion japonaise est repoussée sans avoir réussi à atteindre son objectif, ce qui contribuera à gonfler le moral des troupes alliées après six mois de défaites contre les Japonais[9].
Plus généralement, la bataille de la mer de Corail marque l'arrêt de la progression japonaise dans la zone. L'immobilisation de deux des plus gros porte-avions japonais aura des conséquences importantes un mois plus tard, lors de la bataille de Midway : alors que les Américains réussissent à réparer le USS Yorktown en quelques jours, les Japonais ont renvoyé le Shokaku au Japon pour réparation et n'ont pas reconstitué le groupe aéro-naval du Zuikaku. Les pertes de Midway empêcheront les Japonais de lancer d'autres opérations offensives. Les Américains reprendront Tulagi en août 1942 au début de la campagne de Guadalcanal.
Ainsi, victoire tactique japonaise en apparence, la bataille de la mer de Corail a été stratégiquement favorable aux Alliés. Bien qu'elle n'ait pas mis en jeu des forces très importantes, elle constitue un des tournants de la guerre du Pacifique[10].
Notes
- p. 435 ; Willmott (2002), pp. 3–8; Millot, pp. 12–13; Henry, p. 14 ; Morison, p. 6. Murray, pp. 169–195; Willmott (1982),
- p. 39, Hoyt, pp. 8–9; Willmott (1983), p. 84 ; Willmott (2002), pp. 12–13 & 16–17; Hayashi, pp. 42–43 & 50–51; Dull, pp. 122–125; Millot, pp. 27–31; Lundstrom (2006), p. 138 ; Bullard, p. 50 ; Parshall, pp. 27–29 & 31–32. Les forces de l'Armée et de la Marine impériale japonaise ont accepté d'attendre que l'opération planifiée pour occuper Midway et les îles Aléoutiennes soient achevées avant d'attaquer les Fidji et les Samoa (Hayashi, p. 50). Le Senshi Sōshō indique que les troupes de la Marine impériale japonaise devaient aussi s'emparer de l'île de Samarai pour sécuriser le détroit de Chine au niveau des Louisiades (Bullard, p. 56). Gill,
- p. 57, Willmott (2002), pp. 16–17, Dull, pp. 122–124; Lundstrom (2006), pp. 121–122; D'Albas, p. 94 ; Morison, p. 11 ; Parshall, pp. 57–59. Le porte-avions Kaga qui devait au départ faire partie de la flotte de l'opération MO fut remplacé par la 5e Division de porte-avions le 12 avril après qu'Inoue se soit plaint qu'un seul porte-avions n'était pas suffisant (Lundstrom and Parshall). Jersey,
- Pierre Vallaud 2002, p. 102
- The Rising Sun, page 323, John Toland (Random House, 1970, reed. The Modern Library, 2003)
- The Rising Sun, John Toland, (Random House, 1970) pour une vue très traditionnelle de l'engagement
- The Battle of the Coral Sea, Bernard Millot. Naval Institute Press (Great Britain), 1974.
- Pacific Partners. A History of Australian-American Naval Relations, Tom Frame. Sydney: Hodder & Stoughton, 1992
- The War with Japan: The Period of Balance, May 1942 – October 1943, H.P. Willmott. Scholarly Resources Inc.(Wilmington, Delaware), 2002
- The Barrier and the Javelin: Japanese and Allied Pacific Strategies February to June 1942, H.P. Willmott. Naval Institute Press (Annapolis, Maryland), 1983.
Annexes
Liens externes
- « La bataille de la Mer de Corail »
- « La bataille de la mer de Corail »
- Bataille aérienne, n°22, édition La Presse
- Navires et histoire, n°64, édition La Presse
- (en) Australian War Memorial
À noter la différence au niveau des chiffres donnés par les différentes sources concernant notamment l'épisode du 7 mai en soirée.
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- Japanese Operations in the Southwest Pacific Area, Volume II – Part I, Reports of General MacArthur. Consulté le December 8, 2006
- Chapter 4: The Battle of the Coral Sea, The Campaigns of the Pacific War, United States Government Printing Office, 1946. Consulté le November 20, 2006
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