Bataille d'Ouessant (1778)

Bataille d'Ouessant (1778)

48°33′36.9″N 7°22′58.13″O / 48.56025, -7.3828139

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Bataille d'Ouessant
Combat d'Ouessant juillet 1778 par Theodore Gudin.jpg
Combat d'Ouessant, juillet 1778
Huile sur toile par Théodore Gudin
Informations générales
Date 27 juillet 1778
Lieu au large d'Ouessant
Issue victoire française
Belligérants
Royaume de France Royaume de France Union flag 1606 (Kings Colors).svg Royaume de Grande-Bretagne
Commandants
Louis Guillouet d'Orvilliers Augustus Keppel
Forces en présence
29 navires de ligne 30 navires de ligne
Pertes
126 morts,
413 blessés
407 morts,
789 blessés
Guerre d'indépendance des États-Unis

La première bataille d'Ouessant a lieu le 27 juillet 1778, à 100 milles marins à l'ouest de l'île d'Ouessant[1], au cours de la Guerre d'indépendance des États-Unis. La France est alliée aux jeunes États-Unis et veut affaiblir la puissance maritime et coloniale du Royaume de Grande-Bretagne. C'est le premier grand affrontement entre les deux marines lors de ce conflit. Cette bataille est très attendue par l'opinion française qui vit dans l'attente de la revanche depuis les défaites de la Guerre de Sept Ans.

L'armée navale du roi de France est commandée par le lieutenant général Louis Guillouet d'Orvilliers. La flotte britannique est sous les ordres du vice-amiral Augustus Keppel.

Le résultat de la bataille est indécis. Pour les Français, la flotte de Louis XVI réussit sa mission et met l'ennemi en fuite malgré les maladresses du duc de Chartres, promu inspecteur général des armées navales. Pour les Britanniques, les Français ont été forcés de se retirer, mais Keppel passe en cours martiale, ce qui montre clairement que le combat est perçu comme une défaite anglaise alors que la Royal Navy paraissait invincible depuis la Guerre de Sept Ans.

Sommaire

Les forces en présence

Classiquement, les armées navales sont divisées en trois escadres : avant-garde, corps de bataille et arrière-garde. Elles ont chacune une couleur spécifique arborée par chaque navire concerné. Dans l'ordre, bleue – blanche – rouge pour les Britanniques, bleue et blanche – blanche – bleue pour les Français. Le chef de chaque escadre est au centre de son unité ; les ordres sont transmis au moyen de signaux faits par des pavillons. Comme les navires sont rangés en ligne de file, une frégate, sur le côté, est chargée de répéter tous les signaux faits. Elle n'est pas censée prendre part au combat.

Les navires sont donnés dans l'ordre qu'avait l'armée navale avant le début de la bataille[2].

France : [3]


Royaume-Uni

  • Escadre bleue (Harland)
    • HMS Monarch, 74, Rowlley
    • HMS Hector, 74, Sir Hamilton
    • HMS Centaur, 74, Crosby
    • HMS Exeter, 64, Moore
    • HMS Duke, 90, Brereton
    • HMS Queen, 90, Harland
    • HMS Schrewsbury, 74, Rofs
    • HMS Cumberland, 74, Peyton
    • HMS Berwick, 74, Stewart
    • HMS Stirling Castle, 64, Sir Douglas


  • Escadre blanche. (Keppel)
    • HMS Courageux, 74, Lord Mulgrave
    • HMS Thunderer, 74, Walsingham
    • HMS Sandwich, 90, Edwards
    • HMS Valiant, 74, Gower
    • HMS Bienfaisant, 64, Drede
    • HMS Victory, 100, Keppel
    • HMS Foudroyant, 80, Jarvis
    • HMS Prince Georges, 90, Sir Lindsay
    • HMS Vigilant, 64, Kingsmill
    • HMS Terrible, 74, Dikerston
    • HMS Vengeance, 74, Clements


  • Escadre rouge (Palliser)
    • HMS Worcester, 64, Robinson
    • HMS Elisabeth, 74, Maitland
    • HMS Robust, 74, Hood
    • HMS Formidable, 90, Palliser
    • HMS Ocean, 90, La Forey
    • HMS America, 64, Sir Longford
    • HMS Defiance, 64, Goodall
    • HMS Egmont, 74, Allen
    • HMS Ramillies, 74, Digby


Déroulement des opérations : une classique bataille en ligne de file

Le Bretagne, fier trois-ponts issu du "don des vaisseaux" des années 1760 est le vaisseau amiral de d'Orvilliers lors de cette bataille. (Musée naval de Brest)
Les manœuvres des deux escadres lors du combat. (Carte anglaise)

Orvilliers appareille le mercredi 8 juillet 1778. Il va croiser jusqu'au 23 juillet, date à laquelle la flotte de Keppel est aperçue. Les manœuvres continuent jusqu'au lundi 27 juillet à l'aube. Les Français vont nord-ouest, les Britanniques à tribord (à droite), marchant à l'ouest, en échiquier.

Orvilliers ordonne son armée de manière très classique. La première escadre, bleue et blanche, à l'avant-garde, la sienne, la blanche, au centre du dispositif et celle du duc de Chartres, la bleue, à l'arrière-garde. Son armée semble mieux rangée que celle des Britanniques et manœuvre mieux.

Les Britanniques se mettent en ligne, cap au sud-est. Orvilliers vire en succession pour prendre le même cap. Quand l'escadre bleue britannique commence à menacer son arrière-garde, il fait virer vent devant et en même temps ses escadres. De la sorte, l'escadre bleue est maintenant à l'avant-garde. Les deux flottes se croisent à onze heures, et l'artillerie commence à gronder.

La force du vent fait gîter les navires. De la sorte les sabords des batteries basses françaises, où sont les plus gros canons, ne peuvent être ouverts sans risquer de faire naufrage. Les Britanniques n'ont pas cette gêne, la gîte de leurs navires est du côté opposé au combat, ils n'ont aucun souci pour utiliser leurs batteries basses. Les canonniers français causant de gros dégâts aux mâtures britanniques.

À midi trente, Orvilliers voit que son avant-garde est au niveau du large vide entre les escadres blanche et escadre rouge britanniques. Il ordonne au duc de Chartres de changer de cap afin de traverser la ligne britannique en profitant du vide. Cela permettrait d'isoler l'arrière-garde britannique ou bien de prendre le centre entre deux feux. Mais le duc de Chartres ne réagit pas[9]. Quand il amorce sa manœuvre, il est trop tard, l'occasion est manquée. Le gros des troupes britanniques rallie ses bateaux isolés.

Keppel signale à son escadre rouge, celle de Palliser, de rallier. Celui-ci ne réagit pas. Il est vrai que son navire, le HMS Formidable, a perdu son petit mât de hune et est quasiment dégréé. Pour finir, Keppel signalera en particulier, à chaque navire de l'escadre rouge, ses ordres, omettant le HMS Formidable...

Dans la nuit, la flotte britannique « file à l'anglaise » selon les Français. Les Britanniques, eux, affirment qu'ils ne quittent le champ de bataille, le lendemain, qu'après avoir constaté que les Français ne veulent pas reprendre le combat. Les deux camps estiment avoir gagné puis font route vers leur base. Les Britanniques comptent 407 morts et 789 blessés dans leurs rangs. Les Français regagnent Brest, comptant 163 morts, 517 blessés (sur 17 000 hommes embarqués) et plusieurs bâtiments endommagés.

Conséquences : tout le monde vainqueur ?

Chez les Britanniques

Bien que clamant victoire, la polémique fait rapidement rage outre-manche. Évidemment, Keppel et Palliser sont tous deux membres du Parlement, mais dans des partis opposés. Les reproches que s'adressent mutuellement les deux amiraux se transforment en combat politique.

Keppel est traduit en cour martiale sous cinq chefs d'accusation. Il sera acquitté, la cour les reconnaissant « malintentionnés et non fondés »[10]. A son tour, Palliser se retrouve en position d'accusé. Il sera aussi acquitté, la cour ne trouvant blâmable que d'avoir omis d'informer l'amiral de l'état de son gréement... Keppel prendra sa retraite l'année suivante, se consacrant à sa carrière politique.

Chez les Français, l'affaire du duc de Chartres

La lenteur de réaction du commandant de l'escadre blanche et bleue est présentée comme étant la cause de cette victoire incomplète.

Il était tentant de mettre en cause un prince du sang. Son ascension rapide, et ses visées sur la charge de Grand Amiral, pouvait susciter une certaine animosité à son encontre.

On trouve deux opinions à son sujet. La première lui impute la faute, considérant son peu d'expérience[11], mais la seconde l'impute plutôt à son entourage, craignant d'exposer la vie du prince dans un combat rapproché. Le duc était assisté par le comte de la Motte-Picquet, officier à la valeur reconnue. Si l'on peut imaginer que le duc ait mal compris les signaux, il est plus difficile de croire que cela aurait échappé à la Motte-Picquet. Notons enfin que l'un des motifs de querelle chez les Britanniques était aussi l'absence de réaction de Palliser à des signaux de Keppel.

Le duc de Chartres ne recevra plus aucun commandement et sera nommé colonel-général des hussards en compensation. Il en gardera une vive rancune contre Louis XVI et votera sa mort en 1793... Quant à d'Orvilliers, il fera encore la campagne navale de 1779 dans la Manche avec l'escadre espagnole qui a rejoint la France dans la guerre. Mais il perd son fils unique emporté par l'épidémie qui décime l'escadre et sort démoralisé de cette guerre navale. Il abandonne alors le service et se retire dans un couvent.

Personnalités françaises

Sources

Liens externes

Sources bibliographiques

  • Guy Le Moing, Les 600 plus grandes batailles navales de l'Histoire, Marines Editions, 2011. 
  • HE Jenkins, Histoire de la marine française, Albin Michel, 1997. (ISBN 2-226-00541-2)
  • H Granier, Marins de France au combat, 1715-1789, France-empire, 1995. (ISBN 2-7048-0758-2)
  • P Chack, L'homme d'Ouessant, Du Chaffault, Alexis Redier éditeur, 1931.
  • C Forrer & CY Roussel, La Bretagne, vaisseau de 100 canons pour le roi et la république, Keltia graphic, 2005. (ISBN 2-913953-78-6)
  • Scipion de Castries, souvenirs maritimes, Mercure de France, 1997. (ISBN 2-7152-2003-0)
  • (en)B Tunstall, Naval warfare in the age of sail, Conway maritime press. (ISBN 0-85177-544-6) Noté NWAS dans les notes.
  • André Zysberg, La monarchie des Lumières, 1715-1786, Nouvelle Histoire de la France moderne, Point Seuil, 2002
  • Patrick Villiers, Jean-Pierre Duteil, L'Europe, la mer et les colonies XVIIe-XVIIIe siècle, Carré Histoire, Hachette supérieur, 1997
  • Lucien Bély, Les relations internationales en Europe, XVIIe-XVIIIe siècle, Presses universitaires de France, collection Thémis, 1992
  • Michel Vergé-Franceschi, La Marine française au XVIIIe siècle, Sedes, 1996 
  • Michel Vergé-Franceschi (sous la direction de), Dictionnaire d'Histoire maritime, éditions Robert Laffont, collection Bouquins, 2002
  • Jean Meyer et Martine Acerra, Histoire de la marine française, Rennes, éditions Ouest-France, 1994 
  • Étienne Taillemite, Dictionnaire des marins français, éditions Tallandier, 2002 
  • Etienne Taillemite, Histoire ignorée de la marine française, Perrin, 1988. (ISBN 2-262-02050-7)
  • Étienne Taillemite, Louis XVI, ou le navigateur immobile, éditions Payot, 2002 
  • Jean-Christian Petitfils, Louis XVI, éditions Perrin, 2005 
  • Georges Lacour-Gayet, La marine militaire de France sous le règne de Louis XVI, éditions H. Champion, Paris, 1905. (Domaine public, sur gallica.fr)
  • Louis Édouard Chevalier, Histoire de la marine française pendant la guerre de l'indépendance américaine, précédée d'une étude sur la marine militaire de la France et sur ses institutions depuis le commencement du XVIIe siècle jusqu'à l'année 1877, éditions Hachette, Paris, 1877. (Domaine public, sur archive.org)
  • Alfred Thayer Mahan, The major operations of the navies in the war of American independence, Boston, Little, Brown, and company, 1913. (Domaine public, sur archive.org)
  • William Laird Clowes, The Royal Navy : a history from the earliest times to the present, Vol. IV. London, Sampson Low, Marston & Co. 1898. (Domaine public, sur archive.org)

Notes

  1. par 48° 40' de latitude et 9° 42' de longitude.
  2. Source : Archives nationales, fond Marine, B4-136.
  3. Trois vaisseaux, le Duc de Bourgogne (80 canons), le Bizarre (64) et l’Alexandre (64), se sont égarés et ont regagné Brest. Pour les remplacer dans la ligne, le 27, Orvilliers a intégré l’Amphion (50), et l’Éveillé (64).
  4. Construit à Lorient en 1756, dans la forme de ceux de la Compagnie. Il est plutôt vaisseau de charge que vaisseau de guerre, il « passe pour une charrette »...
  5. Construit à Brest en 1766.
  6. Indiaman, cédé au roi par la Compagnie des Indes en 1770.
  7. Une frégate de 32 canons type Charmante (1778 - 1780) construite à Rochefort en 1777-1778. Sa carrière s'arrête brutalement lorsqu'elle fait naufrage à l'île Saint Marcouf (Saint Vincent) le 11 octobre 1780 lors d'un cyclone.
  8. Indiaman, cédé aussi au roi par la Compagnie des Indes en 1770.
  9. Selon les sources, il fait route vers le navire amiral, ou envoie une embarcation, pour recevoir des précisions.
  10. NWAS, page 141.
  11. C'est ce que soutiendra, par exemple, Scipion de Castries dans ses Souvenirs maritimes :

    « ... il voulait absolument avoir la charge de Grand-amiral qu'avait son beau-père, le duc de Penthièvre, parce que cette charge, indépendamment qu'elle le faisait le premier grand officier de la couronne, rapportait un revenu immense, avait demandé au roi la permission de naviguer, il avait voulu passer par tous les grades de la marine et il ne les avait occupés que le temps nécessaire pour paraitre avec l'uniforme de chacun d'eux... »


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