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Les alaouites ou alawites (arabe : ʿalawīy, علويّ, alaouite; alawite), également appelés noseïris ou nusayris (nuṣayrī, نصيريّ, nusayrite), sont une branche du chiisme. Il ne faut pas les confondre avec la dynastie alaouite qui règne au Maroc depuis le XVIIe siècle. Aujourd'hui, ils forment environ 10 % de la population de la Syrie, et une communauté alaouite existe au Liban et en Turquie, en particulier à proximité de la frontière syrienne (dans l’ancien sandjak d'Alexandrette). Le chef de l'État syrien, Bachar el-Assad, est alaouite.

Les alévis de Turquie sont souvent considérés comme proches des nusayris.

Le fondateur du noséirisme est Muhammad Ibn Nusayr al-Namîri al-`Abdi, mort en 884. En 859, au moment où le califat périclite et la propagande chiite est à son apogée, celui-ci se déclara bâb (« émanation, manifestation ») du dixième imam, 'Alî al-Hâdî al-Naqî. Il le considérait comme une incarnation de l'Esprit Saint, et se voyait lui-même comme un prophète. D'après la tradition, le onzième imam al-Hasan al-'Askarî (mort en l'an 260 de l'ère de l'Hégire, soit en 874 de l'ère chrétienne) lui confie une révélation nouvelle, qui est le noyau de la doctrine alaouite. Les sources les plus anciennes nomment la secte al-Namîriyya d'après la nisba d'Ibn Nousayr, puis au XIe siècle al-Nouṣayriyya s'impose.

Au Xe siècle, la doctrine est transférée en Syrie du Nord, à Alep. Surûr b. al-Qâsim al-Tabarânî, le chef de la communauté nosayrié, quitte la ville en 1032 à cause des guerres incessantes et se rend dans la cité byzantine de Laodicée (Lattaquié). Il est le vrai fondateur des nosayriés syriens. La dynastie locale des Tanûh semble adopter sa doctrine, al-Tabarânî convertit aussi les paysans peut-être encore païens de la montagne (jabal ou djebel en arabe selon les régions) de l'arrière-pays. Ses œuvres forment le principal de la tradition écrite. Il meurt à Lattaquié en 1034-1035. Son tombeau est vénéré dans la mosquée al-Sa'rânî, non loin du port.

Au début du XIIe siècle, l'ouest de la région est soumis par les croisés. Cependant, la pénétration chrétienne est faible, et on parle peu dans les sources latines des « nossorites ». À partir de 1132-1133, les ismaéliens nizârites prennent plusieurs forteresses dans le Djebel méridional. Les conflits sont déjà nombreux avec les alaouites. Deux « conciles » organisés à 'Âna, sur le moyen Euphrate, et en 1291 à Safita, dans le but de trouver une conciliation avec les ismaéliens sont des échecs.

En 1188, Saladin prend Djeblé, Lattaquié et le Sahyoun, le Djebel passe à un sultanat ayyoubide. À la fin des Ayyoubides, vers 1220, des bédouins venus du Djebel Sinjâr sont apparemment appelés par les alaouites contre les ismaéliens, et envahissent le Djebel. D'eux descendraient quatre importantes tribus alaouites, qui sont les Haddâdiyya (Haddadines), Matâwira (Mataouiras), Mahâliba (Mehelbés), Darâwisa (Darouissas), Numaylâtiyya (Nmeilatiés) et Banî 'Alî (Béni Ali).

Quand le sultan Baybars prend les châteaux du Sud du Djebel, il essaye de convertir au sunnisme les alaouites, en interdisant les initiations et ordonnant la construction de mosquées. Le soulèvement qui suit ces mesures est réprimé, et le sultan Qalâwûn renforce cette politique.

Mais la secte survit et se maintient, et la pression diminue sous les Ottomans. Les nosayriés, poussés par la misère mais plus libres de leurs mouvements, se réunissent en bandes qui pillent et rançonnent la région. Les règlements de compte sont fréquents avec les ismaéliens. Le plus grave a lieu en 1808, quand l'émir de Masyaf est assassiné par deux alaouites.

En 1854, le gouvernement turc veut contrôler le Djebel et y nomme un chef local, le musir al-Jabal Ismâ'il Beg, gouverneur du district de Safita. Installé à Dreykiche, celui-ci met fin aux luttes incessantes des différentes familles rivales et les soumet. En échange d'un tribut fixe versé au gouvernement, celui-ci lui laisse tout pouvoir sur le pays. Mais en 1858, il est trop puissant et destitué par Tahîr Pacha. À plusieurs reprises, et surtout en 1870 et 1877, des troupes ottomanes ravagent le pays, brisent la résistance des tribus et érigent des mosquées, qui restent vides.

Après la Première Guerre mondiale, les Français, qui reçoivent le mandat sur la Syrie, créent un Territoire des Alaouites.

Se défiant du nationalisme arabe des sunnites, ils encouragent pendant l'entre-deux-guerres un particularisme alaouite qui veut faire de ceux-ci un peuple à part entière, n'ayant rien à voir avec les Arabes et dont l'histoire remonterait aux Phéniciens.

Du fait de la présence alaouite au pouvoir, les alaouites forment actuellement une sorte de lobby au sein de la société. Une certaine atmosphère de peur et de mystère reigne autour d'eux et parler de cela peut mener à une arrestation immédiate arbitraire.[1]

Article connexe : Territoire des Alaouites.

Sommaire

Doctrine alaouite

Les alaouites professent une doctrine trinitaire :

  1. le Ma'nâ (essence divine)
  2. le Ism ("Nom, Verbe, la voix prophétique qui révèle le Ma'nâ caché)
  3. le bâb (qui joue le rôle d'initiateur aux mystères religieux).

Les deux derniers sont les deux hypostases du premier.

Pour les alaouites, Ali est l'incarnation de Dieu. Il est éternel en sa nature divine et s'est manifesté comme imam du temps.

Ils professent la croyance du passage de l'Esprit saint dans la succession des imams chiites et sont antinomistes : ils rejettent la charia et les obligations cultuelles de l'islam (pèlerinage). Leur propre livre saint (le Kitâb al-madjmû') s'ajoute au Coran.

La cosmogonie alaouite est dialectique : au début des temps, les âmes des croyants sont des lumières autour de Dieu et le louent, puis se révoltent en doutant de Sa divinité. Elles sont alors précipitées sur terre où elles sont enfermées dans des corps matériels condamnés à la métempsycose. Mais elles ont une chance de se racheter : en effet, Dieu leur apparaît dans l'histoire pour les contraindre à l'obéissance. À chaque théophanie, Il est l'essence (ma'nâ), et est accompagné de deux hypostases qui lui sont subordonnées : le nom (ism) ou voile (hijâb) et la porte (bâb).

Le ma'nâ a été Abel, Seth, Joseph, Josué, saint Pierre, et Ali, puis tous les imams jusqu'au onzième, al-Hasan al-'Askarî. Le hijâb, qui voile la vraie nature de Dieu et accomplit Sa volonté, a été Adam, Noé, Jacob, Moïse, Salomon, Jésus, Mahomet, et chacun est accompagné d'un bâb, qui révèle la vraie nature de Dieu, intermédiaire entre la divinité cachée et les croyants initiés . La trinité centrale est toutefois celle qui a Ali pour ma'nâ, Mahomet pour hijâb et Salmân al-Fârisî pour bâb.

Les onze imams sont les incarnations suivantes du mâ'na, leurs hujub sont les califes, et des abwâb révèlent leur nature divine. Ainsi, Muhammad Ibn Nusayr est-il le bâb du dernier imam . Celui qui reconnaît le mâ'na est sauvé, libérée du cycle, son âme redevient étoile, et retourne à travers les sept cieux vers le ġâya, le but ultime, c'est-à-dire la contemplation (mu'âyana) de la lumière divine. Mais la réincarnation peut être une punition. Car l'âme qui a transgressé les commandements de Ali doit être réincarnée jusqu'à sa purification chez un juif, un sunnite ou un chrétien, ou encore pire, un animal.

Timbre poste alaouite de Syrie

La religion alaouite est fondée sur le sens caché (bâtin), la masse des fidèles ignorant le sens profond du message divin, réservé aux seuls initiés. Aussi est-il difficile d'avoir des certitudes quant aux croyances des alaouites. Apparemment, en plus d'être dans l'histoire, on retrouve la Trinité principale dans les astres. Ici, les interprétations divergent. Selon René Dussaud , on trouve quatre points de vue différents, qui sont autant de sectes : les Haidariés, qui identifient Mahomet au soleil et Salman à la lune, les Chamaliés, qui identifient Ali au ciel, il a pour demeure le soleil que représente Mahomet, les Ghaibiés, qui pensent que les hypostases, s'étant manifestées, sont maintenant invisibles dans l'atmosphère, et les Kalaziés, qui ont conservé des vestiges des anciens cultes lunaires. En revanche, l'anthropologue anglais Sir Edward Evan Evans-Pritchard fait, comme le père Henry Lammens en 1915, disparaître les Chamaliés, confondus avec les Haidariés.

Les alaouites mâles sont circoncis, et leur initiation se fait vers 15 ans. Deux pères spirituels sont désignés pour le jeune homme, puis un cheikh l'instruit [réf. nécessaire]. Le ramadan est pratiqué, on célèbre le Aid al-saghîr. De plus, comme les chrétiens, les alaouites célèbrent l'Épiphanie et Noël, et comme les autres chiites, ils célèbrent l'Achoura, qui commémore le martyr de Hussein à Karbala.

De tout cela, les femmes sont exclues, et n'ont pas le droit de participer aux rites des hommes. Leur religion populaire garde alors des traces païennes (vénération des hauts lieux, des sources, des arbres verts...). Le culte des saints, comme souvent, est une autre trace païenne, commune aux deux sexes. Le pays est en effet couvert de qibâb (singulier qubba), qui sont des coupoles abritant les tombes de ces saints.

Comme pour les Druzes, il n'y a pas d'unanimité parmi les théologiens musulmans quant à l'appartenance à l'islam des alaouites : le juriste hanbalite Ibn Taymiyya appelait à les massacrer purement et simplement comme apostats, mais le défunt président syrien Hafez el-Assad maria un de ses fils avec une femme sunnite issue de la famille régnante saoudienne, pourtant connue pour son attachement au wahhabisme, une doctrine pour laquelle Ibn Taymiyya fut une importante source d'inspiration. Le même Hafez el-Assad obtint de juristes libanais tant sunnites que chiites des fatwas reconnaissant les alaouites comme musulmans, la présidence de la République de Syrie ne pouvant constitutionnellement être assumée que par un musulman. La légitimité de ces fatwas a été contestée.

Notes et références

Voir aussi

Bibliographie

  • Alain Nimier (pseudonyme de Abdallah Naaman), Les Alawites, éditions Asfar, Paris, 1987. (ISBN 2-906983-01-2)
  • René Dussaud, Histoire et religion des Nosairis, Éd. Bouillon, Paris, 1900.

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