Khojas

Khojas

Les communautés Khojas ou khodjas (ourdou: خوجہ) [kodʒa] sont des communautés Indo-pakistanaises ou issues de ces communautés. Ce sont généralement des ismaéliens, parfois chiite duodécimaine ou même sunnite hanafite. Les plus importantes communautés sont installées principalement à Mumbai (Bombay), on trouve des communautés khodjas également le long de l'Afrique de l'Est.

Sommaire

Histoire

Origine

Les Khôjas parlent souvent le Kutchî, le Gujarâtî ou l'Ourdou et ils avaient initialement adopté lalphabet Khôjkî pour éviter que le contenu de leurs livres sacrés soient lus par des étrangers non-initiés. Plus tard leurs ouvrages seront écrits en Sindhi et Gujarâtî. Selon les annales historiques ismaéliennes, à la fin XIIIe siècle un Sage (Pîr) nommé Sadr al-Dîn, à Sabzwarî (Perse), aurait voyagé de la Perse en suivant la route de la soie pour aller en Inde, dans la province du Sindh. Il était le Hujjat al-Imâm (le représentant officiel de lImâm Islâm Shâh en Inde) et un grand mystique très connu par son travail inlassable. Il est aussi connu sous le nom de Sohdev dans les gnâns[1].

La Da`wa[2] de Pîr Sadr al-Dîn

Pîr Sadr al-Dîn a vécu un certain temps parmi une caste de riches propriétaires hindous appelés Thakurs ou Thakkars qui sont reconnus comme des Kshatriyas. Il a étudié leur mode de vie et leurs pratiques religieuses. Les Thakurs croyaient que Vishnu sétait déjà manifesté en neuf Avatâra (Épiphanies divines) antérieurement sur cette terre ; ils attendaient la dixième Épiphanie divine. Pîr Sadr al-Dîn leur expliqua que `Alî b. Abî Tâlib, quatrième calife de l'islam, était lAvatâra de Vishnu[1]. Il a réussi à enseigner les principes de la foi ismaélienne quil considère comme le vrai chemin (sat-panth)[3], une synthèse du chiisme ismaélien et de la tradition vaishnava.

Selon les informations disponibles, Pîr Sadr al-Dîn étudia dabord les traditions religieuses locales pour en comprendre lessence. Une fois familiarisé avec les grands principes religieux hindous (la notion du temps cyclique, les différentes épiphanies divines, ainsi que les saintes écritures), il établit des liens entre les principes de foi islamiques et la tradition vaishnava. La conversion des Hindous à lismaélisme nizârien était graduelle. Après leur conversion, ils adoptèrent le titre de Khôja qui est une déformation phonétique du mot Khawâja (arabe: خواجہ ). Pîr Sadr al-Dîn accordait beaucoup dimportance à la quête spirituelle et encourageait la pratique de la méditation pour mieux se connaître soi-même (= connaître son âme). Lorigine du mot Khôja impliquait une ascèse dans la connaissance de soi afin de ne pas oublier lorigine divine de chaque croyant. Selon Iqbal Surani, « Cest le titre honorifique que donna Pîr Sadr al-dîn aux Hindous de la caste des Lohana qui se convertirent à lismaélisme. Les Ismaéliens nizârîs sont connus sous le nom de Khôja et sat-panthî dans le Sous-continent indien. » La classe marchande de Lohana au Sindh était la première à avoir été fascinée par lenseignement de Pîr Sadr al-Dîn.

Durant presque cinq siècles, plusieurs `î's (missionnaires de l'islam) sont venus après Sadr al-Dîn et graduellement la communauté Khôja sest consolidée. Il devenait nécessaire de produire des œuvres religieuses (gnâns[1], garbîs, granths, etc.) adaptées à la mentalité locale. Les Khôjas étaient dispersés en Inde : Kutch, Kâthiâwar, Sindh, Goujerat ; la diaspora était présente à Zanzibar et en Afrique de l'Est, ainsi que dans les grands centres comme Calcutta, Madras, Rangoon et les villes de lInde.

Après l'arrivée de Âghâ Khân Ier en Inde en 1843, le protectorat britannique ayant assimilé les Khôjas aux Ismaéliens nizâriens estimait quils devaient payer leurs dîmes (dassondh) à l'Imâm. Les Khojas ont toutefois préféré suivre les coutumes hindoues plutôt que le droit musulman, et continuent aujourd'hui à le faire.

Le Jama`at Khâna[4]

La présence de l'Âghâ Khân Ier dans les affaires de la communauté conduisit certains groupes à se démarquer et à quitter la communauté ismaélienne. Le cas le plus célèbre était celui de douze familles (Bâr Bhâi) qui ont refusé de reconnaître lÂga Khân Ier comme leur Guide spirituel (Imâm). En avril 1866, un procès fut intenté contre lÂghâ Khân Ier à la Cour Suprême britannique ; largument principal était que les Khôjas étaient des musulmans sunnites convertis de lHindouisme au XVe siècle. Ces derniers navaient pas à donner lallégeance à un Imâm chiite, lÂghâ Khân Ier. Le verdict final du juge, à la suite de la présentation des preuves et arguments historiques, était de reconnaître les Khôjas comme des Ismaéliens chiites. Ainsi le juge Sir J. Arnould confirma : « Il sagit dun groupe dont les ancêtres hindous à lorigine furent convertis et demeurèrent fidèles à la foi ismaélienne imâmî chiite, par une allégeance spirituelle à lImâm héréditaire… »[5]. Ce groupe de douze familles (Bâr Bhâi) s'est séparé par la suite de la communauté ismaélienne influencé par les `ulâmâ sunnites.

Par la suite dautres groupes quittèrent la communauté ismaélienne pour se convertir au chiisme duodécimain. Au début des années 1800 certains membres de la communauté sont allés à Najaf pour rencontrer le Shaykh Zayn al-`Âbidîn Mâzandarânî (m. 1892). Pendant leurs discussions ils ont réalisé qu'ils avaient besoin d'un enseignant en Inde pour l'instruction religieuse de l'Islam chiite. En 1873, Shaykh Mâzandarânî de Karbalâenvoya le Mullâ Qâdir Husayn à Mumbai pour aider les familles qui ont quitté lismaélisme à maintenir leur croyance au chiisme duodécimain[6]. Ces Khôjas duodécimains se sont familiarisés avec les principes de foi (comme la notion dImâma, loccultation et finalement lattente du Mahdi : lImâm al-Muntazar qui apportera à son retour la justice sur la terre).

De ces quelques familles, la communauté Khôja duodécimaine a augmenté jusqu'à environ 100 000 Khôjas. Le nombre semble très petit quand on sait qu'il y a environ 120 millions de duodécimains dans le monde aujourd'hui. Les Khôjas ismaéliens sont plus nombreux, mais leur nombre est imprécis (environ 10 millions) car il ny a jamais eu de recensement officiel. Quant aux Khôjas sunnites, il ne reste que quelques milliers.

Répartition

La majorité de la communauté Khôja fait partie de la communauté shî`ite, au même titre que les Nizâriens et les Bohras. Au Pakistan, les Khôjas sont concentrés dans la province du Sindh et plus particulièrement dans la ville de Karachi. En Inde, la plupart vivent au Gujarat, au Maharashtra et au Rajasthan. Certains ont également migré à Bombay ou Mascate. Il y aurait aujourd'hui près de 20 000 Khôjas à Madagascar, lîle de la Réunion et lîle Maurice.

La migration en Afrique

Cest un fait bien connu que pendant des centaines d'années des commerçants indiens ont navigué vers la côte est d'Afrique grâce aux moussons saisonnières (des vents doux soufflant de lest vers louest). Il y avait parmi eux des Khôjas et certains sont restés en Afrique de l'Est pour y vivre et faire des affaires dans les grandes villes. La majorité d'entre eux étaient des Ismaéliens avant leur arrivée en Afrique. Ils se sont établis partout en Afrique de l'Est et ont prospéré. Et ils s'établissaient, ils se sont assemblés en une communauté bien organisée autour de grands pôles commerciaux.

Au-delà Afrique

À linstar des premiers Khôjas qui avait migré en Afrique pour améliorer leurs conditions de vie, la diaspora est présente partout dans le monde. Ils sont présents en Amérique du Nord, Amérique du Sud, Australie, Nouvelle-Zélande, Europe de l'Ouest et Europe de l'Est. Un quartier de l'ouest de Jakarta, la capitale de la République d'Indonésie, s'appelle Pekojan, "le quartier des Khoja", d'après une communauté d'Indiens musulmans qui l'habitait à la fin du XIXe et au début du XXe siècle.

Notes

  1. a, b et c Le gnân appelé Dasa Avatâra (Dix Épiphanies divine odes mystiques, voir Collectanea, p. 104) était considéré comme un texte fondamental pour les Ismaéliens nizârites de lInde.
  2. prédication ismaélienne
  3. Le sat-panth fait écho à la voie droite (sirât al-mustaqîm) enseignée dans le Coran.
  4. nom désignant un lieu de prière
  5. Diane Steigerwald, 1987
  6. Momen Moojan, p. 146

Voir aussi

Bibliographie

  • Ali, Mujtaba. The Origins of the Khôjahs and their Religious Life Today. Bonn, L. Rohrscheid, 1936.
  • Anderson, J.N.D. « The Ismaili Khôjas of East Africa », Middle Eastern Studies, vol. 1.1, 1964, pp2139.
  • Arnould, Joseph. « Judgment of the Honble Sir Joseph Arnould in the Kojah Case otherwise known as the Aga Khan Case ». Bombay: Bombay Gazette Steam Press, 1867.
  • Asani, Ali Sultan. « The Khôjahs of Indo-Pakistan: The Quest for an Islamic Identity », Journal of the Institute of Muslim Minority Affairs, vol. 8.1, 1987, pp31-41.
  • Asani, Ali Sultan « The Khôjahs of South Asia: Defining a Space of their Own. » Dans Cultural Dynamics, vol. 13.2, 2001, 155-168.
  • "Collectanea". Sous la direction de Wladimir Ivanow. Leiden, E.J. Brill, 1948.
  • Enthoven, R.E. « Khôjahs », dans Tribes and Castes of Bombay, vol. 2, pp217-30. Bombay: Government of Bombay, 1922.
  • Esmail, Aziz. « Satpanth Ismailism and Modern Changes within it with Special Reference to East Africa », PhD dissertation, University of Edinburgh, 1971.
  • Hardy, Peter. The Muslims of British India. Cambridge, Cambridge University Press, 1972.
  • Hollister, John Norman. The Shi`a of India. London, Luzac & Co, 1953.
  • Ivanow, Wladimir. « Khodja », in H.A.R.Gibb et al. (éds) Shorter Encyclopedia of Islam, 1953, pp256-7.
  • Madelung, Wilferd. « Khodja », Encyclopedia of Islam, vol. 5, 1960, pp25-7.
  • Masselos, J.C. « The Khojas of Bombay: The Defining of Formal Membership Criteria during the Nineteenth Century », in I. Ahmad (ed.) Caste and Social Stratification among Muslims, pp1-20. Delhi, Manohar, 1973.
  • Menant, D. « Les Khodjas du Guzarate », Revue du Monde Musulman, vol. 12.10, 1910, pp214-32; vol. 12.11, 1910, pp406-24.
  • Momen, Moojan. "An Introduction to Shi`i Islam". Yale, Yale University Press, 1985;
  • Nanji, Azim. The Nizari Ismaili Tradition in the Indo-Pakistan Subcontinent. Delmar (NY), Caravan Press, 1978.
  • Papanek, Hannah. « Leadership and Social Change in the Khoja Ismailia Community », thèse de Doctorat, Radcliffe College, 1962.
  • Sachedina, Abdulaziz. « Khojas », in J. Esposito (ed.) Oxford Encyclopedia of the Modern Islamic World, vol. 2, 1995, pp423-7.
  • Steigerwald, Diane. « L'Imâmologie dans la doctrine ismaélienne nizârienne ». Thèse de maîtrise, Université McGill, 1986.
  • Steigerwald, Diane. « The Multiple Facets of Ismailism. » "Sacred Web, A Journal of Tradition and Modernity". No. 9, 2002, pp77-87.
  • Surani, Iqbal. Explication des vertus de la Connaissance dans le Kalâm-Maulâ : un texte ismaélien fondamental Paris, J. Maisonneuve successeur, 2003. Disponible à http://www.svabhinava.org/MeccaBenares/IqbalSurani/KalamMaula-French.htm

Liens externes


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