Molière

Molière
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Molière
Molière dans le rôle de César dans La Mort de Pompée, peint par Nicolas Mignard (1658). Collection Comédie-Française.
Molière dans le rôle de César dans La Mort de Pompée, peint par Nicolas Mignard (1658). Collection Comédie-Française.

Nom de naissance Jean-Baptiste Poquelin
Autres noms Molière
Activités Dramaturge, Comédien
Naissance Baptisé le 15 janvier 1622
Rue Saint-Honoré, Paris
Décès 17 février 1673
Rue de Richelieu, Paris
Genres comédie, comédie-ballet

Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, né à Paris, baptisé le 15 janvier 1622 et mort à Paris le 17 février 1673, est un dramaturge auteur de comédies, mais aussi un comédien et chef de troupe de théâtre français qui s'est illustré au début du règne de Louis XIV.

Issu d'une famille de petite bourgeoisie parisienne (son père occupe la charge de « tapissier du Roi »), Jean-Baptiste Poquelin se consacre au théâtre à 21 ans après la rencontre de Madeleine et Joseph Béjart avec qui il fonde « l'Illustre Théâtre » et prend le pseudonyme de Molière. Après la faillite de la troupe, il quitte Paris et parcourt les différentes provinces de 1645 à 1658 en écrivant ses premières farces (L'ÉtourdiLe Dépit amoureux).

De retour à Paris en 1658, il obtient la protection du frère du roi : sa troupe prend le nom de « Troupe de Monsieur » et représente en particulier les tragédies de Pierre Corneille (NicomèdeCinna). Sa carrière d'auteur dramatique commence vraiment avec Les Précieuses ridicules qui remporte un grand succès en novembre 1659. Soutenu par le roi Louis XIV, (mal)marié avec Armande Béjart et vite malade du poumon, Molière affronte les cabales et continue à jouer et à diriger sa troupe – devenue « Troupe du Roy » - tout en écrivant des comédies de genres variés (des comédies proches de la farce comme Le médecin malgré lui (1666) ou Les Fourberies de Scapin (1671), des comédies plus psychologiques comme L'École des femmes (1662) ou L'Avare (1668), des comédies-ballets comme Le Bourgeois gentilhomme en 1670 (avec Lully) ou Le malade imaginaire (avec Marc-Antoine Charpentier) en 1673, des pièces plus élaborées approfondissant caractère et étude sociale, en vers comme Le Misanthrope (1665), Tartuffe (1664-1669), Les Femmes savantes (1672), ou en prose comme Dom Juan (1665).

Peintre des mœurs de son temps, surtout de la bourgeoisie dont il dénonce les travers (prétention nobiliaire, place des femmes, mariage d'intérêt...), Molière a créé en même temps des personnages individualisés emblématiques et approfondis dont la liste est longue : Monsieur Jourdain, Harpagon, Alceste et Célimène, Orgon et Tartuffe, Dom Juan et son valet Sganarelle, Argan le malade imaginaire...

L'invention dramatique de Molière est assez limitée puisqu'il reprend Plaute (L'Avare), les fabliaux (Le médecin malgré lui), les auteurs espagnols et italiens (Dom Juan) et des thèmes traitées par d'autres à son époque. Mais son œuvre écrite sur 15 ans montre à la fois une grande variété et une grande vérité humaine en même temps qu'une maîtrise efficace du jeu scénique et du texte de théâtre qui révèle l'homme de scène qu'il était avant tout puisqu'il a continué à jouer malgré la maladie jusqu'à son dernier jour survenu à 51 ans, le 17 février 1673.

Molière demeure depuis le XVIIe siècle l'un des tout premiers auteurs de comédies de la littérature française, chaque époque trouvant en lui des thématiques modernes. Il constitue aussi un des piliers de l'enseignement littéraire en France.

Sommaire

Biographie

La jeunesse de Molière

Molière est né au coin de la rue Sauval (anciennement des Vieilles-Etuves) et de la rue Saint-Honoré (maison détruite en 1802). Toute la famille habite le quartier des Halles (détail du plan de Turgot, 1739).

Sa famille

Jean Poquelin, que l’on appellera Jean-Baptiste et qui sera Molière, est baptisé le 15 janvier 1622 à Saint-Eustache, dans le quartier des Halles à Paris[1].

Il est né dans la maison (1 sur le plan[2]) où son père, Jean Poquelin, marchand tapissier, a installé son fonds de commerce deux ans plus tôt avant d’épouser sa mère Marie Cressé. Son grand-père paternel et son grand-père maternel, tous deux marchands tapissiers, exercent leur métier dans le voisinage, rue de la Lingerie (2 et 3 sur le plan).

Les Poquelin et les Cressé sont des bourgeois riches qui vivent à leur aise dans des demeures confortables et agréablement meublées[3]. Le grand-père Cressé a une maison de campagne à Saint-Ouen. Un oncle de Molière est musicien et collabore à la musique des ballets de cour[4].

En 1631, le père de Molière rachète à son frère cadet un office de « tapissier ordinaire de la maison du roi[5]».

Le petit Molière aura trois frères et deux sœurs, dont aucun ne lui survivra. À dix ans, il perd sa mère. Son père se remarie avec Catherine Fleurette, dont il a trois filles, mais qui meurt en 1636. En 1637, le père de Molière, qui ne se remarie pas, obtient la survivance de sa charge pour son fils qui a quinze ans.

Ses études

Sur ses études et sa formation littéraire, Molière n’a pas fait de confidence et il n’existe aucun document. Les témoignages sont tardifs, contradictoires et entachés de polémiques :

Dans une courte biographie en tête des Œuvres complètes parues dix ans après sa mort et attribuée à deux fidèles, La Grange et Vivot, on lit qu’il fit ses études secondaires au collège de Clermont (lycée Louis-le-Grand) chez les jésuites, un des meilleurs collèges de Paris, où « sa vivacité d’esprit le distingua de tous les autres ».

Grimarest, le premier à avoir écrit une Vie de Molière en 1705 en s’appuyant sur les confidences de sa veuve et de Baron, son comédien préféré, raconte[6] qu’au collège il avait comme condisciples Bernier et Chapelle, fils naturel d’un riche conseiller au parlement de Metz. Ce dernier avait comme précepteur Gassendi, philosophe sceptique et épicurien, qui aurait admis Molière parce qu’il avait remarqué chez lui des dispositions philosophiques, ainsi que Bernier et Cyrano de Bergerac. Molière aurait été imprégné de gassendisme (philosophie atomistique mêlant épicurisme et scepticisme) et se serait plus particulièrement intéressé à la doctrine d'Épicure, exprimée sous sa forme la plus poétique, mais aussi la plus radicale, par Lucrèce, qu'il aurait alors traduit et dont il reprendra quelques vers dans Le Misanthrope[7].

À sa sortie du collège, selon un contemporain bien renseigné, Le Boulanger de Chalussay, qui publie en 1670 une comédie satirique contre Molière, « en quarante (en 1640 Molière a dix-huit ans), ou fort peu de temps auparavant,/ Il sortit du collège, âne comme devant ;/ Mais son père ayant su que, moyennant finance,/ Dans Orléans un âne obtenait sa licence,/ Il l’endoctora moyennant sa pécune,/ Et croyant qu’au barreau ce fils ferait fortune,/ Il le fit avocat, ainsi qu’il vous l’a dit[8] ». Grimarest est hésitant : « Molière a-t-il été avocat : On s’étonnera peut-être que je n’aie point fait M. de Molière avocat. Mais ce fait m’avait absolument été contesté par des personnes que je devais supposer en savoir mieux la vérité que le public… Cependant sa famille m’a positivement assuré du contraire[9] ».

Molière ne s’est jamais paré de son titre et aucune mention de son nom n'est faite dans les registres de l'Université d'Orléans ou du barreau de Paris.

« Au point qu’on doit se demander, écrit Roger Duchêne[10], ce qui était impensable pour ses premiers biographes qui le présentaient comme un nouveau Térence, si on a vraiment mis le fils Poquelin au collège de Clermont. A-t-il fait des études régulières ? A-t-on voulu masquer qu’au départ il n’a reçu qu’une formation de tapissier ? »

En 1642, selon Grimarest, Molière aurait exercé la charge de tapissier ordinaire du roi et suivit la cour de Louis XIII à Narbonne. C'est invérifiable.

Des débuts difficiles

L'Illustre Théâtre

La nouvelle troupe transforme le jeu de paume des Mestayers en théâtre : une scène dans la largeur de la salle (environ 12 mètres), une galerie dans sa longueur (30 mètres), et des loges au-dessus.

À 21 ans, Molière s’engage dans la carrière théâtrale. Le 30 juin 1643, par devant notaire, il s’associe avec les trois Béjart[11] (Joseph l’aîné et ses sœurs Madeleine, 25 ans, qui va partager sa carrière et sa vie, et Geneviève, 19 ans) et quelques amis, la plupart « fils de famille » comme lui, en tout six hommes et quatre femmes, pour constituer une nouvelle troupe de comédiens, « l’Illustre Théâtre ». C’est la troisième à Paris après les comédiens de l’Hôtel de Bourgogne et ceux de « la troupe du roi au Marais » (théâtre des frères Corneille).

Six mois auparavant, Molière avait renoncé à la charge de tapissier du roi. Son père, qui devait trouver l’aventure collective hasardeuse, avait néanmoins accepté de l’émanciper (il n’avait pas 25 ans) et il avait reçu un faible acompte sur l’héritage maternel, 630 livres.

La nouvelle troupe s’installe au jeu de paume des Métayers sur la rive gauche au faubourg Saint-Germain (actuellement 10-12 rue Mazarine) et joue des tragédies. Madeleine Béjart, qui vit librement depuis dix ans en fille entretenue, est la vedette de la troupe. Tallemant des Réaux écrit vers 1658 (avant le grand succès des Précieuses ridicules) : « Je ne l'ai jamais vu jouer, mais on dit que c'est la meilleure actrice de toutes. Elle a joué à Paris, mais ç'a été dans une troisième troupe qui n'y fut que quelque temps. Son chef-d'œuvre, c'était le personnage d'Épicaris à qui Néron venait de faire donner la question ». Il ne sait pas encore grand chose de Molière : « Un garçon, nommé Molière, quitta les bancs de la Sorbonne pour la suivre ; il en fut longtemps amoureux, donnait des avis à la troupe, et enfin s'en mit et l'épousa[12] ».

Le 18 juin 1644, la troupe embauche un danseur. Jean-Baptiste Poquelin signe simplement « de Molière », prenant pour la première fois son nom de théâtre. « Jamais il n'en a voulu dire la raison, même à ses meilleurs amis[13] ».

Mais les investissements (location et aménagement du local) ont été coûteux et les engagements financiers pèsent lourds par rapport aux recettes. Ils vont encore s’accroître avec la décision, en décembre 1644, de déménager sur la rive droite au jeu de paume de la Croix-Noire (actuel 32 quai des Célestins) plus près des autres théâtres. Molière est seul à signer le désistement du bail : il est bien devenu le chef de la troupe.

Les dettes s’accumulent. Les créanciers poursuivent. Molière est emprisonné pour dettes au Châtelet. Son père l’aide à se tirer d’affaire. À l’automne 1645, il quitte Paris, n'étant plus le chef de troupe.

Les tournées en province

Les séjours en province de la troupe de Molière entre 1645 et 1658[14].

Beaucoup de légendes ont circulé sur l’activité de Molière en province de 1645 à 1658. Une cinquantaine de documents administratifs ou notariés et quelques témoignages contemporains fournissent des informations rares, mais sûres.

Au temps où Molière parcourt la province, la plupart des comédiens ambulants (environ un millier à l'époque) mènent une vie précaire. Dans bien des villes, l’Église pèse de tout son poids en faveur de l’interdiction des représentations théâtrales, malgré la politique de réhabilitation menée à Paris par Richelieu, puis Mazarin. Quelques compagnies cependant jouissent d’un statut privilégié parce qu’un grand seigneur aimant les plaisirs, les fêtes et les spectacles les prend sous sa protection.

C’est le cas de la « troupe de Dufresne » (appelée aussi « troupe du seigneur duc d’Epernon ») que Molière et les Béjart rejoignent après leur échec à Paris. Bénéficiant de protecteurs puissants (le duc d'Épernon, gouverneur de Guyenne, le comte d’Aubijoux, lieutenant général du roi en Languedoc qui introduit la troupe aux États du Languedoc, puis le prince de Conti, frère du grand Condé et neveu de Mazarin), les comédiens peuvent donner de brillantes représentations en privé chez ces grands seigneurs et en public pendant les fêtes des États du Languedoc (trois fois à Pézenas, quatre à Montpellier, deux à Carcassonne, une à Béziers), avec de substantielles gratifications. C’est une troupe polyvalente capable de monter des spectacles avec des parties parlées, de la musique et de la danse, et aussi (grâce à Molière ?) d’improviser pour se plier aux caprices des grands, d’écrire des textes conformes à leur attente en même temps que des pièces simples pour le public.

Molière réapparaît en 1648 dans un document administratif, « sieur Morlierre( sic), l’un des comédiens de la troupe du sieur Dufresne »[15] : ce document montre bien qu'il a perdu la tête de la troupe. D’autres documents permettent de le suivre dans ses déplacements (voir carte). Le musicien et poète d’Assoucy qui passe plusieurs mois avec les comédiens en 1655 décrit[16] une troupe accueillante où l’on fait bonne chère et qui jouit d’une large prospérité. Molière a probablement mené joyeuse vie, sans grand souci de conformisme. En 1655, il écrit sa première « grande » comédie en cinq actes et en vers, L’Etourdi ou les contretemps. « Il a déjà dû prendre, écrit Roger Duchêne[17], sinon la direction, du moins une place privilégiée dans la troupe dont il est désormais un des acteurs vedettes, et l’écrivain. » Nouvelle pièce à Béziers en 1656, le Dépit amoureux.

En 1656, le climat change. Aubijoux meurt. Le prince de Conti se convertit et devient très hostile au théâtre. En 1658, la troupe est à Rouen, ville des frères Corneille avec qui Madeleine Béjart négocie pour fusionner avec leur troupe du Marais. La négociation échoue et la troupe exprime l’intention d’aller à Paris. Molière a 37 ans.

Le début de la gloire

Le théâtre du Petit-Bourbon

De 1648 à 1660, la troupe de Molière joue au théâtre du Petit-Bourbon, représenté ici lors des États généraux de 1614. Beaucoup plus vaste (80 mètres sur 8,5) que les jeux de paume, il est situé dans l’Hôtel de Bourbon qui longe le quai de la Seine entre le Louvre et l’église Saint-Germain-l’Auxerrois, au niveau de l’actuelle Colonnade.

En 1658, Monsieur a 18 ans. Il faut lui donner un train de vie digne du frère d’un grand roi. On lui achète le château de Saint-Cloud. Il doit avoir une troupe de théâtre. Ce sera celle de Molière[18]. On offre à la troupe la gratuité d’une salle vaste et bien équipée en alternance avec la troupe italienne de Scaramouche (les Italiens jouent les « jours ordinaires », la troupe de Molière les « jours extraordinaires »[19]), le théâtre du Petit-Bourbon.

Molière va y jouer deux ans. La troupe est composée de Molière, des deux sœurs Béjart, des deux frères Béjart, du couple de Brie, du couple Du Parc et de [[Dufresne, soit dix acteurs. En 1659, Dufresne prend sa retraite, faisant de Molière le véritable chef de troupe. Entrent deux acteurs comiques, Jodelet et son frère dit l’Epi, et La Grange qui va devenir l’homme de confiance de Molière. Méticuleux, il a laissé un registre personnel (conservé à la Comédie-Française) extrait des livres de compte du théâtre, dans lequel il note les pièces jouées, la recette et ce qu’il juge important de la vie de la troupe. Ce document permet de suivre dans le détail le répertoire joué par Molière à partir de 1659.

Pendant dix mois, la troupe donne des tragédies, de Corneille surtout, et des comédies, mais pas de nouvelles créations. Les recettes ne sont pas mauvaises, pas brillantes non plus. Le 18 novembre 1659, Molière crée sa première pièce parisienne, Les Précieuses Ridicules (3e pièce de Molière qui joue Mascarille), une petite comédie en un acte destinée au départ à être jouée après une tragédie, satire du snobisme et des jargons de l’époque, qui remporte un grand succès populaire et commercial et crée un effet de mode : le sujet est copié et repris. Molière imprime sa pièce à la hâte parce qu’on tente de la lui voler, avec une préface plutôt provocante (il aime la satire). C’est la première fois qu’il publie, il a désormais le statut d’auteur.

Plusieurs personnages de marque (des ministres, Monsieur le Prince) invitent Molière à venir jouer sa pièce chez eux. De retour de la frontière espagnole où il est allé signer la paix des Pyrénées, Louis XIV voit les Précieuses le 29 juillet 1660, puis le 31 sa nouvelle pièce, Sganarelle ou le cocu imaginaire (4e pièce de Molière qui joue Sganarelle), petite comédie en un acte reposant sur une suite de quiproquos, dont les recettes n’atteignent pas les sommets de la précédente mais qu’il jouera 123 fois dans son théâtre, plus souvent qu’aucune de ses autres pièces (les Précieuses, jouées 55 fois ne le seront plus après 1661).

Molière a le vent en poupe. Grâce à ses propres pièces, car les tragédies qu'il donne, y compris celles de Corneille n'ont pas grand succès (Thomas Corneille reprochera à la troupe de Molière de mal jouer la tragédie. Ce sera l'attitude constante des ennemis de Molière : il est incapable de jouer correctement la tragédie, il ne réussit que dans des genres inférieurs auprès de la partie des spectateurs la moins valable). En 1660, ses comédies constituent pour la première fois plus de la moitié des pièces jouées (110 sur 183)[20]. La troupe est maintenant directement pensionnée par le roi[21].

Le 6 avril 1660, le frère cadet de Molière meurt. La charge de tapissier du roi lui revient de nouveau. Il la gardera jusqu'à sa mort. Dans son acte d'inhumation, il sera dit « Jean-Baptiste Poquelin de Molière, tapissier, valet de chambre du roi », sans autre qualification.

Le 11 octobre 1660, la troupe se trouve brusquement à la rue. On démolit le théâtre du Petit-Bourbon pour bâtir la colonnade du Louvre. Mais Molière n’est pas en disgrâce. Le 21, le roi l’invite pour jouer l’Etourdi et les Précieuses. Le 26, il rejoue les mêmes pièces chez le cardinal Mazarin malade en présence du roi qui lui attribue un nouveau théâtre au Palais-Royal.

Le théâtre du Palais-Royal

Le Palais-Royal vers 1679.
Le théâtre est à droite de l’entrée du palais. Molière s’installe en face dans un appartement au second étage de la troisième maison de la rue Saint-Thomas-du-Louvre (on aperçoit les deux premières maisons de la rue à gauche de la gravure).

Le théâtre, construit par le cardinal Richelieu vingt ans plus tôt, est délabré ; la salle doit être refaite. Philippe d'Orléans convainc le Roi de la restaurer et de l'attribuer à la troupe de Molière. Après des travaux effectués sous la houlette d’Antoine de Ratabon, surintendant général des bâtiments, elle rouvre le 20 janvier 1661. Le 4 février, Molière donne une nouvelle pièce, une tragi-comédie, Dom Garcie, où il joue le rôle principal. Devant être arrêtée après sept représentations, c’est un échec qui le ramène définitivement, comme auteur, sur le terrain de la comédie. Voltaire dans sa Vie de Molière dit qu'il « avait une volubilité dans la voix et une espèce de hoquet qui ne pouvait convenir au genre sérieux, mais qui rendait son jeu comique plus plaisant ». Son débit parlé n'était donc pas fluide[22]. Ses expériences dans le genre sérieux lui ont été le plus souvent néfastes.

Fin avril 1661 (après les trois semaines de fermeture impératives de Pâques), on entame la nouvelle saison avec des reprises. Molière continue de mêler comédies et tragédies. La troupe compte maintenant sept acteurs et cinq actrices : Molière, les trois Béjart, les couples De Brie, Du Parc et Du Croisy, plus l’Epi et Lagrange. Molière demande deux parts au lieu d’une dans le partage, jusque là égalitaire, de la recette. La troupe accepte, mais précise que s’il se marie avec une actrice, le ménage n’aura que deux parts[23].

Le 24 juin 1661, une nouvelle comédie en trois actes, L'École des maris (6e pièce de Molière qui joue Sganarelle) est un succès. Succès qui amène le surintendant Fouquet à commander une pièce pour une fête qu’il organise pour le roi dans son château de Vaux-le-Vicomte. C’est la première fois que Molière crée une pièce pour la cour. Connaissant le goût de Louis XIV pour les ballets, il crée un nouveau genre, la comédie-ballet, intégrant comédie, musique et danse : les entrées de ballet sont placées au début et dans les entractes de la comédie et ont le même sujet. Le 17 août 1661, Les Fâcheux sont un succès. Le roi ayant observé qu’un fâcheux auquel Molière n’avait pas pensé méritait sa place dans la galerie, Molière modifie rapidement le contenu de sa pièce. C’est un tournant décisif pour lui : il a attiré l’attention de Louis XIV.

Le 4 septembre, les Fâcheux sont donnés au théâtre du Palais-Royal avec « ballets, violons, musique » et en faisant « jouer des machines ». Les recettes montent en flèche. Fin décembre, le roi vient voir la pièce dans son adaptation parisienne. La saison est une des meilleures de la troupe. Les recettes viennent essentiellement des représentations publiques (90% des bénéfices). Le roi n’a rien donné cette année-là. La troupe peut vivre de son seul public parisien : « Son succès, écrit Roger Duchêne[24], Molière le doit beaucoup à ceux qui viennent le voir jouer au Palais-Royal, un peu aux personnalités qui l’ont invité, nullement à Louis XIV. C’est sur sa réussite à Paris que s’est greffée l’invitation de Fouquet à Vaux-le-Vicomte et, par contrecoup, un début d’intérêt du roi. »

Le mariage de Molière

« Il avait la taille plus grande que petite, le port noble, la jambe belle. Il marchait gravement, avait l'air très sérieux, le nez gros, la bouche grande, les lèvres épaisses, le teint brun, les sourcils noirs et forts, et les divers mouvement qu'il leur donnait lui rendaient la physionomie extrêmement comique. A l'égard de son caractère, il était doux, complaisant, généreux; il aimait fort à haranguer (Marie Du Croisy, comédienne de la troupe)[25]. »

Le 23 janvier 1662, Molière signe son contrat de mariage avec Armande Béjart. Il a 40 ans, elle en a 20. La cérémonie religieuse a lieu le 20 février à Saint-Germain-l’Auxerrois. Contrairement à l'usage du milieu, le mariage se fait dans la plus stricte intimité, avec un minimum de témoins[26].

Sur le contrat de mariage, Armande est la sœur de Madeleine, l’ancienne maîtresse de Molière. L’opinion commune des contemporains va faire d’Armande la fille de Madeleine. Pendant la querelle de L’École des femmes, Montfleury, un comédien d’une troupe rivale, accuse Molière dans une requête au roi « d’avoir épousé la fille et d’avoir couché avec la mère » raconte Jean Racine[27] qui ajoute : « Mais Montfleury n’est pas écouté à la cour ». Grimarest, dans sa Vie de Molière, dit qu’Armande est une fille que Madeleine avait eue avant de connaître Molière. Mais il vise essentiellement à laver son héros de l’accusation d’inceste lancée par Le Boulanger de Chalussay dans sa comédie satirique que Molière essaiera de faire interdire[28]. L’extrait de baptême d’Armande, qui aurait pu mettre fin aux rumeurs, n’a jamais été fourni, ni même mentionné.

Pourquoi Molière a-t-il choisi une union dont il savait qu’elle allait faire scandale ? « Il y fallait une raison très forte, » écrit Roger Duchêne[29] « certainement pas l’amour. Sauf dans les comédies et les romans, il ne suffisait jamais, au XVIIe siècle, pour justifier un mariage. Molière n’avait pas besoin du notaire ni de l’Église pour coucher avec Madeleine et sans doute avec d’autres femmes. Il n’en avait pas davantage besoin pour coucher avec Armande (…) Le mariage de Molière est un mariage bourgeois. Un mariage dans lequel ont primé envers et contre tout, fût-ce le scandale, des considérations de famille et d’argent. » Madeleine aurait fait pression pour qu’il épouse Armande afin que les biens des Béjart, comme ceux du grand-père Poquelin passent à leurs héritiers. Ce serait un mariage de raison.

Sur les rapports sentimentaux de Molière et d’Armande, on a raconté beaucoup de choses mais on en ignore tout. Ils auront un fils Louis dont le roi acceptera d’être le parrain, apportant ainsi sa caution à Molière, baptisé le 24 février 1664 et mort à huit mois et demi, une fille Esprit-Madeleine, baptisée le 4 août 1665, morte en 1723 sans descendance, et un autre fils Pierre, baptisé le 1er octobre 1672 et mort le mois suivant.

Le temps des scandales

En mai 1662, la troupe est convoqué à Saint-Germain et interprète huit comédies en moins d’une semaine devant le roi. En juin, elle fait un séjour de sept semaines à la cour et joue treize fois devant le roi. C’est la consécration. De mai à septembre, le roi assiste à vingt-quatre représentations de Molière, record qui ne sera jamais battu. Les gratifications royales représentent le tiers du bénéfice de la troupe pour la saison 1663-1664.

La querelle de L'École des femmes

Le 26 décembre 1662, Molière crée une grande comédie en cinq actes et en vers, L'École des femmes (8e pièce de Molière qui joue Arnolphe), mettant en cause les idées reçues sur la condition de la femme et le statut du mariage chrétien. C'est un succès immédiat et éclatant, comme il n'en a encore jamais connu et qui le consacre grand auteur, mais une partie de l’opinion l’accuse d’immoralité et d’impiété. La scène du le (« il m’a pris…le… [30] ») est trouvée indécente, « rien de plus scandaleux », écrit Conti[31], « équivoque la plus grossière dont on ait jamais infecté les oreilles des chrétiens » dira Bossuet[32]. On lui reproche de parodier un sermon dans les recommandations d’Arnolphe à Agnès et les commandements de Dieu dans les « Maximes du mariage ou les devoirs de la femme mariée, avec son exercice journalier[33] ». La querelle de L’École des femmes va durer plus d’un an et faire beaucoup de bruit, sous la forme d’une cabale mondaine et d’une querelle littéraire. Des pièces mettant en cause la moralité de l’auteur et l’attaquant sur sa vie privée sont jouées par la troupe concurrente de l’Hôtel de Bourgogne.

Molière réplique en juin 1663 au Palais-Royal par La Critique de l'école des femmes et en octobre en créant à Versailles L'Impromptu de Versailles, « une comédie des comédiens[34] », où se mêlent théâtre et réalité, dans l’improvisation et la parodie. La scène se passe à Versailles. C’est une répétition. Les acteurs de la troupe sont là avec leur propre nom et Molière leur donne ses instructions pour la pièce nouvelle qu’ils doivent jouer devant le roi. Avec un moment d’indignation émue de l’auteur à l’encontre de ses ennemis : « Qu’ils disent tous les maux du monde de mes pièces, j’en suis d’accord. Je leur abandonne de bon cœur mes ouvrages, ma figure, mes gestes, mes paroles, mon ton de voix (on lui reproche d’avoir une difficulté ou un tic de diction, de faire « un hoquet à la fin de chaque vers ») et ma façon de réciter (…) Mais ils doivent me faire la grâce de me laisser le reste. » Qu’on ne l’attaque pas sur sa vie privée. « Voilà toute la réponse qu’ils auront de moi[35]. »

En juin, le roi accorde des gratifications aux gens de lettres ; Molière fait partie des bénéficiaires. Il écrit et publie son Remerciement au Roi. Sa gratification sera renouvelée tous les ans jusqu’à sa mort.

L’interdiction du Tartuffe

Tartuffe, frontispice de l’édition de 1669 par Brissard.
Pour désamorcer la bombe qu’était le premier Tartuffe, Molière donne un costume laïc à son hypocrite, un dénouement heureux à la pièce et adoucit certaines tirades. L’accent est mis sur l’hypocrisie du personnage plus que sur son rôle de directeur de conscience.

Le 29 janvier 1664, Molière présente au Louvre une comédie-ballet, Le Mariage forcé, où le roi danse, costumé en Égyptien. Du 30 avril au 22 mai, la troupe est à Versailles pour les fêtes des Plaisirs de l'Île enchantée qui sont en quelque sorte l’inauguration de Versailles. C’est un véritable « festival Molière ». La troupe de Molière contribue beaucoup aux réjouissances. Molière donne le 8 mai « une comédie galante, mêlée de musique et d’entrées de ballet », La Princesse d'Élide, et le 12 mai une première représentation du Tartuffe (13e pièce de Molière qui joue Tartuffe).

Molière choisit de représenter un homme d’Église en « petit collet »[36], un directeur de conscience sans scrupules, qui s’introduit dans une famille sous couleur de la religion pour en mettre le chef sous tutelle, en courtiser la femme, en épouser la fille et en détourner le bien à son profit. On ne connaît pas le texte de la comédie jouée le 12 mai. On connaît seulement celle, remaniée pour la rendre acceptable, qu’il obtiendra permission de jouer cinq ans plus tard en 1669. Car le roi, sous la pression de l’archevêque de Paris et de sa mère[37], interdit à Molière de donner en public la pièce jouée devant lui.

Les critiques et les historiens ont essayé de préciser ce qu’était le premier Tartuffe. Les principales différences entre la version de 1669 et celle de 1664 portent sur le dénouement (1664 : la pièce ne comporte que les trois premiers actes et Tartuffe triomphe, 1669 : Molière ajoute deux actes et un dénouement heureux) et surtout sur le costume de Tartuffe (1664 : un homme d’Église, 1669 : un homme du monde[38]).

Molière vise donc le parti dévot, puissant à la cour, qui critique le libertinage des mœurs, le luxe, les fêtes, la politique de prestige et au besoin de guerre du début du règne. Et en particulier la Compagnie du Saint-Sacrement qui exerce une influence politique considérable et se recrute dans l’aristocratie (Conti), la bourgeoisie parlementaire (Lamoignon) et le haut clergé (Bossuet).

Molière n’a pas pu écrire cette pièce sans l’accord du roi, qui n’admet pas que les dévots lui dictent sa conduite et entravent ses amours et sa liberté[39]. Après l’interdiction, Molière défend sa pièce mais le roi qui lui garde sa faveur ne lève pas ses défenses. En 1667, il tente de jouer sa pièce remaniée au Palais-Royal (devant une salle comble). Elle s’appelle L’Imposteur et Tartuffe est devenu Panulphe, un laïc. Mais le parti dévot n’a pas désarmé. L’interdiction est immédiate. Le président du Parlement Lamoignon (chargé de la police en l’absence du roi qui mène campagne en Flandres) fait rappeler à la troupe par huissier que Le Tartuffe est interdit. L’archevêque de Paris fait défense, sous peine d’excommunication, de représenter, lire ou entendre la pièce incriminée. Molière tente des démarches inutiles auprès du roi. Le Tartuffe ne se joue que le 5 février 1669. L’autorité de Louis XIV est alors plus solide, son animosité contre les dévots plus grande : ses amours avec Madame de Montespan font scandale ; et il peut penser qu’il n’a plus de ménagements à garder. La curiosité pour cette pièce longtemps attendue est si vive que le succès est assuré. C’est le triomphe de Molière, sa pièce le plus longtemps jouée (72 représentations jusqu’à la fin de l’année), son record de recettes (2860 livres le premier jour, six recettes de plus de 2000 livres, 16 de plus de 1000, une moyenne de 1337 livres contre 940 pour L’École des femmes). L’affaire du Tartuffe est aussi une affaire d’argent.

L’étouffement du Dom Juan

Le 15 février 1665, Dom Juan (14e pièce de Molière qui joue Sganarelle) est joué pour la première fois avec un très grand succès. Dès la deuxième représentation la scène du pauvre[40] est amputée. Encore quelques représentations et le théâtre ferme pour la relâche de Pâques. A la réouverture, la pièce a disparu. Le texte d'origine ne sera plus joué avant 1841, un siècle et demi plus tard. Molière a reçu le conseil, sans doute du roi, de renoncer à sa pièce.

Dom Juan est un grand seigneur, séducteur, libertin, athée (une déclaration directe d’athéisme n’est pas concevable au théâtre à cette époque mais elle se fait par des silences : Sganarelle :… Est-il possible que vous ne croyiez point du tout au Ciel ? —Dom Juan : Laissons cela. —Sganarelle : C’est-à-dire que non…[41]) et hypocrite (il fait semblant de se convertir) . Son valet Sganarelle, lui, croit à Dieu, au diable, mais aussi au Moine-Bourru et au loup-garou. Le dénouement est irréprochable et même édifiant: le pécheur impénitent est envoyé aux enfers.

Mais la pièce est susceptible d’une double lecture : Dieu est accessible aux simples comme Sganarelle ; peut-être en ont-ils besoin, mais des esprits d’un ordre supérieur, comme Dom Juan, s’accommodent parfaitement d’un monde vide de Dieu. Et Dom Juan, clairement condamné, sévèrement puni, est pourtant séduisant.

Tout de suite la pièce est très violemment contestée. « L’impiété et le libertinage s’y présentent à tous moments à l’imagination. » peut-on lire dans un libelle[42]. Molière est dangereusement mis en cause. « C’est bien à faire à Molière de parler de la dévotion, avec laquelle il a si peu de commerce et qu’il n’a jamais connue ni par pratique, ni par théorie. » Un sonnet[43] l'accuse d'impiété: « Tout Paris s'entretient du crime de Molière. » Sa pièce heurte une partie, probablement majoritaire, de l’opinion.

En 1682, après la mort de Molière, La Grange doit édulcorer le texte pour le publier dans le volume VII des Œuvres de M. de Molière. Cela ne paraît pas suffisant pour la censure. Les exemplaires déjà imprimés sont « cartonnés » (des cartons sont introduits pour faire disparaitre les passages incriminés[44]).

Les dernières œuvres

Désormais Molière va s'orienter vers des sujets inoffensifs. Il va s'établir sur le terrain de la comédie de caractères ou la comédie de mœurs privés. Il va composer des œuvres admirables. Mais c'est un repli. « Ses ennemis ont eu le dernier mot. Ils l'ont obligé à la forme la plus efficace, et la plus pénible sans doute, de la censure, à l'autocensure. » écrit Georges Couton[45].

La maladie de Molière

Molière, portrait par Charles-Antoine Coypel.
De la maladie va procéder une série de pièces qui prennent pour héros les médecins et leurs malades. En 1668, il a lui-même intégré son mal dans son jeu comique en écrivant L’Avare. « Votre fluxion ne vous sied pas mal, dit Frosine à Harpagon, et vous avez bonne grâce à tousser. »

Du 29 décembre 1665 au 21 janvier 1666, le théâtre ferme. Le gazetier Robinet écrit dans une lettre du 28 février : « Molière qu’on a cru mort se porte bien. »[46]. Le 16 avril 1667, le même Robinet écrit : « Le bruit a couru que Molière/Se trouvait à l’extrémité/Et proche d’entrer dans la bière[47]. » Le théâtre reste fermé sept semaines au lieu de trois pour la relâche de Pâques.

Depuis la fin de 1665 ou le début de 1666, Molière est malade des poumons. On manque de témoignages directs sur sa maladie. Dans le registre de La Grange et dans la notice biographique de 1682, il n’apparaît pas comme un malade chronique de la poitrine (comme affecté de ce que nous appellerions une tuberculose). C’est un homme solide sujet à des « fluxions sur la poitrine » (aujourd’hui, on parlerait de pneumonie ou de pleurésie)[48]. Les années 1667 et 1668 sont celles où les interruptions sont les plus fréquentes et les plus longues. Une partie doit s’expliquer par la mauvaise santé de Molière. Tout paraît aller mieux en 1669 et 1670, les interruptions sont rares.

S’il veut vivre, Molière doit éviter le surmenage d’une vie épuisante et s’abstenir de jouer. Se contenter d’écrire et de tenir de petits rôles. Il est désormais plus indispensable à ses comédiens comme auteur que comme acteur. Mais Molière aime les planches. Il ne peut s’en passer.

La troupe

En août 1665, le roi veut que la troupe prenne le titre de troupe du roi au Palais-Royal (pour Molière, c’est une extraordinaire promotion) et reçoive une pension de 6 000 livres par an. .

La troupe est d’une stabilité exemplaire. A Pâques 1670, elle compte encore quatre acteurs (Molière, Madeleine Béjart et sa sœur Geneviève) de l’Illustre Théâtre. Sept en faisaient partie lors des débuts à Paris (les mêmes plus Louis Béjart et le couple De Brie). Neuf y jouent depuis le remaniement de 1659 (les mêmes plus La Grange et Du Croisy).

Les nouveaux sont La Thorillière (1662), Armande (1663) et André Hubert (1664). Un seul départ volontaire dans la concurrente de l’hôtel de Bourgogne : celui de la Du Parc, maîtresse de Jean Racine qui va faire d’elle la vedette d’Andromaque. Un seul départ à la retraite : celui de l’Epi. En 1670, Louis Béjart demande à son tour à quitter le métier. Il a 40 ans. Les comédiens s’engagent à lui verser une pension de 1 000 livres aussi longtemps que la troupe subsiste. Le 28 avril, ils recrutent le jeune Baron (Molière, tenant absolument à l’avoir dans sa troupe obtient une lettre de cachet du roi pour l’enlever, malgré son contrat, à la troupe de campagne dont il fait partie[49]), dix-sept ans, avec une part et le couple Beauval, comédiens chevronnés, avec une part et demie. La compagnie compte désormais huit comédiens et cinq comédiennes, pour douze parts et demie.

Le 17 décembre 1671, Madeleine Béjart meurt. Elle est inhumée sans difficulté. Avant de recevoir les derniers sacrements, elle a signé la renonciation suivante : « Je soussignée promets de renoncer et renonce dès à présent à la profession de comédienne. » Elle jouissait d’une très large aisance. Son testament favorise largement sa sœur (ou sa fille) Armande.

Pour les comédiens de Molière, c’est l’aisance. Pour les cinq dernières saisons (1668-1673), le bénéfice total annuel de la troupe (bénéfice du théâtre, plus gratifications pour les visites[50], plus gratifications du roi, plus pension du roi) est en moyenne de 54 233 livres pour les cinq dernière saisons contre 39 621 livres les cinq saisons précédentes, à répartir en 12 parts environ[51].

Molière est riche. Roger Duchêne[52]a calculé que, pour la saison 1671-1672, Molière et sa femme ont reçu 8 466 livres à eux deux pour leurs parts de comédiens, plus ce que Molière a eu de la troupe comme auteur et ce que les libraires lui ont versé pour la publication de ses pièces. Il s’y ajoute les rentes des prêts qu’il a consentis et les revenus qu’Armande tire de l’héritage de Madeleine, soit au total plus de 15 000 livres, l’équivalent, ajoute-t-il, du montant de la pension que verse Louis XIV au comte de Grignan pour exercer sa charge de lieutenant général au gouvernement de la Provence.

Les dernières saisons théâtrales

Les saisons théâtrales commencent après la clôture de Pâques qui dure environ trois semaines.

Saison 1665-1666 : Le 15 septembre 1665, Molière donne à Versailles une comédie-ballet, L'Amour médecin, où il raille les médecins. La pièce a été « proposée, faite, apprise et représentée en cinq jours[53] ». Le 4 décembre, la troupe joue avec succès Alexandre le Grand de Jean Racine qui, dix jours plus tard, confie sa pièce à l'Hôtel de Bourgogne, ralliant ouvertement le camp de ceux qui jugent les comédiens de Molière incapables de jouer la tragédie.

Saison 1666-1667 : Le 4 juin 1666, c’est la première du Misanthrope (16e pièce de Molière qui joue Alceste). La pièce sera jouée 299 fois jusqu’à la fin du règne de Louis XIV. Les liens entre le climat de la pièce et l’humeur de l'auteur sont probables si l’on tient compte du contexte : Tartuffe interdit, Dom Juan étouffé, la campagne de calomnies se développant contre lui. Le 6 août, Molière crée au Palais-Royal une farce, pleine de verve, Le Médecin malgré lui. Le 1er décembre 1666, la troupe part à Saint-Germain pour de grandes fêtes données par le roi qui mobilisent tous les gens de théâtre de Paris et dureront jusqu’au 27 février 1667. Elle est employée dans le Ballet des Muses et donne trois comédies (Pastorale comique, Mélicerte, Le Sicilien). Le poète de la cour Bensserade écrit à cette occasion:

Le célèbre Molière est dans un grand éclat
Son mérite est connu de Paris jusqu’à Rome.
Il est avantageux partout d’être honnête homme
Mais il est dangereux avec lui d’être un fat[54].

Mais cette fois Molière n’a rien écrit qui fasse penser. Ses ennemis aussi peuvent secrètement triompher.

Saison 1667-1668 : Le 13 janvier 1668, la première d’ 'Amphitryon est donnée au Palais-Royal. Le roi et la cour assistent à la 3e représentation aux Tuileries.

Saison 1668-1669 : C’est une saison faste. On a beaucoup joué au théâtre du Palais-Royal : 192 représentations, 47 507 livres de bénéfice pour le théâtre, 60 247 livres de bénéfice total pour onze parts. Sur 22 pièces mises à l’affiche, 12 sont de Molière. Pour la paix d’Aix-la-Chapelle (2 mai 1668), le roi donne à sa cour des fêtes splendides. Plus de deux mille personnes assistent au Grand Divertissement royal, pastorale avec chants et danse. La musique est de Lully, les paroles de Molière. La comédie de George Dandin est enchâssée dans la pastorale. L’Avare (22e pièce de Molière qui joue Harpagon) est joué pour la première fois le 9 septembre au Palais-Royal. Molière y dénonce l’omniprésence de l’argent dans la société de son temps. Il ne la jouera que 47 fois dans son théâtre. Le public boude la pièce qui deviendra après sa mort, l’un de ses plus grand succès. La pièce est en prose, ce qui a choqué pour une grande comédie en cinq actes. La pièce est sérieuse. Harpagon n’est pas un personnage directement comique. Et puis le triomphe du Tartuffe, enfin joué librement le 5 février 1669 va faire oublier L’Avare.

Saison 1669-1670 : La troupe a suivi la cour à Chambord du 17 septembre au 20 octobre 1669. C’est là qu’est joué Monsieur de Pourceaugnac (23e pièce de Molière qui joue Pourceaugnac), agrémentée de ballets et de musique. Lully a écrit la musique. Molière-Pourceaugnac échappe à l’engrenage médical qui le happe. La pièce est plus dure pour les médecins que Le Malade imaginaire, aussi âpre que L’Amour médecin. Le public parisien voit la pièce à partir du 15 novembre. Le succès est très vif. Pour le carnaval un ballet est commandé à Molière, Les Amants magnifiques. La musique est de Lully. Il est dansé à Saint-Germain en février 1670

Saison 1670-1671 : Le roi qui vient de recevoir l’ambassadeur ottoman à Versailles veut donner à sa cour une comédie-ballet où les turcs apparaissent sur la scène. Molière écrit les paroles, Lully la musique. Le Bourgeois gentilhomme (25e pièce de Molière qui joue M.Jourdain) est interprétée sept fois devant la cour en octobre 1670 puis est donnée aux parisiens le 23 novembre. C’est un grand succès. En janvier 1671, dans la grande salle des Tuileries, construite par Le Vau et capable d’accueillir sept mille spectateurs (mais avec une très mauvaise acoustique), 'Psyché, tragi-comédie et ballet (la comédie-ballet est en train d’évoluer vers l’opéra) est dansé devant le roi. Le livret est de Molière. La musique de Lully.

Saison 1671-1672 : Les Fourberies de Scapin, jouées le 24 mai 1671, sont un échec. La pièce connaitra le succès après la mort de Molière : 197 représentations de 1673 à 1715. En décembre 1671, le roi commande pour l’arrivée de la nouvelle femme de Monsieur un ballet, La Comtesse d'Escarbagnas joué plusieurs fois devant la cour. Le 11 mars 1672, Les Femmes savantes (29e pièce de Molière qui joue Chrysale) sont données au Palais-Royal. La pièce, sans ornement musical, poursuit la lutte contre la préciosité. Ce n’est pas un franc succès. Le roi la voit deux fois, la dernière fois le 17 septembre 1672 à Versailles, sans doute la dernière fois que Molière joue à la cour.

Le 1er octobre 1672, Molière s’installe bourgeoisement et somptueusement[55] rue de Richelieu dans une vaste maison à deux étages avec entresols.

Le conflit avec Lully

Le Malade imaginaire à Versailles. Suite du conflit de Molière avec Lully, le roi ne verra la pièce de Molière qu’en 1674 à Versailles, devant la grotte d’Apollon.

Pendant neuf ans, Molière et Lully, le musicien préféré du roi, ont collaboré avec succès, Lully faisant la musique des comédies de Molière pour les grandes fêtes royales. Comme Molière, il pensait jusqu’alors l’opéra en français impossible. Le succès de Pomone, premier opéra français le fait changer d’attitude. Il décide de créer un opéra à sa manière et d’en avoir le monopole.

Le roi accorde alors à Lully l’exclusivité des spectacles chantés et interdit de faire chanter une pièce entière sans sa permission. La troupe de Molière proteste, une bonne partie de son répertoire étant constituée de comédies-ballets. Le 29 mars 1672, le roi lui accorde la permission d’employer 6 chanteurs et 12 instrumentistes, à peu près l’effectif utilisé par son théâtre. Le 8 juillet 1672, La Comtesse d'Escarbagnas est donnée au Palais-Royal avec une musique nouvelle de Charpentier. En septembre, un nouveau privilège accorde à Lully la propriété des pièces dont il fera la musique.

Le goût du roi va à l’opéra, au détriment de ce que pratique Molière, attaché à l’importance du texte parlé et à la primauté de l’écrivain sur le musicien. Molière sait que si le roi a accordé à Lully le monopole des spectacles en musique, ce n’est pas pour confier à un autre le soin des prochaines fêtes. Mais le roi aime aussi la comédie. Surtout la farce. Le Malade imaginaire en est une. La création au Palais-Royal du Malade imaginaire (30e pièce de Molière qui joue le rôle-titre), comédie mêlée de musique (de Charpentier) et de danses, est la réponse de Molière. Son pari est que le roi va souhaiter voir sa pièce. Le succès du Bourgeois gentilhomme, le triomphe de Psyché au Palais-Royal lui a aussi prouvé que la troupe peut gagner de l’argent en jouant des pièces avec ballets et parties chantées pour le seul public parisien.

Le 17 février 1673, à la 4e représentation du Malade imaginaire, où il joue le rôle principal qui est long et commence par un grand monologue, Molière se sent plus fatigué par sa fluxion qu’à l’ordinaire mais il refuse de supprimer la représentation.

La mort de Molière

Les circonstances

La page du registre de La Grange qui relate la mort de Molière. « Ce même jour après la comédie, sur les 10 heures du soir, M.de Molière mourut dans sa maison rue de Richelieu, ayant joué le rôle du Malade imaginaire… »

Il existe quatre récits[56] de la mort de Molière, le 17 février 1673, plus ou moins détaillés et plus ou moins convergents :

  • La requête de sa veuve à l’archevêque de Paris qui date du lendemain pour obtenir une sépulture chrétienne car Molière, comédien, n’ayant pas signé, comme Madeleine Béjart, de renonciation à sa profession, est excommunié (l’objet est de montrer qu’il est mort en bon chrétien. Armande sait par ailleurs que l’archevêque va faire enquêter sur la vérité de ses allégations) : « Vendredi, 17 du présent mois de février, sur les 9 heures du soir, ledit feu sieur Molière s’étant trouvé mal de la maladie dont il décéda environ une heure après, il voulut témoigner des marques de repentir de ses fautes et mourir en bon chrétien. » Il envoya chercher un prêtre. Deux refusent de venir. « Toutes ces allées et venues tardèrent plus d’une heure et demie. » Un troisième arrive trop tard. « Comme ledit sieur Molière est décédé sans avoir reçu le sacrement de confession dans un temps où il venait de représenter la comédie, M. le curé de Saint-Eustache lui refuse la sépulture. » Le désir de son mari de se confesser est témoigné par deux dames religieuses demeurant dans la maison et un gentilhomme nommé Couton entre les bras de qui il est mort.
  • Le registre où La Grange a conté le drame quelques jours plus tard : « Vendredi 17, part 39 livres. Ce même jour après la comédie, sur les 10 heures du soir, M.de Molière mourut dans sa maison rue de Richelieu, ayant joué le rôle du Malade imaginaire, fort incommodé d’un rhume et fluxion sur la poitrine qui lui causait une grande toux, de sorte que, dans les grands efforts qu’il fit pour cracher, il se rompit une veine dans le corps et ne vécut pas demi-heure ou trois quats d’heure depuis ladite veine rompue, et est enterré à la paroisse Saint-Joseph, aide de la paroisse Saint-Eustache.. Il y a une tombe élevée d’un pied de terre. »
  • La notice biographique des Œuvres de Molière, de La Grange et de Vivot publiées en 1682 : Le 17 février, « il fut si fort travaillé de sa fluxion qu’il eut de la peine à jouer son rôle. Il ne l’acheva qu’en souffrant beaucoup, et le public connut aisément qu’il n’était rien moins que ce qu’il avait voulu jouer (…) La comédie étant faite, il se retira promptement chez lui, et à peine eut-il le temps de se mettre au lit que la toux continuelle dont il était tourmenté redoubla de violence. Les efforts qu’il fit furent si grands qu’une veine se rompit dans ses poumons. Aussitôt qu’il se sentit dans cet état, il tourna ses pensées du côté du Ciel ; un moment après, il perdit la parole, et fut suffoqué en demi-heure par l’abondance du sang qu’il perdit par la bouche ».
  • Le récit de Grimarest dans sa Vie de Molière, éditée en 1705 (Grimarest, qui n’aime pas Armande, a fondé son récit sur les confidences de Baron dont il amplifie souvent le rôle) : La représentation commence à 4 heures. En prononçant le juro de la cérémonie finale, il est pris d’une convulsion. Les spectateurs s’en aperçoivent. Il cache « par un ris forcé » ce qui lui est arrivé. « Quand la pièce fut finie, il prit sa robe de chambre et fut dans la loge de Baron, et il lui demanda ce que l’on disait de sa pièce. » Il a froid. Baron lui trouve les mains glacées et s’en inquiète. Il le fait ramener chez lui en chaise à porteurs. Une fois Molière dans sa chambre, Baron veut lui faire prendre du bouillon. Il n’en veut point. Il le trouve trop fort. « Donnez-moi plutôt un petit morceau de fromage de Parmesan. » Au bout d’un moment, il est pris d’une forte crise de toux. Baron, voyant le sang qu’il rend s’en effraie. Il demande à Baron de faire venir sa femme. « Il resta assisté de deux sœurs religieuses » Elles quêtaient pour le Carême et il les hébergeait chez lui. « Elles lui donnèrent à ce dernier moment de sa vie tout le secours édifiant que l’on pouvait attendre de leur charité. » Il rendit l’esprit entre les bras de ces deux bonnes sœurs. « Le sang qui sortait par sa bouche en abondance l’étouffa. Ainsi quand sa femme et Baron remontèrent, ils le trouvèrent mort. » Grimarest a omis la plupart des détails contenus dans la requête d’Armande à l’archevêque de Paris : la recherche d’un prêtre, les allées et venues qui ont duré plus d’une heure et demie, la présence à son chevet de Couton entre les bras duquel il est mort. « Aussitôt que Molière fut mort, Baron fut à Saint-Germain en informer le roi; Sa Majesté en fut touchée et daigna le témoigner. » Grimarest ne dit pas en quels termes.

L’inhumation

Molière n’a pas signé la renonciation à sa profession de comédien. Le rituel du diocèse de Paris subordonne l’administration des sacrements à cette renonciation. Il ne peut donc recevoir une sépulture religieuse.

Vu la notoriété du mort, l’Église est embarrassée. Le curé de Saint-Eustache ne peut, sans faire scandale, l’enterrer en faisant comme s’il n’avait pas été comédien. Et, de l’autre côté, refuser une sépulture chrétienne à un homme aussi connu du public risquait de choquer. Le seul moyen est de s’adresser à l’archevêque qui a seul pouvoir d’interpréter son règlement en montrant que le comédien est mort en bon chrétien, qu’il avait l’intention de se confesser, qu’il en a été empêché par des contretemps. L’archevêque, après enquête, « eu égard aux preuves » recueillies, permet au curé de Saint-Eustache d’enterrer Molière, à deux conditions « sans aucune pompe et hors des heures du jour ».

On enterra Molière le 21 février au cimetière Saint-Joseph. On n’a pas de récit contemporain des faits. « Il s’amassa ce jour-là une foule incroyable de peuple devant sa porte. » dit Grimarest. « Le convoi se fit tranquillement à la clarté de près de cent flambeaux. »

La fin soudaine, presque sur scène, d'un comédien célèbre et controversé provoqua dans la presse un déferlement d’épitaphes et de poèmes (on en compte une centaine), le plus souvent hostiles. D'autres célèbrent ses louanges, comme l’épitaphe de La Fontaine :

Sous ce tombeau gisent Plaute et Térence,
Et cependant le seul Molière y gît :
Leurs trois talents ne formaient qu’un esprit,
Dont le bel art réjouissait la France.
(...)
Ils sont partis, et j’ai peu d'espérance
De les revoir, malgré tous nos efforts,
Pour un long temps, selon toute apparence.

Le 6 juillet 1792, désireux d’honorer les cendres des grands hommes, les révolutionnaires exhumèrent les restes présumés de Molière et de La Fontaine. L’enthousiasme retombé, ils restèrent de nombreuses années dans les locaux du cimetière, puis transférés en l'an VII au musée des monuments français. A la suppression de ce musée en 1816, on transporta les cercueils au cimetière de l’Est, l'actuel Père-Lachaise, où ils reçurent une place définitive le 2 mai 1817.

Épilogue

Une semaine après la mort de Molière, les comédiens recommencent à jouer, Le Misanthrope d'abord, dont Baron reprend le rôle principal, puis Le Malade imaginaire, La Thorillière jouant le rôle de Molière. Le 21 mars, c'est la clôture de Pâques. Le roi reprend la salle qu'il prêtait gratuitement à Molière pour la donner à Lully, qui y représentera l'opéra. Baron, La Thorillière, le couple Beauval quittent la troupe pour rejoindre l'Hôtel de Bourgogne.

Armande, qui a 31 ans, va sauver l'existence de la troupe de Molière. Elle achète rue Guénégaud le théâtre où avait été joué Pomone et recrute un comédien, Rosimond. La dissolution de la troupe du Marais lui permet d'en recueillir les meilleurs éléments. Le 9 juillet 1673, « la troupe du roi en son hôtel de la rue Guénégaud » ouvre la nouvelle saison avec Tartuffe puis joue le répertoire de Molière. Armande figure la première dans la liste des comédiennes. La troupe compte dix-sept parts et demie. En 1677, elle commande à Thomas Corneille une adaptation en vers, tout à fait purgée, du Dom Juan. Les spectateurs ne verront jouer que cette adaptation jusqu'en 1841.

En 1680, sur décret du roi, elle doit fusionner avec la troupe de l'Hôtel de Bourgogne : c'est la naissance de la Comédie-Française.

En 1682, paraissent les Œuvres de Monsieur de Molière en huit tomes. Le 30 novembre 1700, meurt Armande qui s'était remariée en 1677 avec le comédien Guérin. En 1723, la postérité de Molière s'éteint avec la mort de sa fille.

Les pièces de Molière

Liste des œuvres de Molière
(par ordre chronologique)
Nombre de
représentations
à la mort de Molière
en 1673
Pièces jouées
devant le roi
et sa cour
Œuvre Genre Création publiques privées
Le Médecin volant Farce en un acte et en prose
?
14
2
La Jalousie du barbouillé Farce en un acte et en prose
?
7
L'Étourdi ou les Contretemps Comédie en cinq actes et en vers Lyon 1655
63
12
Le Dépit amoureux Comédie en cinq actes et en vers 16 décembre 1656
66
10
Les Précieuses ridicules Comédie en un acte et en prose 18 novembre 1659
55
15
Sganarelle ou le Cocu imaginaire Comédie en un acte et en vers 28 mai 1660
123
20
Dom Garcie de Navarre ou le Prince jaloux Comédie héroïque en cinq actes et en vers 4 février 1661
9
4
L'École des maris Comédie en trois actes et en vers 24 juin 1661
111
19
Les Fâcheux Comédie-ballet en trois actes et en vers 17 août 1661
105
16
oui
L'École des femmes Comédie en cinq actes et en vers 26 décembre 1662
88
17
La Critique de l'école des femmes Comédie en un acte et en prose 1er juin 1663
36
7
L'Impromptu de Versailles Comédie en un acte et en prose 14 octobre 1663
20
9
oui
Le Mariage forcé Comédie-ballet en un acte et en prose 29 janvier 1664
36
6
oui
La Princesse d'Élide Comédie galante en cinq actes, en vers[57] et en prose 8 mai 1664
25
9
oui
Tartuffe ou l'Imposteur Comédie en cinq actes et en vers 12 mai 1664
82
13
oui
Dom Juan ou le Festin de pierre Comédie en cinq actes et en prose 15 février 1665
15
L'Amour médecin Comédie en trois actes et en prose 15 septembre 1665
63
4
oui
Le Misanthrope ou l'Atrabilaire amoureux Comédie en cinq actes et en vers 4 juin 1666
63
Le Médecin malgré lui Comédie en trois actes et en prose 6 août 1666
61
2
Ballet des Muses : Mélicerte Comédie pastorale héroïque en deux actes et en vers 2 décembre 1666
1
oui
Ballet des Muses : Pastorale comique Pastorale comique 5 janvier 1667
1
oui
Ballet des Muses : Le Sicilien ou l'Amour peintre Comédie en un acte et en prose 14 février 1667
20
1
oui
Amphitryon Comédie en trois actes et en vers 13 janvier 1668
53
3
George Dandin ou le Mari confondu Comédie en trois actes et en prose 18 juillet 1668
39
4
oui
L'Avare ou l'École du mensonge Comédie en cinq actes et en prose 9 septembre 1668
47
3
Monsieur de Pourceaugnac Comédie-ballet en trois actes et en prose 6 octobre 1669
49
5
oui
Les Amants magnifiques Comédie en cinq actes et en prose 4 février 1670
6
oui
Le Bourgeois gentilhomme Comédie-ballet en cinq actes et en prose 14 octobre 1670
48
4
oui
Psyché Tragédie-ballet en cinq actes et en vers 17 janvier 1671
82
1
oui
Les Fourberies de Scapin Comédie en trois actes et en prose 24 mai 1671
18
1
La Comtesse d'Escarbagnas Comédie en un acte et en prose 2 décembre 1671
18
1
oui
Les Femmes savantes Comédie en cinq actes et en vers 11 mars 1672
24
2
Le Malade imaginaire Comédie mêlée de musique et de danses en trois actes et en prose 10 février 1673
4

(Source : registre de La Grange pour le nombre de représentations, chiffres donnés par Roger Duchêne, Molière, Fayard, 1998, p.745)

Remise en question de la paternité des œuvres

Article détaillé : Paternité des œuvres de Molière.

La paternité des œuvres de Molière est l’objet de débats depuis qu’en 1919 Pierre Louÿs, dans un article publié dans la revue littéraire Comoedia et intitulé « Molière est un chef-d'œuvre de Corneille », annonça avoir mis au jour une supercherie littéraire. Selon lui, Molière n'aurait pas écrit lui-même ses pièces et aurait eu Pierre Corneille pour « nègre », ou, plus précisément, Molière aurait été le prête-nom de Corneille, selon une pratique courante au XVIIe siècle pour les comédies, les satires et les farces.

Cette remise en question s'est renouvelée et intensifiée depuis les années 2000, notamment avec la publication dans des revues scientifiques internationales de plusieurs articles et présentations de thèses universitaires qui, par des méthodes statistiques différentes, aboutissent aux mêmes conclusions que celles de Pierre Louÿs[58],[59]. La thèse la plus argumentée en faveur de Corneille est celle de Denis Boissier, Molière, bouffon du Roi et prête-nom de Corneille[60]. Cependant, la thèse d'une "grande supercherie littéraire" continue à être considérée comme marginale parmi les tenants de Molière[61].

Mise en scène à la télévision et au cinéma

Au cinéma

À la télévision

Sources

Les sources principales de cet article sont :

  • Roger Duchêne, Molière, Fayard, 1998
  • Molière, Œuvres complètes, bibl. de la Pléiade, 1971, 2 tomes, présentation et notes de Georges Couton.

Notes et références

  1. Acte de baptême de Molière (original détruit en 1871, transcription par le révérand du Mesnil, La Famille de Molière, Paris, 1879, p. 66) : « Du samedy 15e janvier 1622, fut baptisé Jean, fils de Jean Pouquelin, marchant tapissier, et de Marie Cresé, sa femme, demeurant demeurant rue Sainct-Honoré. Le parin Jean-Louis Pouquelin, porteur de grains, la marine Denis Lescacheux, veuve de Sebastien Asselin, vivant maistre tapissier » (Madeleine Jurgens et Elizabeth Maxfield-Miller, Cent ans de recherches sur Molière, Paris, SEVPEN, 1963, p. 212).
  2. L'inscription que l'on peut lire aujourd'hui sur une facade au 31 rue du Pont-Neuf sous un buste de Molière est erronée. Molière n'est pas né dans cette maison. Wagner, qui a habité cette maison en 1839, le croyait et en était fier.
  3. Les inventaires après décès en témoignent.
  4. Michel Mazuel, oncle de Molière, est nommé en 1654 « compositeur de la musique des quatre-vingt violons de la chambre ».
  5. Il y avait huit « tapissiers ordinaires » qui servaient deux par deux un trimestre par an ». La fonction est plus honorifique (sans anoblir, elle permet de prendre le titre d’écuyer) que lucrative mais un tapissier du roi doit être un habile homme d’affaires, disposant d’une bonne trésorerie ou d’un solide crédit.
  6. Jean-Léonor Le Gallois de Grimarest, La Vie de Mr. de Molière, Paris, 1705, p. 6 disponible sur Gallica.
  7. La tirade d’Éliante dans Le Misanthrope (acte II, scène V, vers 711 à 730) est reprise des vers 1153 et suivants du livre IV du De rerum natura de Lucrèce (voir cet article).
  8. Le Boulanger de Chalussay, Élomire hypocondre ou les médecins vengés. Cette comédie, considérée comme « un texte de première importance », est donnée dans les appendices aux Œuvres complètes de Molière, bibl. de la Pléiade.
  9. Grimarest, La vie de Mr. de Molière, Paris, 1705, p. 169 disponible sur Gallica.
  10. Molière, Fayard, 1998, p. 41.
  11. Endettés, les Béjart voient dans cette association la possibilité de se tirer d'affaire alors que Molière trouve l'opportunité d'intégrer une troupe professionnelle.
  12. Tallemant, Historiettes, Bibliothèque de la Pléiade, t. II, p. 778. Tallemant des Réaux fait quelques erreurs : Molière ne s'est pas marié avec Madeleine Béjart ; il exerce déjà dans la troupe un rôle prépondérant. Il est le seul à prétendre que Molière a fréquenté la Sorbonne.
  13. Grimarest, Vie de Molière, p. 40. Selon certaines sources, ce pseudonyme aurait été choisi en l’honneur de l’écrivain libertin François de Molière (1599–1624) ou du musicien Louis de Mollier qui a publié en 1640 des Chansons pour danser.
  14. Roger Duchêne, Molière, Fayard, 1998, p.106.
  15. Le 23 avril 1648, Molière se présente aux autorités de la ville de Nantes pour demander l’autorisation de représenter des comédies.
  16. Charles Coypeau d’Assoucy publie ses Aventures en 1677
  17. Molière, Fayard, 1998, p.132.
  18. Grâce sans doute à un de ses anciens protecteurs languedociens, Daniel de Cosnac, ancien proche du prince de Conti, devenu aumônier de Monsieur, et non comme on l’a dit au prince de Conti lui-même devenu depuis sa conversion hostile au théâtre.
  19. Le lundi, mercredi, jeudi et samedi
  20. Roger Duchêne, Molière, Fayard, 1998, p.246).
  21. Si l’on en croit un reçu de 500 livres ainsi libellé : « 500 livres tournois dont Sa Majesté lui a fait don pour lui donner moyen de supporter les frais et dépenses que lui (sic) convient faire en cette ville de Paris où il est venu par son commandement pour le plaisir et récréation de Sadite Majesté, et ce pour les six premiers mois de ladite année ».
  22. Montfleury dans l'Impromptu de l'Hôtel de Bourgogne, ironise sur la prestation de Molière dans le rôle de César de la Mort de Pompée : « Un hoquet éternel sépare ses paroles,/ Et lorsqu'on lui dit : Et commandez ici/ Il répond/ Con-nai-sez-vous-Cé-sar-de-lui-par-ler-ain-si? ».
  23. « La troupe lui accorda pour lui ou pour sa femme, s’il se mariait (La Grange, Registre, Mongrédien, t.1, p.143). »
  24. Molière, Fayard, 1998, p.295.
  25. Molière. Frontispice de ses Œuvres, édition de 1840.
  26. Les seules signatures du contrat de mariage sont celles de la mère d’Armande, de sa sœur Madeleine, de son frère Joseph, du père de Molière et de son beau-frère, alors que l’usage était de faire signer tous les comédiens.
  27. Racine, Lettre à l’abbé Le Vasseur, fin 1663, Œuvres complètes, Bibl. de la Pléiade, t.II, p.459.
  28. L'édition originale est de 1670. On en connaît trois réimpressions en 1671 et 1672. Il semble que cette comédie n'ait jamais été jouée, peut-être à cause des poursuites intentées par Molière, dont fait état un Avis au lecteur que l'on trouve dans les réimpressions.
  29. Molière, Fayard, 1998, p.302.
  30. Acte II, scène 5.
  31. Conti, Avertissement de son Traité de la comédie, 1666.
  32. Bossuet, Maximes et Réflexions sur la comédie, 1694, ch.3.
  33. Acte III, scène 3.
  34. L’Impromptu, scène 1.
  35. scène V.
  36. « J’ai eu beau lui donner, écrit Molière en 1667 après avoir modifié une première fois sa pièce, un petit chapeau, de grands cheveux, un grand collet, une épée et des dentelles sur tout l’habit, cela n’a de rien servi. » Lors de la première représentation, Tartuffe avait donc au contraire un grand chapeau, des cheveux courts, un petit collet, pas d’épée ni de dentelles. Le « petit collet » surtout, désigne clairement pour le spectateur de l’époque un homme d’Église, un postulant aux bénéfices ecclésiastiques, ayant reçu sans doute la tonsure et peut-être les ordres mineurs (Notice de Tartuffe, p.836 in Molière, Œuvres complètes, bibl. de la Pléiade, 1971, t.1).
  37. Molière, Œuvres complètes, bibl. de la Pléiade, 1971, t.1, p.839.
  38. « En vain j’ai déguisé le personnage sous l’ajustement d’un homme du monde » écrit Molière en 1667.
  39. En 1662, Bossuet, choisi par la reine mère pour prêcher le carême, blâme la liberté de mœurs de la cour. Prise de remords, La Vallière, maîtresse non encore déclarée, s’enfuit dans un couvent où le roi doit aller lui-même la chercher.
  40. acte III, scène 11.
  41. Acte III, scène 1.
  42. Observations sur une comédie de Molière intitulée le Festin de pierre de M. de Rochemont.
  43. Molière, Œuvres complètes, bibl. de la Pléiade, 1971, t.2,p.9.
  44. Trois exemplaires non cartonnés seulement sont connus, dont celui du lieutenant de police La Reynie (Molière, Œuvres complètes, Pléiade, 1971, t.2, p.5.
  45. Molière, Œuvres complètes, bibl. de la Pléiade, 1971, t.1, introduction de Georges Couton, p.XXXIV.
  46. Georges Mongrédien, Molière, Recueil des textes et des documents du XVIIe siècle, 1965, t.1, p.256.
  47. Robinet, Lettre en vers à Madame, Montgrédien, t.1, p.282.
  48. D'après Roger Duchêne, Molière, Fayard, 1998, p.659.
  49. On a raconté beaucoup de choses invérifiables sur l’engouement de Molière pour le jeune garçon et sur ses tendances et même ses pratiques homosexuelles. Grimarest, qui a connu Baron et l’a consulté pour écrire sa Vie de Molière, a bâti un petit roman, mais on ne peut lui faire absolument confiance, ni à l’auteur du pamphlet La Fameuse Comédienne pour qui l’amour de Molière pour Baron ne fait aucun doute. Peut-être Molière tenait-il simplement à avoir ce jeune comédien dans sa troupe parce qu’il savait que ce serait un excellent acteur ?
  50. Représentations privées données à des particuliers.
  51. Moyennes calculées à partir du tableau des bénéfices de la troupe par saison in Roger Duchêne, Molière, Fayard, 1998, p.750. Les saisons commencent après Pâques.
  52. Roger Duchêne, Molière, Fayard, 1998, p.645.
  53. L’Amour médecin, Au lecteur.
  54. Livret du Ballet des Muses.
  55. On connaît l’ameublement et la disposition des lieux par l’inventaire après décès dressé à sa mort. Le loyer est de 1300 livres, au lieu de 550 pour la rue Saint-Thomas-du-Louvre.
  56. Le récit de Grimarest est disponible sur Gallica. Les trois autres sont reproduits en appendice dans les Œuvres complètes de Molière, bibl. de la Pléiade, 1971, t.2..
  57. acte un et début de l'acte deux, l'auteur ayant ensuite renoncé aux vers pour des raisons de délais
  58. Dominique et Cyril Labbé, « Inter-Textual Distance and Authorship Attribution. Corneille and Molière » in Journal of Quantitative Linguistics, vol. 8, n° 3, 2001, p. 213-231.
  59. M. Marusenko, E. Rodionova, « Mathematical Methods for Attributing Literary Works when Solving the "Molière-Corneille" Problem », Journal of Quantitative Linguistics, volume 17, n° 1, 2010, p. 30-54.
  60. Résumé des arguments de Denis Boissier.
  61. Denis Boissier, "Pourquoi le Molière de la Pléiade est un mythe", L'Express, 11/06/2010, article

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Hervé Baudry-Kruger, Molière par-derrière. Essai sur un motif du comique médical dans la tétralogie (L'Amour médecin, Le Médecin malgré lui, Monsieur de Pourceaugnac, Le Malade imaginaire), Soignies, éditions Talus, 2007 (ISBN 2872461158).
  • Patrick Dandrey, Molière ou l'esthétique du ridicule, Paris, Klincksieck, 1992 (ISBN 2252033711).
  • Patrick Dandrey, le cas argan : molière et la maladie imaginaire, Klincksieck, 1993, 452 p. (ISBN 2252029021) 
  • Roger Duchêne, Molière, Fayard, Paris, 1998 (ISBN 2-213-60040-6).
  • Grimarest et Le Gallois, La Vie de M. de Molière, Paris, Le Febvre, 1705 (Texte en ligne). Réédition critique de Georges Mongrédien, Paris, M. Brient, 1955, et Slatkine, 1973.
  • A. J. Guibert, Bibliographie des œuvres de Molière publiées au XVIIe siècle, CNRS, Paris, 1961–1973, 2 vol. + suppléments.
  • Madeleine Jurgens et Elisabeth Maxfield-Miller, Cent ans de recherches sur Molière, sur sa famille et sur les comédiens de sa troupe, Paris, Archives Nationales, 1963.
  • Dominique Lafon, Le Chiffre scénique dans la dramaturgie moliéresque, Paris, Klincksieck, 1990 (ISBN 2760302512).
  • Alfred Simon, Molière, Ed. Seuil, 1997, 218 pages, (ISBN 13-978-2020250276)
  • E. Révérend du Mesnil, La famille de Molière et ses représentants actuels, d'après les documents authentiques, Paris, Liseux, 1879 (Texte en ligne).
  • Mikhaïl Boulgakov, "Le roman de monsieur de Molière", éd. Folio, 288 pages Modèle:ISBNI 978-2-07-038595

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