- La Grange (acteur)
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Charles Varlet, dit La Grange était un comédien français, né à Paris en 1635, baptisé vers l'âge de neuf mois à Montpellier, le 8 mars 1636, et décédé à Paris le 1er mars 1692. Il a longtemps appartenu à la troupe de Molière et en fut l'un des plus grands acteurs.
Sommaire
Biographie
Son père, Hector Varlet, était procureur du roi. Sa mère s’appelait Marie de la Grange, et c’est ce nom qu’il prit plus tard comme nom de théâtre. Avec son frère aîné, Achille, et sa sœur, Justine, il se retrouva très tôt orphelin. Un tuteur fut nommé, et bien qu’il fût sans fortune, Charles reçut une bonne éducation. Plus tard, en butte aux « chicanes de son tuteur » selon Larousse, il s’en alla, se fit comédien tout comme son frère, et courut la province avec assez de succès.
On ne connaît pas les circonstances de sa rencontre avec Molière. Sans doute se fit-elle à Paris, quand la troupe regagna cette ville en octobre 1658, car on retrouve La Grange jouant en novembre le rôle de Lélie de l'Étourdi, remplaçant Joseph Béjart qui venait de tomber gravement malade. Après le décès de ce dernier, il héritera également du rôle d’Éraste du Dépit amoureux, que cet acteur tenait depuis Lyon et Béziers.
À Pâques 1659, il faisait définitivement partie de la troupe de Molière, et il en devint rapidement un des premiers éléments. Ainsi, lorsque peu après Molière monta la comédie de Corneille Le Menteur, ce fut à ce nouveau venu, ce jeune homme de vingt ans, honnête, sérieux et de bonne tenue, qu’il confia le rôle principal, celui de Dorante, le menteur.
Il ne fut pas seulement le jeune premier de la troupe, mignon jeune homme à la perruque blonde et au baudrier brodé, incliné avec grâce, parfait amoureux des gens honnêtes, il en fut également le caissier, emploi de confiance, et l’archiviste. Il tint en effet un registre où il enregistra au jour le jour, entre 1659 et 1685, la vie de Molière et de ses compagnons, nous laissant d'incomparables renseignements.
Molière le tenait en haute estime, le considérant comme le meilleur comédien de la troupe. Il en fit l’aveu public dans L'Impromptu de Versailles, où l’on voit Molière, metteur en scène, conseillant tour à tour chaque comédien. Arrivant à La Grange, il lui dit simplement et éloquemment : « Pour vous, je n’ai rien à vous dire » (scène II), lui donnant, dit Henry Lyonnet, « devant la postérité un brevet de maître en comédie ».
Dix ans avant sa mort, Molière lui confia la charge d’orateur de la troupe, qui consistait à haranguer le public et à faire le Compliment. Scrupuleusement, La Grange nota dans son registre : « Vendredy 14me novembre 1664 : j’ay commancé à annoncer pour Mons. de Molière » ; confiance absolue d’un côté, concours sans réserve de l’autre.
Chappuzeau écrivit dans son Théâtre français au sujet de La Grange : « Quoique sa taille ne passe guère la médiocre, c’est une taille bien prise, un air libre et dégagé, et sans l’ouïr parler, sa personne plaist beaucoup. Il passe avec justice pour très bon acteur, soit pour le sérieux, soit pour le comique, et il n’y a point de rôle qu’il n’exécute très bien. Comme il a beaucoup de feu, et de cette honneste hardiesse nécessaire à l'orateur, il y a du plaisir à l'écouter quand il vient faire le compliment »[1].
Lorsque sa pièce Tartuffe fut interdite dès la première représentation, c’est à La Grange et à La Thorillière que Molière confia le soin de présenter un placet au roi, qui faisait le siège de Lille. Ils prirent la malle-poste depuis Paris. « Nous fûmes très bien reçus » nota La Grange.
En 1672, il se maria avec Marie Ragueneau, piètre comédienne de la troupe, plutôt laide, qui prit alors comme nom de théâtre Mlle La Grange. La Grange, laconique ou peu enthousiaste, écrivit dans son registre : « Le dimanche de Quasimodo 24me avril 1672, je fus fiancé, et le lendemain lundi 25me je fus marié à St Germain de l'Auxerrois avec Mlle Marie Ragueneau de l'Estang, qui est entrée actrice dans la trouppe ». Ils eurent deux jumelles qui ne survécurent pas, et une fille, Manon, en 1675.
Il fut de toutes les pièces, et à la mort de Molière, toute la responsabilité de l’entreprise retomba sur ses épaules. La troupe perdit la salle du Palais-Royal, que Lully convoitait depuis longtemps. Des défections réduisirent la troupe. Mais, pour la mémoire de son maître, fidèle d’entre les fidèles, il se battit, trouva une autre salle, engagea d’autres comédiens et poursuivit les représentations.
Lorsque les troupes du Palais-Royal, du Marais et de l’Hôtel de Bourgogne se réunirent, fondant ce qui allait être la Comédie-Française, La Grange en fut l’orateur. C’est lui également qui s’attela à l’édition des œuvres complètes de Molière.
Il mourut presque subitement le 1er mars 1692.
Quelques-unes de ses créations
- Lélie, fils de Pandolfe, dans L'Étourdi en 1658 ;
- La Grange, amant rebuté, dans Les Précieuses ridicules le 18 novembre 1659 ;
- Lélie, amant de Célie, dans Sganarelle ou le Cocu imaginaire le 28 mai 1660 ;
- Valère dans L'École des maris le 24 juin 1661 ;
- Lisandre devant la Cour le 7 août et Éraste devant le public le 25 août dans Les Fâcheux ;
- Horace, amant d'Agnès, dans L'École des femmes le 26 décembre 1662 ;
- Le marquis dans La Critique de l'école des femmes le 1er juin 1663 ;
- Un marquis ridicule dans L'Impromptu de Versailles le 14 octobre 1663 ;
- Alcidas, frère de Dorimène, dans Le Mariage forcé le 29 janvier 1664 ;
- Euryale, prince d'Ithaque, dans La Princesse d'Élide le 8 mai 1664 ;
- Valère, amant de Mariane, dans Tartuffe le 12 mai 1664 ;
- Dom Juan dans Dom Juan ou le Festin de pierre le 15 février 1665 ;
- Philinte dans le Misanthrope le 4 juin 1666 ;
- Léandre, amant de Lucinde, dans Le Médecin malgré lui le 6 août 1666 ;
- Acanthe dans Mélicerte le 2 décembre 1666 ;
- Corydon dans la Pastorale comique le 5 janvier 1667 ;
- Adraste dans le Sicilien le 14 février 1667 ;
- Amphitryon dans Amphitryon le 13 janvier 1668 ;
- Clitandre, amoureux d'Angélique, dans George Dandin le 18 juillet 1668 ;
- Cléante, fils d'Harpagon, dans l'Avare le 9 septembre 1668 ;
- Éraste, amant de Julie, dans Monsieur de Pourceaugnac le 6 octobre 1669 ;
- Iphicrate, amant magnifique, dans Les Amants magnifiques le 4 février 1670 ;
- Cléonte dans Le Bourgeois gentilhomme le 14 octobre 1670 ;
- Agénor dans Psyché le 17 janvier 1671 ;
- Léandre dans Les Fourberies de Scapin le 24 mai 1671 ;
- Le vicomte dans La Comtesse d'Escarbagnas le 2 décembre 1671 ;
- Clitandre dans Les Femmes savantes le 11 mars 1672, rôle écrit spécialement pour lui par Molière ;
- Cléante dans Le Malade imaginaire le 10 février 1673, où il fit un triomphe dans la leçon de chant avec Mlle Molière.
Notes
- P.L. Jacobs, Bruxelles, 1867, p. 135. Le Théâtre françois, éd.
Sources
- Henry Lyonnet, Dictionnaire des comédiens français, Bibliothèque de la revue Universelle Internationale Illustrée, Paris et Genève, 1902-1908
- Bert Edward et Grace Philputt Young, Le registre de La Grange (1659-1685) reproduit en fac-similé, Paris, E. Droz, 1947, 2 vol.
- Pierre Larousse, Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle
- Théâtre complet de Molière, Le Livre de poche.
Liens externes
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