- Miguel de Cervantes
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Miguel de Cervantes Portrait imaginaire de Cervantes
(il n'existe aucun portait authentifié)Nom de naissance Miguel de Cervantes Saavedra Activités Romancier, poète et dramaturge Naissance 29 septembre 1547
Alcalá de Henares, EspagneDécès 23 avril 1616 (à 68 ans)
Madrid, EspagneLangue d'écriture espagnol Œuvres principales Miguel de Cervantes Saavedra (29 septembre 1547 à Alcalá de Henares - 23 avril 1616 à Madrid[1]), est un romancier, poète et dramaturge espagnol universellement célèbre pour son roman L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, reconnu comme le premier roman moderne.
Miguel de Cervantes mène d'abord une vie aventureuse de soldat et participe à la bataille de Lépante en 1571 où il perd l'usage d'une main, paralysée par la section du nerf et non coupée comme peut le faire penser son surnom de Manchot de Lépante. Capturé à son retour vers l'Espagne par les Barbaresques en 1575, il reste captif à Alger malgré ses tentatives d'évasion jusqu'en 1580 où il est racheté en même temps que d'autres prisonniers espagnols.
Marié, puis séparé de sa femme et occupant diverses fonctions, il se lance alors dans l'écriture et après le roman pastoral La Galatea en 1585, c'est en 1605 qu'il publie la première partie de ce qui sera son chef-d'œuvre : L'ingénieux hidalgo Don Quichotte de la Manche dont la deuxième partie ne paraît qu'en 1615. Sa parodie grandiose des romans de chevalerie et la création des personnages mythiques de Don Quichotte, Sancho Panza ou Dulcinée ont fait de Cervantes la plus grande figure de la littérature espagnole
Sommaire
Biographie
Enfance
On suppose que Miguel de Cervantes est né à Alcalá de Henares[2]. Le jour exact de sa naissance est incertain, mais il est probable qu'il soit né le 29 septembre, jour de célébration de la fête de l'archange Saint Michel, par la tradition de recevoir le nom du Saint du jour. Miguel de Cervantes a été baptisé à Alcalá de Henares (Espagne) le 9 octobre 1547 dans la paroisse de Santa María la Mayor [3]. Dans l'acte de baptême on lit : « Dimanche, neuvième jour du mois d'octobre, année du Seigneur mille cinq cent quarante-sept, fut baptisé Miguel, fils de Rodrigo de Cervantes et de sa femme Leonora. Il fut baptisé par le révérend Bartolomé Serrano, curé de Notre Seigneur. Témoins, Baltasar Vázquez, Sacristain, et moi, qui l'ai baptisé et signe de mon nom. Bachelier Serrano. »
Son père, Rodrigo de Cervantes, originaire à la fois de Cordoue et de Galice, était chirurgien, métier plus proche alors du médecin d’aujourd’hui. Cervantes avait des ancêtres convertis au christianisme dans les deux branches de sa famille, comme l'ont signalé Américo Castro et Daniel Eisenberg. Au contraire, Jean Canavaggio insiste sur le fait que cette ascendance « n'est pas prouvée » et le compare à Mateo Alemán pour qui les origines sont démontrées par des documents.
Sa mère était Leonora de Cortinas Sánchez, on en sait très peu sur elle, à part les doutes sur ses origines de convertie. Ses frères et sœurs étaient Andrés (1543) ; Andrea (1544) ; Luisa (1546), qui devint prieure dans un couvent de carmélites ; Rodrigo (1550), soldat qui l'accompagna dans sa captivité à Alger ; Magdalena (1554) et Juan, connu uniquement parce que son père le mentionne dans son testament.
Le nom « Saavedra » n'apparaît sur aucun document de la jeunesse de Cervantes, et n'est pas utilisé par ses frères et sœurs. Son nom de naissance aurait dû être « Miguel de Cervantes Cortinas ». Il commença à utiliser le nom « Saavedra » uniquement après son retour de captivité à Alger, peut-être pour se différencier d'un certain Miguel de Cervantes Cortinas expulsé de la cour.
Vers 1551, Rodrigo de Cervantes a déménagé avec sa famille à Valladolid. Pour cause de dettes, il a été emprisonné quelques mois et ses biens confisqués. En 1556 il se rend à Cordoue pour recevoir l'héritage de Juan de Cervantes, grand-père de l'écrivain, et fuir ses créanciers.
Il n'existe pas de données précises sur le début des études de Miguel de Cervantes, qui sans doute, ne sont jamais arrivées au niveau universitaire. On pense qu'il aurait pu étudier à Valladolid, Cordoue ou Séville. Il est également possible qu'il ait étudié dans la Compagnie de Jésus, puisque dans le roman La discussion des chiens il élabore une description d'un collège de jésuites qui semble une allusion à sa vie d'étudiant.
En 1566, il s'installe à Madrid. Il assiste à l'Estudio de la Villa, géré par le professeur de grammaire Juan López de Hoyos, qui a publié en 1569 un livre sur la maladie et la mort de la reine Isabelle de Valois, la troisième épouse du roi Philippe II. López de Hoyos inclut dans ce livre trois poésies de Cervantes, « notre cher et aimé disciple », qui sont ses premières manifestations littéraires.
C'est à cette époque que Cervantes prend goût au théâtre en assistant aux représentations de Lope de Rueda et, comme il le déclare dans la seconde partie de Don Quichotte, par la bouche du personnage principal, « se le iban los ojos tras la farándula » (il adorait le monde du théâtre).
Fuite en Italie et bataille de Lépante
Une ordonnance de Philippe II datant de 1569 est conservée, dans laquelle il est demandé d'arrêter Miguel de Cervantes, accusé d'avoir blessé dans un duel un certain Antonio Sigura, maître d'œuvres. Si cela concernait réellement Cervantes, ce pourrait être le motif qui le fit fuir en Italie. Il est arrivé à Rome en décembre de la même année. Il a lu là-bas les poèmes de chevalerie de Ludovico Ariosto et les Dialogues d'amour du juif séfarade León Hebreo (Abravanel), d'inspiration néoplatonicienne et qui vont avoir une influence sur son idée de l'amour. Cervantes s'est instruit du style et des arts italiens et gardera toujours un très agréable souvenir que l'on pourra voir réapparaître, par exemple dans Le licencié de verre, une de ses Nouvelles exemplaires, et qui se laisse ressentir dans plusieurs allusions présentes dans d'autres œuvres.
Il entre alors au service de Giulio Acquaviva qui sera cardinal en 1570, et qu'il a probablement connu à Madrid. Il l'a suivi à Palerme, Milan, Florence, Venise, Parme et Ferrare. On le retrouve rapidement soldat dans la compagnie de Diego de Urbina, dans le régiment d'infanterie de Miguel de Montcada. Il embarque alors dans la galère Marquise. Le 7 octobre 1571 il participe à la bataille de Lépante, du côté de l'armée chrétienne dirigée par Don Juan d'Autriche, « fils du foudre de guerre Charles Quint, d'heureuse mémoire » et demi-frère du roi. Dans une information légale élaborée huit ans plus tard on lisait :
« Quand fut reconnue l'armée du Turc, dans cette bataille navale, ce Miguel de Cervantes se trouvait mal et avec de la fièvre, et ce capitaine... et beaucoup d'autres siens amis lui dirent que, comme il était malade et avait de la fièvre, qu'il restât en bas dans la cabine de la galère ; et ce Miguel de Cervantes demanda ce qu'on dirait de lui, et qu'il ne faisait pas ce qu'il devait, et qu'il préférait mieux mourir en se battant pour Dieu et pour son roi, que ne pas mourir sous couverture, et avec sa santé... Et il se battit comme un vaillant soldat contre ces Turcs dans cette bataille au canon, comme son capitaine lui a demandé et ordonné, avec d'autres soldats. Une fois la bataille terminée, quand le seigneur don Juan sut et entendit comment et combien s'était battu ce Miguel de Cervantes, il lui donna quatre ducats de plus sur sa paye... De cette bataille navale il sortit blessé de deux coups d'arquebuse dans la poitrine et à une main, de laquelle il resta abîmé. »
C'est de là que vient le surnom de manchot de Lépante (el manco de Lepanto). La main gauche ne lui fut pas coupée, mais elle s'est ankylosée jusqu'à perdre son mouvement quand un bout de plomb lui a sectionné un nerf. Ces blessures n'ont pas été trop graves, après six mois de séjour dans un hôpital de Messine, Cervantes renoue avec sa vie militaire en 1572. Il prit part aux expéditions navales de Navarin (1572), Corfou, Bizerte, et Tunis (1573). Toutes sous les ordres du capitaine Manuel Ponce de León et dans le régiment du très fameux Lope de Figuero qui apparaît dans Le maire de Zalamea de Pedro Calderón de la Barca.
Plus tard, il a parcouru les villes principales de Sicile et Sardaigne, de Gênes et de la Lombardie. Il resta finalement deux ans à Naples, jusqu'en 1575.
Cervantes s'est ensuite toujours montré très fier d'avoir participé à la bataille de Lépante, qui fut pour lui comme il l'a écrit dans le prologue de Don Quichotte, « le plus grand évènement que virent les siècles passés, présents, et que ceux qui viennent ne peuvent espérer ».
Captivité à Alger
Pendant son retour depuis Naples jusqu'en Espagne à bord de la galère Sol, une flottille Algérienne commandée par Arnaut Mamí fit prisonnier Miguel et son frère Rodrigo le 26 septembre 1575. Ils furent capturés à hauteur de Cadaqués de Rosas ou Palamós, situé sur ce qu'on appelle la Costa Brava, ils furent emmenés à Alger. Cervantes est attribué en tant qu'esclave au renégat grec Dali Mamí. Le fait de trouver en sa possession les lettres de recommandations qu'il portait de la part de don Juan d'Autriche et du Duc de Sessa fit penser à ses geôliers que Cervantes était quelqu'un de très important et de qui ils pourraient obtenir une bonne rançon. Ils demandèrent cinq cent écus d'or pour sa liberté.
Pendant ses cinq ans d'emprisonnement, Cervantes, en homme à l'esprit fort et motivé, essaya de s'échapper à quatre occasions. Pour éviter les représailles sur ses compagnons de captivité, il se fit responsable de tout devant ses ennemis. Il préféra la torture à la délation. Grâce aux sources officielles et au livre de frère Diego de Haedo Topographie et histoire générale d'Alger (1612), on a pu obtenir des informations importantes sur sa captivité. Ces informations viennent compléter celles de sa comédie Los tratos de Argel (Les bains d'Alger) et la relation avec l'histoire du Captif, incluse dans la première partie de Don Quichotte entre les chapitres 39 et 41. On sait aussi, depuis longtemps, que l'œuvre publiée par Haedo n'était pas de lui, chose que lui-même reconnaît. Selon Emilio Sola, son auteur est Antonio de Sosa, bénédictin compagnon de captivité de Cervantes, et dialoguiste de cette même œuvre. Il semble donc que l'œuvre de Haedo n'est plus une confirmation indépendante de la vie de Cervantes à Alger, mais un écrit de plus de la part de Cervantes et qui portent aux nues son héroïsme.
La première tentative de fuite fut un échec, car le complice maure qui devait conduire Cervantes et ses compagnons à Oran les a abandonnés dès le premier jour. Les prisonniers durent retourner à Alger, où ils furent enfermés et mieux gardés qu'avant. Pourtant, la mère de Cervantes avait réussi à réunir une certaine quantité de ducats, avec l'espoir de pouvoir sauver ses deux fils. En 1577, après avoir traité avec les geôliers, la quantité de ducats se révélait insuffisante pour libérer les deux frères. Miguel préféra que ce soit son frère qui soit libéré. Celui-ci rentra alors en Espagne. Rodrigo avait un plan élaboré par son frère pour le libérer, lui et ses quatorze ou quinze autres compagnons. Cervantes devait se cacher avec les autres prisonniers dans une grotte, en attente d'une galère espagnole qui viendrait les récupérer. La galère, effectivement, vint et tenta de s'approcher deux fois de la plage ; mais finalement fut prise. Les chrétiens cachés dans la grotte furent aussi découverts, ceci à cause d'un traître, surnommé el Dorador (le Doreur). Cervantes se déclare alors comme le seul responsable de l'organisation de l'évasion et d'avoir convaincu ses compagnons de le suivre. Le roi d'Alger, Azán Bajá, l'enferma dans son « bain » ou prison, chargé de chaînes, où il resta durant cinq mois.
La troisième tentative, conçue par Cervantes dans le but d'arriver par la terre jusqu'à Oran. Il envoya là-bas un maure avec des lettres pour Martin de Cordoue, général de cette place, en lui expliquant et lui demandant des guides. Cependant le messager fut prit et les lettres découvertes. Les lettres dénonçaient Miguel de Cervantes et montraient qu'il avait tout monté. Il fut condamné à recevoir deux mille coups de bâtons, punition non reçue car beaucoup intercédèrent en sa faveur.
La dernière tentative de fuite s'est produite grâce à une importante somme d'argent que lui donna un marchand valencien qui était à Alger. Cervantes acheta une frégate capable de transporter soixante captifs chrétiens. Quand tout était sur le point de réussir, un de ceux qui devaient être libérés, l'ancien dominicain docteur Juan Blanco de Paz, révéla tout le plan à Azán Bajá. Comme récompense le traître reçu un écu et une jarre de graisse. Azán Bajá transféra alors Cervantes dans une prison plus sure, au sein de son palais. Ensuite, il décida de l'emmener à Constantinople, d'où la fuite deviendrait une entreprise quasi impossible à réaliser. Une fois encore, Cervantes assuma toute la responsabilité.
En mai 1580, les pères Trinitaires, frère Antonio de la Bella et frère Juan Gil arrivèrent à Alger, cet ordre effectuait des tentatives de libération des captifs, y compris en se proposant eux-mêmes comme monnaie d'échange. Frère Antonio partit dans une expédition de sauvetage. Frère Juan Gil, qui ne disposait que de trois cents écus, essaya de sauver Cervantes, pour lequel on en exigeait cinq cents. Le frère se mit alors à récolter parmi les marchands chrétiens la quantité qui manquait. Il réussit à les réunir quand Cervantes était déjà dans une galère en partance pour Constantinople, affrétée par Azán Bajá, attaché avec deux chaînes. Grâce aux cinq cents écus si durement réunis, Cervantes est libéré le 19 septembre 1580. Le 24 octobre il revient enfin en Espagne avec d'autres captifs sauvés également. Il arrive alors à Dénia, d'où il partit pour Valence. En novembre ou décembre, il retrouve sa famille à Madrid.
La grotte où se réfugia Cervantes existe toujours à Alger dans le quartier de Belouizdad, sur la colline surplombant la plage du Hamma. Elle est connue comme la grotte de Cervantes[4].
Retour en Espagne
Le 12 décembre 1584, il se marie avec Catalina de Salazar y Palacios dans un village près de Tolède nommé Esquivias. Catalina était une jeune fille qui n'avait pas vingt ans et qui lui apporta une dot modeste. On pense que cette union inféconde fut aussi un échec. Après deux ans de mariage, Cervantes entreprend de grands voyages à travers l'Andalousie.
Il est probable que La Galatea fut écrite entre 1581 et 1583, c'est sa première œuvre littéraire remarquable. Elle fut publiée à Alcalá de Henares en 1585. Jusqu'alors il n'avait publié que quelques articles dans des œuvres d'autrui ou des recueils, qui réunissaient les productions de divers poètes.
La Galatea est divisée en six livres, mais seule la « première partie » fut écrite. Cervantes a promis de donner une suite à l'œuvre ; pourtant, elle ne fut jamais imprimée. Non sans autodérision, Cervantes place dans la bouche de l'un des personnages de Don Quichotte ce commentaire de la Galatée : « Il y a bien des années, reprit le curé [Pedro Perez], que ce Cervantes est de mes amis, et je sais qu'il est plus versé dans la connaissance des infortunes que dans celle de la poésie. Son livre ne manque pas d'heureuse invention, mais il propose et ne conclut rien. Attendons la seconde partie qu'il promet ; peut-être qu'en se corrigeant il obtiendra tout à fait la miséricorde qu'on lui refuse aujourd'hui » (Première partie, ch. 6). Dans le prologue de la Galatée, l'œuvre est qualifiée d'« églogue » et l'auteur insiste sur l'affection qu'il a toujours eue pour la poésie. C'est un roman pastoral, genre déjà visité en Espagne dans la Diana de Jorge de Montemayor. On peut encore y deviner les lectures qu'il a pu avoir quand il était soldat en Italie.
Le mariage avec Catalina paraissant infécond, les époux se séparèrent au bout de deux ans. Cervantes ne parle jamais de son épouse dans tous ses textes autobiographiques, bien qu'il soit le premier à avoir inauguré le thème du divorce avec L'intermède Le juge des divorces alors impossible dans un pays catholique. On suppose que son mariage fut malheureux, alors que dans cet intermède il soutient que más vale el peor concierto / que no el divorcio mejor « mieux vaut la pire entente / que le meilleur divorce ».
Dernières années
En 1587, il voyage à travers l'Andalousie en tant qu'intendant de l'Invincible Armada. Il parcourt à nouveau le chemin entre Madrid et l'Andalousie, qui passe par la Castille et la Manche. Cet itinéraire se retrouve dans Rinconete et Cortadillo.
Il s'établit alors à Séville. Plus tard, il travaille en tant que percepteur des impôts. Il est emprisonné en 1597, suite à la faillite de la banque où il déposait les fonds collectés. C'est là qu'il aurait, selon le prologue de l'œuvre, imaginé le personnage de Don Quichotte. On ne sait pas s'il veut dire dans le prologue qu'il a commencé à écrire en prison, ou si c'est seulement l'idée qui lui est venue à ce moment-là.
Cet autre emprisonnement à Castro del Río (Cordoue) fut très bref. Il ne semble pas qu'il soit jamais allé à la grotte de Medrano, à Argamasilla de Alba.
En 1605, il publie la première partie de ce qui sera son chef-d'œuvre : L'ingénieux hidalgo Don Quichotte de la Manche. Il y raille de la manière la plus plaisante le goût des aventures romanesques et chevaleresques qui dominait en son temps. Cette œuvre marqua la fin du réalisme en tant qu'esthétique littéraire, créa le genre du roman moderne qui aura une très grande influence et constitue sans doute le plus bel exemple de roman picaresque. La seconde partie ne paraît pas avant 1615 : L'ingénieux chevalier don Quichotte de la Manche. Cette partie sort deux ans après la parution d'une suite apocryphe signée d'un mystérieux Alonso Fernández de Avellaneda qui, selon certains historiens, ne serait autre que l'écrivain Lope de Vega, ou du moins un de ses disciples et ami, originaire d'Aragon (on pense aussi à un groupe d'amis de Lope).
Les deux œuvres lui donnent un statut dans l'histoire de la littérature universelle, aux côtés de Dante Alighieri, William Shakespeare, François Rabelais et Goethe comme un auteur incontournable de la littérature occidentale. Honoré de Balzac lui rend hommage dans l'avant-propos de la Comédie humaine, où il le cite comme un de ses inspirateurs aux côtés de Goethe et Dante. Et plus précisément dans Illusions perdues où il qualifie Don Quichotte de sublime[5].
Entre les deux parties du Don Quichotte, paraissent en 1613 les Nouvelles exemplaires. C'est un ensemble de douze récits brefs, écrits plusieurs années auparavant. Son inspiration est originale, et il tente diverses formules narratives comme la satire lucianesque (Le colloque des chiens), le roman picaresque (Rinconete et Cortadillo), la miscelánea et le mélange de sentences et de mots d'esprits (Le licencié Vidriera), le roman byzantin (L'Espagnole anglaise, L'amant libéral), le roman policier (La force du sang), la narration constituée sur une anagnorèse (La petite Gitane). Pour certaines, comme par exemple Le Jaloux d'Estrémadure, on observe une rédaction alternée redécouverte au XIXe siècle, en témoigne le manuscrit de Porras de la Cámara. Ce recueil de nouvelles aurait suffi pour lui donner un statut important dans l'histoire de la littérature castillane.
La critique littéraire est une constante dans son œuvre. Elle apparaît dans la Galatea et dans Don Quichotte. Il lui consacre le Voyage de Parnasse (1614), long poème en tercets enchaînés. En 1615 il publie Huit comédies et huit intermèdes nouveaux jamais représentés, mais son drame le plus populaire aujourd'hui, Le siège de Numance, plus que Le traité d'Alger, resta inédit jusqu'au XVIIIe siècle.
Le roman Les Travaux de Persille et Sigismonde paraît un an après sa mort, sa dédicace au Comte de Lemos fut signée seulement deux jours avant sa mort. Ce roman grec, qui prétend concurrencer le modèle classique grec d'Héliodore, connut quelques éditions supplémentaires à son époque ; mais elle fut oubliée et effacée par le triomphe indiscutable du Don Quichotte. Cervantes utilise un groupe de personnages comme fil conducteur de l'œuvre, au lieu de deux. Il anticipe ainsi le réalisme magique. D'une certaine manière, il christianise le modèle original en utilisant le cliché de l’homo viator, en atteignant le point culminant à la fin de l'œuvre avec l'anagnorèse des deux amoureux, appelés jusqu'alors Pérandre et Auristelle dans la ville de Rome :
« Nos âmes, comme tu le sais bien et comme on me l'a enseigné ici, se meuvent dans un continuel mouvement et ne peuvent s'arrêter sinon en Dieu, ou en leur centre. Dans cette vie les désirs sont infinis et certains s'enchaînent aux autres et forment une maille qui une fois arrive au ciel et une autre plonge en enfer. »
En réalité, ce roman est de structure et d'intention très complexes mais supporte toutefois une interprétation satisfaisante.
L'influence de Cervantes dans la littérature universelle fut telle que l'espagnol est souvent nommé la « langue de Cervantes ».
Il mourut à Madrid le 23 avril 1616 où il est enterré avec son épouse, sa fille et celle de Lope de Vega, au couvent de Las Trinitarias.
Portée artistique
En parodiant un genre en déclin, comme les romans de chevalerie, il a créé un autre genre extrêmement vivace, le roman polyphonique, où se superposent les points de vue qui vont jusqu'à se confondre de manière complexe avec la réalité elle-même, en jouant avec la fiction. À l'époque la poésie épique pouvait aussi s'écrire en prose, et avec le précédent de Lope de Vega au théâtre, peu respectueux des modèles classiques, il en résulta le réalisme issu d'une longue tradition littéraire espagnole, qui le popularisa en Europe, où Cervantes eut plus de disciples qu'en Espagne. Le roman réaliste tout entier est marqué par ce chef-d'œuvre. D'autre part, une autre œuvre importante de Cervantes, les Nouvelles exemplaires, démontre la largeur d'esprit et son désir d'expérimenter les structures narratives.
Publications
- Don Quichotte de la Mancha, publié à Madrid en deux parties, 1605 et 1615.
- Galatée, roman pastoral, 1584.
- Nouvelles exemplaires, publiées en 1613.
- Persilès et Sigismonde, histoire septentrionale, 1617.
- Quelques pièces de théâtre, aujourd'hui perdues, à l'exception de Numance et La Vie à Alger.
Publications anciennes
On a donné à Madrid en 1805 une collection de ses œuvres, 16 vol. in-8. Le Don Quichotte a été souvent imprimé :
- Charles III d'Espagne en fit faire une édition magnifique en 1780, Madrid, 4 vol. in-4 ;
- Diego Clemencín en a donné une édition avec commentaire, Madrid, 1833-1835, 6 vol. in-4.
Traductions
Le Don Quichotte a été plusieurs fois traduit en français :
- par César Oudin, dès 1616 ;
- par François de Rosset en 1618 ;
- par François Filleau de Saint-Martin en 1677 ;
- par Henri Bouchon-Dubournial en 1808 (Dubournial a traduit également Persilès et Sigismonde, 1809) ;
- par François-Henri-Stanislas de l'Aulnaye en 1821 ;
- par Louis Viardot en 1836-1837 (également traducteur des Nouvelles en 1838) ;
- par Jean-Joseph-Stanislas-Albert Damas-Hinard en 1847 ;
- par Charles Furne en 1858.
- Cervantès, Don Quichotte de la Manche, trad. par Jean Cassou d'après le travail de César Oudin, éd; 1949, rééd. Gallimard, Folio, 2001, 2 vol. de 640 p.
- Plus récemment, Aline Schulman a réalisé une traduction qui met en avant les dialogues (1997, Paris, Seuil).
- Cervantès, Œuvres romanesques complètes, T. I, Don Quichotte, précédé de La Galatée; T. II, Nouvelles exemplaires, suivies de Persilès et Segismunda, introduction, traduction et notes sous la direction de Jean Canavaggio, avec la collaboration de Claude Allaigre, Michel Moner et Jean-Marc Pelorson, Paris, éditions Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2001, 2 vol (1728 et 1072 p.)
- Cervantès, Don Quichotte de la Manche, trad. par Jean-Raymond Fanlo, éd. Livre de Poche, La Pochotèque, 2008, 1250 p.
Le théâtre de Cervantes a été traduit pour la première fois en 1862 par Alphonse Royer, et le Voyage au Parnasse par Joseph-Michel Guardia en 1864.
Jean-Pierre Claris de Florian (1755-1794) a écrit une traduction très libre et personnelle de Don Quichotte et Galatée.
Œuvres inspirées par Cervantes
Article détaillé : Don Quichotte#Influences de Don Quichotte.- La Jeunesse de Cervantès, œuvre musicale pour orchestre réduit, composée par Paul Ladmirault.
Sur la monnaie européenne
Son visage, d'après le portrait présumé de Jaúregui, figure sur les pièces de 10, 20 et 50 centimes d'euro espagnoles.
Notes et références
- 23 avril, souvent cité comme la date de sa mort, est en réalité celle de son enterrement. Le
- ici (es)), il existe des polémiques à propos de son véritable lieu de naissance. Beaucoup de ceux qui remettent en cause ce lieu s'appuient sur des homonymes de son lieu de naissance qu'ils localisent (curieusement) où eux-mêmes sont nés. Malgré les déclarations de Miguel de Cervantes dans la Información de Argel (qui peut se consulter
- Guerre d'Espagne. Le temple fut construit en 1553 et détruit quatre siècles plus tard, pendant la
- http://diaressaada.alger.free.fr/i2-mes_voyages_05_07/07-ruisseau/grotte-cervantes_800.jpg
- « le grand Cervantès, qui avait perdu le bras à la bataille de Lépante en contribuant au gain de cette fameuse journée, appelé vieux et ignoble manchot par les écrivailleurs de son temps, mit, faute de libraire, dix ans d'intervalle entre la première et la seconde partie de son sublime Don QuichotteIllusions perdues, Édition Furne de 1845, vol.VIII, p.153 »
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- (fr) Biographie de Cervantès d'après Jean Canavaggio, Cervantès, Paris, Mazarine, 1986, 381 p.
- (fr) Site français sur Don Quichotte, créé par de jeunes chercheurs (Articles, bibliographie, fiches de lecture, liens).
- (fr) Cervantes, Don Quichotte de la Manche : une étude sur le site Magister.
- (en) Don Quijote, Miguel de Cervantes
- (es) Biographie de Miguel de Cervantes
Source partielle
Marie-Nicolas Bouillet et Alexis Chassang (dir.), « Miguel de Cervantes » dans Dictionnaire universel d’histoire et de géographie, 1878 (Wikisource)
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