- Anneau factoriel
-
En mathématiques, un anneau factoriel est un cas particulier d'anneau intègre. À l'image des nombres entiers, il existe un équivalent du théorème fondamental de l'arithmétique pour une telle structure. Tout élément d'un anneau factoriel se décompose en un produit d'un élément inversible et d'éléments irréductibles[1], cette décomposition étant unique aux éléments inversibles près[2]. Par exemple dans Z, l'anneau des entiers relatifs, -2 est irréductible.
Les exemples d'anneau factoriel ne sont pas rares. Tout anneau principal (c'est-à-dire dont tout idéal est principal) est factoriel. La réciproque n'est pas vraie. Ainsi un anneau de polynômes à coefficients dans un anneau factoriel k est toujours factoriel lui aussi, mais n'est principal que si l'anneau k est un corps. En ce sens, le concept d'anneau factoriel généralise celui d'anneau principal.
Certains résultats usuels de l'arithmétique élémentaire s'appliquent sur un anneau factoriel. Ainsi, le lemme d'Euclide est vérifié et il est possible de définir un plus grand commun diviseur et un plus petit commun multiple bénéficiant presque des propriétés usuelles sur Z.
Sommaire
Définitions
Dans tout ce paragraphe, A désigne un anneau intègre. Le groupe des unités est constitué des éléments qui possèdent un inverse dans A.
La notion d'anneau factoriel s'appuie sur les deux définitions :
- Un élément non nul a de A est dit irréductible s'il n'est pas inversible et si toute décomposition en deux facteurs b et c de a, a = b.c comporte un élément inversible (soit b soit c).
- Deux éléments a et b non nuls de A sont dits associés s'il existe un élément inversible u tel que a = u.b. Cette relation est une relation d'équivalence.
La définition la plus courante d'anneau factoriel est :
- A est dit factoriel s'il vérifie les deux propriétés suivantes :
(1) Pour tout élément a de A, non nul et non inversible, il existe une suite finie p1, …, pn d'éléments irréductibles de A dont a est le produit :
(2) Si pour un tel élément a on a deux telles suites p1, …, pn et q1, …, qm, alors m = n et il existe une permutation σ de n ainsi que des éléments inversibles u1, …, un tels que pi = uiqσ(i) pour tout i (la décomposition de a est unique l'ordre des facteurs et à association près).
Exemple : L'anneau Z des entiers relatifs est factoriel. Ses éléments inversibles sont -1 et 1, donc deux entiers non nuls sont associés lorsqu'ils sont égaux ou opposés. Ses éléments irréductibles sont les entiers naturels premiers et leurs opposés. Tout élément non nul de Z se décompose en un produit d'éléments irréductibles. Par exemple, -28 se décompose en (-2).2.7. On pourrait aussi le décomposer par exemple en (-7).2.2 mais cette dernière décomposition est considérée comme la même que la première, car elle s'en déduit en permutant les facteurs et en les multipliant par des inversibles.
Certains anneaux possèdent des éléments irréductibles particuliers, ainsi un élément irréductible et positif de Z est appelé nombre premier. Dans K[X] (si K est un corps), les éléments particuliers sont les polynômes irréductibles unitaires, c'est-à-dire dont le coefficient du monôme dominant est égal à un. Chaque classe d'équivalence contient un unique élément irréductible particulier. Cette approche permet de normaliser la décomposition en facteurs irréductibles de telle sorte que l'unicité soit absolue, et plus seulement à permutation et association près.
Il est toujours possible d'établir une normalisation de cette nature. Il suffit de définir une famille (pi) d'éléments irréductibles tel que si i est différent de j alors pi n'est pas associé à pj et si π est un élément irréductible il existe un indice i tel que π est associé à pi. L'axiome du choix montre qu'il est toujours possible de trouver une famille maximale d'éléments irréductibles deux à deux non associés : on prend un représentant par classe d'association d'éléments irréductibles. Cette normalisation est utilisée dans la suite de l'article : elle n'est pas nécessaire mais permet d'alléger les énoncés. Un élément a non nul d'un anneau factoriel s'écrit ainsi de façon unique :
où u est un élément inversible. La fonction vpi, de A dans l'ensemble N des entiers naturels, s'appelle une valuation p-adique. La valeur vpi(a) est aussi appelée ordre de multiplicité de pi dans a.
Dans la suite de l'article A désigne un anneau factoriel et (pi) une telle famille d'éléments irréductibles (sauf mention explicite contraire).
Motivation
L'arithmétique dans l'anneau des entiers relatifs permet la démonstration de nombreux théorèmes. Les démonstrations utilisent le fait que cet anneau est euclidien donc principal. En revanche, de nombreux anneaux ne le sont pas, par exemple celui des polynômes à coefficients dans les entiers relatifs ou encore les polynômes en plusieurs indéterminées sur un corps commutatif.
Ce dernier exemple est important, les variétés algébriques sont définies comme les racines d'un idéal de polynômes à plusieurs variables. Ainsi la sphère réelle est définie comme les racines communes des polynômes à trois indéterminées multiples de X2 + Y2 + Z2 - 1. L'anneau des fonctions polynomiales définies sur la sphère n'est ni euclidien ni principal. En revanche, il est factoriel.
Sur un anneau factoriel, certains théorèmes fondamentaux des anneaux principaux restent vrais. Ainsi, le lemme d'Euclide, les propriétés des plus petits communs multiples et des plus grands communs diviseur ou encore le théorème fondamental de l'arithmétique restent valables (ce dernier est vérifié par définition).
Tous ne s'appliquent plus, ainsi un idéal premier n'est pas toujours maximal. Dans Z[X], l'anneau des polynômes à coefficients dans l'anneau Z des entiers relatifs, l'idéal 2Z[X] n'est pas maximal et Z[X] / 2Z[X] n'est pas un corps car la classe de X n'est pas inversible. L'identité de Bézout n'est pas toujours vérifiée : dans Z[X] les éléments 2 et X n'ont pas de facteur commun, pourtant l'idéal engendré par 2 et X n'est pas l'anneau tout entier.
Exemples et contre-exemples
- L'anneau Z est un exemple simple d'anneau factoriel. Un autre exemple est l'anneau de Gauss Z[i] des complexes s'écrivant sous la forme a + ib où a et b sont des entiers relatifs.
- Si K est un corps alors l'ensemble K[X] des polynômes à coefficient dans K est un anneau factoriel, ainsi que K[X1, X2, ...,Xn]. Plus généralement, dès que A est factoriel, il en est de même de A[X].
- On démontre que tout anneau principal (à plus forte raison tout anneau euclidien) est aussi factoriel
- Le contre-exemple le plus célèbre est l'anneau non-factoriel dans lequel on trouve deux décompositions différentes de 4 : . Propriété qui donna l'occasion à Leonhard Euler de présenter une démonstration fausse du dernier théorème de Fermat pour n = 3 (Algebra 1770). Pour pallier cette difficulté, la méthode la plus simple est d'utiliser les entiers d'Eisenstein. La configuration générale d'une situation de cette nature est étudiée dans l'article sur les entiers quadratiques. Pour trouver une solution très générale à cette difficulté Ernst Kummer crée des nombres idéaux, maintenant formalisé par les travaux de Richard Dedekind à travers le concept d'anneau de Dedekind.
- Un contre-exemple "géométrique" est celui du quotient de K[X,Y,Z] par l'idéal engendré par X2 − YZ.
Soit p l'application de passage au quotient. p(X2) admet deux décompositions distinctes en facteurs irréductibles : on a p(X2) = p(X)p(X) mais aussi p(X2) = p(Y)p(Z)
Propriétés
Premières propriétés
- Un anneau intègre est factoriel si et seulement s'il vérifie les deux propriétés suivantes :
-
- (1) Toute suite croissante d'idéaux principaux est stationnaire.
- (2) Tout idéal engendré par un élément irréductible est premier.
Démonstration[3]- Si A vérifie les deux propriétés ci-dessous alors il est factoriel :
-
- (1) Toute suite croissante d'idéaux principaux est stationnaire.
- (2) Tout idéal engendré par un élément irréductible est premier.
En vue de montrer cette implication, une décomposition de la démonstration est utile. Soient A un anneau vérifiant les hypothèses de la première définition et a un élément de A, non nul et non inversible.
-
- Il existe un élément irréductible qui divise a :
On construit par récurrence une suite (an) de la manière suivante: a0 est égal à a, supposons la suite définie jusqu'à l'ordre n – 1; si an-1 est irréductible alors an est égal à an - 1, sinon an est un diviseur strict de an - 1. L'élément b de A est dit diviseur strict de an - 1 s'il n'est pas inversible et s'il existe un élément c de A non inversible tel que b.c soit égal à an - 1.
La suite des idéaux principaux (anA) est croissante, la première partie de la définition indique qu'elle est stationnaire à partir d'un certain rang, noté ici m. Le fait que la suite soit stationnaire montre que am est irréductible. Par construction, il divise a.
-
- Il existe une suite finie p1, …, pn d'éléments irréductibles tels que :
Si a est irréductible, la proposition est évidente : on prend n = 1 et p1 = a. Sinon, le résultat précédent montre l'existence d'un élément irréductible p1 et d'un élément u1 non inversible tels que a = p1.u1. Si u1 est irréductible, la proposition est démontrée ; s'il ne l'est pas, il existe un élément p2 irréductible et un élément u2 non inversible tels que a = p1.p2.u2. En réitérant le raisonnement on trouve soit un élément un irréductible et la proposition est démontrée, soit une suite infinie (ui). La suite des idéaux (uiA) est alors strictement croissante, ce qui est impossible. Cette impossibilité démontre la proposition.
-
- La décomposition en facteurs irréductibles est unique :
On suppose l'existence de deux décompositions :
Montrons la proposition par récurrence sur n. Si n = 1 alors a est irréductible, m est aussi égal à 1 et la proposition est démontrée.
Supposons la proposition démontrée à l'ordre n – 1, et montrons-la à l'ordre n. L'élément pn divise le produit q1 …qm, on en déduit que l'idéal pnA contient q1 …qm. Comme cet idéal est premier, il contient l'un des qk ; ce q k est donc un multiple de pn. Comme l'élément q k est irréductible, il existe un élément inversible u tel que pn = u.q k.
L'égalité suivante et l'hypothèse de récurrence permettent de conclure :
- Si l'anneau est factoriel alors il vérifie les propriétés (1) et (2) :
Soit σ la fonction de A – {0} dans l'ensemble N des entiers naturels qui à a associe le nombre de facteurs non inversibles dans la décomposition en facteurs irréductibles de a. L'unicité de la décomposition dans un anneau factoriel montre que la fonction σ est bien définie.
Soit a et b deux éléments non nuls de A. L'unicité de la décomposition montre aussi que σ(a.b) = σ(a) + σ(b). Ainsi si c divise strictement a, alors σ(a) est strictement plus grand que σ(c).
-
- Toute suite croissante d'idéaux principaux est stationnaire :
Soit (anA) une suite croissante d'idéaux principaux. Si la suite des (an) est constante égal à zéro, la suite est stationnaire. Sinon, quitte à réindexer la suite, supposons que a1 ne soit pas nul. Dire que l'idéal an + 1A contient strictement l'idéal anA signifie que an + 1 divise strictement an. Cela ne peut arriver que pour un nombre fini (inférieur ou égal à σ(a1)) d'entiers n, ce qui montre que la suite est constante à partir d'un certain rang, c'est-à-dire stationnaire.
-
- Soit p un élément irréductible de A, l'idéal pA est premier :
Soient a et b deux éléments de A tels que ab est élément de pA. Alors ab étant un multiple de p, la décomposition en facteurs irréductibles de ab contient nécessairement p à un facteur inversible près. En conséquence soit la décomposition de a soit celle de b contient p, à un facteur inversible près. Ce qui montre que soit a soit b est élément de l'idéal pA. Cette propriété traduit le fait que l'idéal est premier et termine la démonstration.
Cette caractéristique est parfois plus simple pour établir le caractère factoriel d'un anneau. La proposition suivante en est un exemple :
- Tout anneau principal est factoriel.
En effet, un anneau principal est noethérien, la première propriété est ainsi vérifiée. De plus si p est irréductible, l'idéal des multiples de p est premier et maximal. Ces propriétés sont démontrées dans l'article Anneau principal.
- Tout anneau factoriel est intégralement clos.
La démonstration est identique à celle présentée dans l'article Anneau principal. Rappelons que A est dit intégralement clos si les seuls éléments de son corps des fractions qui sont entiers sur A (c'est-à-dire racines d'un polynôme unitaire à coefficients dans A) sont les éléments de A.
- Soit π un élément irréductible de A ; si π divise le produit de deux éléments a et b, alors il divise a ou b.
Ce résultat est connu sous le nom de lemme d'Euclide ou parfois lemme de Gauss. Il est une simple reformulation de la condition (2) ci-dessus.
Diviseur et multiple communs
Soit (an) une famille d'éléments non nuls de A.
- Le plus grand commun diviseur de ces éléments est, parmi les diviseurs communs aux an, celui qui est multiple de tous les autres. Il est unique à produit près par un inversible : c'est le produit de tous les irréductibles pi présents dans la décomposition en facteurs irréductibles de chaque an, affectés chacun d'un exposant égal au plus petit de ses ordres de multiplicité dans les an.
- Le plus petit commun multiple des an est, parmi les multiples communs (s'il en existe) à ces éléments, celui qui est diviseur de tous les autres. Il est unique à produit près par un inversible s'il existe (ce qui est toujours le cas si l'ensemble des an est fini) : c'est le produit des facteurs pi présents dans la décomposition en facteurs irréductibles d'au moins l'un des an, affectés chacun d'un exposant égal au plus grand de ses ordres de multiplicité dans les an.
- Les an sont dits premiers entre eux, ou premiers entre eux dans leur ensemble, si leur plus grand diviseur commun est égal à un. Ils sont dits premiers entre eux deux à deux si pour toute paire {m,n} d'indices, am et an sont premiers entre eux.
Ces définitions généralisent les notions de plus petit commun multiple et plus grand commun diviseur. Dans ce contexte, certaines des propriétés vraies sur un anneau principal s'appliquent encore, d'autres non. La relation d'ordre partiel utilisée ici (ou plus exactement : de préordre partiel) est la divisibilité : a est plus petit que b si c'est un diviseur de b. Elle se traduit en termes d'idéaux par l'ordre inverse de l'inclusion : a est plus petit que b si l'idéal engendré par a contient l'idéal engendré par b.
Soient (an) une famille d'éléments non nuls de A et a, b deux éléments non nuls de A.
- Il existe un élément inversible u tel que
- Si la famille (an) est finie, il existe un élément inversible u tel que
- Si la famille (an) est finie et si les an sont premiers entre eux deux à deux, il existe un élément inversible u tel que
- Il existe un élément inversible u tel que
- Le plus petit idéal principal contenant tous les an est l'idéal engendré par le plus grand commun diviseur des an.
En effet, il suffit de remarquer qu'un idéal principal, engendré par un élément d, contient tous les an si et seulement si d divise tous les an, c'est-à-dire divise leur plus grand commun diviseur, autrement dit si cet idéal contient celui engendré par le plus grand commun diviseur. Ce plus petit idéal principal contenant tous les an contient l'idéal engendré par la famille, mais lorsque ce dernier n'est pas principal, l'inclusion est stricte. Ainsi dans Z[X], l'idéal engendré par 2 et X est l'ensemble des polynômes dont le terme constant est pair, mais le plus petit idéal principal le contenant est l'anneau entier. Dans un anneau principal, les deux idéaux sont égaux. Ce résultat est connu sous le nom de théorème de Bachet-Bézout.
- Si les an admettent un plus petit commun multiple, l'intersection des idéaux engendrés par les an est l'idéal principal engendré par ce plus petit commun multiple.
- Si R désigne la relation d'équivalence d'association définie dans le paragraphe Définitions et A* l'ensemble des éléments non nuls de l'anneau, alors l'ensemble quotient A*/R des classes d'association, muni des opérateurs pgcd et ppcm, forme un treillis.
Anneaux des polynômes
Les anneaux de polynômes représentent la première motivation historique pour les anneaux factoriels. Si les coefficients sont choisi dans un corps commutatif, l'anneau dispose d'une division euclidienne, dans le cas contraire une autre arithmétique apparaît. En 1801, Carl Friedrich Gauss publie un traité[4] dans lequel il montre que l'anneau des polynômes à coefficients entiers possède un propriété qui se traduit, en terme moderne, par le fait que cet anneau est factoriel. Une présentation moins générale est proposée dans l'article lemme de Gauss.
Dans ce paragraphe A désigne un anneau factoriel et K son corps des fractions. Il est utile, pour étudier les polynômes à coefficients dans A, d'expliciter deux définitions :
- Un polynôme P de A[X] est dit primitif si les seuls éléments de A divisant tous les coefficients de P à la fois sont les inversibles, autrement dit si P n'est pas divisible par un polynôme constant non inversible.
- Le contenu d'un polynôme P non nul à coefficients dans K est un élément a de K tel qu'il existe un polynôme primitif Q de A[X] tel que aQ soit égal à P. Dans cet article, on note cont(P) le contenu de P[5]:
Parmi les propriétés suivantes, les deux premières donnent un sens à cette définition du contenu :
- Tout polynôme non nul à coefficients dans A (resp. K) possède un contenu appartenant à A (resp. K).
- Le contenu d'un polynôme est unique à produit près par un élément inversible de A.
- Soient P et Q deux polynômes non nuls à coefficients dans K, l'égalité suivante est vérifiée, à produit près par un élément inversible de A :
Le résultat suivant est connu sous le nom de lemme de Gauss dans le cas où A est l'anneau Z des entiers relatifs :
- Un polynôme non constant à coefficients dans A est irréductible dans A[X] si et seulement s'il est primitif dans A[X] et irréductible dans K[X].
On en déduit le corollaire suivant :
- Pour tout entier naturel n, l'anneau de polynômes en n indéterminées A[X1, ..., Xn] est factoriel[6].
Démonstrations- Tout polynôme P non nul à coefficients dans A (resp. K) possède un contenu appartenant à A (resp. K) :
Si P est à coefficients dans A, il suffit de poser cont(P) = le pgcd de ses coefficients : le quotient de P par cet élément de A sera bien primitif. Si maintenant les coefficients de P sont seulement dans K, c'est-à-dire sont des fractions d'éléments de A, on se ramène au cas précédent en réduisant ces fractions à un dénominateur commun b (par exemple le produit de leurs dénominateurs respectifs) : P s'écrit R / b avec b élément non nul de A et R polynôme à coefficients dans A, auquel le début du raisonnement s'applique. De R = cont(R)Q avec Q primitif on déduit ainsi P = (cont(R) / b)Q, ce qui montre la proposition.
- Le contenu d'un polynôme non nul est unique à produit près par un élément inversible de A :
Si P est à coefficients dans A, son contenu ne peut être que le pgcd de ses coefficients. Il est donc déterminé de façon unique à produit près par un inversible. Si maintenant P = R / b avec les mêmes notations que précédemment, de P = cont(P)Q on déduit R = b.cont(P)Q donc cont(R) = b.cont(P), si bien que le contenu de P, égal au quotient par b de celui de R, est, comme lui, déterminé de façon unique à produit près par un inversible.
- Soient P et Q deux polynômes non nuls à coefficients dans K, l'égalité suivante est vérifiée, à produit près par un élément inversible de A[7] :
Par définition du contenu, il suffit de montrer l'égalité pour deux polynômes à coefficients dans A et primitifs, c'est-à-dire que dans ce cas P.Q est aussi primitif. Pour cela raisonnons par l'absurde, en supposant P.Q non primitif. Il existe alors un élément irréductible p de A qui divise chacun des coefficients, ce qui veut dire que le morphisme canonique φ de l'anneau A[X] dans (A / pA)[X] envoie le produit P.Q vers 0, et on a donc φ(P).φ(Q) = 0. Comme A / pA est un anneau commutatif intègre (car l'élément p irréductible dans l'anneau factoriel A y est aussi premier), l'anneau (A / pA)[X] l'est aussi. Donc un au moins de φ(P) et φ(Q) est nul, ce qui revient à dire que p divise P ou Q, une contradiction car ils sont primitifs.
- Soit P un polynôme non constant à coefficients dans A. Le polynôme est irréductible dans A[X] si et seulement s'il est primitif dans A[X] et irréductible dans K[X] :
Il s'agit de prouver que si P est irréductible dans A[X] alors il est primitif, et que si P est primitif alors son irréductibilité (ou sa réductibilité) dans A[X] équivaut à celle dans K[X].
Supposons P irréductible dans A[X] et observons la décomposition P = cont(P)Q : les deux facteurs sont dans A[X], donc l'un des deux doit être inversible, or ce ne peut pas être Q (qui est de même degré que P). Par conséquent cont(P) est inversible dans A[X] donc dans A, si bien que P est primitif.
Supposons maintenant P primitif et montrons qu'il est réductible dans K[X] si et seulement s'il l'est dans A[X]. Si P est réductible dans K[X] alors il existe deux polynômes B et C dans K[X], non nuls et non inversibles, donc non constants, tels que P = B.C. La proposition précédente montre l'existence dans A[X] de deux polynômes Q et R de mêmes degrés respectifs que B et C, donc non inversibles, tels que :
, si bien que P est réductible dans A[X]. Réciproquement, si P est réductible dans A[X], c'est-à-dire produit de deux éléments non inversibles de A[X] alors (comme P est primitif) les deux facteurs sont non constants, donc non inversibles dans K[X], si bien que P est réductible dans K[X].- L'anneau A[X] est factoriel[8] :
La méthode usuelle, pour démontrer l'existence et l'"unicité" (à permutation et association près) de la décomposition d'un élément non nul P de A[X] en produit d'irréductibles, consiste à utiliser sa décomposition dans l'anneau K[X], dont on sait qu'il est factoriel (et même euclidien).
Soit P = P1 ... Pm une décomposition de P en produit d'éléments irréductibles Pi de K[X]. Pour chaque indice i, notons ci "le" contenu (à produit près par une unité de A) de Pi, et Qi le polynôme primitif Pi / ci. D'après la proposition précédente, les Qi sont irréductibles dans A[X]. Or P = c Q1 ... Qm, en notant c le produit des ci. Cet élément c est égal au contenu de P, donc il appartient à A. Notons alors c = p1 ... pn "sa" décomposition en irréductibles dans A. On obtient une décomposition de P en produit d'irréductibles de A[X] : P = p1 ... pnQ1 ... Qm.
Si P = r1 ... rn'S1 ... Sm' en est une autre (en distinguant de même parmi les facteurs, par des notations différentes, polynômes constants et non constants) alors, par "unicité" de la décomposition de P dans K[X], m' = m et (quitte à réordonner les Si) Si = uiQi où ui est a priori dans K, mais est en fait égal au contenu de Si, donc est un élément inversible de A. Par élimination, les deux produits p1 ... pn et r1 ... rn' sont donc associés dans A. Par factorialité de A, ils ont alors (même nombre de facteurs, n' = n et) mêmes facteurs (à permutation et association près), ce qui termine la preuve d'unicité de la décomposition de P dans A[X].
- Soit n un entier naturel, l'anneau A[X1, ..., Xn] est factoriel :
Cette proposition (immédiate pour n = 0 puisqu'il s'agit alors de l'anneau A) se déduit de la précédente par récurrence sur le nombre n d'indéterminées, en utilisant l'isomorphisme naturel d'anneaux entre A[X1, ..., Xn - 1][Xn] et A[X1, ..., Xn].
- La propriété précédente admet une réciproque dont la preuve est aisée : si un anneau A est tel que A[X] soit factoriel, alors A est factoriel.
Notes et références
Notes
- inversible qui, dans une décomposition en produit de deux facteurs, contient toujours un élément inversible. Un élément irréductible est un élément non
- anneau noethérien, la décomposition existe, mais n'est pas unique en général. Dans un
- A. Chambert-Loir, Algèbre commutative, université de Rennes 1, 2005 [lire en ligne], p. 66 La démonstration proposée s'inspire de
- Disquisitiones arithmeticae, 1801), Recherches arithmétiques, traduction française par A.-C.-M. Poullet-Delisle, éd. Courcier, 1807, Article 43 (réimpr. Jacques Gabay, 1989) C. F. Gauss (
- Théorème de permanence de la factorialité(Gauss) du site les-mathematiques.net. Certains auteurs choisissent de définir uniquement le contenu d'un polynôme à coefficients dans A[X], par exemple Chambert-Loir 2005, p. 73. On trouve ces deux définitions, par exemple sur la page
- Éléments de mathématique, AC VII § 3 exercice 2 Ce théorème s'étend à tout anneau de polynômes en une infinité d'indéterminées, en utilisant qu'un tel anneau est la réunion de ses sous-anneaux de polynômes en un nombre fini d'indéterminées : cf N. Bourbaki,
- Chambert-Loir 2005, p. 74. La démonstration est inspirée de
- Serge Lang, Algèbre [détail des éditions], V, §6 (éd. ang. p. 126-128) Les deux dernières démonstrations s'inspirent de :
Liens externes
- Anneaux factoriels, anneaux euclidiens sur le site les.mathematiques.net
- Anneaux factoriels, principaux, euclidiens, théorème chinois, modules de torsion sur un anneau principal par P. Polo, de l'université Pierre et Marie Curie
- Anneaux factoriels, cours d'agrégation interne, par C. Squarcini
- Anneaux factoriels par D. J. Mercier, IUFM de la Guadeloupe
- Quelques anneaux particuliers sur le site bibmath.net
Références
- Daniel Perrin, Géométrie algébrique. Une introduction [détail des éditions]
- Jean-Pierre Serre, Cours d'arithmétique [détail des éditions]
Wikimedia Foundation. 2010.