- Anne Hilarion de Costentin de Tourville
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Cet article concerne l'amiral de Louis XIV. Pour l'écrivain, voir Anne de Tourville.
Anne Hilarion de Costentin de Tourville Comte de Tourville Portrait du comte de TourvilleSurnom Le maréchal de Tourville Naissance 24 novembre 1642
à ParisDécès 23 mai 1701 (à 59 ans)
à ParisOrigine Royaume de France Allégeance Royaume de France Arme Marine royale française Grade Vice-amiral
Maréchal de FranceAnnées de service 1666 - 1693 Conflits Guerre de Hollande
Guerre de la Ligue d'Augsbourg
Guerre de courseCommandement Flotte du Levant Faits d'armes 1690: Bataille du cap Béveziers
1691: Campagne du Large
1692: Bataille de Barfleur
1693: Bataille de LagosDistinctions Chevalier de Saint-Michel
Chevalier de l'ordre de Saint-Jean de JérusalemHommages Plusieurs navires de la Marine nationale française
Avenue de Tourville
Statues, timbresFamille Famille Costentin de Tourville
modifier Anne Hilarion de Costentin (ou Cotentin), comte de Tourville, est un vice-amiral et Maréchal de France, né le 24 novembre 1642 à Paris[Note 1] et mort le 23 mai 1701 à Paris. Entré à l'âge de quatre ans dans l'Ordre de Malte, il mène très jeune plusieurs campagnes en Méditerranée contre les Turcs. En 1666, il intègre la Marine royale et est nommé capitaine de vaisseau l'année suivante. C'est pendant la guerre de Hollande que Tourville se distingue pour la première fois pendant la campagne de Sicile, aux batailles d'Alicudi, d'Agosta et de de Palerme en 1676. La paix revenue, il commande une escadre de quatre vaisseaux, en 1679, lorsqu'il est pris dans une tempête au large de Belle-Isle. Son vaisseau Le Sans-Pareil coule et il ne doit sa survie qu'à l'intervention du chevalier de Coëtlogon.
Promu lieutenant général des armées navales en 1682, il est nommé vice-amiral du Levant en 1689, un an après la mort du « Grand Duquesne ». Pendant la guerre de la Ligue d'Augsbourg, il se distingue à nouveau à plusieurs reprises au cap Béveziers en 1690, à la bataille de la Hougue en 1692 et l'année suivante lors de la prise du convoi de Smyrne. Fait maréchal de France, il se retire à la fin de la guerre. Il meurt à Paris en 1701, à l'âge de 59 ans.
Sommaire
- 1 Biographie
- 2 Mariage et descendance
- 3 Jugement de ses contemporains et de ses biographes
- 4 Hommages et postérité
- 5 Armoiries
- 6 Notes et références
- 7 Annexes
Biographie
Origines
Tourville est issu d'une ancienne famille noble, originaire de Basse-Normandie[Note 2]. Son aïeul Louis-Guillaume de Cotentin, seigneur de Tourville, accompagna Saint-Louis, lors de sa Croisade en Terre sainte, avec un rang distingué dans son armée[1]. La Maison de Costentin de Tourville fournit un grand nombre de militaires au royaume de France.
Son père César de Cotentin, comte de Tourville et de Fismes, est gentilhomme du duc de Saint-Simon, père du célèbre mémorialiste[Note 3] puis capitaine d'une Compagnie d'ordonnance en 1632. Il est ensuite premier gentilhomme et chambellan du Prince de Condé et l'accompagne dans toutes ses expéditions militaires. Louis XIII le fait Conseiller d’État, lui donne le commandement de la Normandie en 1640, et le charge de défendre la Bourgogne conjointement avec les lieutenants généraux, les comtes de Tavannes et de Montrevel[2].
Sa mère, Lucie de La Rochefoucauld est la fille d'Isaac de La Rochefoucauld, baron de Montendre (1574?-1625) et d'Hélène de Fonsèques de Surgères[3]. Elle est dame d'honneur de la princesse de Condé[4],[5]. De leur union naissent sept enfants, dont trois fils:
- Lucie (1632 – 1707), frondeuse, marié en 1646 à Michel d’Argouges, marquis de Gouville
- François-César (1635 – 1697), comte de Tourville et de Fismes, colonel d'un régiment de cavalerie, commandant la Compagnie des Gens-d'armes du Prince de Condé, et maréchal des camps et armées du roi
- Joseph, officier mort en Espagne en 1673
- Françoise née vers 1638, mariée en 1658 au comte de Chateaumorand
- Hélène, morte en 1715, abbesse de Penthemont à Paris
- Marie, religieuse à l'abbaye de Penthemont à Paris
- Anne-Hilarion (1642 – 1701), comte de Tourville, maréchal de France, vice-amiral de France.
Jeunesse
Il naît à Paris[6], ou au château familial de Tourville[7], il est baptisé le 24 novembre 1642 en l'église Saint-Sauveur à Paris[8],[Note 4]. Comme sa famille a participé à la Fronde et son père sollicite son admission dans l'Ordre de Malte auprès de Jean-Paul de Lascaris-Castellar, Grand-Maître de l'Ordre, qu'Anne Hilarion de Costentin intègre à l'âge de quatre ans, sans en professer les vœux[Note 5].
Au sein de l'ordre, il montre rapidement sa bravoure face aux pirates barbaresques. Il se signal en plusieurs occasions, notamment lors d'un combat contre une galère turque en 1661, dont il parvient à se rendre maître[9]. Par la suite, il arme un vaisseau pour la course, en compagnie du Chevalier d'Hocquincourt, avec qui il réalise des prises considérables. En 1665, ils mettent en fuite six navires d'Alger et, après un combat de neuf heures, ils contraignent trente-six galères à la retraite, près de Port-Dauphin, sur l'île de Chio, en Méditerranée, après que ces galères aient perdu plus de cinq cents hommes. Mais trop endommagé, le vaisseau d'Hocquincourt coule et se dernier se noie. Tourville, comme il l'écrira plus tard, ne se sauve que par miracle[10]. Tourville rentre en France en septembre 1666 et séjourne trois mois à Lyon[11].
Dans la Marine de Louis XIV
Le 24 décembre 1666, sa notoriété lui vaut de rejoindre la Marine royale. Il est fait capitaine de vaisseau en 1667 et commandant du vaisseau de ligne Le Croissant[10]. Il croise alors en Méditerranée, participe à l'expédition de Candie placée sous les ordres du duc de Beaufort qui quitte Toulon le 5 juin 1669[12]. En 1670, il se rend à la Cour de Versailles où il reste un an, il accompagne le Roi en Flandres[13]. Enfin, il protège le commerce français et s'oppose aux Turcs. Envoyé dans le golfe de Venise, à la tête de trois vaisseaux, il incendie devant Barlet un vaisseau ragusois, chargé de ravitailler les troupes ottomanes, il canonna ensuite la ville. Il prend un vaisseau de 50 canons, chargé de blé et d'autres provisions qu'il convoie à Messine. II capture d'autres vaisseaux au large de Brindisi. À son retour à Messine, il bombarde Reggio, où il escorte un brûlot qui met le feu à un vaisseau de guerre et à quatorze bâtiments au mouillage dans ce port. Le duc de Beaufort le compte alors parmi ses meilleurs capitaines.
Guerre de Hollande (1672-1678)
Article principal : Guerre de Hollande.Quand la guerre de Hollande éclate en 1672, il rejoint la Flotte du Ponant et l'escadre du comte d'Estrées. Il brille à la bataille de Solebay avant de prendre part aux combats contre l'amiral hollandais Michiel de Ruyter en 1673. La même année, il commande Le Sans-Pareil; en 1674, il monte L'Excellent, avec lequel il s'échoue[Note 6]. Il retourne au Levant en 1675 pour y livrer une guerre de course, et est nommé chef d'escadre de Guyenne le 30 octobre 1675, une promotion qui vient récompenser ses actions mais qui est également dûe aux protections dont Tourville bénéficiait à la Cour[Note 7].
Bataille d'Agosta, 22 avril 1676
Article principal : Bataille d'Agosta.Son vaisseau étant à la tête de la flotte française, il pénètre le premier dans le port d'Agosta, où il prend le fort d'Aroley, après quoi les autres forts et la ville se rendent. Commandant le vaisseau Le Duc et alors qu'il se rendait à Malte pour se ravitailler en eau, il apprend la présence de dix-sept bâtiments ennemis dans le port de Suse, il entre dans le port, y capture une polacre et y met le feu après avoir fait jeter les Ottomans à la mer.
Bataille de Palerme, 2 juin 1676
Article principal : Bataille de Palerme (1676).Il commande Le Sceptre, 80 canons, sous les ordres du maréchal de Vivonne, lors du combat de Palerme (2 juin 1676), contre la flotte de l'amiral hollandais de Ruyter. Au cours de cette bataille, il démontre ses capacités de chef de guerre. Son plan d'attaque permet la victoire de l'escadre commandée par Abraham Duquesne sur l'escadre hispano-hollandaise qui s'est réfugiée dans le port sicilien. Le bilan est lourd pour les coalisés et les Provinces-Unies et la monarchie catholique espagnole perdent huit vaisseaux et quatre amiraux.
Tourville se distingue pendant toute la campagne de Sicile contre de Ruyter, sous les ordres du duc de Vivonne et sous Abraham Duquesne. Au lendemaine de la bataille de Palerme, le Chevalier de Coëtlogon écrit au ministre, le 3 juin 1676 :
- « Monseigneur, je n’entreprendrai pas de vous faire une relation de ce qui s'est passé à Palerme; il ne s'est jamais rien fait de plus grand ni de plus heureux à la mer, et on ne peut rien ajouter à la gloire que la marine du Roy a acquise dans cette dernière affaire. Tous les capitaines y ont fait des miracles; mais en vérité on doit la meilleure partie de tout ce bon succès à la bravoure et à la capacité du chevalier de Tourville; il n'a pas manqué un temps ni une occasion et ayant reconnu avant le combat la situation des ennemis, il prédit tout ce qui est arrivé et donna un plan si juste de la manière dont se devoit faire l'attaque, qu'on s'est trouvé très bien de l'avoir suivi[14]. »
Il commande Le Monarque en 1677, dans l'escadre du Grand Duquesne.
Promotions et réorganisation de La Royale
Auréolé de cette victoire, il est nommé chef d'escadre en octobre 1679, à l'âge de 37 ans.
En 1679, le ministre de la Marine Seignelay l'envoie à Toulon pour armer une escadre. Seignelay écrit, le 19 février 1679, au directeur des carrosses de Lyon, de tout faire pour faciliter son passage[Note 8].
Le 7 mars, Tourville écrit, de Toulon, au ministre, pour lui annoncer qu'il se mettait en mesure d'exécuter les ordres qui lui avaient été donnés, et Seignelay lui répond le 18 :
- « Prenez bien garde qu'il n'y ait point de retardement, n'y ayant rien de si important dans les commencements que de faire connoitre à Sa Maj. que vous avez toute l'application, le soin et la diligence nécessaires pour vous acquitter des ordres qui vous ont esté donnez, et surtout dans le premier commandement qu'elle a bien voulu vous confier[15]. »
Le naufrage du Sans-Pareil, 21 octobre 1679
Plus tard, Tourville part de Toulon pour se rendre dans le Ponant, avec quatre vaisseaux : Le Sans-Pareil, Le Content, Le Conquérant et L’Arc-en-Ciel. Arnoul, Intendant de Toulon, annonce ce départ le 2 mai 1679. Tourville navigua d'abord fort bien avec cette escadre qui devait tenir la mer la nettoyer des corsaires qui l'infestaient et, a la fin de la bonne saison, rallier le port de Brest pour y désarmer. En octobre, le chef d'escadre pense que le moment était venu de gagner le port; il prend donc la route qui devait le conduire en Bretagne; lorsqu'il est assailli, le 21 octobre 1679, au large de Belle-Isle, par une violente tempête. Les quatre vaisseaux souffrent horriblement. Tourville décide d'évacuer le Sans Pareil et de faire passer 70 de ses hommes sur L'Arc en Ciel à l'aide de la grande chaloupe, mais une fois à l'abri, les marins qui montent la chaloupe refusent de retourner sur le vaisseau amiral à l'agonie pour sauver le reste de l'équipage; c'est finalement le canot de L'Arc en Ciel qui se porte au secours des hommes restés à bord du bâtiment de Tourville, mais l'état de la mer l'empêche d'aborder; l'amiral ordonne le sauve qui peut. Les marins sautent à l'eau, mais comme peu d'entre eux savent nager, beaucoup se noient et disparaissent avec Le Sans Pareil; on dénombre seulement 78 survivants sur un total de 400 hommes[16].
Tourville et son équipage sont sauvés par Coëtlogon, le chef d'escadre rend compte du naufrage et de l'action de Coëtlogon dans une lettre adressée à Seignelay quelques jours plus tard.
Lettre de Tourville au Secrétaire d'État à la Marine Seignelay du 24 octobre 1679[16]- Belle-Isle le 24 octobre 1679.
- Monseigneur,
- Je suis dans une si grande affliction que je laisserais à un autre le soin de vous informer de la perte du vaisseau Sans-Pareil si je ne croyais absolument nécessaire que vous l'appreniez de moi-même. Elle est arrivée à cent lieues de Belle-Isle par le démâtement de tous ses mâts. Le beaupré démâta le vingt et un de ce mois et attira comme il arrive ordinairement la mât de misaine. Ce désordre fit ouvrir le devant du navire et faisait faire beaucoup d'eau.
- Le soin que je prenais à faire pomper incessamment et à faire tout ce qui peut en pareille occasion me donnait espérance de me pouvoir sauver, mais la chute du grand-mât qui arriva le lendemain au matin fit une si grande ouverture que l'eau monta de dix pieds en moins de trois heures, ce qui fit abandonner le travail aux matelots qui se noyaient dans les fonds de cale.
- Croyant qu'il n'y avait plus d'espoir de sauver le vaisseau, je me mis en devoir de sauver l'équipage. Je fis embarquer quatre-vingt hommes dans mon canot et ma chaloupe et conviai plusieurs officiers de s'embarquer. Mais ils trouvaient la mer si grande qu'ils crurent devoir remettre à une autre occasion de se sauver.
- Tout ce monde, à quelques gens près, arriva heureusement à l'Arc en Ciel, mais leur infidélité et leur ingratitude fut si grande que, se voyant sauvés, ils laissèrent aller la chaloupe et le canot à la dérive, craignant d'être obligés de faire un second voyage. Cette chaloupe était le seul espoir qui me restait ; le temps était si mauvais que le chevalier de Coëtlogon ne me pouvait approcher et aurait démâté s'il avait entrepris de mettre sa chaloupe à la mer.
- Enfin voyant qu'il ne pouvait nous rendre aucun secours, il hasarda son canot avec six hommes qu'il fit embarquer à force de menaces et de prières, mais beaucoup plus par la force de l'argent qu'il leur promit. Un officier les accompagna et vint se mettre à une portée de fusil derrière la poupe du Sans-Pareil.
- Voyant que c'était la seule ressource que je pouvais espérer, je sollicitai tous les officiers de s'en servir et de se jeter à la mer pour gagner le canot comme j'allais essayer de le faire.
- La vue d'une mer haute comme le navire leur parut une voie de se sauver aussi périlleuse que celle d'attendre qu'ils coulassent à fond, de manière que je fus seul à prendre ce parti qui fut funeste à quelques gardes-marine et à quantité de matelots qui voulurent me suivre. Plus de vingt se noyèrent, quatre seulement purent parvenir d'aller jusqu'à moi. Ce ne fut pas le seul danger que je courus, car avant d'arriver à l'Arc en Ciel les coups de mer pensèrent abîmer vingt fois le canot qui n'arriva à bord qu'entre deux eaux. Je fus obligé avec quelques matelots de nous serrer, faisant le dos de tortue pour rompre les coups de mer.
- Je vis encore ce pauvre navire depuis une heure jusqu'à la nuit coulant insensiblement à fond avec le mortel déplaisir de ne lui pouvoir donner aucune aide. Apparemment il périt à l'entrée de la nuit, n'ayant point répondu aux signaux qui lui étaient faits de l'Arc en Ciel. Il ne parut plus le lendemain.
Au final, Le Sans-Pareil et Le Conquérant coulent, Le Content commandé par le chevalier d'Imfreville s'échoue dans la rivière de Morbihan; L'Arc-en-Ciel enfin, commandé par le chevalier de Coëtlogon, plus neuf, plus solide que les autres, peut regagner Brest où il s'abrite.
La nouvelle de ce malheur parvient à Versailles où elle jette la consternation. Près de 800 hommes avaient péri et, parmi eux, beaucoup d'officiers appartenant à des familles importantes. En Provence, d'où les équipages étaient originaire, un deuil général est décrété. On fait payer aux familles des morts ce qui leur revenait de leur solde, seule consolation qu'on peut leur donner. Une enquête est commandée à Brest et à Toulon; Arnoul, qu'on accusait d'avoir mal veillé aux radoubs, est remplacé à Toulon, par Girardin de Vauvré; Brodart et Du Quesne sont chargés de recueillir les témoignages des hommes qui, échappés au naufrage, étaient retournés à Toulon. Duquesne répond, le 14 novembre 1679, à Seignelay qui, le 8, lui avait écrit d'Arles :
- « Il est constant que le démâtement du beaupré du Sans Pareil est la première cause de son malheur, son mat d'avant - (le malt de misaine) ayant suivi en tombant et ayant ébranlé l'autre (le gd mast) et fait des voyes d'eau au vaisseau dont une grande partie de l'équipage estoit malade, ce qui a fait perdre l'espérance de pouvoir épuiser l'eau et en mesme temps de gouverner le vaisseau, les voiles ayant esté emportées. »
Proche ami de Seignelay, la carrière de Tourville s'accélère à partir de 1680. Le chevalier de Tourville est fait lieutenant général par lettres, datées de Saint-Germain-en-Laye, le 1er janvier 1682, en remplacement du marquis de Martel, qui venait de mourir[17].
La même année, il reçoit le commandement du vaisseau Le Vigilant, dans la flotte de Duquesne, et en 1683, il commande Le Ferme, toujours sous les ordres du même lieutenant général. La campagne commence mal, un coup de vent force l'escadre de revenir aux îles d’Hyères[17]. Il participe également aux opérations en Méditerranée et y remporte de nombreux succès (prise de Gênes en 1685, bombardement de Tripoli en 1686).
Tourville n'est pas seulement un chef de guerre, il s'intéresse et participe de près à la gestion de la marine. Il intervient dans la construction et l'architecture navale, sur la logistique et la formation des marins et des officiers de marine. Il propose notamment d'utiliser des maquettes de vaisseaux pour l'instruction[18]. Il est secrètement consulté par Colbert sur tous les aspects de la marine, y compris sur les promotions des officiers. Il n'eut de cesse de conseiller au ministre de promouvoir des gens de mer. Mais, c'est avec la guerre de la ligue d'Augsbourg qu'il écrivit les plus belles pages de sa carrière.
« Tourville possédait en perfection toutes les parties de la marine, depuis celle du charpentier jusqu'à celle d'un excellent amiral »
Guerre de la Ligue d'Augsbourg (1688-1697)
Article principal : Guerre de la Ligue d'Augsbourg.En 1688, dans la Manche, il s'empare de cinq vaisseaux hollandais. Le 2 juin de la même année, Tourville était à la mer, avec une escadre, lorsqu'il rencontre une escadre espagnole, commandée par l'amiral Papachin, il lui demande de saluer du canon le pavillon français, ce que l'Espagnol refuse de faire. Tourville l'attaque, et par un combat vigoureux, le contraint à lui rendre son salut. Cette action fait grand bruit in Versailles et à L’Escurial.
En 1688, Duquesne meurt et la vice-amirauté de Levant, que le Roi Louis XIV s'était toujours refusé de lui donner en l'absence d'une conversion au catholicisme, était désormais vacante. Le Roi, confie cette charge à Tourville, par les lettres du 1er novembre 1689. Il est alors, de fait, amiral et commandant de la marine française, d'Estrées ne prenant plus la mer.
Le 10 juillet 1690 et les jours suivants, Tourville commande l'armée navale française qui disperse la flotte anglo-hollandaise au Cap Béveziers (appelé Beachy Head par les Anglais). Cette bataille est la victoire la plus éclatante de toute l'histoire de la marine française sur les Anglais, et même la seule dans la Manche. Ayant fait subir de lourdes pertes aux coalisés, Tourville peut alors occuper la mer et protéger les côtes françaises. C'est ce qu'il fera du 25 juin au 14 août 1691 pendant la « Campagne du Large » au cours de laquelle, cinquante jours durant, il parvient à tromper la vigilance et à déjouer les attaques d'une flotte anglaise lancée à sa poursuite en Manche puis dans l'océan Atlantique. Cependant, Louis XIV fut déçu car Tourville n'exploita aucunement son succès (il était censé soutenir un débarquement du prétendant Jacques II en Irlande, qui fut battu) et, selon certains historiens [réf. souhaitée], cette victoire sans suite fut ce qui détourna Louis XIV de continuer à investir beaucoup dans sa marine.
Bataille de la Hougue, 22 mai 1692
Article détaillé : Bataille de la Hougue.Dans le but de couvrir le débarquement des troupes de Jacques II d'Angleterre, Louis XIV le charge à nouveau, en 1691, du commandement de la marine[Note 9]. La campagne du Large ne fut l'occasion d'aucun grand combat naval, mais Tourville parvint à s'emparer de onze bâtiments marchands et de leur escorte. À cette nouvelle, l'amiral Russel, commandant une flotte de 84 vaisseaux, lui donne la chasse. Jouant au chat et à la souris, profitant du vent, Tourville lui échappe et se réfugie près des côtes alors que Russel perd quatre vaisseaux et 1 500 hommes d'équipage dans une violente tempête[Note 10].
Le 29 mai 1692 à Bataille de Barfleur, à un contre deux, l'escadre du Levant commandée par d'Estrées n'ayant pu rejoindre à temps l'escadre du Ponant, il fait jeu égal avec la flotte coalisée et parvient au prix de combats acharnés et de manœuvres habiles à ne perdre aucun bâtiment. Cependant, dans leur retraite, les vaisseaux avariés sont ralentis, victimes d'une inversion du courant et doivent se réfugier à Cherbourg et à Saint-Vaast-la-Hougue. Au cours de la bataille de la Hougue, Tourville ne peut empêcher la destruction de 15[19] vaisseaux, échoués, dont le vaisseau amiral le Soleil Royal, le plus beau et le plus célèbre de tous les vaisseaux de la flotte de Louis XIV[20].
En 1693, il peut venger la défaite de la Hougue en s'emparant du convoi de Smyrne (bataille de Lagos). Il rafle ou détruit 80 navires marchands et inflige aux coalisés une perte de 30 millions de livres. Tourville se retrouve à la tête d'une armée navale de 93 vaisseaux et est fait maréchal de France. Il participe cette même année à sa dernière campagne maritime, en Méditerranée, avec les sièges de Palamós et Livourne. Il partage ses dernières années entre Provence, Saintonge et Aunis d'où il organise la défense des côtes françaises.
Il meurt à Paris le 23 mai 1701, à l'âge de 59 ans.
Mariage et descendance
En 1690, Anne Hilarion de Costentin de Tourville épouse Louise-Françoise d'Hymbercourt, fille d'un riche fermier général[Note 11] et veuve d'un cousin germain de Colbert, mariage qui sera cependant malheureux.
Ils eurent une fille Luce-Françoise, dame du palais de la duchesse de Berry, qui épousa en 1714 Guillaume-Alexandre de Galard de Béarn, comte de Brassac, colonel du régiment de Bretagne (mort en 1768). De cette union naquit Anne-Hilarion de Galard de Brassac dit comte de Béarn, qui s'unira avec Olympe de Caumont La Force et auront quatre enfants dont Alexandre de Galard, marquis de Cugnac, qui épousera en 1768 Anne-Gabrielle Potier de Novion.
Jugement de ses contemporains et de ses biographes
Saint-Simon, dans ses Mémoires dit de Tourville qu'il était le plus grand homme de mer de son siècle.
« La France perdit le plus grand homme de mer, de l'aveu des Anglais et des Hollandais, qui eût été depuis un siècle, et en même temps le plus modeste. Ce fut le maréchal de Tourville qui n'avait pas encore soixante ans. Il ne laissa qu'un fils qui promettait, et qui fut tué dès sa première campagne, et une fille fort jeune. Tourville possédait en perfection toutes les parties de la marine, depuis celle du charpentier jusqu'à celles d'un excellent amiral. Son équité, sa douceur, son flegme, sa politesse, la netteté de ses ordres, les signaux et beaucoup d'autres détails particuliers très utiles qu'il avait imaginés, son arrangement, sa justesse, sa prévoyance, une grande sagesse aiguisée de la plus naturelle et de la plus tranquille valeur, tout contribuait à faire désirer de servir sous lui, et d'y apprendre[21]. »
Le biographe du XIXe siècle, Auguste Jal dit de lui :
- « Un vrai grand homme de mer, le plus grand marin de son temps et qui n'a point été surpassé; brave autant que les plus braves, et plus habile que ceux qui s'acquirent une réputation d'habileté dans le maniement de flottes considérables; hardi sans vaine témérité; prudent sans apparence de faiblesse; fort d'une expérience longuement acquise et sachant obéir quand il servait en sous-ordre ou quand, général en chef, il recevait du Roi des ordres que sa raison réprouvait; et avec cela, beau, aimable, aussi bien an milieu de la cour que sur son vaisseau, enfin un vrai héros de roman, s'il avait vécu à l'époque de la chevalerie. »
Hommages et postérité
Plusieurs navires de la Marine nationale française portent le nom du maréchal de Tourville :
- Le croiseur anti-sous-marine du type F67, chef de file de la classe Tourville
- Le Monsieur de Tourville, bateau-école du Service national d'information fonctionnelle
Des voies sont nommées en son honneur :
- Une avenue parisienne, l'avenue de Tourville, dans le 7e arrondissement de Paris.
- D'autres avenues, des boulevards, des rues, des quais portent aussi son nom dans les villes de Lyon, Bordeaux, Brest, Le Havre, Nantes, Caen, Saint-Vaast-La-Hougue, Sherbrooke (Canada), Reims, Saint-Germain-en-Laye, Longjumeau, Drummondville (Québec)...
Armoiries
Figure Blasonnement
De gueules, à un senestrochère d'argent, tenant une épée du même, surmonté d'un casque taré de profil, aussi d'argent.[22],[23] Notes et références
Notes
- Tourville-sur-Sienne Plusieurs anciens biographes le font naître au château de
- Auguste Jal, p. 1193) « Anne-Hilarion de Tourville sortait d'une famille qui, pour n'avoir pas une grande noblesse, était cependant « bonne » et tenait un certain rang dans le Cotentin, d'où elle tirait son nom. Elle avait la baronnie de Tourville qui lui donnait son surnom. » (
- « Mon père fut heureux dans plusieurs de ses différentes sortes de domestiques, qui firent des fortunes considérables. Tourville, qui était un de ses gentilshommes, et celui par qui, à la journée des Dupes, il envoya dire au cardinal de Richelieu de venir sur sa parole trouver le roi à Versailles le soir même , était un homme fort sage et de mérite. Le cardinal de Richelieu mariant sa nièce au fameux duc d’Enghien, M. le Prince lui demanda un gentilhomme de valeur et de confiance à mettre auprès de M. son fils. Il lui donna Tourville [...] » (Saint-Simon, p. 65)
Dans ses Mémoires, Saint-Simon dit de lui :- Auguste Jal, p. 1194) On retrouve son acte de baptême dans les archives de la paroisse Saint-Sauveur : « Le lundi 24 nov. 1612 a esté baptisé Aune Hilarion, fils de messire César de Costantin (sic) chevalier, seig. baron de Tourville, premier gentilhomme de la chambre de Monsieur le duc d’Anguin (sic) et de dame Lucie de la Rochefoucault sa femme; le parrain messire Anne Chatignié de la Rochepesé, abbé des abbaies de la Garlie-Batifort, Aimery et autres, demeurant de présent en la paroisse St-Benoist, la marraine damoiselle Renée de péricart (sic) niepce du sr de Tourville, fille de deffunct Mr Péricart. (Signé) Michard. » (
- indult d’Innocent X, donné à Sainte-Marie-Majeure, sous l'anneau du Pêcheur, le 1er février 1647, et qui donne des dispenses d'âge pour sa réception à l'enfant à peine sevré, contient ces paroles : “Quia dictus Annas Hilarion ætatem quatuor annorum duntaxat habet”. Sous le bénéfice de ces dispenses, le Grand Maître reçut l'enfant (11 avril 1647) parmi les chevaliers de justice (“fratem militem hospitalis de justicia nuncupatum”) de la vénérable langue et prieuré de France, à la condition toutefois de payer, au trésor de l'ordre, mille écus d'or, à raison de quatorze tarins par écu » Archives de Malte, Reg. des bulles de la chancellerie de l'ordre de Jérusalem de 1647 à 1649, fol. 1er et 299; cité par Auguste Jal, p. 1194 « L'
- Auguste Jal, p. 1194) « Tourville put se retirer du danger qu'avaient préparé de mauvais pilotes et de mauvaises cartes. La perte de son navire ne lui fut point imputée à faute; on lui en fut si peu mauvais gré à la cour, que le Roi le nomma Chef d’escadre, le 30 oct. 1675. » (
- Auguste Jal, p. 1194) « Son mérite reconnu lui valait un avancement auquel l'estime particulière que faisait de lui la maison de Condé ne nuisit probablement pas. » (
- « Le Roy envoyant à Toulon Mr le chr de Tourville, Chef des escadres de ses armées navales, pour l'exécution des ordres de Sa Maj. et estant nécessaire qu'il s'y rende incessamment, le sr Thieriat ne manquera pas de luy réserver préférablement à toutes autres les deux premières places du carrosse de diligence qui partiront pour Lyon, mercredy prochain, 22e de ce mois. » (Minutes d'expédition du secrétaire d'Etat ayant le départ de la Maison du Roi. Bibl. lmp., Mr. Clairambault 350. p. 201)
- 25 juin, tenait la mer avec une flotte de soixante-treize vaisseaux et vingt-et-un brûlots, et faisait sa campagne dite du large, réputée son chef d'œuvre (Léon Guérin, 1851). Le vice-amiral de Tourville, parti de Brest le
- de Forant, Chateau-Renault, d'Amfreville, de Relingues, de Vilette-Murçai, de Langeron, de Nesmond, de Coëtlogon, les de Flacourt, ainsi que par ses capitaines, parmi lesquels on comptait Jean Bart, Forbin, d'Amblimont, etc. Tourville fut merveilleusement secondé dans cette campagne par les officiers généraux qu'il avait sous ses ordres, tous hommes d'élite tels
- Grancey, réussit à épouser la femme la mieux dotée de la marine du XVIIe siècle (750 000 livres de dot pour Madame de Grancey, 350 000 pour Madame de Tourville). Il est l'officier de vaisseau qui, après son camarade
Références
- Richer, p. 1
- Richer, p. 2-3
- Richer, p. 3
- Katia Béguin, Les princes de Condé. Rebelles, courtisans et mécènes dans la France du grand siècle, Seyssel, Champ Vallon, 1999, 463 p
- Richer, p. 4
- Selon La Varende, Le maréchal de Tourville et son temps, 1953 ; Mabire, Jean Mabire présente Grands marins normands, 1993
- 24 novembre 1642. C'est un fait indiscutable auquel tout l'art processif des Normands ne pourra rien changer, p. 19. D'après Hennequin, Biographie maritime, 1835 ; Plantavit de La Pause, Mémoires du maréchal de Tourville, 1779 ; Mennechet, Le Plutarque français, 1838, La Varende normand, lui-même se moque gentiment de ces vieilles prétentions à vouloir le faire naître en Normandie: Anne-Hilarion de Costentin de Tourville naquit à Paris et fut baptisé à Paris le
- Hugh Chisholm, The Encyclopedia Britannica, 1911
- Richer, p. 30-33
- Auguste Jal, p. 1194
- Riche, p. 195
- Riche, p. 202
- Riche, p. 211
- Bibliothèque Impériale, Ms. Boites du St-Esprit. dossier Tourville.
- Archives de la Marine Dépêches de Seignelay. 1679. fol. 156.
- belleisleenmer.free.fr
- Auguste Jal, p. 1196
- Duhamel du Monceau, Bruno de Dinechin
- André Corvisier, Histoire militaire de la France tome 1 des origines à 1715, Paris, PUF, coll. « Quadrige », 1997, 648 p. (ISBN 2130489060)
- Dans ses Mémoires (éd. Hachette, 1879, vol. 1, édition, notes et appendices par A. de Boislisle, p. 50-54), Saint-Simon fait un récit détaillé du contexte politique de cette bataille navale.
- Saint-Simon, p. 148
- Johannes Baptist Rietstap, Armorial général : contenant la description des armoiries des familles nobles et patriciennes de l'Europe : précédé d'un dictionnaire des termes du blason, G.B. van Goor, 1861, 1171 p. [lire en ligne (page consultée le 16 nov. 2009)], et ses Compléments sur www.euraldic.com
- www.heraldique-europeenne.org
Annexes
Bibliographie
- Ouvrages récents
- Guy Le Moing, Les 600 plus grandes batailles navales de l'Histoire, Marines Editions, 2011.
- Daniel Dessert, La Royale, Paris, Fayard, 1996 (ISBN 978-2-213-02348-9).
- Daniel Dessert, Tourville, Paris, Fayard, 2002 (ISBN 978-2-213-59980-9).
- Allan Toriel et Sylvérik, Tourville, Chevalier du Levant, Bayeux, Vagabondages, 2008 (ISBN 978-2-91814-302-4).
- Bruno de Dinechin, Duhamel du Monceau, Connaissance et mémoires européennes, 1999 (ISBN 2-919911-11-2).
- Henry Le Marquand, Tourville: marin de Louis XIV, H. Lardanchet, 1942
- Jean de La Varende, Le maréchal de Tourville et son temps, Flammarion, 1952.
- Antoine Reffuveille, Tourville, gentilhomme des océans, Archives départementales de la Manche, 2001
- Étienne Taillemite, Pierre Guillaume, Tourville et Béveziers, Economica, 1991 - 94 pages
- Gustave-Joseph-Henri Landrieu, Tourville, un grand amiral français, Hachette, 1942
- Ouvrages anciens
- Anne-Hilarion de Costentin de Tourville, L'aveu sans exemple ou memoires de Constantin de Tourville sur Google Livres, Amsterdam, 1747
- Anne-Hilarion de Costentin de Tourville, Mémoires du maréchal de Tourville, vice-amiral de France, et général des armées navales du roi, Volume 3 sur Google Livres, Aux dépens de la Compagnie, Amsterdam, 1758
- Adrien Richer, Vie du maréchal de Tourville:lieutenant-général des armées navales de France sous Louis XIV sur Google Livres, Belin, 1783
- Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon, Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon, Volume 3 sur Google Livres, A. Sautelet & cie, 1829, p. 65
- Léon Guérin, Histoire maritime de France, 1851.
- Auguste Jal, Dictionnaire critique de biographie et d'histoire sur Google Livres, Plon, 1867, pp. 1193 à 1200
Liens externes
Précédé par Anne Hilarion de Costentin de Tourville Suivi par vacant Vice-Amiral de France du Levant 1689 - 1701 François Louis Rousselet de Châteaurenault