- Armoiries
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Héraldique
L’héraldique est la science du blason, c'est-à-dire l'étude des armoiries (ou armes). C'est aussi un champ d'expression artistique, un élément du droit médiéval et du droit d’Ancien régime. Plus récemment, elle a été admise parmi les sciences auxiliaires de l'histoire au même titre que la sigillographie, la vexillologie, la phaléristique, la diplomatique...
L'héraldique s'est développée au Moyen Âge dans toute l'Europe comme un système cohérent d'identification non seulement des personnes, mais aussi en partie des lignées (le blason pouvant être transmis par héritage en traduisant le degré de parenté) et des collectivités humaines, ce qui en fait un système emblématique unique en un temps où la reconnaissance et l'identification passaient rarement par l'écrit.
Apparue au XIIe siècle au sein des membres masculins de la noblesse, elle s'est rapidement diffusée dans l'ensemble de la société occidentale : femmes, clercs, paysans, bourgeois, communautés... Par la suite, on s'en est également servi pour représenter des villes, des régions, des pays, des corporations de métiers.
Sommaire
Définitions
Héraldique Armorial Tous les articles Blason est un mot d'origine obscure, qui vient peut-être du francique blâsjan (torche enflammée, gloire), plus probablement du latin blasus signifiant « arme de guerre »[1]. « Blasonner » signifie décrire des armoiries suivant les règles de la science héraldique. Au sens strict, le blason est donc un énoncé, qui peut être oral ou écrit. C'est la description des armoiries faite dans un langage technique, le langage héraldique. Le blasonnement est l'action qui consiste à décrire des armoiries (et donc à énoncer le blason qui est représenté). La science du blason est très ancienne, elle se fonda moins d'un siècle après que la mode des armoiries se fut établie au Moyen Âge. En escrime, les blasons (jaune, rouge, bleu...) sont des examens permettant de prouver un niveau technique acquis, d'arbitrer ou de participer à certaines compétitions. Certains sont également distribués après une victoire (en championnat de France notamment). Ils se concrétisent par une pièce de tissu (la couleur changeant suivant le niveau) à coudre ou scratcher sur l'épaule non armée.
Arme, écu, blason et armoiries
Les définitions ci-dessous sont précises, mais cette précision est loin de refléter l'usage réel, et reste donc très théorique. En pratique, les termes « blason », « armes », « écu »... sont souvent employés les uns pour les autres, aussi bien dans des ouvrages de vulgarisation, que dans les travaux d'auteurs faisant autorité.
- Les armes sont des emblèmes peints sur un écu, qui doivent pouvoir être décrites dans la langue du blason, et qui désignent quelqu'un ou quelque chose. Elles ont le même rôle qu'une marque ou un logo, ou un nom propre : elles sont la manière héraldique d'identifier, de représenter ou d'évoquer une personne, physique ou morale (maison ou famille, ville, corporation…). Les armes sont généralement considérées comme la propriété (intellectuelle) de cette personne, qui en est titulaire.
- L’écu ou écusson (le bouclier) est l'élément central et principal des armoiries, c'est le support privilégié sur lequel sont représentées les armes. Cependant, plusieurs armes peuvent être représentées sur un même écu, sans nécessairement représenter une personne unique : ce peut être l'union de deux armes représentant un mariage, ou la superposition de nombreuses armes. Un écu représente donc des armes, ou une alliance d'armes. Dans tous les cas, l'écu délimite graphiquement le sujet dont parle la composition, et est suffisant pour identifier des armes ou une alliance.
- Les armoiries (mot toujours au pluriel) sont ce qui est représenté graphiquement sur un objet armorié (exemple : l'écu). Les armoiries comprennent l'ensemble de la panoplie formée par l'écu, qui désigne le sujet, et ses ornements extérieurs éventuels (support, couronne, collier d'ordre…), qui disent quelque chose sur ce sujet. Certains ornements extérieurs (cimiers, tenants) font partie des armes (et leur sont systématiquement associés), certains sont arbitraires ou fantaisistes (lambrequins, symboles allégoriques ou votifs), mais la plupart sont la représentation héraldique de titres, de charges ou de dignités : ils sont attribués officiellement, et peuvent varier suivant l'état du titulaire à un instant donné.
- Blasonner signifie décrire des armoiries. Le blason est ce qui en résulte : c'est la description (en termes héraldiques) de tout ce qui est significatif dans des armoiries, et plus spécifiquement sur l'écu. La correspondance entre un blason et sa représentation est au centre de l'héraldique : la donnée d'un blason doit permettre de représenter correctement des armoiries, et la lecture correcte d'armoiries doit conduire à un blason qui rend compte de tous ses traits significatifs. Deux représentations (ou armoiries) sont équivalentes si elles répondent au même blason, ce sont alors les mêmes armes (mais il peut y avoir plusieurs manières équivalentes de blasonner des armes).
Sciences héraldiques
L’héraldique est ce qui est relatif au langage du blason, à la science des hérauts, aux dessin des armoiries. Plus spécifiquement, c’est la discipline ayant pour objet la connaissance et l'étude des armoiries. L’héraldique recouvre quatre disciplines connexes :
- Le blasonnement. Historiquement, l'héraldique est la science des hérauts, qui dans les tournois annoncent les chevaliers en décrivant dans leur langue propre les armoiries qu'ils portent sur leur bouclier. Cette discipline se prolonge dans l’héraldique théorique, qui a pour objet de préciser les règles du blason, son vocabulaire, sa grammaire et sa sémantique. Elle peut devenir un sport intellectuel à part entière, consistant à décrire en termes de blason des figures très variées et originales, parfois très éloignées des compositions traditionnelles, dont la légitimité est de rester fidèle à un certain génie héraldique.
- La composition. La branche traditionnelle de l'héraldique s'attache à la création et à la composition des armes et blasons, pour le compte de celui qui souhaite en devenir titulaire. Cette héraldique s'appuie d'une part sur la généalogie du titulaire, d'autre part sur la symbolique particulière qu'il souhaite attacher à ses armes. L'héraldique n'étant plus réglementée en tant que telle (sauf dans certains pays), cette composition poussée par la vanité du client peut parfois conduire à des excès : l'héraldique a conduit à créer de très nombreux meubles inutiles, par simple souci d'originalité. La règle fondamentale de la noblesse est que c'est au titulaire de donner du prestige à ses armes, non l'inverse, et une sobriété prudente est de mise.
- La décoration. La branche artistique de l'héraldique s'intéresse à la représentation graphique des blasons sous forme d'armes et d'armoiries, pour armorier toute sorte de supports.
- L’héraldique historique, enfin, est une science auxiliaire de l'histoire. D'une part, elle s'appuie sur les documents et meubles armoriés pour obtenir des informations particulières sur l'histoire de leur titulaire. D'autre part, elle analyse la composition de ces armes et blasons, pour étudier d'une manière générale les symboliques sociales.
Racines historiques de l'héraldique
Chevaliers et batailles
L'usage des armoiries vient de l'évolution de l'équipement militaire entre le XIe siècle et le XIIe siècle, qui rend progressivement impossible de reconnaître le visage d'un chevalier. Le casque des chevaliers (qui figure encore dans les ornements extérieurs) enveloppait progressivement la face: le nez devient protégé par un nasal, la coiffe du haubert (qui protège la tête et le cou) tend à couvrir le bas du visage, puis le casque est fermé par une vantaille (grille), puis définitivement clos par un mézail (visière mobile).
Pour se faire reconnaître dans les mêlées des batailles et des tournois, les chevaliers prennent alors l'habitude de peindre des figures distinctives sur leurs boucliers (meubles et pièces, ou figures géométriques).
L'écuyer est un gentilhomme qui accompagnait un chevalier et portait son écu. À partir du moment où l’écu porte des figures distinctives, l’écuyer qui porte l’écu peut représenter le chevalier, même en son absence. L'écuyer est probablement à l'origine de la représentation des tenants, dans les ornements extérieurs.
Les cinq régions principales de l'écu (chef, cœur, flancs dextre et sénestre, pointe) renvoient aux parties du corps de l'écuyer qui porte le blason sur sa poitrine et se présente de face. Comme l’écuyer est vu de face, « dextre » et « sénestre » sont inversés en héraldique par rapport à leur signification primitive : la dextre de l’écuyer est à la gauche de l’observateur, et inversement.
- Tournois et batailles
La raison d’être du chevalier est de livrer bataille. La bataille lui permet de prouver sa valeur, à travers ses faits d’armes, et les rançons prélevées sur les vaincus viennent augmenter ses biens matériels.
Au départ, il n’y a pas de différence très grande entre le déroulement d’une bataille et celui d’un tournoi. Dans les deux cas, il s’agit d’une grande mêlée armée organisée sur un champ de bataille entre deux camps, où les participants respectent tout de même certaines règles de savoir-vivre. La différence est dans l’enjeu de la confrontation.
- Les tournois se déroulent par temps de paix, pour permettre aux chevaliers de gagner gloire et richesses, et montrer quel est le camp le plus fort et le plus prestigieux, pour l’honneur collectif.
- Inversement, les batailles sont organisées en temps de guerre pour montrer quel est le camp le plus fort, par exemple pour trancher qui doit commander sur tel ou tel territoire. Elles permettent aussi aux chevaliers participants de gagner gloire et richesses (et donc il serait stupide de tuer le chevalier adversaire, puisqu’il ne pourrait plus payer de rançon).
- Ce qui caractérise l’état de guerre, à cette époque, c’est la chevauchée. Elle consiste à traverser le territoire ennemi en brûlant et massacrant tout sur son passage. La chevauchée n’est pas très dangereuse pour la troupe armée (encore que les manants aient parfois des faux, et la prétention de s’en servir). Elle sert surtout de provocation contre le seigneur des lieux : censé protéger ses terres et ses manants contre les agressions ennemies, il s’en montre incapable, et est donc déshonoré (de plus, comme les récoltes ont été brûlées, il est privé des revenus financiers de ses terres).
La bataille de Crécy est la première grande bataille où la « règle du jeu » n’a pas été respectée : les troupes anglaises ont livré bataille non pour obtenir gloire et rançon, mais pour neutraliser les troupes françaises (et y ont très bien réussi). Les Français ont protesté que les Anglais n’avaient pas respecté les règles du jeu (perfidement, d’où la locution « perfide Albion »), mais ces règles avaient simplement changé. À partir de cette époque, les genres se séparent. Les tournois se déroulent en champ clos, ou dans des lices (espace de circulation au pied intérieur des murailles), et les batailles deviennent de plus en plus une affaire de mercenaires et soldats, non de chevaliers.
Héraut
Pour les grands seigneurs, le rôle de l’écuyer prend progressivement une dimension diplomatique, et se spécialise dans la fonction de héraut. Désarmés, sans valeur de rançon, ils bénéficient d'une immunité diplomatique avant la lettre, et peuvent se déplacer librement pour assurer leur mission, y compris dans les camps et pays ennemis. Ils sont par conséquent tenus à une impartialité et une discrétion strictes. L’activité des hérauts est régie par tout un code de droits et d'obligations.
Les hérauts d'armes portent une tunique, le tabar, qui les rend immédiatement identifiables. Elle est épaisse et descend jusqu'aux genoux, armoriée aux armes de leur seigneur devant, derrière, et sur les manches. C'est un vêtement qui indique que son porteur bénéficie des privilèges d'immunité des hérauts. Le tabar transforme le héraut en symbole vivant des armes et de l'honneur de son seigneur.
Au Moyen Âge, le héraut devient un officier public au service d'un prince ou d'un seigneur. Dans le déroulement de la guerre, il est chargé de porter les déclarations de guerre, les sommations. Pour les chevaliers qui participent à une mêlée (que ce soit bataille ou tournoi), il peut recevoir des testaments ou des dépôts sacrés, et il assure de dignes funérailles en cas de besoin. Son rôle s’étend finalement sur tout ce qui a trait à l'honneur : il reconnaît les armes nobles et surveille les blasons, il règle les cérémonies et les jeux et témoigne des actes de valeur.
- Création de l’héraldique
Dans les tournois et joutes, les hérauts annonçaient le chevalier en énonçant son blason, c’est-à-dire la description des figures couvrant son bouclier, avant de nommer son titulaire. Cette pratique est à l'origine de la langue héraldique, à l'origine naturelle et comprise de tout le public. C'est cette pratique qui fonde et stabilise l'héraldique.
- D'une part, elle fixe le lien entre un titulaire et ses armes, ce qui impose comme première règle de ne pas prendre les armes portées par autrui.
- D'autre part, elle implique l'équivalence héraldique entre la représentation graphique (armoriée) et la description orale (le blason), qui n'en retient que les éléments significatifs.
À partir du xive siècle, les hérauts sont devenus les spécialistes de l'héraldique, ou science des armoiries et blasons. Ils en codifient la composition et la description, en formulant notamment les règles du blason, voyagent et établissent des armoriaux pour peindre et retenir celles qu'ils rencontrent.
Le juge d'armes est celui qui est établi pour juger des armoiries (et des titres de noblesse).
L'héraldique dans la société
- Représenter une identité
Les figures peintes sur l'écu, stabilisées et énoncées par des hérauts, donnent naissance à l'héraldique. L'héraldique est essentiellement la science des hérauts, et son origine ne peut se comprendre qu'à travers leur rôle.
Le premier élément à avoir été armorié, dans un but militaire, a donc été l'écu du chevalier. Puis ces éléments ont été repris sur tout son équipement, pour permettre de reconnaître le titulaire (sur la cotte d'armes) mais aussi le représenter (bannière) ou marquer sa propriété (caparaçons, housse ou flanchières des chevaux)…
Ce lien entre des armes et leur titulaire a ensuite été repris dans la composition des sceaux. Les armoiries sont ainsi devenues l'image de la personnalité juridique. La pratique des sceaux armoriés a étendu l'usage des armoiries à toutes les entités capables d'avoir un sceau. Cette pratique est encore vivante dans l'usage de chevalières armoriées, qui sont en principe destinées à servir de sceaux (c'est pourquoi elles sont gravées en creux, et normalement portées au petit doigt).
- Développement historique.
D'abord réservé aux chefs de guerre qui les figurent sur leur bouclier (fin du XIe siècle), l'usage des armoiries s'étend progressivement aux chevaliers, puis à la noblesse adoubée ou non (XIIIe). À travers l'identification de la personne par les armoiries, notamment dans le sceau, l'usage s'étend aux femmes et prélats nobles (fin XIIe), et des prélats aux bourgeois, aux artisans et échevins, chapitres et corporations (début XIIIe), communautés urbaines (début XIIIe), communautés ecclésiastiques et ordres religieux (XIVe), seigneuries, fiefs, provinces, universités et administrations civiles… Devenues un signe d'identité sociale, les armes deviennent héréditaires, et désignent des maisons, c’est-à-dire des familles et des liens de parenté (XIVe), puis plus généralement des liens sociaux, ce qui amène progressivement à les composer de plus en plus.
Jusqu'au XVIe siècle, les figures employées sont principalement des figures animales (voir à ce chapitre), en nombre assez restreint (une quinzaine d'usage courant), ainsi que quelques meubles inanimés (souvent abstraits), et surtout des figures géométriques. Par la suite, le répertoire s'élargit aux objets, armes, parties du corps, bâtiments, …
- Étude des objets armoriés
Armorier un objet y ajoute un élément décoratif, et affirme un lien avec le titulaire, lisible y compris par ceux qui ne savaient pas lire. Les armoiries se rencontrent ainsi sur tous les témoignages du passé : documents, livres (sur la couverture ou à l'intérieur : l'ex libris), tapisseries, monuments, plaques de cheminées, meubles, bijoux, véhicules… L'identification des armoiries (quand elles ne sont pas fantaisistes) permet de replacer leur support dans le temps et dans l'espace social, et d'en retracer en partie l'histoire ou la provenance géographique. L'identification du titulaire est facilitée par les ornements extérieurs, notamment les ordres de chevalerie représentés. Elle peut conduire à une très grande précision (de l'ordre de l'année), quand celui-ci a fréquemment modifié la composition de ses armes, et la conjonction d'armes sur un même support peut conduire à des conclusions encore plus précises.
Noblesse et armes
La composition d'un blason représente graphiquement la situation d'un titulaire par rapport à un certain ordre social, entre le XIIe siècle et le XIXe siècle. L'étude du blason suppose donc une certaine connaissance de la société et de son organisation en noblesse, rangs, ordres, coutumes...
Cependant, avoir des armoiries n'a jamais historiquement été l'apanage d'une classe noble.
Les armes ne sont pas nobles par nature, elles ne sont au départ que l'enseigne de leur titulaire. C'est à ce titulaire qu'il appartient de s'« ennoblir », c’est-à-dire de manifester sa noblesse par ses actes, en attirant gloire et honneur sur ses armes. La reconnaissance sociale officielle de ce caractère noble, ou « anoblissement », ne vient que reconnaître une noblesse qui a été acquise préalablement.
Le noble est essentiellement le « chef » de quelque chose, ce dont il tire gloire et honneur. Le moyen d'y accéder peut être par les armes, par violence ou usurpation, par héritage de possessions, en étant titulaire d'une charge... Dans cette logique, l'exercice efficace et durable du pouvoir est sa propre légitimation, et seul le résultat à long terme compte. Une personne est reconnue comme noble quand elle occupe durablement une situation de commandement ou de responsabilité, au point d'y identifier sa personne sociale. Les armes représentent à la fois la personne, son pouvoir actuel, et la gloire accumulée depuis parfois des générations.
Le succès attire le succès, y compris sur les membres de sa famille, et une maison « noble » tend ainsi à le rester. La direction d'une terre ou d'un territoire est généralement héréditaire, et il n'est pas toujours possible de distinguer les armes d'une terre de celles de la maison qui l'a dirigée. En revanche, une charge est généralement personnelle, si bien qu'elle est plus volontiers figurée dans les ornements extérieurs que dans les armes proprement dites.
Les armes les plus fameuses sont le signe d'une appartenance collective à laquelle on doit ou souhaite se rattacher. Le rattachement se traduit en reprenant les armes intégralement (cas du chef de lignée), avec une brisure, ou dans une composition. Ce rattachement est obtenu de droit (titre, héritage et lignée), par acquisition (fief possédé), ou par privilège acquis ou concédé. C'est un honneur de porter des armes fameuses, et cet honneur oblige en principe son titulaire à contribuer à la gloire de ces armes. C'est ce que traduit l'expression « Noblesse oblige » : le port d'armes noble signifie simplement que l'on est de noble lignée, mais ne dit rien de plus sur son caractère propre.
- Titulaire
Le titulaire d'un blason est la « personne » que désigne ce blason. Les armes appartiennent à un certain titulaire, dont les attributs sont représentés par les ornements extérieurs. C'est l'ensemble de cette relation que représentent les armoiries. Le titulaire peut être de toute nature (individu, famille, collectivité, institution…).
La composition d'armes nouvelles traduit ce que le titulaire met en avant par rapport à un tissu de liens et de droits sociaux : symbolique primitive, mais aussi appartenance à une lignée (par les armes de sa famille), affirmation de sa généalogie (par composition des armes de ses parents, grands parents), mariage (par composition des armes du conjoint), fiefs sur lesquels on a des droits réels ou supposés, actuels ou passés… Les armes de villes ou d'institutions composent de même celles de leur fondateur ou seigneur.
Les armes proprement dites sont généralement invariables, mais les ornements extérieurs dépendent généralement du titulaire : ses titres, dignités et qualités, sa fonction ou sa condition sociale.
- Ordre de chevalerie
Les ordres de chevalerie naissent avec les croisades, autour d'ordres religieux à vocation militaire (ordre du temple, ordre du Saint-Sépulcre, ordre des hospitaliers…). Comme tous les ordres monastiques, ces ordres peuvent associer des non-religieux : l'appartenance à un ordre manifeste son association à une certaine vocation (variable suivant l'ordre), et le prestige de l'ordre rejaillit sur le membre associé. À la fin du Moyen Âge, des ordres de cour sans vocation religieuse seront créés, le plus prestigieux étant l'ordre de la Toison d'Or.
Les ordres peuvent être souverains (par exemple, l'ordre de Malte). Le plus souvent, ils sont rattachés au pays ou à la maison dynastique qui l'a créé.
Les insignes d'ordre de chevalerie font généralement partie des ornements extérieurs des armoiries. Certains ordres s'inscrivent cependant en chef, dans l'écu du titulaire. Le plus souvent, il s'agit d'un collier d'ordre entourant l'écu. Quand le titulaire est membre de plusieurs ordres, l'ordre le plus prestigieux est placé à l'extérieur.
L'admission dans un ordre fait l'objet d'un acte officiel et enregistré. De ce fait, la représentation d'un collier d'ordre dans des armoiries permet d'identifier le titulaire bien plus précisément que la simple donnée des armes familiales.
En France, les ordres de chevalerie nationaux (Saint-Michel, Saint-Esprit…) ont été supprimés par l'assemblée constituante, en même temps que les attributs de la noblesse. Napoléon créa l'ordre national de la Légion d'honneur, et l'ordre national du Mérite fut créé au XXe siècle.
- Noblesse et armoiries
En France, l'assemblée constituante décréta le 19 juin 1790 la suppression de la noblesse (en tant que statut de la personne) et de ses attributs réels ou supposés : titres et fiefs, privilèges, ordres de chevalerie, armoiries et livrées, … Interdites un temps, les armoiries furent restaurées au début du XIXe siècle par Napoléon par décret du 1er mars 1808 (qui en limita pendant l'empire l'usage aux nobles, limitation abolie par Louis XVIII à la restauration). Les armoiries ne sont plus à présent l'enjeu social qu'elles étaient devenues à la fin de l'ancien régime. Le Conseil Français d'Héraldique (association régie par la loi de 1901), créé le 7 octobre 1984, présidé par le docteur Jean-Marie Thiébaud (1984-1998) puis par Jean-Jacques Lartigue depuis 1998, aide les communes, les associations et les particuliers à créer des armoiries et publie ces armoiries nouvelles dans l'Armorial du XXe siècle auquel a succédé l'Armorial du IIIe Millénaire[2].
Droit des armes
Juridiquement, les armes sont l'équivalent dessiné d'un nom propre (nom de famille ou nom de lieu), et sont accessoires à ce nom[3]. Les armes sont une propriété régulière, transmissible héréditairement, et susceptible d'être acquise ou conférée[4]. Le droit associé aux armoiries s'apparente à celui des marques[5], et c'est probablement le premier sujet sur lequel un droit international (coutumier) ait été élaboré[6].
En règle générale[7], chacun peut se composer des armes, sous réserve de ne pas usurper celles d'autrui[8]. Certains pays qui ont conservé une noblesse (Royaume Uni notamment) lui imposent cependant une réglementation spécifique, voire un tribunal dédié (Écosse). Cependant, le « droit » au port de telles ou telles armes est très largement une affaire de coutume.
Le principal problème du droit des armes est, pour un titulaire, de prouver l'antériorité dans l'usage d'un blason qu'il revendique. Cette preuve est généralement apportée au moyen d'actes officiels, qui enregistrent un blason donné, ou accordent une modification dans des armes préexistantes.
Les règles du blason proprement dit, c’est-à-dire celles qui portent sur la composition des armes, sont implicites et coutumières. Le caractère bien ou mal constitué d'un blason s'évalue en fonction d'un « esprit héraldique ». L'évaluation s'appuie sur avis d'autorités éminentes, qui énoncent leurs leçons dans des traités d'héraldique faisant référence. Ces règles sont donc nuancées et mouvantes comme celles du bon ton : quand les avis autorisés sont unanimes, le jugement peut être tranché, il doit être nuancé sinon, pour les cas plus marginaux.
Création et évolution des blasons
La création des blasons bien que laissée à l'initiative de leurs futurs possesseurs, s'est dotée, dès le début, de règles plus ou moins strictes, visant à rendre l'identification efficace : lecture facile par l'emploi de couleurs franches tranchant les unes sur les autres, motifs de grande taille aux contours simplifiés facilement lisibles, et surtout unicité des armoiries (souvent non-respectée — plus par ignorance que par volonté de plagiat).
Cette volonté identitaire se traduit aussi par l'utilisation de symboles, rappels de faits marquants ou traductions de traits caractéristiques liés au possesseur (armes par allusion), ou même figuration du patronyme, n'hésitant pas devant l'à-peu-près, voire le jeu de mots (armes parlantes) (cf. ci-contre le « rébus » que constituent dans les armes de Gonesse, commune du Val-d'Oise, le gond enlacé d'une lettre S ).
Mais le blason n'est pas figé et il peut évoluer en fonction :
- d'une alliance, où les blasons des alliés se réunissent pour n'en former plus qu'un, réunion codifiée par des règles traduisant le type d'union (voir plus bas « partition ») ;
- d'un héritage, qui impose parfois à l'héritier une modification (une brisure) du blason initial en fonction du degré de parenté ;
- d'une distinction honorifique accordée par un suzerain, qui donne à un vassal le droit d'ajouter sur son blason un élément distinctif du sien (une augmentation) ;
- d'une distinction ou modification pour distinguer un nouveau blason de celui dont il a été dérivé (une brisure).
Il peut même disparaître et être remplacé par un blason de substitution, quand le blason original a été « déshonoré » pour une action peu reluisante de son possesseur... ou d'un ancêtre du possesseur ! (voir à lion, lion couard, vilené etc.).
Règles du blason
De fait on ne connaît qu'une seule règle qui puisse s'énoncer en termes indiscutables (c’est-à-dire pour laquelle on peut déterminer avec certitude si elle est respectée ou non): « Pas de métal sur métal, ni émail sur émail », dite règle de contrariété des couleurs.
On énonce parfois deux autres règles :
- Le blason doit être régulier, complet et bref : cette règle signifie essentiellement qu'il doit être possible de blasonner suivant les règles usuelles (régulier), et que le blason doit être spécifique (il n'est pas possible de retenir pour blason « d'azur à trois meubles d'or » sans spécifier les meubles, par exemple). Le blason devrait être bref, c’est-à-dire peu chargé. Cette règle a largement perdu de sa pertinence par la prolifération des blasons composés, des brisures et autres augmentations
- Les meubles apparaissant en nombre sont identiques, donc entre autres de même couleur.
Cette dernière règle signifie qu'on ne peut pas varier les attributs d'un meuble à l'autre, mais il existe une exception: les meubles répétés sur un champ divisé en deux zones peuvent être « de l'un en l'autre », c’est-à-dire être de la couleur du champ sur lequel ils ne sont pas placés. Dans le cas où certains de ces meubles sont placés sur la partition, ils sont alors partitionnés à l'identique, et chacune des zones formées se trouve colorée du champ opposé. Cette règle est loin d'être absolue, et on connaît de nombreux cas de groupes non homogènes.
Signification des armes
Les armes sont indéniablement signifiantes, et des systèmes précis et complets d'interprétation symbolique des armes ont été définis, mais de tels systèmes s'apparentent à une « mancie » (art divinatoire). Même si des armes ont été délibérément composées en référence à un tel système, ce n'est pas le cas général, et l'identification précise du système utilisé est de toute manière hasardeuse.
La valeur que peut prendre une figure dans un système particulier est propre à ce système, et ne peut pas être généralisée. Si beaucoup de croisés ont porté une croix, si le besant charge souvent le blason d'un ancien croisé, on ne peut pas dire pour autant que toutes les croix héraldiques sont issues des croisades, ni même que la pièce honorable en forme de croix ait toujours une raison d'être religieuse : elle peut n'être que purement géométrique, ou résulter d'une composition.
Même si l'on peut poser comme principe qu'il y a toujours une signification à chaque choix, de nombreuses armes n'ont pas de significations connues, et celles données pour les autres ne sont le plus souvent que des hypothèses. L'interprétation de la symbolique se doit d'être prudente dans l'identification du contexte : le titulaire des armes ne les a pas toujours composées librement, et une signification peut avoir été donnée après coup à des armes préexistantes.
Armes composées
Les écus composés peuvent correspondre à des mariages, à des pièces concédées par la grâce du Roi, ou à des acquisitions, qui entraînent des droits sur les armes correspondantes, lesquels droits se traduisent graphiquement par la composition des armoiries.
La plus simple des composition consiste à accoler deux écus, en maintenant la forme individuelle. Au Moyen Âge, on avait l'habitude d'accoler les blasons des conjoints, le mari posé à dextre (la place d'honneur…) et la femme à sénestre. Puis cette mode évolua, et l'on se mit plutôt à écarteler les blasons avec les armes des épouses (du premier et du quatrième aux armes du conjoint, du second et du troisième à celles de l'épouse).
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, des armes surcomposées cherchèrent (très artificiellement) à représenter systématiquement toutes les alliances et ascendances d'un personnage, par ses quartiers de noblesse, au point d'en devenir globalement illisibles. Dans ces excès, qui singent les grandes armes, la composition s'oppose à la première règle du blason, qui impose aux armes d'être simples. Il est tout à fait légitime (encore qu'un peu vaniteux) de représenter sur un même écu les armes de tous ses aïeux, bisaïeux, trisaïeux ou même quadrisaïeux (pour afficher respectivement 8, 16, 32 ou 64 quartiers de noblesse), mais cette composition est artificielle, et ne montre que des alliances. Les armes personnelles doivent rester simples.
Bibliographie
Une bibliographie raisonnée de l'héraldique mériterait un chapitre à elle seule, tant les références sont nombreuses.
- Théodore Veyrin-Forrer, Précis d'héraldique, Paris, Larousse, 1951 (réédition en 2000, revue et mise à jour par Michel Popoff, collection « Comprendre et reconnaître », 198 p.)
- Henri Jougla de Morenas, Grand armorial de France : catalogue général des armoiries des familles nobles de France…, Paris, les Éditions héraldiques, 1934-1952, 7 vol., ill. en noir et en coul.
- Michel Pastoureau, Traité d'héraldique, Paris, Picard, 1993, 2e édition, 407 p. (réédité en 1997 et 2003)
- Michel Pastoureau, Figures de l'héraldique, Paris, Gallimard, 1996, in-12°, 144 p., ill. en noir et en coul. (coll. « Découvertes » no 284)
- Ottfried Neubecker, Le grand livre de l'héraldique, adaptation française de Roger Harmignies, Bruxelles, Elsevier Séquoia, 1977 (réédité par Bordas, env. 300 p., A4)
- D.L. Galbreath et Léon Jéquier, Manuel du blason, Lausanne, Éditions Spes, 1977, 344 p.
- Pierre Joubert, Les armes : initiation à l'héraldique, Rennes, Ouest-France, 1977, 92 p. (nouvelle édition sous un autre titre de Les lys et les lions, Paris, Presses d'Ile de France, 1947, 36 p., l'édition de 1977 est réimprimée en 1984 sous le titre Nouveau guide de l'héraldique, et en 1992 sous le titre L'héraldique). Une cinquième édition dans un format plus grand (33 cm) reprend le titre initial : Les lys et les lions, La Ciotat, Éditions Alain Gout, 2005, 44 p.
- Christophe Parry, Les hérauts d'armes à l'époque moderne, Paris, Guénégaud, 2005, 188 p. ISBN 2-85023-125-8
- Geneviève d'Haucourt et Georges Durivault, Le Blason, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », no 336.
- Hiérosme de Bara, Le Blason des armoiries, Lyon, Barthelemy Vincent, 1581
- Jean-Marie Thiébaud, Dictionnaire des termes du blason, Besançon, Cêtre, 1994.
- Jean-Marie Thiébaud, Bibliographie héraldique française : armoriaux, répertoires héraldiques et dictionnaires de devises, Paris, 2002. ISBN 2-9517980-1-6
- Claude Wenzler, Le Guide de l’héraldique, Rennes, Éditions Ouest France, 2002
Notes et références
- ↑ Glossaire de M. Guerard pour le "Polyptyque" de l'abbé Irminon (cité dans le dictionnaire héraldique de Charles Grandmaison, 1861)
- ↑ [http:/www.conseil-francais-d-heraldique.com/ Armoriaux]
- ↑ D'où vient cette définition ? Si les armes étaient l'équivalent du nom propre, mention devrait être faite dans le Code civil.
- ↑ Quel est le fondement juridique de telles allégations ?
- ↑ Pourquoi ?
- ↑ Fondement doctrinal ? Travail d'historisation ? Sans source, ce ne sont que des paroles en l'air.
- ↑ Nuance ? Le travail d'une encyclopédie n'est pas de décrire "en général".
- ↑ Base légale ?
Voir aussi
Articles connexes
- Les drapeaux et autres emblèmes héraldiques
- Les sashimono et les mon japonais
- Le totem héraldique des Indiens d’Amérique
- Lord Lyon, roi d'armes écossais
- Autorité héraldique du Canada
- Les armoriaux
- Le blasonnement
- Un exemple de transmission et de brisures d’un blason dans une famille : héraldique de la maison d'Anjou-Sicile
- Un exemple d’évolution du blason d'une personne au cours de sa vie : René d'Anjou
- Un illustrateur en héraldique célèbre : Otto Hupp (1859-1949)
Liens externes
- (fr) Les signets héraldiques de la BNF
- (fr) Héraldique sur Encyclopedie BNF
- (fr) Héraldique sur Encyclopédie Diderot
- (fr)(en) Armorial général
- (fr) Au Blason des Armoiries : glossaire héraldique
- (fr) Droit héraldique français
- (fr) Héralogic: blasons (textes et dessins)
- (fr) Héraldique européenne (armoriaux, textes et dessins ; site très complet)
- (en) Flags & Heraldry Forum
- (de)héraldique allemande, collection de photos, lieux, collection de photos, noms par Dr. Bernhard Peter
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