- Famines soviétiques de 1931-1933
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Les famines soviétiques de 1931-1933 ont touché l'ensemble de l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) dans les années 1931-1933, faisant entre 6 et 8 millions de morts selon les estimations. Cet épisode tragique est longtemps resté un sujet tabou en Union soviétique. Les régions particulièrement touchées furent le centre et l'est de l'Ukraine, le Sud de la Biélorussie, les rives de la Volga, la région des terres noires du Centre de la Russie, les régions des cosaques du Don et du Kouban, le Caucase du Nord, le nord du Kazakhstan, le sud de l'Oural et la Sibérie occidentale[1].
Sommaire
Contexte
En 1928, avec le premier plan quinquennal, le pouvoir soviétique remet en chantier la collectivisation soviétique de l'agriculture qui avait été suspendue entre 1921 et 1927, durant la mise en œuvre de la Nouvelle politique économique (NEP). Cette collectivisation réorganise la production agricole en instaurant le kolkhoze comme unité de base. Elle implique l'expropriation du monde paysan et notamment des plus « riches » d'entre eux, les koulaks [2].
Cependant, Alexandre Zinoviev déclare dans les confessions d'un homme en trop que la collectivisation déjà active sous le tsar n'a pas eu de conséquence pour la population lorsque le pouvoir soviétique s'est substitué au pouvoir autocratique tsariste.
L'exode rural est la conséquence de l'industrialisation à toute vitesse, amenant ainsi à une chute brutale de la démographie paysanne et un entassement urbain sans urbanisation antérieure. Dans les pays occidentaux, l'exode rural par l'industrialisation de la société fut historiquement beaucoup plus lent ; des famines plus locales ou disettes y furent cependant constatées. En Russie, cette désertification rapide des campagnes fit s'effondrer une production agricole de type féodal déjà faible. Comme ce fut le cas dans les années 1880-1890, l'importation de l'agriculture servait au développement des secteurs industriels, provocant la famine russe de 1891-1892. Par ailleurs, l'industrie russe - comme tout le monde industriel - subit également la crise de 1929. Ces événements se font au détriment des intérêts de l'ensemble des activités rurales du pays. De plus, le climat en Russie joue un rôle prépondérant. Un optimum des températures automnales de la Russie à la Pologne et à la Laponie (1929-1938) s'observe par les avancées du bouleau vers le Nord.
Les années de famine
Bilan
Les estimations du nombre total de victimes soviétiques de cette famine oscillent entre 6[3],[4],[5] et 8[6],[7],[8],[9] millions de personnes.
Les victimes kazakhs dues à cette famine sont estimées à 1,4 million pour un peuple comptant alors 4 millions de personnes[10]. Le nombre de victimes ukrainiennes fait quant à elle l'objet d'estimations fort variables dépassant généralement les 3 millions de personnes[10]. Le nombre approximatif de victimes russes peut être estimé à 1,5 million de personnes.
en 2004, Stephen Wheatcroft estime, quant à lui, 4,5 millions[11] de décès, conséquence directe de la famine.
Le rôle du gouvernement soviétique est controversé. Contrairement à la famine de 1921, cette famine a été volontairement dissimulée, et aucune aide internationale ne fut demandée.En Ukraine, depuis la fin des années 1980 les épisodes de cette famine s'étant déroulés en République socialiste soviétique d'Ukraine sont généralement désignés par le terme d'Holodomor, et ses causes (volontaires, accidentelles...) sont particulièrement controversées.
Notes et références
- N Werth - The 1931-1933 famines : 1932-1933: Famine in the Ukraine and Kuban
- On était réputé Koulak dès qu'on était propriétaires d'une terre de plus de 1500 m² ou de plus de cinq animaux de ferme.
- Nicolas Werth dans son Histoire de l'Union soviétique. De l'Empire russe à la Communauté des États indépendants (1900-1991), PUF, coll. « Thémis Histoire », Paris, 5e édition refondue, 2001, p. 243. C'est l'estimation de
- Jean Radvanyi, La Nouvelle Russie, Armand Colin, « Collection U », 3e édition mise à jour, 2004, p. 58.
- Alain Blum, Naître, vivre et mourir en URSS, Payot, Paris, 2004, p. 102.
- Russie et 1,7 à 2 millions au Kazakhstan selon les informations recueillies par la chercheuse russe Valentina Jiromsakaïa « La famine en URSS en 1932-1933 », Infographie de RIA Novosti 3,328 millions en Ukraine selon l'historien ukrainien Stanislav Kulchitsky, 2,5 millions en
- Robert Conquest parle de 7 millions de morts, Sanglantes moissons : la collectivisation des terres en URSS, Paris, 1995
- Georges Sokoloff parle de 7 millions de morts, La démesure russe, Paris, 2009, p. 225
- La Commission internationale d'enquête sur la famine de 1932-1933 faite en 1984 par Congrès Mondial Ukrainien a estimé le nombre de morts à au moins 4,5 millions en Ukraine et à 3 millions ailleurs en URSS
- Nicolas Werth, « La Russie d'Ivan le Terrible à Poutine », L'Histoire, n°344, juillet - août 2009, p. 27
- Stephen Wheatcroft, Robert W. Davies, The Years of Hunger: Soviet Agriculture, 1931-1933, Palgrave, 2004
Voir aussi
Bibliographie
- Lynne Viola, « La famine de 1932-1933 en Union soviétique », Vingtième siècle : revue d'histoire, n° 88 2005/4, p. 5-22. [PDF] [lire en ligne]
- Stephen Wheatcroft, Robert W. Davies, The Years of Hunger: Soviet Agriculture, 1931-1933, Palgrave, 2004.
Lien interne
Lien externe
- Nicolas Werth, « Les crimes de masse sous Staline : Les famines des années 1931-1933 », Mass Violence, avril 2008, [PDF], [lire en ligne].
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