- Guerre de Quatre-Vingts Ans
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La guerre de Quatre-Vingts Ans, aussi appelée révolte des Pays-Bas ou encore révolte des gueux, est le soulèvement armé mené de 1568 (bataille de Heiligerlee) à 1648 (traité de Westphalie) — sauf pendant une trêve de 12 ans de 1609 à 1621 — contre la monarchie espagnole par les provinces s'étendant aujourd'hui sur les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg et le nord de la France. Au terme de ce soulèvement, les sept provinces septentrionales gagnèrent leur indépendance sous le nom de Provinces-Unies, indépendance actée en 1581 par l'Acte de La Haye et reconnue par l’Espagne par un traité signé en 1648 en marge des traités de Westphalie.
Sommaire
Les origines
Au cours du règne de Charles V, les Pays-Bas voient disparaître quelques-unes de leurs libertés économiques. L'arrivée puis l'essor du protestantisme dans les Provinces provoquent l'intervention de l'Inquisition. Puis la violence et les abus des émissaires de la Couronne d'Espagne créent des tensions, non seulement avec les protestants persécutés, mais aussi avec les catholiques. De nombreuses armées espagnoles doivent occuper la région des décennies durant, suite aux conflits opposant les rois d'Espagne à l'Angleterre et la France.
Premiers affrontements (1555-1572)
Prémices du soulèvement des Pays-Bas (1555-1568)
En 1556, Charles Quint abdiqua en faveur de son fils Philippe II d'Espagne[1]. Malgré une politique ferme, ce premier avait tout au long de son règne été sensible aux évolutions sociales et religieuses des Pays-Bas. Il avait passé toute sa jeunesse aux Pays-Bas et parlait couramment néerlandais, français, espagnol, et un peu d'allemand[2]. Philippe, en revanche, avait grandi en Espagne et ne parlait ni le néerlandais, ni le français : sous son règne, la tension se crispa tant à propos de l'augmentation des impôts que des progrès du calvinisme et de la politique de centralisation croissante. Devant l'intransigeance du roi, ces tensions finirent par dégénérer en guerre d'indépendance.
L’opposition des nobles
En vue d'établir une administration stable et loyale à la couronne dans les Pays-Bas, Philippe invita plusieurs représentants de la haute noblesse néerlandaise à participer aux États généraux des Pays-Bas, l'assemblée qui gouvernait les dix-sept provinces du Nord. Il nomma le cardinal de Granvelle général des provinces. En outre, il confia la charge de gouverneur des Pays-Bas à sa demi-sœur, Marguerite de Parme, née à Audenarde et qui parlait la langue locale[1]. Pourtant, dès 1558, le parlement commença à s'opposer aux exigences de Philippe II, notamment en refusant de voter de nouveaux impôts et en exigeant le repli de la soldatesque espagnole. Des protestations ultérieures visaient notamment la politique du ministre Granvelle. Comme les pétitions de la noblesse au roi restaient sans réponse, quelques-uns des plus éminents seigneurs, dont le comte d'Egmont, le Comte de Hoorne et Guillaume d'Orange, démissionnèrent des États généraux des Pays-Bas jusqu'à ce que finalement Philippe II rappelle Granvelle en Espagne[1]. À la fin de 1564, les nobles, conscients des progrès de la foi réformée, exhortèrent Philippe II à assouplir sa politique confessionnelle pour éviter les émeutes. Philippe leur répondit qu'il répliquerait à la violence par la violence. C'est pourquoi Egmont, Philippe de Montmorency et Guillaume d'Orange démissionnèrent une seconde fois des États généraux des Pays-Bas, tandis que le marquis de Berghes et le comte de Meghem démissionnaient du stathoudérat[1]. Pendant ce temps, en dépit d'une oppression accrue, les manifestations des Protestants se multipliaient à travers le pays. En 1566, une délégation d'environ 400 membres de la noblesse présentèrent une pétition à Marguerite de Parme, à l'effet qu'elle mette un terme aux persécutions jusqu'à l'apaisement complet de la situation. Le comte Charles de Berlaymont qualifia cette pétition de requête de gueux (en néerlandais Geuzen), un nom que les Protestants devaient reprendre à leur compte en s'en vantant. Marguerite transmit la requête à Philippe II, afin qu'il statue en dernier ressort[1].
La Révolte iconoclaste (1566)
Dans un contexte de disette lié aux mauvaises récoltes de 1565 et à l'arrêt des échanges commerciaux en mer du Nord consécutif à la guerre nordique de Sept Ans, le prosélytisme des pasteurs calvinistes ne fit rien pour calmer le jeu. Au début du mois d'août 1566, la foule pilla l'église d'Hondschoote dans les Flandres occidentales[3]. Cet incident mineur devait donner le signal de la rébellion sur toute la côte et conduisit à des émeutes iconoclastes menées par les calvinistes, qui ravagèrent églises et édifices religieux pour manifester la désacralisation des statues et des images des saints catholiques par tous les Pays-Bas. Selon les calvinistes, en effet, ces statues ne valaient pas mieux que des idoles païennes[1]. On pense aujourd'hui que l'effectif des iconoclastes était relativement faible[4] et les raisons exactes de ces émeutes sont controversées[5] mais il est certain que les autorités locales firent peu d'effort pour réfréner le vandalisme. Les déprédations des iconoclastes divisèrent la noblesse, Guillaume d'Orange et d'autres gentilshommes les condamnant, tandis que d'autres comme Henri de Brederode les approuvaient. Ainsi, avant même d'avoir pu répondre à la pétition de la noblesse, Philippe II avait perdu le contrôle des turbulentes provinces du nord. Aussi ne vit-il pas d'autre moyen que d'y dépêcher une armée pour réprimer l'insurrection. Le 22 août 1567, Ferdinand Alvare de Tolède, troisième duc d'Albe, fit son entrée à Bruxelles à la tête d'une armée de 10 000 hommes[6].
Le duc d'Albe prit des mesures cruelles et institua bientôt un Conseil des troubles (le Raad van Beroerten, mot-à-mot « Conseil des factieux ») pour juger tous ceux qui s'étaient élevés contre la Couronne. Personne ne fut épargné, pas même les membres de la noblesse qui avaient simplement plaidé pour un assouplissement des lois. Ferdinand de Tolède se considérait comme un ministre plénipotentiaire de Philippe II aux Pays-Bas : passant fréquemment outre les avis de Marguerite de Parme, il se servit même d'elle pour tromper les aristocrates fugitifs, notamment le Comte d'Egmont et le Comte de Hoorne, provoquant la démission de Marguerite en septembre 1567[7]. Arrêtés et jugés pour haute trahison, Egmont et Horne furent décapités l'année suivante sur la Grand-Place de Bruxelles. Ces deux nobles, restés fidèles au roi d'Espagne jusqu'à la fin, furent exécutés parce que le duc d'Albe regardait leur tolérance vis-à-vis du protestantisme comme une trahison à la Couronne. Leur mort, ordonnée par un noble espagnol plutôt que par un tribunal local, déchaîna la xénophobie à travers les Pays-Bas. Il fallut exécuter plus d'un millier d'hommes dans les mois qui suivirent[2]. Le nombre de condamnations élevé valut aux tribunaux le surnom de « Tribunal du sang » aux Pays-Bas, et Ferdinand de Tolède fut surnommé le « duc de fer ». Ces mesures, au lieu de pacifier le pays, attisèrent la révolte.
Guillaume d'Orange
Article détaillé : Guillaume Ier d'Orange-Nassau.Guillaume d'Orange, stathouder des provinces de Hollande, Zélande et d' Utrecht, margrave d'Anvers était, de tous les pétitionnaires, le parlementaire le plus en vue des États généraux. À l'arrivée du duc d'Albe, pour éviter d'être arrêté comme Egmont et Horne, il s'enfuit du Duché de Bourgogne et gagna les terres de son beau-père (le Prince-électeur de Saxe). Le roi d'Espagne confisqua ses terres et le déchut de ses titres aux Pays-Bas.
En 1568, Guillaume d'Orange, dit le Taciturne, marcha à son tour vers les Pays-Bas pour relever de son commandement l'impopulaire duc d'Albe : il n'entendait pas se rebeller contre Philippe II, mais plutôt laisser au souverain une porte de sortie pour apaiser le pays et ainsi retrouver le rôle d'autorité impartiale. Ce point de vue s'exprime au travers de l'hymne national néerlandais, le Wilhelmus, dont le couplet final s'ouvre sur : « den koning van Hispanje heb ik altijd geëerd… » (« J'ai toujours honoré le roi d'Espagne… »). Dans les proclamations et les courriers qu'il adressait à ses alliés, Guillaume insistait régulièrement sur le droit des sujets à renoncer à leur serment de fidélité si le roi ne respectait pas lui-même leurs droits[8].
Guillaume d'Orange tenta d'encercler les Pays-Bas en ouvrant quatre fronts ; une armée menée par son frère pénétrait en Gueldre depuis l'Allemagne tandis que des Huguenots français attaquaient au sud. Bien que la bataille de Rheindalen près de Roermond, remportée par le duc de Parme, eût lieu dès le 23 avril 1568, on considère ordinairement que la guerre de Quatre-Vingts Ans éclate le 23 mai 1568, avec la bataille de Heiligerlee, qui fut une victoire des rebelles. Cette campagne de 1568 tourna court, Guillaume d'Orange manquant d'argent pour payer ses mercenaires, tandis que ses alliés étaient massacrés par le duc d'Albe.
Guillaume d'Orange s'enfuit à nouveau. Seul des Grands pouvant encore résister au duc d'Albe, il fut considéré désormais comme le chef des rebelles. Lorsque de nouvelles émeutes éclatèrent en 1572, il revint établir son quartier-général à Delft, en Hollande, parce que le fief familial d'Orange à Brède était toujours occupé par les Espagnols. Delft devait demeurer sa base d'opération jusqu'à son assassinat par Balthazar Gérard en 1584.
Reprise des hostilités (1572–1585)
L'Espagne, parce qu'elle devait entretenir des troupes sur plusieurs théâtres d'opérations, était en difficulté : la guerre navale qu'elle menait contre l'Empire ottoman en Méditerranée entamait sérieusement ses moyens financiers ce qui limitait son combat contre l'insurrection orangiste. Pourtant, comme on l'a dit, les Espagnols avaient pratiquement maté les rebelles en 1570. Mais en mars 1569, cherchant à auto-financer ses troupes, Ferdinand Alvare de Tolède introduisit un nouvel impôt, la Dîme, consistant à taxer de 10% tous les revenus du commerce, et épargnant les revenus fonciers. Ce décret fut repoussé par les États généraux, si bien qu'en 1571, le duc de Parme passa outre l'avis des représentants et leva l'impôt de son propre chef[9]. Cette mesure déchaîna l'opposition chez les catholiques tout autant que chez les protestants, apportant aux rebelles de nouveaux partisans, d'autant que des réfugiés se mirent à retourner vers cette époque en Hollande : le 1er mars 1572, en effet, la reine Élisabeth Ire, pour apaiser le roi d'Espagne, avait décrété l'expulsion de rebelles iconoclastes, appelés Gueux de la mer, des ports anglais où ils avaient trouvé refuge. Ces Gueux, commandés par Lumey, s'emparèrent alors contre toute attente du petit port de Brielle le 1er avril : or, par ce coup de main, les rebelles disposaient non seulement d'un port d'attache, mais encore d'une victoire symbolique dans le nord. Ce coup d'éclat remobilisa l'insurrection des protestants à travers tous les Pays-Bas[2].
Les plus grandes villes des provinces de Hollande et de Zélande rejoignirent le camp des rebelles. Parmi les principales exceptions, il faut relever Amsterdam et Middelbourg, qui restèrent loyales à la Couronne d'Espagne jusqu'en 1578. Guillaume d'Orange prit à nouveau la tête de l'insurrection : on le nomma Gouverneur-général et stathouder de Hollande, de Zélande, de Frise et d'Utrecht lors d'une assemblée tenue à Dordrecht en juillet 1572. Les représentants convinrent que le pouvoir serait partagé par Guillaume d'Orange et les États, c'est-à-dire les cours souveraines des différentes provinces[10].
Si la domination des rebelles dans les provinces du nord des Pays-Bas fit entrer la guerre dans une seconde phase, à l'issue décisive, elle divisa également profondément la population : une minorité de calvinistes militants appelait à poursuivre le combat contre le roi catholique Philippe II et désirait la conversion de toutes les provinces au calvinisme, tandis qu'une autre minorité, essentiellement catholique, restait fidèle au bailli des provinces (le landvoogd) et à son gouvernement. L'immense majorité de la population n'adhérait à aucun camp en particulier, mais souhaitait vivement le rétablissement des privilèges commerciaux et des libertés urbaines, ainsi que le rappel des mercenaires espagnols. Il fallait à Guillaume d'Orange, désormais chef unique, diriger les désirs de ces différentes factions vers un objectif commun. Au fil des mois, il dut céder de plus en plus aux partisans calvinistes, qui étaient les plus entreprenants et les plus actifs dans la lutte armée contre les occupants espagnols : il se convertit lui-même au calvinisme en 1573[11].
La pacification de Gand
Article détaillé : pacification de Gand.Incapable de contenir cette nouvelle rébellion, Fernand de Tolède remet sa démission. Il est remplacé en 1573 par Luis de Requesens, qui tente une politique de conciliation. Mais en 1575, la Couronne d'Espagne fait banqueroute, si bien que lorsque Requesens meurt au début de l'année suivante, sans être parvenu à un accord entre le roi et les rebelles orangistes, les mercenaires espagnols, qui ne sont plus payés, se mutinent et, pour faire du butin, mettent à sac la ville d'Anvers au mois de novembre 1576, faisant 8 000 morts. Cette « furie espagnole » marque un nouveau tournant dans la prise de conscience nationale des 17 provinces.
Les États conviennent alors d'un traité, la Pacification de Gand, par lequel les provinces pratiquent la tolérance religieuse et s'engagent à combattre les mutins espagnols. Pour la plupart des provinces catholiques, les pillages des mutins étaient le principal motif de rejoindre la rébellion, bien qu'elles restent formellement fidèles au roi Philippe II. Pour autant, les émeutes religieuses se poursuivent par endroit et l'Espagne, renflouée financièrement par les cargaisons de métaux précieux rapportées du Nouveau Monde, met sur pied une nouvelle armée confiée à Alexandre Farnèse, duc de Parme et de Piacenza[2].
L'Union de Bruxelles
Le traité de Gand, connu sous le nom de Pacification de Gand, est entériné à Bruxelles par un acte qui en précise les données d'application. Il s'agit d'harmoniser les différends entre protestants et catholiques afin d'unifier la lutte commune contre l'Espagne. Le traité est connu sous le nom d'Union de Bruxelles.
L’Union d’Arras et la Ligue d’Utrecht
Le 6 janvier 1579, quelques États des Pays-Bas méridionaux dont la Flandre romane, effrayés des accès de fanatisme des calvinistes de Hollande, souhaitent exprimer à nouveau leur fidélité à la Couronne et, à l'instigation du duc de Parme, signent l'Union d'Arras[12]. Cette union met un terme au protocole de la Pacification de Gand, qui laissait entrevoir une indépendance de l'ensemble des 17 provinces.
Pour faire pièce à l'Union d'Arras, le 23 janvier 1579, Guillaume d'Orange fédère les États de Hollande, Zélande, d'Utrecht, de Gueldre, de Flandre, de Brabant, de Limbourg et la province de Groningue au sein de l'Union d'Utrecht. De grandes villes du sud comme Bruges, Gand, Bruxelles, Anvers, Tournai et Valenciennes les rejoignent. Ainsi, les 17 provinces sont maintenant divisées en un camp loyal au roi d'Espagne, et un camp d'insurgés.
Le décret de déchéance
En cette fin de XVIe siècle, il n'est pas concevable qu'un pays puisse être gouverné autrement que par une aristocratie, pour ne pas dire par un roi : aussi les États généraux cherchent-ils d'abord un successeur plausible au roi Philippe. La reine protestante d'Angleterre, Élisabeth Ire, fait un protecteur tout désigné. Mais Élisabeth, qui ne souhaite pas provoquer Philippe II plus que de mesure, repousse la proposition. Les États généraux jettent alors leur dévolu sur le frère cadet du roi de France, François, duc d'Anjou. Anjou accepte à la seule condition que les Pays-Bas proclament officiellement la déchéance de Philippe II en tant que souverain du pays. En 1581, un décret de déchéance est voté (acte de La Haye) : les Provinces y proclament que le roi d'Espagne, n'ayant pas assumé ses devoirs de monarque vis-à-vis du peuple des Pays-Bas, ne sera plus dorénavant considéré comme souverain de la province. Cependant, la population se défie énormément du duc d'Anjou et les limitations constitutionnelles que les États lui imposent finissent par agacer François d'Anjou. Celui-ci, après quelques tentatives pour contraindre militairement les cités insoumises (dont Anvers), quitte les Pays-Bas en 1583.
On propose derechef la souveraineté sur le pays à la reine Élisabeth, mais elle refuse de nouveau. Tous les recours pour fonder une monarchie constitutionnelle ayant été épuisés, les corps constitués des États généraux se résolvent à proclamer la République.
La chute d'Anvers
Dès la promulgation du Décret de déchéance, l'Espagne dépêche un nouveau corps expéditionnaire pour reprendre en main les Provinces-Unies. Dans les années qui suivent, le duc de Parme reconquiert la plus grande partie des Flandres et du Brabant, ainsi que de larges portions des provinces du nord-est (Liège et Limbourg) : la religion catholique est rétablie dans la plupart de ces provinces. En 1585, c'est au tour de la cité d'Anvers (la plus grande ville des Pays-Bas à l'époque) de tomber aux mains du duc, et la moitié des bourgeois quittent la ville pour gagner les provinces du nord (voir siège d'Anvers). De 1560 à 1590, la population d'Anvers tombe de 100 000 à 42 000 habitants[13].
Guillaume d'Orange, qui avait été mis au ban par Philippe II en mars 1580[14], est assassiné par un royaliste le 10 juillet 1584. Son fils Maurice de Nassau, prince d'Orange, prend alors la tête de l'insurrection.
Les Pays-Bas sont à présent coupés entre les provinces du nord, sécessionnistes et républicaines, et les provinces méridionales qui sont administrées par le roi d'Espagne. Du fait que le gouvernement soit assuré presque sans interruption par des sécessionnistes calvinistes, l'essentiel de la population des provinces du nord se convertit au Protestantisme en quelques décennies. Le Sud, sous gouvernement espagnol, devient quant à lui un bastion catholique: presque tous les protestants doivent fuir vers le nord. L'Espagne maintient une armée importante, dans l'éventualité d'une intervention des huguenots français.
Sécession des provinces du Nord (1585–1609)
Dans la guerre à laquelle elles allaient devoir faire face, les Provinces-Unies cherchèrent de l'aide auprès des royaumes d'Angleterre et de France.
Alors que l'Angleterre s'était bornée depuis plusieurs années à un soutien officieux des rebelles hollandais, la reine Élisabeth décida désormais d'aider ouvertement la nouvelle république. En 1585, ayant officialisé son appui militaire par le traité de Sans-Pareil, Élisabeth Ire dépêcha le comte de Leicester comme gouverneur délégué, à la tête d'un corps expéditionnaire de 5 000 à 6 000 hommes dont 1 000 cavaliers. Mais le comte de Leicester, outre qu'il s'avéra un piètre stratège, ne saisit pas toute la subtilité des accords commerciaux que les rebelles, en dépit du conflit, conservaient avec l'Espagne. En outre, Leicester prit sans nuance parti pour les seuls Calvinistes, s'aliénant la confiance des catholiques et des modérés. Arguant de la sécurité du pays, il se heurta aussi aux États des provinces en imposant son propre gouvernement d'exception dans les villes de la côte. C'est ainsi qu'un an seulement après son arrivée dans le pays, il s'était mis toute la population à dos. Leicester dut repartir pour l'Angleterre, si bien que les États généraux des Pays-Bas, en quête d'un chef militaire, durent en 1587 se rabattre sur Maurice de Nassau (le fils de Guillaume le Taciturne), un jeune homme de 20 ans qu'elles nommèrent stathouder.
Les contours actuels des Pays-Bas sont pour l'essentiel ceux issus des guerres menées par Maurice de Nassau. Les succès hollandais sont pour partie redevables à l'action de ce général, et pour partie à l'énorme tribut que l'Espagne dut verser pour reconstituer une flotte de guerre après la désastreuse équipée de l'Invincible Armada et résister à la vigoureuse contre-attaque anglaise menée par Francis Drake. En 1595, lorsqu'Henri IV, nouveau roi de France, déclara la guerre à l'Espagne, le gouvernement espagnol dut une seconde fois se déclarer en faillite[15].
Écrasé militairement et financièrement, Philippe II dut se résoudre en 1598 à signer la paix de Vervins avec la France, par laquelle entre autres il acceptait de céder les Pays-Bas en dot à sa fille Isabelle, son neveu et beau-fils l'archiduc d'Autriche devenant le nouveau suzerain des Pays-Bas. Pendant ce temps, Maurice d'Orange-Nassau faisait tomber l'une après l'autre les places-fortes espagnoles: après s'être emparé de Bergen op Zoom (1588), Maurice conquit Breda (1590), Zutphen, Deventer, Delfzijl et Nimègue (1591), Steenwijk et Coevorden (1592), Geertruidenberg (1593), Groningue (1594), Grol, Enschede, Ootmarsum et Oldenzaal (1597), puis enfin Grave (1602)[16]. Comme tous ces combats ou sièges eurent lieu aux marches des provinces rebelles, la Hollande, pratiquement épargnée par le conflit, fut le berceau de ce qu'on appelle aujourd'hui le Siècle d'or néerlandais.
Pour autant, il était tout aussi clair que les Espagnols tenaient maintenant les provinces du sud bien en main militairement, à ceci près que la mainmise des Provinces-Unies sur la Zélande permettait à tout moment à la jeune république d'établir un blocus depuis l'estuaire de l'Escaut, artère maritime vitale de l'immense port d'Anvers. Plus au nord, le port concurrent d'Amsterdam allait graduellement s'enrichir du blocus d'Anvers, au point que l'oligarchie commerçante de Hollande commença à se demander sérieusement si la conquête des provinces du sud valait vraiment la peine. Contre l'avis de Maurice de Nassau, on vota finalement le lancement d'une campagne militaire contre les ports de la côte sud en 1600. Cette campagne, bien que présentée par les Hollandais comme une guerre de libération des provinces méridionales, visait en fait à mettre un terme aux assauts des convois marchands par les corsaires dunkerquois stipendiés par les Espagnols. Les Espagnols, conscients du danger, renforcèrent leurs positions le long de la côte, et c'est dans ce contexte qu'éclata la bataille de Nieuport.
Malgré la défaite éclatante et inattendue que l'armée des Provinces-Unies infligea alors en bataille rangée à l'armée royale espagnole, Maurice décida d'interrompre sa marche vers Dunkerque et, invaincu, fit retraite vers les provinces du nord. Maurice ne pardonna jamais aux régents, menés par le grand-pensionnaire van Oldenbarnevelt, de l'avoir chargé de cette mission.
La sécession des Pays-Bas en deux groupes de provinces était à présent consommée. N'ayant pu mettre un terme par voie de terre à la menace dunkerquoise, les États décidèrent de développer une puissante marine de guerre pour protéger leurs convois commerciaux, qui s'étaient multipliés depuis la création de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales en 1602. Les flottes de guerre néerlandaises devaient au fil des décennies s'avérer une force militaire formidable : leur action sonna le glas de l'empire colonial espagnol outre-mer.
La Trêve de Douze Ans (1609–1621)
Article détaillé : Trêve de douze ans.L'année 1609 fut marquée par la signature à Anvers d'un cessez-le-feu entre les Provinces-Unies et les Pays-Bas espagnols, appelé par la suite la Trêve de douze ans, grâce à la médiation de la France et de l'Angleterre. C'est au cours de cette trêve que les Provinces-Unies mirent sur pied leur grande flotte de guerre, qui devait jouer un rôle si important pour la suite du conflit.
Mais au cours de cette trêve, deux factions s'élevèrent au sein de la république, factions divisées tant par la politique que par la religion. D'un côté, les Remonstrants ou Arminiens, avec pour champions le grand-pensionnaire Johan van Oldenbarnevelt et Hugo Grotius[17], étaient de grands bourgeois républicains ouverts à une interprétation de la Bible moins littérale que les Calvinistes de stricte obédience. Leurs adversaires étaient les intégristes Gomaristes, partisans d'une théocratie à la Calvin qui avaient ouvertement fait allégeance au stathouder Maurice de Nassau en 1610[18]. En 1617, l'opposition entre ces deux partis tourna à la guerre civile avec le vote d'un « choix tranché » (en néerlandais Scherpe Resolutie) par lequel les villes étaient autorisées à réprimer l'activisme des Gomaristes. Le stathouder Maurice accusa lors du Synode de Dordrecht le grand-pensionnaire van Oldenbarnevelt de haute trahison, le fit arrêter et exécuter en 1619. Hugo Grotius s'enfuit de la forteresse de Loevestein où il était détenu en attente de son jugement et quitta le pays[17].
Derniers épisodes (1621–1648)
Reprise des hostilités
Tout au long de la trêve, les pourparlers en vue d'une paix définitive s'étaient poursuivis, mais deux points de divergence persistaient: tout d'abord, les négociateurs espagnols exigeaient la liberté de culte pour les catholiques des Provinces-Unies, mais refusaient de reconnaître cette liberté aux protestants dans les Pays-Bas espagnols ; ensuite, le conflit autour des routes de commerce vers les colonies (celles d'Extrême-Orient et d'Amérique notamment) ne fit que s'amplifier. Les Espagnols entreprirent enfin une ultime campagne militaire pour faire tomber les Provinces du nord, ce pendant que les Hollandais déployèrent leur flotte de guerre pour s'ouvrir la route des comptoirs d'outre-mer au détriment du commerce espagnol. C'était le début d'une nouvelle guerre, qui s'ajoutait aux horreurs de la guerre de Trente Ans.
L'assaut espagnol sur la forteresse-clef de Bergen op Zoom est repoussé en 1622, mais en 1625, le stathouder Maurice trouve la mort au cours du siège de Breda. Le général espagnol Ambrogio Spinola obtient la reddition de la ville peu après : cet épisode fut immortalisé par le peintre Velázquez dans son célèbre tableau intitulé « Las Lanzas » (ci-contre). Pourtant, après cette victoire, le vent tourne définitivement en faveur de la république néerlandaise. Frédéric-Henri, demi-frère du stathouder Maurice, reprend le flambeau à la tête de l'armée républicaine et s'empare de la forteresse stratégique de Bois-le-Duc en 1629 : cette ville, alors la plus importante du nord-Brabant, était jugée imprenable, et la désillusion des Espagnols fut profonde.
Puis en 1632, c'est la chute des places de Venlo, Roermond et Maestricht au cours de la célèbre "Marche de la Meuse", une manœuvre d'étau qui prépare la conquête des cités flamandes. Au cours des années suivantes, les républicains ne parviennent toutefois pas à s'emparer d'Anvers et de Bruxelles ; d'ailleurs, d'une manière générale, les généraux hollandais sont déçus du manque d'enthousiasme de la population flamande à leur égard. Cette attitude s'explique par le pillage de Tirlemont et le fait que la nouvelle génération des Flandres et de Brabant, qui a grandi dans une société profondément remodelée par la Contre-Réforme, se défie bien davantage de la religion réformée que des forces d'occupation espagnoles.
Opérations outre-mer
La guerre, survenant à une période où les puissances européennes s'efforcent de développer leur commerce outre-mer, gagne bientôt les colonies elles-mêmes : la lutte pour la maîtrise des comptoirs se traduit par des affrontements sur des théâtres d'opération aussi éloignés que Macao, les Indes orientales, Ceylan, Formose, les Philippines, le Brésil, etc. Le plus important de ces conflits est la guerre batavo-portugaise. Les Hollandais se forgent un réseau commercial à travers le globe, exploitant leur suprématie navale avec profit. Des actionnaires investissent dans une Compagnie néerlandaise des Indes orientales chargée d'exploiter les comptoirs de l'océan Indien, tandis qu'une Compagnie néerlandaise des Indes occidentales dispose d'un monopole pour le commerce atlantique.
En ce qui concerne les colonies américaines, les États généraux des Pays-Bas se bornent le plus souvent à rémunérer des corsaires dans les Antilles pour piller les convois espagnols et remplir les coffres de la République. La prise la plus importante est celle d'une partie de la Flotte des Indes par le corsaire Piet Hein en 1628, qui permet au stathouder Frédéric-Henri de financer le siège de Bois-le-Duc tandis qu'il prive les troupes espagnoles d'une partie de leur solde. Les Hollandais tentent aussi quelques coups de main sur des colonies existantes, et quelques comptoirs sont créés le long des côtes du Venezuela, dans le golfe du Maine et le long des côtes d'Afrique (notamment Madagascar), mais leur existence est généralement éphémère[19]. Dans l'océan Indien, en revanche, les entreprises coloniales aboutissent à la mainmise sur de nombreux comptoirs lucratifs, facteur décisif dans l'émergence du Siècle d'or néerlandais[20].
Vers la paix
En 1639, l'Espagne dépêche une escadre vers les Flandres, transportant 20 000 hommes afin d'appuyer une campagne à grande échelle contre les « rebelles » ; mais cette armada est détruite lors de la Bataille des Downs par le contre-amiral Maarten Tromp, une victoire dont la portée dépasse la guerre de quatre-vingts ans elle-même, dans la mesure où les historiens considèrent généralement qu'elle marque la fin de la suprématie espagnole sur les mers.
L'alliance des Provinces-Unies avec la France, si elle a changé le rapport de forces, change aussi l'enjeu du conflit. S'il est vrai que la république ne pouvait plus espérer reconquérir les provinces de Flandre et du Brabant seule, une victoire combinée avec l'aide française implique évidemment un partage à terme des territoires entre les deux vainqueurs, avec une France menaçante aux frontières des Pays-Bas. En outre, cela implique que le blocus d'Anvers prendra fin, le port flamand redevenant un concurrent efficace d'Amsterdam. Au plan confessionnel, la tournure prise par la guerre de Trente Ans montre que les nations protestantes ne sont plus menacées en tant que telles. Ces considérations décident les belligérants à mettre un terme au conflit[21].
Épilogue : les Traités de Westphalie
Article détaillé : Traités de Westphalie.Le 30 janvier 1648, le conflit prend fin avec la signature du traité de Münster entre l'Espagne et les Provinces-Unies. À Münster, le 15 mai 1648, les représentants des belligérants échangent les exemplaires ratifiés du traité, qui n'est que l'un des multiples accords aboutissant à la paix de Westphalie, laquelle conclut la guerre de Trente Ans.
Le traité sanctionne le nouvel équilibre géopolitique des puissances en Europe. Concrètement, la république des Provinces-Unies, dont l'existence n'était alors que juridique, est reconnue comme un État indépendant et comprend les territoires conquis en 1648[22]. Cette nouvelle république comporte sept provinces : la Hollande, la Zélande, Utrecht, la Gueldre, Overijssel, la Frise, et Groningue. Chaque province est administrée par un parlement, « les États », et par un chef militaire, le stathouder. Au plan constitutionnel, le stathouder est élu et est subordonné aux États généraux des Pays-Bas. Mais en pratique, c'est dans la Maison d'Orange-Nassau (dynastie fondée par Guillaume le Taciturne), que se recrutent de facto les stathouders des provinces de Hollande et de Zélande ; les autres provinces se rangeaient fréquemment à ce choix elles aussi. Une lutte constante pour le pouvoir, dont les contours se dessinaient déjà pendant la Trêve de Douze Ans, se poursuit désormais entre les orangistes, partisans d'une république militaire dirigée par un « stathouder général », et les républicains préférant le gouvernement du Grand-pensionnaire.
Les provinces périphériques occupées à la fin des hostilités par les Républicains, à savoir des portions des Flandres, du Brabant et du Limbourg, seront gouvernées directement par la Fédération, c'est-à-dire les États généraux des Pays-Bas. Ces nouvelles provinces, les Pays de la Généralité (Generaliteitslanden), comprenaient les États de Brabant (auj. Brabant-Septentrional), les États de Flandre (auj. Flandre zélandaise) et les États de Limbourg (auj. district de Maastricht).
Pour la jeune république, la paix devait n'être que de courte durée : seulement quatre ans après les Traités de Westphalie, en 1652, elle entra en guerre avec le Commonwealth de l'Angleterre (Première Guerre anglo-néerlandaise).
Conséquences
La révolution militaire
La guerre de Quatre-Vingts Ans s'était ouverte sur des affrontements de bandes mercenaires, comme cela était courant au XVIe siècle. Pour les deux belligérants, si les résultats militaires étaient peu concluants, le coût était élevé. Dans la mesure où le conflit trouvait son origine, non dans des revendications territoriales, mais dans des aspirations populaires (la liberté confessionnelle et le montant des impôts), il impliqua très vite, non plus seulement des hommes de guerre, mais des civils à tous les échelons de la société. Telle est sans doute l'origine de la décision (a posteriori heureuse) des rebelles de ne défendre que leurs villes.
L'implication de civils de toute condition dans le conflit déboucha sur la formation, aux côtés de l'armée de mercenaires de Guillaume le Taciturne, d'une milice nationale plus ou moins informelle à ses débuts. Parmi ces civils se trouvaient les Gueux, qui menèrent une guerilla sans merci contre les intérêts espagnols sur le territoire des provinces. Les Gueux fournirent en particulier de nombreux contingents de marins au service des Provinces-Unies.
Il n'y eut que peu de batailles rangées : le conflit fut pour l'essentiel une guerre de sièges, caractérisée par l'emploi de troupes peu nombreuses mais professionnelles, spécialisées et onéreuses. Les Hollandais avaient fortifié toutes leurs grandes villes et un certain nombre de villes de moyenne importance, selon les doctrines militaires du temps. Certains sièges furent interrompus brutalement, l'armée assiégeante étant menacée d'être attaquée sur ses arrières. Isolées par des marécages et les grands fleuves, les provinces septentrionales parvinrent à se défendre. En revanche, Anvers et Bruxelles durent se convertir et restèrent à l'Espagne.
Dans les dernières phases du conflit, Maurice de Naussau met sur pied une armée de métier, rémunérée même en temps de paix : les soldats sont entraînés à s'apporter un appui mutuel en toute circonstance, les officiers reçoivent un enseignement de haut niveau au sein de l'Académie militaire de Leyde et les troupes sont capables d'exécuter des manœuvres complexes. Ces innovations constituent un moment important de la Révolution militaire. Elles assurent en outre au stathouder la fidélité des troupes.
Une autre caractéristique du conflit est que fort peu de villes qui se sont rendues sans combattre sont pillées par la suite.
Conséquences pour les Pays-Bas
Par la Pragmatique Sanction, Charles Quint avait fait des dix-sept provinces des Pays-Bas une entité territoriale entièrement distincte de la France, de la Bourgogne, ou du Saint Empire romain. Les Pays-Bas étaient alors l'une des plus riches régions d'Europe, et un foyer majeur pour le commerce, la finance et les arts. La guerre de Quatre-vingts Ans coupa cette entité en deux régions : la république des Provinces-Unies qui se développa comme une puissance maritime (cf. Siècle d'or néerlandais), et les Pays-Bas espagnols (qui recouvraient à peu de chose près la Belgique actuelle) dont le destin fut pour deux siècles partagé entre la France et l'Espagne.
Politiquement, un État de type nouveau était apparu, gouverné au plan civil par un parlement fédéral (les États Généraux), mais où un reliquat de pouvoir aristocratique (le stathoudérat) était maintenu aux affaires militaires, et assumé par une dynastie (la Maison d'Orange-Nassau). Ce partage des pouvoirs était censé éviter les altercations entre bourgeois et nobles, comme cela eut lieu au cours de la Première révolution anglaise, mais elles se développèrent malgré tout sur le long terme, menant finalement à la fin des Provinces-Unies et à la naissance de la République batave à la fin du XVIIIe siècle.
Conséquences pour la couronne d’Espagne
La colonisation de vastes territoires aux Amériques avait fait de l'Espagne la première puissance européenne à la fin du XVIe siècle. Cette position l'entraîna dans des conflits d'influence incessants avec la France et l'Angleterre émergente. Les monarques d'Espagne, notamment Charles Quint et Philippe II, étaient profondément catholiques, et se concevaient comme les protecteurs de la vraie foi contre l'islam en mer Méditerranée et les hérésies protestantes en Europe du Nord.
Cela impliquait que le royaume était presque perpétuellement en guerre[23]. De toutes les guerres qu'il eut à mener, cependant, la guerre de Quatre-Vingts Ans fut la plus longue, la plus éprouvante pour les finances de la couronne, enfin la plus douloureuse pour les Espagnols eux-mêmes, avec des soldats partis à jamais, des impôts toujours plus lourds et des victoires sans lendemain. La Couronne dut se déclarer à deux reprises en faillite.
La perte du Portugal en 1640 et la paix de Westphalie en 1648, sont les premiers signes du déclin de l'influence espagnole en Europe.
Conséquences sur la conscience politique européenne
Le soulèvement des Pays-Bas contre leur souverain, dont la manifestation la plus symbolique fut le décret de déchéance (1581), témoigne que désormais un roi peut être déposé par ses sujets pour peu qu'il n'assume pas les devoirs dont Dieu l'a investi envers ses sujets. Cette vision politique fut alimentée par la foi calviniste, fondée sur les connaissances approfondies de l'Ancien Testament portant notamment sur le pouvoir limité des rois hébreux. Le précédent néerlandais bouleverse la notion de droit divin, et réhabilite le statut de république. La reconnaissance d'un État non monarchique en 1648 ayant fait l'unanimité en Europe, devait à terme miner l'autorité divine des rois. Ainsi peut-on voir dans l'épisode néerlandais un signe avant-coureur de la Première révolution anglaise (1642-1651) et au-delà, de la Révolution française (1789-1799), à l'issue desquelles des rois sont déposés par leurs propres sujets.
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Dutch Revolt » (voir la liste des auteurs)
- (en) Pieter Geyl, History of the Dutch-Speaking peoples 1555-1648, Londres, Phoenix Press, 2001 (réimpr. 1ère éd. comprenant les 2 vol. de 1932 et 1936)) (ISBN 1-84212-225-8)
- (en) Henry Kamen, Spain, 1469–1714: a society of conflict, Harlow, Royaume-Uni, Pearson Education, 2005 (réimpr. 3e) (ISBN 0-582-78464-6) [présentation en ligne]
- (nl) Han van der Horst, Nederland, de vaderlandse geschiedenis van de prehistorie tot nu, Londres, Bert Bakker, 2000 (réimpr. 3e éd.) (ISBN 90-351-2722-6), p. 133
- « il y eut rarement plus de 200 émeutiers » même dans les provinces du Nord, où une foule importante assistait aux déprédations (p. 25). Dans le cas des provinces du sud, il évoque de petits groupes bien organisés se déplaçant à travers le pays. Limm (1989) observe qu’
- Cf. Spaans (1999), p. 152 et suiv., où cette historienne indique que l'iconoclasme fut instrumentalisé par l'aristocratie locale pour des raisons politiques (J. Spaans, Catholicism and Resistance to the Reformation in the Northern Netherlands, in Ph. Benedict et al., Reformation, Revolt and Civil War in France and the Netherlands, 1555-1585 (Amsterdam 1999), p. 149-163).
- (nl) Han van der Horst, Nederland, de vaderlandse geschiedenis van de prehistorie tot nu, Londres, Bert Bakker, 2000 (réimpr. 3e éd.) (ISBN 90-351-2722-6), p. 134
- (en) Peter Limm, The Dutch Revolt, 1559-1648, Londres, Longman, 1989 (réimpr. 1ère éd.), p. 30
- Limm 1989, p. 32.
- Limm 1989, p. 34-35.
- Limm 1989, p. 40
- Limm 1989, p. 40.
- en hollandais « Atrecht »
- Cf. G. Marnef, "The towns and the revolt", in: G. Darby, The Origins and Development of the Dutch Revolt (Londres - New York 2001) p. 84-106, notamment p. 85 et p. 103.
- Cf. Limm (1989), p. 53 et 55.
- L'Espagne parvint toutefois à reprendre au fil des années le contrôle des mers, multiplia ses importations d'or et d'argent depuis l'Amérique, ce qui lui permit pour quelques décennies encore de limiter l'expansion de l'Angleterre et de la France.
- (nl) Jan Blokker, Que reste-t-il de la guerre de Quatre-Vingts Ans? [« Waar is de Tachtigjarige Oorlog gebleven? »], De Harmonie, 2005 (réimpr. 1ère), paperback, 200 p. (ISBN 90-6169-741-7) [présentation en ligne]
- The Life and Death of John of Barneveld » sur Projet Gutenberg, 1874 John L. Motley, «
- (en) J. I. Israel, The Dutch Republic - Its Rise, Greatness, and Fall 1477-1806, Oxford University Press, 1998 (réimpr. 2nde (1ère éd. 1995)), paperback, 431 p. (ISBN 0-19-820734-4)
- (nl) Henk J. den Heijer, De geschiedenis van de West-Indische Compagnie, Zutphen, Pays-Bas, Walburg Pers, 2002 (réimpr. 2nde) (ISBN 90-6011-912-6) [présentation en ligne]
- (nl) Femme S. Gaastra, De geschiedenis van de VOC, Zutphen, Pays-Bas, Walburg Pers, 1991 (réimpr. 2nde) (ISBN 90-6011-929-0) [présentation en ligne]
- (nl) J.C.H. Blom, Histoire des Pays-Bas [« Geschiedenis van de Nederlanden »], Rijswijk, Pays-Bas, Nijgh en Van Ditmar Universitair, 1993 (réimpr. 2nde) (ISBN 90-237-1164-5) [présentation en ligne]
- (en) Andreas Osiander, « Sovereignty, International Relations, and the Westphalian Myth », dans International Organization, vol. 55, no 2, 2001, p. 251–287
- Kennedy, Naissance et déclin des grandes puissances, Payot & Rivages, coll. « Petite bibliothèque Payot », 1989, 730 p. (ISBN 2-228-88401-4), « Les tentatives hégémoniques des Habsbourg » Cf.
Voir aussi
Bibliographie
- Alain Lottin, « La révolte de Gueux », Les Échos du Pas-de-Calais, 2007
- Alain Lottin, Les « casseurs » de l'été 1566 : l'iconoclasme dans le nord, Paris, Hachette, 1981.
- Peter Limm, The Dutch Revolt, 1559-1648, Londres, Longman, 1989
Articles connexes
- Chronologie de la guerre de Quatre-Vingts Ans
- Chansons de gueux
- Gueux de la mer
- Histoire de l'Espagne : le Siècle d'or espagnol
- Pays-Bas espagnols
- Provinces-Unies
- Traités de Westphalie
- Révolte des gueux
Lien externe
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