- Pacification de Gand
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La pacification de Gand, conclue le 8 novembre 1576, est une alliance entre les Dix-Sept Provinces des Pays-Bas espagnols dans le but de faire cesser les exactions des troupes espagnoles mutinées ainsi que mettre un terme à la guerre civile entre les provinces restées loyales à la couronne d’Espagne et les provinces rebelles de Hollande et de Zélande.
Sommaire
Contexte
Article principal : révolte des gueux.En 1567 le roi Philippe II d'Espagne, le suzerain des Pays-Bas espagnols, nomme le duc d’Albe Ferdinand Alvare de Tolède gouverneur général des Pays-Bas et l’envoie accompagné de mercenaires espagnols restaurer l’ordre après les soulèvements politiques de 1566 dont le point culminant a été la crise iconoclaste. Le duc d’Albe remplace sans délai les principaux conseillers de l’ancienne régente Marguerite de Parme en les exécutant, tels les comtes d’Egmont et de Horn, ou en les exilant tels Guillaume Ier d'Orange-Nassau qui rejoint la rébellion. Le duc d'Aerschot, Philippe de Croÿ, reste cependant en grâces en tant que meneur de la faction royaliste.
Le duc d’Albe n’éprouve aucun mal à repousser les faibles incursions militaires rebelles menées par le prince d’Orange. Cependant, le maintien d’une importante présence militaire impose un lourd fardeau sur les finances royales, d’autant que l’Espagne est engagée au même moment dans de dispendieuses offensives contre le sultan ottoman et en Italie. Les tentatives d’Albe de financer ces dépenses en levant de nouveaux impôts amènent certains sujets autrefois loyaux à prendre leurs distances avec la cause royaliste. En 1572, une incursion de corsaires porteurs d’une lettre de marque de Guillaume d’Orange (connus sous le nom de « gueux de la mer ») en Hollande et Zélande rencontre un succès inattendu. Orange est à même de prendre le contrôle de ces deux provinces, avec le titre de stathouder, le titre traditionnel du représentant du roi d’Espagne, et les amène à se révolter ouvertement contre le gouvernement siégeant à Bruxelles. C’est le début d’une guerre déclarée entre les provinces de Hollande et de Zélande et les quinze provinces loyalistes.
La guerre civile est pour l'essentiel menée par des troupes mercenaires d’un côté comme de l’autre, et les tercios espagnols jouent dans le camp royaliste un rôle prépondérant. À cause de l’état de délabrement des finances royalistes, les mercenaires espagnols restent souvent sans solde. En conséquence, les mutineries sont fréquentes, en particulier après les victoires obtenues sur les rebelles orangistes, et les villes avoisinantes sont alors fréquemment mises à sac. Cela porte à son comble les dissensions avec le gouvernement de Bruxelles à l’été 1576.
La pacification
Dans le même temps, le duc d’Albe est remplacé par Luis de Zúñiga y Requesens en tant que gouverneur général en 1573. Requesens n’est pas plus heureux dans sa lutte contre les rebelles que son prédécesseur. En mauvaise santé, il meurt en mars 1576, à 48 ans. Cela entraîne une vacance du pouvoir dans le gouvernement à Bruxelles, les difficultés de communications avec Madrid empêchant un prompt remplacement. Philippe II nomme son frère cadet Don Juan d'Autriche gouverneur général, mais il faut à ce dernier plusieurs mois pour être à pied d’œuvre.
Dans l’intervalle, à Bruxelles, le duc d’Aerschot s’engouffre dans la brèche. Il a déjà par le passé entrepris des pourparlers de paix restés sans lendemain avec son ancien collègue du Raad van State (Conseil d’État), le prince d’Orange. Quand les troupes espagnoles se mutinent en raison du défaut de versement de leur solde, et pillent les villes de Zierikzee et Alost, les états généraux des Dix-Sept Provinces sont immédiatement convoqués par les états du Brabant et de Hainaut le 8 septembre 1576 pour traiter avec les troupes mutinées. La Hollande et la Zélande, en tant que provinces rebelles, ne sont pas conviées. Aerschot est nommé par les états généraux, usurpant les prérogatives royales, à la tête du Conseil d’État ; cette nomination fait du duc d’Aerschot, de facto, le gouverneur général. Cette initiative est la contrepartie des événements comparables de Hollande et de Zélande où l’autorité royale avait de la même façon été usurpée par les rebelles protestants, prétendant agir « au nom du roi[1] ».
Les états généraux font appel à un précédent pour justifier leur prise de décision. Ils ont en effet agi de manière similaire après les morts de Charles le Téméraire en 1477 et de Philippe le Beau en 1506. Les états généraux autorisent les autorités provinciales à lever des troupes pour se défendre de la maraude des mercenaires étrangers (et tout particulièrement espagnols)[2].
Au-delà de ces mesures pour rétablir l’ordre, les états généraux entreprennent un programme d’innovation institutionnelle. Afin de faciliter sa gouvernance en session permanente (les états généraux n'avaient jamais été jusque-là réunis plus de quelques semaines) ils mettent sur pied une présidence tournante. Le président, issu de l’une des délégations provinciales, assisté par un ou deux pensionnaires, préside les débats pour une semaine. Ce système sera repris par les Provinces-Unies (1581-1795). Les pensionnaires deviennent alors le comité exécutif des états généraux[3].
Le premier ordre du jour est de conclure la paix avec les provinces révoltées, pour présenter un front uni contre les mercenaires mutinés qui ravagent les Pays-Bas. Loyalistes et rebelles étaient unis dans la détestation des ces maraudeurs, même s’ils avaient peu d’autres intérêts en commun. Les états généraux nommèrent en conséquence un comité chargé de négocier avec le prince d’Orange et les provinces de Hollande et de Zélande. Comme les troupes du prince avaient déjà investi la province de Flandre, où la ville de Gand leur avait réservé bon accueil, il est décidé que les négociations se tiendront dans cette ville[4].
Les délégués se rencontrent la première semaine d’octobre 1576. Les rebelles sont représentés par Paulus Buys (nl), grand-pensionnaire de Hollande, et Philippe de Marnix de Sainte-Aldegonde ; les états généraux par Elbertus Leoninus (nl), professeur à l’université de Louvain, entre autres. Ces négociateurs se sont déjà rencontrés au cours des négociations avortées à Bréda l’année précédente, et savent donc quels sont les points d’achoppement susceptibles d’empêcher de parvenir à la conclusion d'un accord. Ils savent aussi qu’il s’agit d’aller vite, l’arrivée de Don Juan d’Autriche étant imminente — on l’attend au Luxembourg au début de novembre : il apparaît plus facile de parvenir à un accord si le parti royaliste n’est pas soumis à son contrôle[4].
Les délégués trouvent un accord le 30 octobre, moins de trois semaines après l’ouverture des négociations. Sa ratification par les états généraux le 8 novembre 1576 est sans doute accélérée par le sac d’Anvers par les mercenaires espagnols mutinés, le 4 novembre, qui achève de convaincre les indécis.
Le préambule du traité présente le précédent gouvernement espagnol à Bruxelles comme responsable de la guerre. Les provinces des Pays-Bas sont invitées à bouter ensemble les Espagnols et leurs soutiens hors des limites des Dix-Sept Provinces ainsi qu’à « restaurer les citoyens dans leurs droits, privilèges et libertés et dans leur ancienne prospérité[5]. »
L’article 1 dispose une amnistie générale pour les actes commis de part et d’autre après le déclenchement des troubles en 1568. L’article 3 dispose qu’« une fois les Espagnols chassés » les états généraux rendraient le pays au roi, trancheraient la question religieuse (qui était l’une des principales causes de dissension) et rendraient toutes les places militaires prises par les rebelles à l’autorité du roi. En attendant (article 5), tous les placards[6] du duc d’Albe visant la suppression de l’hérésie sont révoqués, personne ne pouvant plus être puni pour offense religieuse avant que les états généraux ne tranchent la question religieuse. Hors de la Hollande et de la Zélande aucune action dirigée contre la religion catholique n’est autorisée (article 4). Les articles restant traitent de la libre circulation des biens et des personnes, de la libération des prisonniers de guerre[7], le retour des propriétés confisquées (en particulier celles du prince d’Orange), le remboursement du prince pour ses dépenses engagées dans la conduite de la guerre contre les troupes du gouvernement avant 1572 et les problèmes causés par le besoin d’accorder l’inflation de la monnaie en Hollande et Zélande avec celle des quinze autres provinces[5].
La pacification de Gand montre de ce fait à la fois les aspects d’un traité de paix (entre rebelles et provinces loyalistes) et d’un projet pour une union défensive à naître. Cette union à venir est conclue le 9 janvier 1577 par la première Union de Bruxelles.
Les signataires de l'Union de Bruxelles
Fait à Bruxelles en l'Hôtel de Ville, l'Union de Bruxelles est proclamée par un nombre considérable de signataires qui comptent dans leurs rangs des personnalités de premier plan: le Comte Philippe de Lalaing Grand Bailli de Hainaut, Jacques abbé de Hasnon, Urbain abbé de Haulmont, Frédéric abbé de Maroilles, Jehan abbé de Bonne Espérance, Mathieu abbé de Saint Gislain, Robert abbé de Cambron, Antoine abbé de Vicoigne, Quirin abbé de Liesses, Pierre abbé de Saint Denis, Vincent abbé de Saint Felt., François abbé de Saint Jean, Jean du Maisny abbé de Crespin, Ludovicus de Barbançon Prieur Val Escolam Motenfm., Jacques de Vendhuille Prieur d'Aymeries, Anthoine de Gomiécourt, Pierre de Werchin, Philippe de Croy, Emmanuel de Lalaing, Louis de Bloy, Gille de Lens, Charles de Gavre, Baudri de Roisin, Bauduin de Cruic, Charles de Harchies, Philibert et Louis de Montigny, Jacques de Sivry, Jehan de Roisin, Jean de Merode, Charles de La Hamaide, Jacques Grébert, De la Pierre-Bousies, de Pottes, de Carondelet, Adrien de Bailleuil, André de Bouzanton, Robert de Landas, de Saint-Genois, Jean de Goegnies, Adolphe de Boubais, Claude de Haynin, Joos de Zoete, Jan de Saint-Genois, Jacques de Saint-Genois, Jacques de Pottes, Adrian de Foruye, Michel de Foruyé, Philippe et Jean Frasneau, Nicolas de Landas, Robert de Trazegnies, de Somain, Jehan d'Yve, A d'Ongnies, Gabriel de Mastaing, Richard de Merode, de Marchenelles, C. Cottrel, de Lapierre, Bartholomé de La Pouille, Jan de Chasteler, Lancelot de Peissant, Laurent Dupont, Anthoine de Lalaing, Johannes Hannoye, Servais Carlier, François Jacquo, Bouillet, Jo Finet, Joveneau, Delesame, Lebrun, Lebeghe, Franchois, Bleckhoue, Vander Steyn, d'Offegnies, Corbault, Recru, Longhehaye.
D'après une copie conforme à l'originale reposant aux Archives des Etats du Pays et Comté de Hainaut retranscrit signé de l'archiviste J.-L. Dumont à Mons le 28 juillet 1787
Conséquences
Le problème de la pacification est le très petit dénominateur commun sur lequel les provinces avaient pu s'accorder : l’union contre les mutins espagnols. Une fois le problème résolu par le retrait des tercios espagnols vers l’Italie en avril 1577, les divergences ne tardent pas à resurgir.
Don Juan signe la pacification le 12 février 1577, donnant l’impression que le pouvoir royal endosse l’accord. Il prend soin cependant d’insister sur les clauses qui excluent la religion catholique des provinces de Zélande et de Hollande, que les états généraux avaient tenté de ne pas mettre en avant.
Les états généraux l’acceptent ensuite comme légitime gouverneur général, et acceptent même de régler les arriérés de solde des troupes royales. L’accord est entériné par l’édit perpétuel de 1577. Toutefois l’édit semble conserver la possibilité à un retour au status quo ante bellum dans lequel les états généraux ne seraient pas en permanence réunis. La Hollande et la Zélande protestent contre cet arrangement et refusent de s’y soumettre. Elles ne se retirent pas non plus des forteresses conquises tel que le dispose l'Union de Bruxelles pour réaliser la pacification[8]. Les relations entre le nouveau gouverneur général et les états généraux se détériorent rapidement. Les états généraux vont jusqu’à nommer un gouverneur général concurrent, l’archiduc Matthias.
En 1579, le duc de Parme Alexandre Farnèse devient le gouverneur général des Pays-Bas du roi d’Espagne et offre immédiatement de rendre aux nobles catholiques du sud des Pays-Bas leurs anciens privilèges. Avec une armée espagnole sous contrôle et le recouvrement de leurs libertés locales, les nobles wallons et les provinces méridionales perdent toute raison de se rebeller. En revanche, les provinces septentrionales, contrôlées par les Calvinistes, ne sont pas désireuses d’abjurer la foi que Philippe II leur a donné la liberté de pratiquer. Les provinces francophones concluent l’Union d'Arras et les provinces protestantes leur répondent immédiatement avec la naissance de leur propre union, l’Union d'Utrecht. Les Pays-Bas des Habsbourg s’étaient divisés.
Références
(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article en anglais intitulé « Pacification of Ghent » (voir la liste des auteurs)
- Koenigsberger, pp. 265-266
- Koenigsberger, p. 266
- Koenigsberger, p. 267
- Koenigsberger, p. 271
- Koenigsberger, p. 272
- Un placard est un communiqué placardé dans un espace public, cloué ou collé ; le nom de la méthode d’affichage a fini par s’étendre aux actes eux-mêmes.
- {{Subst:Lien/Conversion automatique|fr=Maximilien de Hénin-Liétard|lang=en}}, {{Subst:Lien/Conversion automatique|trad=Grafschaft Boussu|lang=de|comte de Boussu}}, le stathouder royal de Hollande, et à ce titre, le « rival » de Guillaume d’Orange, fait prisonnier en 1573, est nommément cité.
- Koenigsberger, p. 274
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Ressources sur la révolte des Pays-Bas (université de Leyde)
Bibliographie
- (en) H. G. Koenigsberger, Monarchies, States Generals and Parliaments : The Netherlands in the fifteenth and sixteenth centuries, Cambridge University Press, coll. « Cambridge Studies in Early Modern History », livre de poche, 408 p. (ISBN 978-0521044370) [présentation en ligne]
- (en) E.H. Kossman (dir.) et A.F. Mellink (dir.), Texts Concerning the Revolt of the Netherlands, Cambridge University Press, coll. « Cambridge Studies in the History and Theory of Politics », 20 novembre 2008, 1re éd., broché, 312 p. (ISBN 978-0521090179) [présentation en ligne]
- Théodore Juste, La Pacification de Gand et le Sac d'Anvers, 1576, Nabu Press, février 2010, broché, 156 p. (ISBN 978-1144437723)
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