- Groupe fondamental
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Pour les articles homonymes, voir Groupe de Poincaré.
En mathématiques, et plus spécifiquement en topologie algébrique, le groupe fondamental, ou groupe de Poincaré, est un invariant topologique. Le groupe fondamental d'un espace topologique pointé (X, p) est, par définition, l'ensemble des classes d'homotopie de lacets (arcs fermés) de X d'origine et d'extrémité p. C'est un groupe dont la loi de composition interne est induite par la concaténation des arcs.
L'examen des groupes fondamentaux permet de prouver que deux espaces ne peuvent être homéomorphes, ou topologiquement équivalents. Le groupe fondamental permet de classifier les revêtements d'un espace connexe par arcs, à un isomorphisme près.
Une généralisation des groupes fondamentaux est la suite des groupes d'homotopie supérieurs. Pour cette raison, le groupe fondamental est aussi appelé premier groupe d'homotopie[1].
Le groupe fondamental fut introduit par Henri Poincaré dans la douzième section de son article intitulé Analysis Situs, paru en 1895 et annoncé dans une note aux Comptes-rendus de l'Académie des Sciences, parue en 1892[2].
Sommaire
Définition intuitive à travers l'exemple du tore
Tout d'abord, familiarisons-nous avec l'idée du groupe fondamental à travers l'exemple du tore bidimensionnel (qu'on peut se représenter comme étant la surface d'un donut ou d'une bouée). On fixe sur le tore un point de départ p.
À partir de ce point, on peut construire des lacets, i.e des courbes fermées, qui partent du point p, se promènent sur le tore et qui reviennent au point de départ. Imaginons que les lacets soient faits à partir de caoutchouc comme un élastique et qu'il soit ainsi possible de les étirer, les déformer de telle manière que le point de départ et le point d'arrivée soient toujours p et que les lacets se déplacent toujours sur le tore. Une telle déformation s'appelle une homotopie : on dit que deux lacets qui peuvent s'obtenir l'un à partir de l'autre par une homotopie sont homotopiquement équivalents. Ce sont les lacets à déformation près qui nous intéressent : on regroupe donc les lacets dans des classes d'homotopie. Le groupe fondamental du tore est l'ensemble des différentes classes d'homotopie des lacets.
Dans la figure ci-contre, les lacets a et b ne sont pas homotopiquement équivalents : on ne peut obtenir l'un en déformant continûment le second sans le « déchirer » à un moment, ils représentent deux éléments distincts du groupe fondamental. On obtient d'autres classes d'homotopie en faisant tourner les lacets plusieurs fois autour du trou.
Comme son nom l'indique, le groupe fondamental n'est pas un simple ensemble, il est muni d'une structure de groupe : la loi de composition interne est celle qui à deux lacets associe un troisième lacet obtenu en parcourant le premier puis le second à la même vitesse (il n'y a pas de problèmes de définition puisque les lacets commencent et terminent avec le même point p). L'élément neutre du groupe fondamental est la classe d'homotopie du lacet qui reste au point p. On obtient un élément inverse en parcourant les lacets d'une classe d'homotopie dans le sens contraire.
Définition
Classe d'équivalence de lacets
Soit X un espace topologique. Un arc continu est une application continue γ : [0 1] → X.
Soit p un point fixé dans X. Un lacet basé en p est un arc continu vérifiant de plus γ(0) = γ(1) = p.
Deux lacets γ0 et γ1 sont dits homotopes s'il existe une homotopie de l'un vers l'autre, c'est-à-dire une application continue H : [0 1]2 → X telle que :
- .
La dernière condition exprime que pour x fixé entre 0 et 1 γx(t) = H(t,x) est un lacet basé en p.
Autrement dit, deux lacets sont dits homotopes si l'on peut passer continument de l'un à l'autre, à l'image de la figure de droite (le point p est situé en A sur la figure) .
Le fait d'être homotopes est une relation d'équivalence entre lacets (basés en p). On peut considérer l'ensemble E(p) des lacets (basés en p) de X et l'ensemble quotient π1(X,p) de E(p) par la relation d'homotopie. On notera [γ] la classe d'équivalence d'un lacet γ (aussi appelée classe d'homotopie)[3].
Intuitivement (si l'espace X est métrisable et localement compact) une classe d'homotopie de lacets est une composante connexe par arcs de l'espace E(p) muni de la topologie de la convergence compacte-ouverte. π1(X,p) est l'ensemble des classes d'équivalence d'homotopie [γ] de lacets basés en p. C'est donc l'ensemble des composantes connexes par arcs de E(p).
Structure de groupe
On souhaite donner une structure de groupe à cet ensemble π1(X,p). Si f et g sont deux lacets de X (basés en p), leur concaténation est le lacet h défini par :
Intuitivement, c'est le lacet qui parcourt f puis g (chacun à vitesse double, pour arriver à parcourir le lacet en un temps unité). On notera fg le concaténé de f et de g. On peut prouver que la classe d'homotopie [fg] ne dépend que de la classe d'homotopie de f, et de celle de g. Ainsi, on peut définir une loi de composition interne sur l'ensemble π1(X,p) des classes d'homotopie des lacets basés en p de X, par [f][g] = [fg].
On peut alors prouver que l'on obtient une structure de groupe sur l'ensemble π1(X,p) : la loi est associative car les lacets (fg)h et f(gh) sont homotopes, l'élément neutre est la classe d'homotopie [γ] du lacet trivial γ défini par γ(t) = p pour tout t. L'inverse d'un lacet f est simplement le même lacet, mais parcouru dans l'autre sens (c'est-à-dire, défini par f − 1(t) = f(1 − t))
Le groupe ainsi obtenu est appelé groupe fondamental[3] (ou groupe de Poincaré) de X basé en p, et est noté π1(X,p).
Point base
Examinons le cas particulier où l'espace topologique X est connexe par arcs. Deux groupes fondamentaux basés en deux points p et q (π1(X,p) et π1(X,q)) sont isomorphes. En effet, il existe un chemin γ allant de p à q. On peut donc définir l'application suivante
qui réalise visiblement un isomorphisme du groupe fondamental π1(X,q) vers le groupe fondamental π1(X,p) dont l'isomorphisme réciproque est l'application :
Ainsi, si X est connexe par arcs, par abus de langage, on parle du groupe fondamental (à un isomorphisme non unique près) de l'espace topologique X, sans préciser le point base[4], que l'on note π1(X) = π1(X,p). Cependant, l'isomorphisme entre les groupes π1(X,p) et π1(X,q) n'est pas unique et dépend du choix d'un chemin entre p et q . Ainsi on doit se souvenir que le groupe fondamental varie lorsque le point base varie dans l'espace X, les groupes restant toujours isomorphes.
Si X n'est pas connexe par arcs, les groupes fondamentaux de deux composantes connexes, sont différents. Par abus de langage, on parle néanmoins du groupe fondamental d'une composante connexe par arcs, sans préciser le point base, mais on doit se souvenir que le groupe fondamental varie lorsque le point base varie dans la composante connexe par arcs, les groupes restant toujours isomorphes. À l'inverse, un autre invariant d'un espace topologique, non nécessairement connexe par arcs, le premier groupe d'homologie, ne dépend pas du choix d'un point base ni du choix d'une composante connexe par arcs. Si le groupe fondamental (en un point) est abélien, ce qui est le cas de celui des groupes de Lie ou des espaces simplement connexes, il s'identifie naturellement au groupe d'homologie de la composante connexe du point.
Espaces simplement connexes
Article détaillé : Connexité simple.Un espace topologique connexe par arcs dont le groupe fondamental est trivial est dit simplement connexe .
Exemples
Convexes d'un espace euclidien
Soit E un espace euclidien de dimension n, où n est un entier strictement positif. On dispose de la propriété suivante :
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- Le groupe fondamental d'un ensemble convexe C non vide de E est trivial[5]. Autrement dit, un convexe d'un espace euclidien (plus généralement d'un espace vectoriel topologique localement convexe) est simplement connexe.
Si p est un élément de C, l'objectif est de montrer que π1(C,p) est le groupe trivial, ou encore que tout lacet γ basé en p est homotope au point p, c'est-à-dire au lacet constant valant p. Pour cela on définit une application H : [0 1]2 → C définie par :
L'application H est manifestement continue, comme γ(x) et p sont deux éléments de C, pour toutes valeurs de t H(t,x) est élément de C car C est convexe. L'application H définit bien une homotopie entre le lacet constant et γ.
Cercle
Le terme de cercle désigne ici un espace homéomorphe à l'ensemble des points situées à une distance constante non nulle d'un point c d'un plan euclidien. Ainsi, l'ensemble des nombres complexes de module 1 ou encore R/Z sont des cercles. Le cercle est noté ici S1 et est identifié aux nombres complexes de module 1.
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- Le groupe fondamental du cercle est isomorphe à Z l'ensemble des nombres entiers[3].
Intuitivement, ce résultat est évident. On considère ici π1(S1,1), c'est-à-dire que le point de base est 1. Si le chemin considéré fait n tours dans le sens trigonométrique, on a envie de lui associer par l'isomorphisme de groupe μ de Z dans π1(S1,1) qui, à la valeur m, associe une classe de lacets qui fait m tours, dans le sens trigonométrique si m est positif, et dans le sens inverse sinon. Pour construire l'isomorphisme μ, on définit les lacets em de la manière suivante :
On définit μ comme l'application qui à m associe [em]. Intuitivement, il semble clair que μ est un isomorphisme.
La non trivialité du groupe fondamental du cercle est à l'origine de plusieurs démonstrations de théorèmes non triviaux. Un exemple est celui de Borsuk-Ulam qui indique qu'une application continue de la sphère dans le plan possède toujours deux points antipodaux ayant même image. Ce résultat est la clé de la démonstration du théorème du sandwich au jambon qui indique qu'il existe toujours un plan qui divise deux parties de volumes égaux trois solides bornés et mesurables.
Détail des calculsLa méthode de démonstration consiste à construire l'inverse de μ : ν de π1(S1,1) dans Z tel que ν([e1]) soit égal à 1. Une fois cet inverse construit, on montre que c'est un morphisme de groupes définie sur les lacets simples d'extrémités 1 et qu'il respecte la relation d'équivalence définissant l'homotopie. On montre ensuite son caractère bijectif.
On définit pour cela une application p de R dans S1 par :
Pour établir un lemme, nécessaire à la démonstration, une remarque est utile. La restriction de e1 à l'intervalle ]-1/2, 1/2[ est un homéomorphisme à valeurs dans S1 − { − 1}, il est illustré sur la figure de droite. Le caractère bijectif est évident, la restriction est continue et son inverse σ est continu car défini par :
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- Soit α une application de [0, 1] dans S1 dont l'image de 0 soit égale à 1. Il existe une unique application continue, nulle en 0 de β de [0, 1] dans les nombres réels, telle que la composée poβ soit égale à α :
Établissons l'unicité de β. Pour cela, on suppose qu'il existe deux applications β1 et β2 qui vérifient la proposition, on va montrer qu'elles sont égales, ou plus exactement que leur différence est nulle. Cette différence est une application continue, égale à 0 en 0, définie sur un connexe et à valeurs dans un ensemble discret (en l'occurrence Z). Une telle application est nécessairement nulle.
Montrons son existence. Si α est à valeurs dans S1 − { − 1}, le fait que σ soit un homéomorphisme permet de conclure. Si ce n'est pas le cas, on procède par découpage de l'intervalle [0, 1]. L'application α est définie sur un compact et est continue, elle est donc uniformément continue, ce qui montre l'existence d'un réel strictement positif r tel que :
Autrement dit, si t2 ne s'éloigne de t1 de strictement moins que r, le rapport α(t2) / α(t1) n'atteint jamais la valeur -1 sur laquelle σ n'est pas définie. Cette propriété permet de définir la fonction β par étapes. Soit M un entier strictement positif tel que 1/M soit strictement plus petit que r. Sur l'intervalle [0, 1/M], on définit la fonction β comme égale à σoα. On dispose des égalités
Soit k un entier compris entre 1 et M − 1, et αk = α(k / M) − 1. Sur l'intervalle [k/M, (k + 1)/M], la fonction qui à t associe αk.α(t) vaut 1 en k/M et ses images ne quittent jamais le domaine de définition de σ. Cette situation est illustrée sur la figure de droite, sur chaque segment, le lacet est illustré d'une couleur différente, aucun segment ne s'éloigne d'exactement un demi-tour du point d'origine. Ce qui permet de définir β sur cet intervalle par :
Par construction, la fonction β est continue et vérifie bien par récurrence sur k, que l'égalité recherchée :
On suppose maintenant que α est un lacet, on définit l'application ν comme celle qui à α associe l'extrémité β(1), qui correspond intuitivement au nombre de tours effectué par α. Comme α(1) est égal à 1, on en déduit que ν(α) est nécessairement un entier. Montrons maintenant que c'est un morphisme de groupe :
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- Soient α1 et α2 deux lacets de S1 d'extrémités 1, l'égalité suivante est vérifiée :
On note α le lacet α1.α2. Par définition du lacet α, et avec les notations évidentes :
La valeur ν(α1) est entière. on en déduit, par continuité de β :
Il faut encore montrer que l'application ν est compatible avec l'homotopie. Un premier lemme est utile.
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- Si deux lacets α1 et α2 de S1 et d'extrémités 1 vérifient la majoration suivante, ils ont même image par ν :
On considère l'application quotient : αc = α1 / α2, son image est incluse dans S1 − { − 1}, c'est-à-dire le domaine de définition de σ. On en déduit, avec les notations usuelles :
On remarque que :
Ce qui montre que les fonctions δ et β2 sont confondues. La fonction βc prend ses images dans l'intervalle ]-1/2, 1/2[, ce qui montre que la différence entre β1 et β2 est toujours, en valeur absolue, strictement plus petite que 1. Au point 1, les deux fonctions diffèrent d'une valeur entière, qui ne peut que être nulle. Cette remarque termine la démonstration du lemme.
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- Soient α1 et α2 deux lacets de S1 d'extrémités 1 et homotopes. Ils ont même image par ν :
Dire que les lacets sont homotopes revient à dire qu'il existe une application continue H(t, x) de [0, 1]2 et à valeurs dans S1 tel que l'application H(t, 0) soit égale à α1 et H(t, 1) soit égale à α2. L'application H est uniformément continue, car continue et définie sur un compact, il existe donc un entier M tel que :
On note δk, pour k entier variant de 0 à M, l'application qui à t associe H(t, k/M). Les applications δk sont toutes des lacets d'extrémités 1, le lemme précédent montre qu'elles sont toutes homotopes. Il suffit alors de remarquer que δ0 est égal à α1 et que δM est égal à α2 pour conclure.
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- Conclusion :
Le passage au quotient montre que ν est bien un morphisme de groupe de π1(S1,1) dans Z. On remarque que ν([e1] est bien égal à 1, un générateur de Z, ce qui montre que le morphisme est surjectif. Il reste encore à montrer que ν est injectif. Soit α un élément de son noyau. Par définition l'application β est un lacet de R (qui vaut 0 en 0 par construction et 0 en 1 car α est élément du noyau de ν. Comme R est simplement connexe, ce lacet est homotope à au point 0. Soit F(t, x) une application continue de [0, 1]2 dans R telle que l'application t → F(t, 0) soit égal à β et t → F(t, 1) la fonction constante nulle. Une telle fonction existe car β est homotope au point 0. On construit la fonction H de [0, 1]2 dans S1 de la manière suivante :
La fonction H est continue et montre que [α] est bien la classe nulle, d'où l'injectivité de ν. On a établi que l'application ν est un morphisme bijectif de groupe, ce qui termine la démonstration.
Espace produit
Si X et Y sont deux espaces connexes par arcs, l'espace topologique produit XxY est aussi connexe par arcs. Si (p, q) est un point du produit, le groupe fondamental de XxY que l'on note π1(XxY,(p,q)) est bien défini. On dispose de la propriété suivante :
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- Le groupe fondamental de l'espace produit XxY est le produit direct du groupe fondamental de X par celui de Y[6].
Les propositions précédentes permettent d'établir que le produit S1 par lui-même, généralement appelé tore de dimension 2, admet un groupe fondamental isomorphe à Z2. Plus généralement, le groupe fondamental du tore de dimension n est isomorphe à Zn.
DémonstrationSoit Px (resp. Py), la projection canonique de XxY dans X (resp. Y). À un lacet α, on associe αx (resp. αy) le lacet défini par la composition Pxoα (resp. Pyoα). On remarque que cette application respecte la relation d'équivalence de l'homotopie car les deux projecteurs sont continus. Il est donc possible de définir les applications μ1 et μ2 du groupe fondamental de XxY dans le groupe fondamental de X et de Y qui à [α] associe [αx] et [αy].
Ces deux applications sont manifestement des morphismes surjectifs de groupes. Établir la bijectivité de μ1xμ2 est un simple jeu d'écriture.
Autres exemples
- Pour , le groupe fondamental de la sphère de l'espace euclidien est également trivial. Autrement dit, les sphères de dimension supérieure ou égale à 2 sont simplement connexes.
- Le groupe fondamental peut également contenir des éléments de torsion : par exemple, le groupe fondamental du plan projectif est isomorphe à (voir plus bas).
- Le groupe fondamental n'est pas toujours commutatif : Par exemple, le groupe fondamental basé en un point p du plan privé de deux points , est isomorphe au groupe libre à deux générateurs F2. Les deux générateurs sont ici des lacets partant de p et faisant chacun le tour d'un des points a ou b.
- Théorème
- On peut montrer que quel que soit le groupe G, il existe un espace topologique de groupe fondamental G. On peut en fait trouver un CW-complexe de dimension 2 ou même une variété de dimension 4 si le groupe est de présentation finie.
Fonction continue et morphisme
Une question naturelle est celle de la compatibilité du groupe fondamental vis-à-vis d'une application continue f. Soit X et Y deux espaces topologiques tel que X soit connexe par arc et f une application continue de X dans Y. La fonction f assure non seulement la connexité de Y, mais aussi sa connexité par arcs de f(X).
De plus la fonction f transforme un lacet de X en un lacet de Y. Soit α un lacet de X, l'application foα est bien un lacet de Y. Ce lacet est généralement noté f * (α).
Morphisme de groupes fondamentaux induit par une fonction continue
La fonction f induit une application f * des lacets de X dans les lacets de Y. Cette application est compatible avec la relation d'équivalence que définit l'homotopie ainsi qu'avec la loi de composition du groupe fondamental.
Si α1 et α2 sont deux lacets ayant mêmes extrémités p, la loi de concaténation s'applique. Si les deux lacets sont homotopes, et si H(t, x) est une homotopie, alors l'application foH(t, x) est une homotopie entre f * (α1) et f * (α2)., ce qui montre que l'application f * est définie sur le groupe π1(X,p) à valeurs dans le groupe π1(Y,f(p)).
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- Il existe un unique morphisme de groupe de π1(X,p) dans π1(Y,f(p)), qui associe à la classe, notée [α], d'un lacet de X, la classe du lacet foα. Ce morphisme est appelé morphisme induit par l'application f, il est défini par[7] :
Pour montrer cette proposition, il suffit de remarquer que :
Si Z est un autre espace topologique et g une fonction continue de Y dans Z, alors les morphismes se composent :
Il suffit de remarquer que l'application (IdX)* est l'identité du groupe π1(X,p) pour conclure que :
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- Si f est un homéomorphisme, le morphisme de groupe f* est un isomorphisme. Si deux espaces X et Y sont connexes par arcs et s'il existe un homéomorphisme de X dans Y, alors les groupes fondamentaux de X et Y sont isomorphes.
L'isomorphisme n'est en général pas unique.
Application : théorème du point fixe de Brouwer en dimension 2
Un exemple d'application des morphismes précédents est le théorème du point fixe de Brouwer. En dimension deux, il se démontre simplement à l'aide de l'étude d'une fonction continue permettant de bâtir un morphisme de groupes fondamentaux. Une définition est utile[8] :
- Soit X un espace topologique connexe par arcs et A une partie de X. Une rétraction F de X sur A est une application de X dans A telle que la restriction de F à A soit l'identité. On dit que A est un rétracte de X s'il existe une rétraction continue de X sur A.
Cette définition permet d'exprimer la proposition suivante, équivalente au théorème du point fixe de Brouwer en dimension 2 :
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- Il n'existe pas de rétraction continue d'un disque dans sa frontière.
Soit B2 le disque et S1 sa frontière. Supposons qu'une telle rétraction, notée F, de B2 dans S1 existe. On note InjS, l'injection canonique de S1 dans B2 et IdS l'application identité de S1. On dispose des égalités :
L'application (IdS) * est le morphisme identité du groupe fondamental du cercle. L'application (InjS) * est le morphisme du groupe fondamental du cercle dans le groupe fondamental du disque, qui est trivial. L'image de cette application est donc réduite à l'élément neutre. L'image par le morphisme F* du groupe fondamental du disque dans le groupe fondamental du cercle est réduite à l'élément neutre. Ce résultat est en contradiction avec le fait que l'image de (IdS) * , qui est le groupe fondamental du cercle, est non triviale car isomorphe à Z.
Le théorème de Brouwer indique que toute fonction continue f du disque dans lui-même admet un point fixe. S'il n'en avait pas, il serait aisé de construire une rétraction continue. On considérerait le segment passant par x et f(x) illustré sur la figure (si x est un élément du disque). Ce segment traverse le disque en un point, plus proche de x que de f(x). Si ce point est l'image par F du point x, alors F est la rétraction recherchée[9]. Une description plus précise est disponible dans l'article détaillé :
Article détaillé : Théorème du point fixe de Brouwer.Degré d'une application du cercle dans lui-même
Article détaillé : Degré d'une application.Autres théorèmes
Articles détaillés : Théorème de d'Alembert-Gauss et Théorème de la boule chevelue.Équivalence d'homotopie et espaces contractiles
Deux espaces X et Y sont dits homotopiquement équivalents s'il existe deux applications f : X → Y et g : Y → X, telles que est homotope à IdX et est homotope à IdY.
- Si X et Y sont connexes par arcs et homotopiquement équivalents, ils ont des groupes fondamentaux isomorphes.
Par conséquent, un espace homotopiquement équivalent à un point est simplement connexe. Un tel espace est dit contractile.
Propriétés
Lien avec le premier groupe d'homologie
On montre que : le premier groupe d'homologie (d'un espace connexe par arcs) est isomorphe à l'abélianisé du groupe fondamental (en un point quelconque de l'espace).
- C'est un cas particulier du théorème d'Hurewicz.
Groupe fondamental et théorie des revêtements
Il y a équivalence entre les sous-groupes à conjugaison près du groupe fondamental et les revêtements à isomorphisme près. Dans cette équivalence, les sous-groupes normaux correspondent aux revêtements galoisiens.
En théorie des revêtements, on montre que si l'espace admet un revêtement simplement connexe (en particulier si l'espace est semi-localement simplement connexe c'est-à-dire si l'espace n'est pas trop "sauvage", par exemple s'il est localement contractile) son groupe fondamental est isomorphe au groupe des automorphismes d'un de ses revêtements universels.
Méthodes de calcul et applications
Théorème de van Kampen
Calculer le groupe fondamental d'un espace topologique qui n'est pas simplement connexe est un exercice difficile, car il faut prouver que certains lacets ne sont pas homotopes. Le théorème de van Kampen, également appelé théorème de Seifert-Van Kampen, permet de résoudre ce problème lorsque l'espace topologique peut être décomposé en des espaces plus simples dont les groupes fondamentaux sont déjà connus. Ce théorème permet de calculer le groupe fondamental d'un éventail très large d'espaces.
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Article détaillé : Théorème de van Kampen.
En termes abstraits, ce théorème dit que si deux sous-espaces, tous les deux ouverts ou tous les deux fermés, de X contiennent le point p et ont une intersection connexe par arcs, le groupe fondamental de la réunion des deux espaces pointés en p est la somme amalgamée (dans la catégorie des groupes) des groupes fondamentaux des deux espaces, en p, somme amalgamée le long du groupe fondamental de leur intersection.
. Théorème du cône et groupe fondamental des espaces projectifs
Si X est un espace topologique, on définit le cône de X comme l'espace quotient où I désigne le segment [O;1]. Si X est un cercle, on obtient une partie d'un cône de révolution. Le groupe fondamental du cône d'un espace connexe par arc est trivial, autrement dit, si X est connexe par arcs, C(X) est simplement connexe. On a une inclusion canonique .
Si f est une application continue entre deux espaces topologiques , on définit le cône de l'application f : C(f) comme l'espace obtenu en recollant et le long de X.
Exemple : Si f est l'application de degré 2 dans le cercle , on obtient . Le cône de f est le plan projectif réel.
Le théorème du cône affirme que le groupe fondamental de C(f) est isomorphe au quotient de π1(Y) par le normalisé du sous-groupe de π1(Y) image de f.
Application : les espaces projectifs (réels) pour ont des groupes fondamentaux isomorphes à .
Groupe fondamental des graphes, des surfaces et des polyèdres
- Le groupe fondamental des graphes est un groupe libre.
- Le groupe fondamental des polyèdres admet une présentation par générateurs et relations. Une relation étant fournie par chacune des faces du polyèdre.
- Le groupe fondamental d'une surface compacte orientable admet une présentation avec 2g générateurs et une seule relation ( , on peut aussi choisir la présentation ). L'entier g est uniquement déterminé par la surface et est appelé genre de la surface.
Théorie des nœuds
En théorie des nœuds, on cherche à distinguer les différents nœuds (ceux qui ne sont pas homotopiques). Le groupe fondamental du complémentaire d'un nœud fournit un invariant des nœuds, qui permet de distinguer certains d'entre eux.
Généralisations
Groupoïde fondamental (ou groupoïde de Poincaré)
Une catégorie est appelée un groupoïde si les objets et les flèches forment un ensemble (c'est une « petite catégorie ») et si toutes les flèches sont inversibles (sont des isomorphismes). Les groupoïdes forment une catégorie dont les morphismes sont les foncteurs entre groupoïdes. Les groupes sont des groupoïdes (avec un seul objet).
Soit G un groupoïde, on définit la relation d'équivalence si l'ensemble G(x,y) des morphismes de x vers y est non vide. L'ensemble quotient (dont les objets sont les classes d'équivalences) est noté π0(G). Si f est un morphisme de groupoïdes, f est compatible avec la relation d'équivalence . Par passage au quotient, π0 définit un foncteur (le foncteur composantes connexes) de la catégorie des groupoïdes vers la catégorie des ensembles.
Soit G un groupoïde, et x un objet de G (on dit aussi un point de G). La loi de composition entre les flèches de G(x,x) restreinte à ce sous-groupoïde est une loi de groupe. On note π1(G,x) ce groupe. Remarque : π1 ne définit pas un foncteur de la catégorie des groupoïdes vers la catégorie des groupes.
À chaque espace topologique X, on associe de façon fonctorielle un groupoïde πX : soit X un espace topologique, on prend pour ensemble d'objets πX l'ensemble sous-jacent à X. Les flèches de source x et de but y sont les classes d'homotopie des chemins (= arcs continus) de x vers y. La relation d'homotopie est compatible avec la composition des chemins et définit donc un groupoïde πX appelé le groupoïde fondamental de X. Le théorème de Van Kampen s'exprime également simplement en utilisant les groupoïdes fondamentaux.
Le groupe fondamental est défini par π1(X,x0) = π1(πX,x0)
Groupes d'homotopie supérieurs
Le groupe fondamental est en fait le premier groupe d'homotopie, d'où l'indice 1 dans la notation π1(X).
Groupe fondamental et géométrie algébrique
Dans la théorie des revêtements d'un espace X, on définit la fibre d'un revêtement au point p comme l'ensemble qui est aussi noté E(p). La correspondance définit un foncteur de la catégorie des revêtements de base (X; p), dans la catégorie des ensembles. Le groupe fondamental peut être défini de manière abstraite comme le groupe des automorphismes du foncteur fibre, qui, à un revêtement de base (X,p), associe E(p).
Cette définition alternative ouvre la voie à la généralisation en géométrie algébrique, où la définition donnée précédemment en termes de lacets de base p ne s'applique pas naturellement. Dans cette généralisation, les revêtements étant remplacés par les morphismes étales : le groupe fondamental de l'espace pointé (X,p) est le groupe des automorphismes du foncteur fibre qui, à un morphisme étale , associe la fibre E(p) au point p. Cette généralisation est due à Alexandre Grothendieck et Claude Chevalley.
Cette théorie permet d'expliquer le lien entre la théorie de Galois des revêtements des surfaces de Riemann (groupe d'automorphismes…) et la théorie de Galois des corps de fonctions.
Bibliographie (en français)
- Adrien Douady et Régine Douady, Algèbre et théories galoisiennes [détail des éditions]
- Claude Godbillon, Éléments de topologie algébrique [détail des éditions]
- Pierre Dolbeault (de), Analyse complexe
- Michel Zisman, Topologie algébrique élémentaire
- Jean Dieudonné, Éléments d'Analyse, tome 3
- André Gramain, Topologie des Surfaces
Notes et références
- Dolbeault, Analyse complexe, ed. Masson, page 120.
- J. Dieudonné, A History of Algebraic and differential Topology, 1900-1960, pages 17-24
- Groupe fondamental École Polytechnique Cette définition est reprise de : J. Lannes
- Claude Godbillon, Elements de topologie algébrique, page 76
- H. Cartan Algèbre et géométrie Groupe fondamental, revêtements Orsay (1968-1969) Le site suivant traite le cas plus général d'un espace étoilé p 8 :
- Groupe fondamental École Polytechnique p 8 J. Lannes
- Adrien Douady et Régine Douady, Algèbre et théories galoisiennes [détail des éditions] p 237 (dans l'édition Cassini 2005)
- Adrien Douady et Régine Douady, Algèbre et théories galoisiennes [détail des éditions] p218 On la trouve dans :
- Groupe fondamental École Polytechnique p 12 J. Lannes
Liens externes
- Animations qui introduisent au groupe fondamental, par Nicolas Delanoue
- (en) Allen Hatcher (en), Algebraic Topology, CUP, 2001 (ISBN 978-0-52179540-1)
Catégories :- Groupe fondamental
- Groupe remarquable
- Topologie algébrique
- Topologie générale
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