Germanie seconde

Germanie seconde

Germanie inférieure

La Germanie inférieure dans l'Empire romain, vers 120.
Topographie de la Germanie inférieure, chaussées romaines, Limes et situation des Tongres, Ubiens, Bataves, Trévires, Nerviens et Frisaviones

La Germanie inférieure ou « Germanie seconde », « Basse-Germanie » selon les auteurs et en latin Germania inferior est une province romaine établie dans les années 80 par Domitien autour de la vallée de la Meuse, à l'ouest du Rhin, dans ce qui est aujourd'hui le sud des Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg, une partie du nord-est de la France (Ardennes), et de l'ouest de l'Allemagne.

La capitale de la Germanie inférieure est Colonia Claudia Ara Agrippinensium - l'actuelle ville de Cologne, également la capitale du peuple des Ubiens.

Sommaire

Topographie

Les Cours d'eau

Schématiquement, la “Germanie inférieure“ couvre la rive gauche de la vallée du Rhin, les vallées de la Meuse et de l'Escaut.

La carte montre bien que le latin Germania inferior fait référence aux plaines limoneuses de la rive gauche du Rhin et de la Meuse par opposition aux deux massifs des Ardennes et de l'Eifel qui constitue pour les romains la province de Germania superior.

Les limites

Les limites Est:

Limite avec la Germanie libre.

De la mer du Nord, sur 340 km environ[1], au départ de Katwijk près de Leyde, la limite Est de la Germanie inférieure suit les méandres du Vieux Rhin à l'époque beaucoup plus large et, à partir de Nimègue, le Rhin lui-même en passant par Neuss, Cologne et Bonn jusqu'à la vallée encaissée de Remagen - au delà de Bingen, où se termine le Taunus, et où le Rhin entre dans un vaste plateau schisteux et s’y creuse un lit profond - et enfin la ville de Bad Breisig.

Le long des Limes bataves, un castellum était construit tous les 6,5 km. Associés aux camps romains, un grands nombre de vicus vont se développer.

Les limites Sud:

Limite avec la Germanie supérieure.

Un peu plus bas la limite Sud de la Germanie inférieure coule le Vinxtbach, une toute petite rivière qui se jette dans le Rhin entre Rigomagus, - aujourd'hui Remagen - et Confluentes, - maintenant Coblence - et fait office de frontière.

Juste au sud de la petite ville de Bad Breisig, dans un petit vicus appelé Ad fines, on a retrouvé une pierre votive d'une divinité dédiée aux frontières. Elle est aujourd'hui au musée national de Bonn. L'ancien nom de cette petite rivière semble avoir été Obrincas [2]

On ne sait pourquoi cette petite rivière quasi insignifiante et à la vallée fort accidentée fait office de frontière. Un peut plus haut, la vallée de l'Ahr - défendue par le castelum de Rigomagus, très longue et perpendiculaire au Rhin aurait pu être plus précise. Il est possible que les Trévires aient montré aux romains que c'était là leur frontière Nord. Cette rivière est toujours la limite des archevêchés de Coblence et de Cologne. Aujourd'hui encore c'est la limite sud du «Kölsch», - le dialecte parlé dans la région située entre Cologne et Venlo - avec le dialecte de Coblence que l'on retrouve dans toute la Moselle et jusqu'à Trèves [3].

Les limites Ouest.

C'est la Gaule Belgique qui va faire la frontière à l'Ouest au départ de l'estuaire de l'Escaut, longeant la Lesse. Les limites intérieures sont les limite de entre les civitas des Tungri et des Nerviens soit entre Bavay et Binche et plus bas dans l'Eifel entre les Ubiens et les Trévires le long de la chaussée romaine de Trèves à Cologne, entre Ausava maintenant Büdesheim qui relevait de la Civitas Augusta Treverorum Trèves, et Icorigium aujourd'hui Jünkerath qui relevait de la Civitas des Ubiens, Colonia Claudia Ara Agrippinensium, aujourd'hui Cologne. Ce n'est qu'a la fin du IVe siècle que le premier document donne des indications un peu plus précises quant aux contours des civitates[4], mais même si les contours sont mieux connus, les tracés sont encore approximatifs, même si ils vont servir près de dix siècles[5].

Les Limites Nord.

La Mer du Nord a une aura une importance stratégique pour les romains. Leurs bateaux vont transporter les troupes et le ravitaillement en remontant le Rhin jusqu'à la capitale. Deux ports vont être aménagés aux embouchures du Vieux Rhin - l'ancien cours du Rhin aujourd'hui une rivière - et de la Meuse, reliées par un canal. Un de ces castellum, Lugdunum Batavorum appelé Brittenburg, existait encore au XVIe siècle. Il est décrit par Ortelius en 1581 et par Francesco Guicciardini vers 1600, les derniers vestiges auraient été emportés en 1954 par une tempête[6].

Article détaillé : Brittenburg.

Toponymie

Anthropologie

Les peuples autochtones

Le voisinage au-delà du Rhin

Le Voisinage de la Gaule Belgique

Les Colonia

Les Municipium

Histoire

Le Ier siècle avant J.-C.: sa conquête

Les premiers affrontements entre une armée romaine et les peuples de Basse-Germanie ont lieu avec la guerre des Gaules de Jules César.

César a envahi la région en -57 et, les trois années suivantes, a tenté d'anéantir plusieurs tribus germaniques, y compris les Éburons et les Ménapiens qui se sont réfugiés dans les zones marécageuses.

Article détaillé : Guerre des Gaules.

Les provinces gauloises depuis Auguste

En -27, Auguste a divisé les territoires du nord des Alpes en trois provinces : la Gaule Aquitaine, la Gaule Lyonnaise et la Gaule Belgique. La frontière de cette dernière suit plus ou moins le Rhin à l'est, et comprend à l'ouest son hinterland économique — entouré par l'Escaut, la Meuse, et la Moselle. Sa capitale est Reims (Durocortorum).

Dix ans plus tard, le gouverneur de la Belgique, Marcus Lollius, est écrasé par les Sicambres, une tribu qui vit sur la rive orientale du Rhin. La défaite est humiliante, et la Ve légion Alaudae perd même son aigle. L'empereur Auguste comprend que la frontière du Rhin est toujours instable et envoie ses fils adoptifs, Germanicus et Tibère au delà du Rhin, pour pacifier les tribus qui vivent entre les Alpes, le Rhin et l'Elbe.

Dans les années -16 à -13, les Romains réorganisent la rive gauche du Rhin, qui devient alors une zone militaire où l'armée de Germanie inférieure (légions XVII et XVIII) est positionnée. Auparavant, ces troupes étaient stationnées dans des villes de la Gaule Belgique[8].

Création de deux groupes d'armées

On crée deux groupes d'armée : l'armée du Moyen-Rhin ou de « Germanie supérieure » (I Germanica, V Alaudae et XIX), et l'armée du Bas-Rhin ou « Germanie inférieure ». Bien que les commandants subalternes soient officiellement aux ordres du gouverneur de la Gaule Belgique, ils sont en fait autonomes[9].

Dans le nord de la Germanie inférieure, une grande base de l'armée est construite près de Nimègue, alors (Noviomagus, capitale des Bataves, et un autre camp à Xanten. Ces places, sur les rives de Waal sont facilement accessibles pour le ravitaillement. Elles devaient être le point de départ de la conquête de la Germanie. Drusus ordonne également la construction de canaux et d'un barrage, qui accélère le transport des armées pour le nord et l'est par l'eau. À Cologne alors appelé Colonia Claudia Ara Agrippinensium, la cité érige un grand sanctuaire dédié à Mars, dieu de la guerre, pour la protection des armées durant les campagnes à venir. Dans ce temple, l'épée de Jules César est conservée comme une relique[8].

En -12, les Romains sont prêts à partir en guerre. Mais les Sicambres, se sachant en difficulté, décident d'attaquer et Drusus est défait à deux reprises dans leur région. De retour au Rhin, les légions de Drusus se transportent par bateau à Nimègue et rejoignent la mer du Nord. Les Frisons et Chauques sont forcés de se rendre. L'année suivante, Drusus envahi la contrée à l'est du Rhin pour la deuxième fois[8].

Il traverse le pays des Sicambres, progresse le long de la Lippe, rencontre les Chérusques et aurait traversé le Weser, fleuve de Basse-Saxe, si les augures avaient été meilleurs[8].. À son retour, il fonde une grande forteresse découverte par des archéologues entre l'Elison et la Lippe[10] près de la ville allemande d'Oberaden.

Cet oppidum, daté par dendrochronologie de l'automne -11, est utilisé par trois légions comme quartiers d'hiver. Un oppidum similaire a été construit près de Rödgen, 190 km au sud. Les quatre camps de type augustéens de Oberaden Haltern, Beckinghausen ou Rödgen, implantés en Allemagne lors de la tentative de conquête de la Germanie libre présentent les mêmes caractéristiques[11],[12].

Le Ier siècle: une création tardive

Le De originine et situ Germaniae que Tacite rédige vers 98 après Jésus Christ décrit ce pays de forêts et de marécages, habité de populations diverses et belliqueuses. Certaines tribus sont placées de fait sous l'autorité de Rome dès le Ier siècle de notre ère. Il en est ainsi des Frisons, des Bataves et des Trévires à l'Ouest du Rhin, séparés de leurs frères germaniques: les Sicambres, les Bructères et les Chattes. Ces tribus, renforcées à l'arrière par les Chérusques, menacent la sécurité de l'Empire, dont Auguste désire repousser la frontière jusqu'à l'Elbe.

Ne parvenant pas à contrôler par voie des mer les rives germaniques de la mer du Nord, Auguste tente en vain d'occuper le territoire convoité: l'expédition menée par Tibère en 4 après J.C. traverse le territoire des Chattes et des Bructères sans les soumettre; en 6 après J.C..

En 7 après J.-C., Varus est nommé Gouverneur de la Germanie avec pour mission le maintien de la paix et la mise en place de l'administration fiscale et judiciaire ; ces mesures impérialistes, globalement acceptées par les peuples méditerranéens, se révéleront incompatibles avec la mentalité d'homme libre et de guerrier des Germains de l'est du Rhin.

L'action convergente menée contre Marobod, le roi des Marcomans, établis en Bohême vers 9 avant J.C., échoue du fait de la révolte de l'Illyricum;

La bataille de Teutoburg

L'habileté d'Arminius entraine la perte de Publius Quinctilius Varus au cœur de la forêt de Teutoburg.

Les trois Aigles emblématiques des légions , Legio XVII, Legio XVIII et Legio XIX furent capturés. Numonius Vala tenta de s'enfuir à la tête de la cavalerie mais en vain, Ceionius se rendit, Lucius Eggius, Préfet du camp romain, mourut à la tête de ses troupes et Varus se suicida sur son épée.

Tous les camps romains de la rive droite du Rhin furent pris par les Germains, à l'exception d'Aliso qui résista jusqu'à une sortie des survivants vers Castra Vetera (Xanten) sur le Rhin.

La tête de Varus fut envoyée aux Marcomans par les Chérusques pour les entraîner dans le soulèvement. Ceux-ci refusèrent sagement et transmirent la tête de Varus à Rome où elle fut inhumée.

Article détaillé : Bataille de Teutobourg.

Suétone écrit« À ce qu’on raconte, enfin, Auguste fut tellement abattu par ce désastre, que plusieurs mois de suite il ne se coupa plus la barbe ni les cheveux, et qu'il lui arrivait de se frapper de temps en temps la tête contre la porte, avec ce cri: « Quintilius Varus, rends-moi mes légions ! » Ce fut le coup d'arrêt à l'expansion romaine en Grande Germanie (Germania Magna) durant son règne; plusieurs siècles plus tard, l'armée romaine n'avait toujours pas reconstitué les légions XVII, XVIII et XIX[13]..

Les représailles romaines

Auguste manifestement choqué comme le suggère Suétone fait alors renforcer par Tibère durant les années 10 à 14 après JC, la frontière du Rhin.

Tibère, devenu empereur, craignant la réputation d'invicibilité d'Arminius, ordonne des représailles et confie à Germanicus durant les années de 14 à 16, huit légions soutenues par une flotte d'un millier de navires.

Suite aux mutineries des légions du Rhin, au retour d'un raid de représailles contre les Marses, Germanicus et ses 4 légions sont attaquées dans la vallée de la Lippe par une coalition de Bructères et d'Usipètes qui est repoussée [14].

Bataille des Longs-Ponts

Germanicus visite Teutoburg, libére Segeste, capture Thusnelda, épouse d'Arminiuset récupère deux des trois Aigles emblématiques. Puis pendant son retour en 15 de sa campagne contre les Bructères et les Chérusques, les 4 légions (I Germanica, V Alaudae, XX Valeria Victrix, and XXI Rapax) du général Caecina sont attaquées aux Pontes Longipar les Chérusques d'Arminius, qui sont mis en fuite mais qui infligent des pertes aux Romains. [15] Selon Tacite, ce Pons Longus (pluriel Pontes Longi), route en madriers confectionnée pour traverser les marécages) avait été construit par Ahenobarbus en l'an 2 avant JC au sein du pays des Chérusques[16].

Bataille de la Weser

En 16, c'est la bataille de Campus Idistaviso (ou bataille de la Weser) près de Bückeburg[17] à l'occasion d'une campagne (mettant en œuvre 8 légions, 2 cohortes prétoriennes, 1 corps de cavalerie d'élite, de l'infanterie légère, des auxiliaires gaulois et germains, des archers à cheval et des alliés), Germanicus sort vainqueur d'une bataille rangée à proximité de la Weser à Idistaviso contre Arminius (qui sera blessé) et lui inflige de lourdes pertes[18].

Bataille du Mur des Agrivariens

La seconde bataille entre Germanicus et Arminius en 16, bataille d'Angrivarierwall (ou mur Angrivarien), se situe à proximité d'une fortification et d'un fleuve séparant les Angrivariens(ou Ampsivariens) des Chérusques. Les Germains subissent de lourdes pertes mais les Romains ont un retour difficile par la voie fluviale et par la mer du Nord [19].

Tibère rappelle Germanicus en 17 et renonce à occuper la rive droite du Rhin à l'exception du pays de Cananefates, des Frisons et des Chauques dans le delta du Rhin et d'une tête de pont en face de Mongotiacum, l'actuelle Mayence. Il entreprend alors de réorganiser la frontière du Rhin[20].

Création des deux districts militaires

Topographie de Novaesium, Castrum et Vicus sur les Limes du Rhin, aujourd'hui Neuss [21]

Fin de l'idée de conquête de la Germania Magna

Auguste, renonçant à l'unité de commandement de l'armée romaine qui défend la frontière, confie aux deux légats de Germanie inférieure et de Germanie supérieure le district militaire de la province de Belgique. La frontière du Rhin, qui est renforcée de nombreux ouvrages fortifiés édifiés à Remagen, à Sinzig à Vindonissa, aujourd'hui Windisch, etc n'est menacée qu'en 28 après J.C. par une brève révolte des Frisons. Parallèlement, l'élimination de Marobod par son rival Catualda en 18 après J.C. permet à Tibère de faire accepter le protectorat de Rome aux Marcomans de Bohême[20].

En 37 après JC, Lucius Pomponius bat les Chattes et délivre des légionnaires prisonniers depuis la bataille de Teutoburg [22] et en 41, la troisième Aigle emblématique est récupérée par Publius Gabinius chez les Chauques.

De 41 à 54, dans la crainte d'un réveil de la Germanie, Claude fait construire de nombreux castella implantés au-delà du Rhin et du Danube.

Règne de Vitellius

En 68, après la chute de Néron, Vitellius est nommé, à la surprise générale, commandant des légions de Germanie inférieure par Galba[23]. Il réussit à se faire apprécier par ses subalternes et ses soldats, pour son indulgence, sa prodigalité et sa démagogie[24]. À la mort de Galba, assassiné par Othon, et est proclamé ” empereur des armées de Germanie Inférieure et Supérieure“ par ses légions le 2 janvier 69 à Colonia Claudia Ara Agrippinensium, aujourd'hui Cologne [25] au même moment qu'Othon à Rome.

Article détaillé : Année des quatre empereurs.

Révolte des Bataves

Reconstitution d'une tour de guet du Limes près de Vechten sur le Vieux Rhin

La révolte des Bataves débute en septembre 69 après J.-C. par le siège de Castra Vetera proche de l'actuelle ville de Xanten défendu par la Legio V Alaudae et par la Legio XV Primigenia. Suite au suicide de Néron et à la guerre civile, les cohortes d'auxiliaires germains, les Bataves suivit des Cananefates se rebellent, commandés par Julius Civilis leur prince héréditaire, par ailleurs officier romain. Après la reddition de Castra Vetera en 70 après J.C., les 2 légions sont anéanties par les Bataves. Il faudra une armée de 8 légions pour vaincre la rébellion et détruire l' Opidum Batavorum, où se situe aujourd'hui la ville de Nimègue. Par ailleurs, suspectées d'infidélité, la Legio I Germanica sera démantelée et la Legio XVI Gallica sera modifiée.

Renforcement du Limes

Reconstitution de la tour nord du castellum "Biriciana" à Weißenburg, sur le limes de Bavière.

Poursuivant l'œuvre de Claude, les Flaviens repoussent progressivement la frontière vers le nord-est et entreprennent la construction, entre Confluentes, aujourd'hui Coblence, et Castra Regina, aujourd'hui Ratisbonne, d'un limes puissamment fortifié, qu'Antonin le Pieux déplace légèrement vers l'Est au IIe siècle dans la partie centrale entre le Main et la Rems[26].

Les deux districts sont érigés en provinces.

Vers 83-84, l'empereur Domitien fait des districts militaires des provinces autonomes, impériales

C'est de Cologne que Trajan, en janvier 98 apr. J.-C., alors gouverneur de Germanie supérieure apprend la mort de son père adoptif Nerva et devient son successeur. La nouvelle lui est apportée par le jeune Hadrien. Il va y accomplir ses premiers actes de gouvernement: il ordonne que les cendres de Nerva soient déposées au Mausolée d'Auguste - ce sera le dernier empereur à y être déposé - et qu'il soit déifié. Il reste sur le Rhin, confie l'administration au Sénat, puis passe sur le Danube pour y préparer la campagne de Dacie. [27]

La politique de Rome va dès lors, à l’égard des peuples au delà du Rhin, devenir défensive: il était seulement nécessaire de les éloigner des frontières. Ce but fut atteint par Domitien, Trajan compléta son œuvre et jusqu’au règne de Caracalla il n’y a plus de guerres à signaler contre les peuples d'au delà des limes pendant plus d'un siècle[28]. La Germanie inférieure dispose alors de quatre légions pour la défendre, soit près de 30.000 hommes.

Le IIe siècle: la Germanie romaine

Cologne, siège des légats

Les chefs-lieux respectifs des deux provinces, Colonia Claudia Ara Agrippinensium ou CCAA, aujourd'hui Cologne et Mogontiacum, aujourd'hui Mayence, servent de résidence aux légats consulaires qui les gouvernent et en assurent la défense, articulée autour des grands camps de légionnaires établis par Trajan, Bonn, Mayence et Argentoratum, aujourd'hui Strasbourg, aux portes desquels se multiplient les canabae peuplées de marchands, de femmes et de leurs enfants illégitimes, les ex castris[26].

Sous la protection du Limes

Constitué de plus de soixante places fortifiées, espacées de 7 à 10 kilomètres et de plus de neuf cents tours de guet le limes rhénan va longtemps mettre la Germanie inférieure, la Germanie supérieure et la Rhétie à l'abri des pillages et des raids des peuples germains.

Article détaillé : Limes.

À l'abri des limes qui rendent possible la jonction directe des armées du Danube et du Rhin et facilitent la diffusion dans la Germanie romaine des hommes, des produits et des idées de l'Orient, notamment du mithriacisme, Rome procède à la colonisation par des petits propriétaires gallo-romains de la plaine entre Meuse et Rhin et de la plaine du Haut-Rhin et du Main, appelées Champs Décumates: les agri décumates.

Article détaillé : Champs Décumates.

L'essor de l'Artisanat et de l'Industrie

L'une des régions les plus peuplées de l'Empire devient l'objet d'une intense mise en valeur agricole: les Ubiens défrichent la plaine du lœss entre Meuse et Rhin, la vigne est introduite en Moselle et l'industrie du zinc se développe à Gressenich près d'Aix-la-Chapelle probablement par la Via Mansuerisca. La poterie sigillée se développe près de Coblence et de Mayence et des manufactures de légionnaires près de Xanten et de Neuss. La briqueterie se développe près de Rheinzarben et Heiligenberg. La fabrique des lampes s'installe près de Mayence. L'industrie du laiton, transférée vers 80 de Capoue dans la région de Liège et d'Aix-la-Chapelle. La verrerie est accueillie à Cologne et enfin Trèves devient un centre célèbre du foulage et de la teinture.

Cologne port du Rhin

Les principales bénéficiaires de cette expansion sont les villes rhénanes, notamment Strasbourg et Cologne. Bien équipées, - manufactures, docks, entrepôts - elles assurent la redistribution locale des denrées alimentaires importées massivement du reste de l'Empire - céréales, vin, huile et conserves - ainsi que l'exportation de leur propres production à travers toute le Germanie en échange de l'ambre, des esclaves et des fourrures des pays baltiques[29],[30].

Cologne a la croisée des Chaussées

Un tel trafic est facilité par la densité des voies de communications romaines d'intérêt militaire: les rocades parallèles aux limes du Rhin, de la côte (Leyde) à Maastricht par la vallée de la Meuse et de Nimègue à Cologne et Mayence jusqu'au Danube ainsi que les liaisons avec l'arrière-pays: la chaussée de Bavay à Cologne. Par les fleuves enfin, desservis par la flotte du Rhin (classis germanica), dont l'action économique se trouve prolongée par le commerce des produits pondéreux en provenance ou à destination des pays de la mer du Nord, voire de la Baltique, par un cabotage qui atteint la Norvège et remonte l'Ems, le Weser et l'Elbe. [31]

Le IIIe siècle

Carte de l'Empire romain vers l'an 271 après JC, avec la rupture avec l'Empire des Gaules à l'Ouest et de l'Empire de Palmyre à l'Est.

Les détails des incursions des Germains sont peu connus mais on sait qu'elles vont suivre les grands axes routiers. Elles vont manifestement épargner les Ardennes et l'Eifel. On sait seulement qu'elles se succèdent a partir de 253, date d'un des premiers raids des Francs dans le nord de la Gaule. Les Saxons eux aussi sévissent le long de la côte.

Cologne, capitale éphémère

L'empereur Valérien capturé par les Perses sassanides, son fils Gallien aura de grande difficultés à défendre l'empire.

Face à une double attaque des Alamans en Rhétie, l'empereur Gallien confie à un général originaire du peuple des Bataves - Postume - le poste de gouverneur de la Germanie inférieure envahie par les Francs. La Germanie supérieure est confiée au fils de Gallien, Saloninius conseillé par le général Silvanus.

Postume va battre facilement les Francs et, dans l'enthousiasme, se fait proclamer empereur vers 260, s'empare de Cologne, exécute Saloninus et le général Silvanus, et fera commémorer cet exploit par un arc de triomphe. La Gaule - sauf la Narbonaise qui restera fidèle à Gallien - , la Bretagne et l'Espagne vont le reconnaître comme empereur.

Un Empire des Gaules éphémère

Article détaillé : Empire des Gaules.

Usurpant Gallien qui trop occupé par les Alamans et un autre usurpateur, ne réagit pas, il va former l'impérium galliarum, un Empire des Gaules avec un sénat, deux consuls et une garde prétorienne et bat monnaie comme l'empire.

Vers la fin de 268, un preases provinciae, gouverneur de Germanie supérieure, Lélien, va lui aussi se proclamer empereur. Postume va marcher sur Mogontiacum, aujourd'hui Mayence, le tue mais se fait occire - ainsi que son fils Postume le Jeune et leur garde personnelle - lorsqu'il veut empêcher le sac de la ville par ses troupes. [32]

En 269, son successeur - Marcus Aurelius Marius - prenant le nom de deux illustres prédécesseurs, Marc Aurèle et Gaius Marius ne va régner quelques mois, comme l'attestent les quelques pièces frappées à son effigie.

Victorien, qui a été consul avec Postume, lui succède et s'en va assiéger Augustodunum Haeduorum maintenant Autun, capitale de la civitas des Éduens - qui voulait rejoindre l'empire de Gallien - pendant sept mois, avant de la piller. Il se fait assassiner. Il aurait eu un fils, Victorien le jeune, tué quasi immédiatement par la troupe.

Trèves devient capitale

En 271, un preases provinciae, gouverneur d'Aquitaine - Tetricus - avec l'aval de la Gaule et de la Bretagne est déclaré empereur près de Burdigala, aujourd'hui Bordeaux, et installe sa capitale à Augusta Treverorum, Trèves, et gouverne avec son fils Tetricus II le jeune. Il doit, lui aussi faire face aux Germains, mais comme ses successeurs, ne fait rien pour agrandir l'Empire des Gaules mais rallie l'Aquitaine qui avait rejoint l'empire de Claude II le Gothique, successeur de Gallien, assassiné à Milan. Vers 273, il se retrouve face à un nouvel usurpateur - Faustinus - alors gouverneur de la Gaule Belgique.

Fin de l'Empire des Gaules

En 273, l'empereur Aurélien décide de mettre fin à une sécession de 15 ans. Tetricus et son fils il se rallie à Aurélien lors de la bataille qui opposa Aurélien aux légions du Rhin et de Bretagne près de Châlon-sur-Marne à la Bataille des champs Catalauniques[33]. Il semble que Tetricus, après avoir été exhibé lors du triomphe d'Aurélien, ait pu finir ses jours comme corrector Lucaniae et Bruttiorum, gouverneur civil de Lucanie et du Bruttium. [34] C'est Aurélien ferme l’atelier monétaire de Trèves et le transféra à Lyon, aujourd'hui Lugdunum.

Article détaillé : Bataille des champs Catalauniques.

Les francs font une nouvelle invasion en 275, s'emparent de Tongres et détruisent une soixantaine de vicus[35].

Une dernière réforme territoriale touche la Germanie inférieure. Elle date, comme pour le reste de l'Empire, de 297. Elle est connue grâce à la Notitia Dignitatum, inventaire de l'administration du Bas-Empire : les contours généraux qui avaient été fixés par Agrippa, l'administrateur d'Auguste, vont être précisés par Dioclétien[36].

En 294 et 295, Galère repousse les Goths.

En 298, Constance Chlore est vainqueur d'importantes bandes d'Alamans qui avaient traversé le Rhin, pillaient l'est de la Gaule et avaient mis le siège devant Andematunum - aujourd'hui Langres.

Le IVe siècle

Renforcement du dispositif défensif

Le dispositif défensif de la capitale, où les incursions germaniques sont de plus en plus fréquentes, est renforcé par Constantin le Grand vers 315 par l’érection d’un pont protégé par un fortin, le Castellum Divitia, aujourd'hui Deutz sur la rive droite du Rhin. Le pont tiendra plus d'une centaine d'année. Nimègue et Valkenburg sont renforcés de même. Les ponts de Maastricht et de Cuijk sont rétablis pour faciliter les manœuvres de la cavalerie. Xanten et Tongres reçoivent de nouvelles enceintes, plus petites mais plus faciles à défendre, la population vivant hors-murs. Au bouche du Rhin, un grand port est construit : Brittenburg, aujourd'hui impossible à identifier, bien que décrite au XVIe et XVIIe siècle. Il est possible que l'érosion des marées l'ait définitivement effacé, entrant dans la légende ...

Ce dispositif se révèle efficace car, à part une invasion des Francs, devenu un peuple important en 355 et défaits par Julien, la prospérité s'installe.

Implantation du christianisme

L’implantation du christianisme remonte au début du IVe siècle. Le premier évêque de la capitale, Materne de Cologne, possède une église à proximité du temple de Mercure-Auguste. À la fin du même siècle, les développements du centre épiscopal détruisent le temple.

À Tongres, Servais va s'installer pour mourir à Maastricht en 384.

Le Ve siècle: l'invasion germanique

Les Francs qui avaient envahi et pillé Cologne vers 355 mais qui avaient été vaincus, vont s'installer comme paysans dans les plaines du Rhin et de la Meuse, au dessus de la chaussée romaine de Cologne à Tongres avec l'aval des romains. Il vont garder leur dialecte.

Abandon par les romains des capitales des Germanies

En 396, le préfet des Gaules quitte Trèves pour Arles et la cour impériale s'installe à Milan.

La grande invasion des germains coalisés se déclenche le 31 décembre 406 en franchissant le Rhin et atteignant Tournai[37].

Vers la fin de 406, d'autres tribus germaniques envahirent l'empire. Les Francs, alliés aux romains, restèrent fidèles et repoussent les Vandales, mais se font battre à leur tour par les Alains.

Premiers royaumes francs

Les seigneurs de la guerre Francs s'installèrent alors dans de nouvelles résidence: Krefeld, Deutz et Nimègue et commencent à annexer des territoires à leur pouvoirs tout en se disant romains.

En 456, le général gallo-romain Ægidius magister militum des Gaules est chargé par l'empereur d'Occident Majorien de rétablir l’ordre en Gaule mais il est forcé de reconnaître que la ville de Cologne est devenue franque.

Vers 463, le roi Franc Childeric Ier va se considérer comme lui-même gouverneur de Germanie seconde et prendre Tournai comme capitale, tandis que Cambrai devient la capitale d'un autre gouverneur Franc.

Héritage de la Germanie inférieure

Le dernier empereur romain d'Occident, Romulus Augustule, déposé en 476, les rois Francs vont rapidement développer leurs possessions au départ de la Germanie inférieure. Clovis, fils de Childeric va regrouper les royaumes de Cambrai, Le Mans, Tournai, Trèves et Deutz pour arriver à la Loire en 507 et installer sur toute la Gaule un état chrétien basé sur 500 ans de solide tradition romaine[8].

Le Commerce

Arts industriels et l'Artisanat

La Céramique

  • Terra sigillata
  • La terre sigillée arrétine
  • Ateliers et maîtres potiers
  • Sites
  • Céramique locale et poteries communes
  • Les vases à visages ou "planétaires"
  • Lampes
  • Terres cuites
  • Tuiles et Briques

Arts du Métal

Verrerie

Glyptique

Travail du cuir - Textiles

Les Voies de Communications

Annexes: Topographie de la Province vers 120

Limes Germaniques

Légions stationnées en Germanie inférieure

L'armée de Basse Germanie, connue par des inscriptions de ce type : EX GER INF (Exercitus Germaniae Inferioris, « armée de Germanie inférieure »), a eu plusieurs légions à son service. Parmi celles-ci, les légions I Minervia et XXX Victrix (à partir de Trajan) sont quasi permanentes[réf. nécessaire].

Domitien disposait des légions suivantes:

  • La X Gemina. Elle avait été appelée d’Espagne en Germanie Inférieure contre Civilis[38] et, au commencement du règne de Trajan, elle s’y trouvait encore. On a découvert à Noviomagus -aujourd'hui Nimègue - de nombreux monuments et briques attestant que son camp permanent était en cet endroit[39].
  • La VI Victrix. Comme la précédente, elle fut appelée en Germanie Inférieure contre Civilis [40]. Elle s’y trouvait au début du règne de Trajan [41], et elle y resta jusqu’à l’époque d’Hadrien. Son camp sous les Flaviens semble avoir été à Novaesium aujourd'hui Neuss.
  • La XXI Rapax. Après la mort de Néron, elle était à Vindenissa en Germanie Supérieure[42]. Elle fut aussi envoyée contre Civilis[43]. C’est à partir de cette époque que se place son second séjour en Germanie Inférieure (au début du règne de Tibère elle y était déjà) [44] . Son camp était à Bonn Ritterling, [45].
  • A ces trois légions, il convient probablement d’ajouter la XXII Primigenia. Elle a certainement fait partie de l’armée de la Germanie Inférieure, où elle a laissé de nombreuses traces de son séjour. On sait qu’elle y était quelques années après l’an 100, quoique depuis peu, car en 97 elle se trouvait en Germanie Supérieure. Cependant il y a de sérieuses raisons de croire que ce fut là son second séjour en Germanie inférieure et que le premier eut lieu à l’époque des Flaviens, avant l’année 89. Elle reçut les surnoms de Pia Fidelis, probablement en 89, en même temps que la VI Victrix et la X Gemina qui faisaient certainement partie à cette époque de l’armée de Germanie Inférieure. De plus, sur deux briques trouvées sur le territoire de la Germanie Inférieure, en Hollande, elle est qualifiée de leg(io) XXII Pr(imigenia) P(ia) F(idetis) D ou Do, c’est-à-dire, [46], Domitiana, surnom qu’elle n’a pu porter que du vivant de Domitien. Son camp était vraisemblablement à Noviomagus (Nimègue).

la Marine

La flotte romaine de Germanie (Classis Germanica), chargée de patrouiller sur le Rhin et en mer du Nord, est basée à Castra Vetera et plus tard à Agrippinensis.

Liens internes

Liens externes

Notes et références

  1. sans compter les nombreux méandres du Rhin!
  2. Ptolémée, Géographie, 2-8
  3. Scholtz Fr.: Der Vinxtbach als Sprachgrenze
  4. Noticia provinciarum et civitatum Galliae
  5. Moutschen J.P. Dumont Br. & all, Visages d'Olne, Annexes, 2007
  6. Parleviet D. , "De Brittenburg voorgoed verloren" in Westerheem 51/3, 2002
  7. Gechter M. , Early Roman military installations Ubian and settlements in the Lower Rhine, in: Th. Blagg - M. Millett (éd.), The early Roman empire in the West (Oxford 1990) 97-102.
  8. a , b , c , d  et e Lendering J., De randen van de aarde. De Romeinen tussen Schelde en Eems - (2000 Amsterdam)
  9. (nl) J. Lendering, De randen van de aarde: de Romeinen tussen Schelde en Eems, éd. Ambo, Amsterdam, 2000.
  10. Dion Cassius, Histoire romaine, LIV, 33, [sur Wikisource].
  11. (de) A. Johnson, Römische Kastelle des 1. und 2. Jahrhunderts n. Chr. N in Britannien und in den Germanischen Provinzen des Römerreiches, Mayence. 1987.
  12. S. Fichtl, « Murus et pomerium : réflexions sur la fonction des remparts protohistoriques », Revue archéologique du centre de la France, t. 44, 2005, [lire en ligne].
  13. Chevalier R. , Rome et la Germanie au Ier siècle de notre ère, Latomus, Berchem1961
  14. Tacite (I, 51)
  15. Selon Tacite (Annales I,68)
  16. Selon Tacite (Annales I,63)
  17. Momsen Th. Histoire romaine,
  18. Selon Tacite (Annales II,16)
  19. Selon Tacite (Annales II, 19)
  20. a  et b Chevalier R. , ibidem, 1961
  21. Moutschen J.P. Dumont et at all Visages d'Olne, Annexes) 2009
  22. (Tacite, annales, XII 27)
  23. Suétone, Vies des douze Césars, Vitellius, ch. VII.
  24. Suétone, Vies des douze Césars, Vitellius, ch. VII et VIII.
  25. Suétone, Vies des douze Césars, Vitellius, ch. VIII.
  26. a  et b Harmand L. L'Occident romain P.U.F., 1960
  27. Werner Eric, La romanisation de la Germanie - Errance, 2008: Eutrope: imperator... apud Agrippinam in G allias factus est
  28. Stephane Gsell - Essais sur le règne de l'empereur Domitien
  29. Harmand L. - L'occident Romain - PUF, 1960
  30. En Germanie supérieure cet essor est parfois remis en cause par le réveil en 166 des Germains du Danubes, Quades et Marcomans, que Marc-Aurèle va réussir à rejeter au delà du fleuve.
  31. Pierre Thibault, Histoire du Moyen-âge, Université de Paris X - 1973
  32. Aurelius Victor 33, 8, Eutropius 9. 9. 1,
  33. Eutrope, Breviarium historiae Romanae, 9, 13, 1
  34. Aurelius Victor Liber de Caesaribus, 35, 3
  35. Suttor M. Vie et dynamique d'un fleuve: La Meuse de Sedan à Maastricht (des origines à 1600), - De Boeck Université, 2006
  36. Raepsaet-CharlierLa cité des Tongres sous le Haut-Empire
  37. Blampain Daniel, Le Français en Belgique: une langue, une communauté, De Boeck Université,1997
  38. Tacite, Histoires, V, 19 et 20.
  39. Ritterling: De legione Romanorum X Gemina (1885).
  40. Tacite, Histoires, IV, 68 ; V, 14 et 16.
  41. Brambach, Corpus inscriptionum Rhenanarum, nos 660, 662, 686.
  42. Tacite, Histoires, IV, 70 ; cf. I, 61 et I, 67.
  43. Tacite, Histoires, IV, 68.
  44. Tacite, Annales, I, 31
  45. Tacite, ibidem
  46. comme l’a supposé M. Ritterling
  • Portail de la Rome antique Portail de la Rome antique
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