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Fièvre jaune
Classification et ressources externesUne micrographie au microscope électronique du virus de la fièvre jaune (234,000 X) CIM-10 A95. CIM-9 060 DiseasesDB 14203 MedlinePlus 001365 eMedicine med/2432 MeSH D015004 La fièvre jaune, parfois appelée vomi noir (vomito negro) ou peste américaine, est une maladie virale aiguë. C'est une arbovirose zoonotique des grands singes de la forêt équatoriale et elle est transmise de singe à singe par divers moustiques du genre Aedes, hôtes intermédiaires et vecteurs.
L'homme traversant ces foyers sauvages d'endémie est sporadiquement piqué par les moustiques infectés et fait alors une fièvre jaune humaine dite "forme sylvatique". Revenu vers les centres habités, il joue le rôle de réservoir de virus et, piqué par le moustique commensal qu'est Aedes aegypti, hôte vicariant très efficace, il est à l'origine d'une fièvre jaune purement humaine et épidémique : la redoutable "forme urbaine".
La fièvre jaune reste toujours une cause importante de maladies hémorragiques dans plusieurs pays africains et sud-américains, malgré l'existence d'un vaccin efficace.
Sommaire
Historique
La première épidémie semble être en 1648 au Yucatan[1]. Depuis, de nombreuses épidémies ont été décrites, dont celle de 1821 - plusieurs milliers de morts (20 000 selon certaines estimations) à Barcelone[2], celle de 1965 (plusieurs milliers de cas causant plusieurs centaines de morts au Sénégal).
Des médecins Français sous l'Empire, et en particulier Pierre Lefort à la Martinique dès 1818, se sont penchés sur cette maladie en tentant d'en établir la non-contagion (sans pour autant, semble-t-il, en établir le lien direct avec les moustiques à l'époque).
L'hypothèse du rôle de certains moustiques a été émis dès 1881[1] et son origine infectieuse prouvée par Walter Reed en 1901[3] qui confirme également le rôle de Aedes aegypti dans la transmission. Les campagnes d'éradication de ce vecteur en Amérique centrale permettent la quasi-disparition de la maladie dans ces zones.
Le virus est isolé en 1927 par Adrian Stokes. Quelques années plus tard, Max Theiler parvient à atténuer une souche de virus qui conserve un pouvoir immunogène, ouvrant la voie au vaccin. Celui-ci recevra en 1951 le prix Nobel de médecine pour ses travaux. Une autre souche atténuée, développée en France vers la même période, conduit à un second vaccin, mis au point et introduit en 1934 par Jean Laigret, de l'Institut Pasteur, et largement utilisé en Afrique jusqu'en 1982, où les complications neurologiques (encéphalites chez l'enfant) le font abandonner. Le virus est séquencé en 1985[4].
Alors que 206 000 cas de fièvre jaune ont été recensés en 2005 dans douze pays africains (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte d'Ivoire, Ghana, Guinée, Libéria, Mali, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone et Togo), provoquant 52 000 décès, l’Organisation mondiale de la santé estime que l’épidémie pourra faire entre 1,5 et 2,7 millions de morts si aucune action n'est menée en matière de prévention vaccinale[5].
Épidémiologie
La maladie est provoquée par un arbovirus de la famille Flaviviridae (qui comprend également la dengue, l'encéphalite de Saint Louis et le virus du Nil occidental). C'est un des plus petits virus à ARN que l'on ait réussi à isoler chez l'homme.
Les moustiques sont le vecteur principal de la maladie par transmission des singes à l'homme et par transmission d'homme à homme. Les moustiques impliqués sont Aedes simpsoni, Aedes africanus, et Aedes aegypti en Afrique, ainsi que les Haemagogus et Sabethes en Amérique du Sud. Il y a une différence entre les symptômes de la maladie dans des secteurs ruraux et dans les villes. Les symptômes de la maladie dans les villes et chez les personnes d'origine étrangère sont habituellement plus sérieux.
Physiopathologie
Après infection lors d'un piqure de moustique, le virus se réplique dans les ganglions lymphatiques et infecte en particuliers les cellules dendritiques. Il atteint ensuite le foie et les Hépatocytes, probablement indirectement par le biais des cellules de Küpffer. Ceci entraîne un dégradation des granulocytes éosinophiles et une libération de Cytokines. On constate l'apparition de corps de Councilman dans le cytoplasme des hépatocytes[6],[7].
L'évolution fatale de la maladie entraine une insuffisance cardiaque ou une défaillance multiviscérale associée à une fort accroissement des niveaux de cytokine (choc cytokinique)[8]..
Clinique
Le tableau est celui d'une fièvre hémorragique virale.
L'incubation muette, très courte, 5 jours, est suivie d'une invasion brutale avec malaise, maux de tête violents, sensation de "coup de barre" dorsal et poussée fébrile à 39 °C.
La période d'état comporte 2 phases fébriles séparées par une défervescence en V de 24 heures :
- une phase rouge de 3 jours, virémique, polyalgique, avec hyperthermie à 40 °C et plus, au cours de laquelle se produit une dissociation pouls - température ;
- une phase jaune de 3 jours, hépato-néphrétique et hémorragique, avec ictère purpurique, hémorragies digestives aboutissant aux vomissements noirs, d'où le nom de "vomito negro", et protéinurie régulièrement croissante.
En cas d'évolution favorable, une défervescence en "lysis" en 48 heures, accompagnée d'une reprise de la diurèse, amène la guérison après 10 jours de maladie, durée maximale pathognomonique de la fièvre jaune.
La mort survient en hypothermie, après rémission brutale ou au début de la reprise, ou en hyperthermie vers le 8e jour, sans rémission.
Diagnostic
Le diagnostic est clinique. Il se fait sur l'aspect de la courbe de température et les signes d'examen.
Après une période d'incubation de 3 à 6 jours, les symptômes typiques qui apparaissent sont la fièvre, des douleurs musculaires, des maux de tête et des douleurs dans le dos. La langue rouge, le visage livide et le rougissement des yeux peuvent également être des symptômes de la maladie. Dans certains cas, des organes internes tels que le foie, les reins et le cœur peuvent être touchés. Il peut y avoir une hémorragie du tube digestif : le sujet vomit alors du sang noir (le vomito negro caractéristique).
Il faudra éliminer :
- le paludisme par recherche de plasmodiums dans la goutte épaisse ;
- une fièvre bilieuse hémoglobinurique mais on aurait alors des urines acajou ;
- une récurrente mais on verrait les borrelias entre les globules rouges sur étalement de sang coloré au Giemsa ;
- une spirochétose ictéro-hémorragique ou une hépatite endémique mais elles auraient continué à évoluer après le 10e jour.
La confirmation pourra être obtenue d'un laboratoire spécialisé ou d'un centre de référence de l'OMS :
- à partir du sang du malade, dès le 3e ou 4e jour, par inoculation à la souris ;
- à partir de son sérum sanguin par un test de protection de la souris.
Traitement
Il n'existe aucun traitement spécifique de la fièvre jaune qui est une maladie virale.
Seul un traitement symptomatique est possible, notamment contre la fièvre et la déshydratation. Il permet d'améliorer l'évolution de la maladie dans les cas les plus graves, mais il est peu accessible dans les zones défavorisées. L'extrême fragilité du malade demandera une grande prudence dans l'application d'un tel traitement.
Le malade devra être isolé sous moustiquaire pendant au moins 5 à 6 jours.
Prise en charge
Il n'existe pas de traitement, c'est pourquoi la vaccination préventive est si importante. On ne sait que traiter les symptômes de la maladie et soutenir le patient, en particulier en le réhydratant. Des actions plus lourdes sont nécessaires pour les cas les plus graves, comme des transfusions sanguines ou des dialyses.
Évolution et complications
La plupart des malades voient leur état s'améliorer au bout de 3 à 4 jours. Toutefois dans 15 % des cas[9], la maladie évolue vers une forme plus grave, parfois compliquée par un ictère dû à une défaillance du foie et/ou une insuffisance rénale causée par une protéinurie.
Si la maladie progresse, le sujet délire et tombe dans le coma. L'hypotension et la déshydratation sont également courantes. La fièvre jaune est mortelle dans 50 à 80 %[10] des cas graves. La mort survient 6 à 7 jours après le début de l'incubation.
Prévention
Vaccination
Un vaccin contre la fièvre jaune - vaccin anti-amarile - a été développé. Il s'agit d'un vaccin vivant atténué, utilisant une souche nommée 17D et découvert en 1936 par Theiler et Smith[11].
La vaccination est obligatoire pour toutes les personnes résidant en Guyane[12] et pour voyager dans de nombreux pays tropicaux et équatoriaux. L'entrée dans ces pays est généralement refusée dès l'aéroport d'arrivée, avant toute autre formalité administrative, si on ne peut présenter un carnet de vaccination international à jour pour cette vaccination. Attention : les centres habilités à pratiquer cette vaccination et à délivrer le carnet international de vaccination sont peu nombreux et les délais de rendez vous souvent long.
Il est recommandé pour les personnes voyageant dans les secteurs affectés par la maladie. Le Bulletin épidémiologique hebdomadaire]le dit, à juste titre, : "indispensable pour tout séjour dans une zone intertropicale [...] même en l'absence d'obligation administrative[13]".
Il permet également de contrôler l'expansion de la maladie.
Il apporte en une semaine une protection immunitaire efficace chez 95 % des sujets vaccinés[9]. Certaines sources avancent une protection de 85% à 95%, et un délai de 10 jours pour que la protection soit efficace[14]. Là ou la vaccination est obligatoire pour entrer dans le pays, elle doit avoir été faite au moins 10 jours avant le jour d'arrivée.
Une seule dose vaccinale donnerait une protection durable au moins 30 à 35 ans, voire à vie[9]. Cependant la réglementation internationale considère que la vaccination n'est efficace que pendant 10 ans, elle doit donc être renouvelée tous les 10 ans[15].
Les effets secondaires sont assez courants : douleur au point d'injection, fièvre ou céphalées dans un peu moins d'un tiers des cas[16]. De manière exceptionnelle (moins de 1 cas pour 100 000 vaccinations[17]) survient un effet « viscerotropique » avec des symptômes proches de ceux d'une fièvre jaune et pouvant aboutir au décès dans environ la moitié des cas. Un vaccin inactivé, et donc ne comportant pas théoriquement ce risque, est en cours de test[18].
Dans beaucoup de pays, les personnes qui ont visité dans les six derniers mois des pays touchés par la fièvre jaune et qui n'ont pas de preuve matérielle de la vaccination sont susceptibles d'être placées en quarantaine jusqu'à ce qu'on ait pu vérifier qu'elles ne sont pas porteuses de la maladie[réf. nécessaire].
Lutte contre les moustiques
Les insecticides, les vêtements de protection et l'installation de moustiquaires aux fenêtres sont des mesures individuelles utiles, mais pas toujours suffisantes, contre cette maladie. Des campagnes de lutte contre les moustiques dans les zones touchées font également baisser le nombre de cas.
Déclaration obligatoire
En France, en Belgique, en Suisse[19] et en Allemagne, cette maladie est sur la liste des Maladies infectieuses à déclaration obligatoire
Notes et références
- (en) Staples JE, Monath TP, Yellow fever: 100 years of discovery, JAMA, 2008;300:960-962
- Robert Delort, Les animaux ont une histoire, Éditions du Seuil, 1984.
- (en) Reed W, Carroll J, Agramonte A, The etiology of yellow fever: an additional note, JAMA, 1901;36:431-440
- (en) Rice CM, Lenches EM, Eddy SR et als. « Nucleotide sequence of yellow fever virus: implications for flavivirus gene expression and evolution », Science, n° 229, 1985, pp. 726-730
- « Fièvre jaune : Une menace pour l'Afrique », Les Échos (Mali) 6 décembre 2006.
- (en) Ryan KJ; Ray CG (editors), Sherris Medical Microbiology, New York, McGraw Hill, 2004, 4the éd. (ISBN 978-0-8385-8529-0) (LCCN 2003054180)
- Quaresma JA, Barros VL, Pagliari C, Fernandes ER, Guedes F, Takakura CF, Andrade HF Jr, Vasconcelos PF, Duarte MI, « Revisiting the liver in human yellow fever: virus-induced apoptosis in hepatocytes associated with TGF-beta, TNF-alpha and NK cells activity », dans Virology, vol. 345, no 1, 2006, p. 22–30 [lien PMID, lien DOI]
- Monath TP, « Treatment of yellow fever », dans Antiviral Res., vol. 78, no 1, avril 2008, p. 116–24 [lien PMID, lien DOI]
- (fr) Fièvre jaune, Aide-mémoire sur le site de l'OMS en français
- (fr) La Fièvre jaune sur le site de l'Institut Pasteur.
- The use of yellow fever virus modified by in vitro cultivation for human immunization, J Exp Med, 1937;65:787–800 Theiler M, Smith HH,
- Calendrier des vaccinations sur Service-public.fr
- Comité des Maladies liées aux Voyages et des maladies d'Importation et Conseil Supérieur d'Hygiène Publique de France, « Recommandations sanitaires pour les voyageurs 2006 », dans Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire, no 23-24 « numéro thématique à l’attention des professionnels de santé », 13 juin 2006, p. 154-163 [résumé, texte intégral]
- (fr) Fièvre jaune - Aide-mémoire sur http://www.invs.sante.fr, le site de l'Institut de veille sanitaire. Source : Numéro thématique : Santé des voyageurs 2007. Bull Epidemiol Hebd 2007; 25-26.
- (en) Mark Gershman, Betsy Schroeder, J. Erin Staples. Travelers' Health - Yellow Book - Chapter 2 - Yellow Fever sur http://wwwnc.cdc.gov.
- Comparative safety and immunogenicity of two yellow fever 17D vaccines (ARILVAX and YF-VAX) in a phase III multicenter, double-blind clinical trial, Am J Trop Med Hyg, 2002;66:533–541 Monath TP, Nichols R, Archambault WT et al.
- Adverse event reports following yellow fever vaccination, Vaccine, 2008;26:6077–6082 Lindsey NP, Schroeder BA, Miller ER et al.
- An inactivated cell-culture vaccine against yellow fever, N Engl J Med, 2011;364:1326-1333 Monath TP, Fowler E, Johnson CT et Als.
- admin.ch site de l'administration fédérale
Ressources
- (en) Yellow fever - Ressources sur la fièvre jaune sur http://www.cdc.gov, le site internet des CDC (Centres pour le contrôle et la prévention des maladies).
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