Expatriation fiscale

Expatriation fiscale

L'expatriation fiscale est la démarche qui consiste pour une personne ou une entreprise à changer légalement de résidence fiscale afin de se mettre dans une situation fiscale plus favorable. Cette expatriation suppose donc que le concept de résidence fiscale existe dans le régime fiscal considéré et implique généralement le transfert de celle-ci dans un pays ou une zone économique spéciale offrant une fiscalité relativement plus favorable (certains de ces pays ou zones sont qualifiés en général de « paradis fiscaux »).

Le terme d'« exil fiscal » est également souvent utilisé de façon interchangeable. Certains lui préfèrent le terme « expatriation », jugeant le sens du mot exil inadapté[1].

L'expatriation fiscale est distincte de l'évasion fiscale qui est illégale dans la plupart des pays.

L'expatriation fiscale est distincte de la résistance fiscale qui est une volonté politique de non-participation, fruit de l'idéologie de la non-violence.

Sommaire

Histoire

L'exode rural dans l'Égypte antique (ou anachorèse) était causé par la pression fiscale : les paysans s’enfuyaient de leur terre pour échapper à un système oppressif et des baux iniques.

Utilisation

L'expatriation fiscale suppose que la personne concernée trouve un avantage suffisant dans le fait de s'expatrier, et intéresse donc de prime abord les personnes ayant des ressources importantes et susceptibles d'être taxées lourdement du fait d'un régime fiscal qui est défavorable par rapport au pays d'émigration choisi. On rencontre donc la pratique dans le patronat et l'actionnariat, chez les sportifs de haut niveau (joueur de tennis, champions de Formule 1, footballeurs...) mais également chez les artistes (chanteurs, acteurs). Elle peut également exister pour les travailleurs (indépendants ou salariés), les créateurs d'entreprise et parfois même les retraités aisés qui décident de faire jouer la concurrence fiscale.

Conséquences

Ces migrations de personnes physiques ont pour conséquence :

  • pour l'État de départ, de diminuer ses ressources. S'il veut maintenir une charge fiscale égale, il est contraint d'augmenter le prélèvement des contribuables restants. Il peut aussi subir la disparition des activités économiques qu'exerçait ou finançait la personne sur son sol.
  • pour l'État d'arrivée, d'apporter une ressource budgétaire supplémentaire (inférieure à ce qu'aurait touché l'État de départ, mais toujours appréciée venant de quelqu'un qui aurait pu aussi bien s'installer ailleurs) et éventuellement de nouvelles activités économiques, particulièrement quand l'expatrié est un entrepreneur : Ainsi Denis Payre qui a créé une nouvelle entreprise en Belgique.

Au sein de l'Union européenne, une partie de ces migrations économiques pourrait cesser s'il y avait une plus grande harmonisation fiscale entre les États.

Expatriés français

La France subit une importante concurrence fiscale, voulue ou non, en raison de sa charge fiscale : impôt de solidarité sur la fortune, impôt sur le revenu au taux de 40% sur la tranche marginale des revenus plus 12,1% de charges et dettes sociales (dites CSG CRDS), impôt sur les plus-values, droits de succession ainsi que des prélèvements sociaux (sécurité sociale, cotisations retraites...).

Parallèlement, plusieurs phénomènes récents facilitent l'expatriation fiscale des Français :

  • la création de l'espace Schengen, qui permet aux citoyens français de s'installer librement dans un autre État
  • l'amélioration des transports, ainsi par exemple Londres et Bruxelles ne sont plus qu'à 2h15 et 1h25 respectivement du centre de Paris par le train
  • l'intégration des systèmes bancaires et informatiques, qui facilite le suivi des investissements et les échanges de capitaux

L'expatriation fiscale, permise par la concurrence fiscale, a pour conséquence, selon certains économistes, de forcer les États dépensiers et ceux qui sont moins bien gérés à se réformer. Cette conséquence est mise en avant par les libéraux comme Pascal Salin[2] ou Pierre Garello[3].

Conditions et règles applicables

Les règles applicables pour déterminer le lieu de résidence fiscale varient d'un pays à l'autre et sont généralement précisées par des conventions fiscales signées entre la France et chaque état. Celles-ci sont construites sur un modèle similaire, avec différents critères qui doivent être interprétés par ordre successif, jusqu'à ce que l'un d'eux offre une réponse claire. On retrouve ainsi le plus souvent :

  • Le lieu habituel d'habitation
  • A défaut, le centre des intérêts vitaux (pays où se trouve les liens familiaux ainsi que l'essentiel des activités économiques et revenus)
  • A défaut, la nationalité

C'est sur le premier point que les litiges sont les plus nombreux, car il s'agit pour l'expatrié qui aurait gardé un compte ou des biens en France de prouver sa résidence réelle et habituelle dans un autre pays : peuvent être utilisés des extraits bancaires, le lieu de scolarité des enfants, les notes de déplacements, les billets d'avions, les factures de téléphones, etc. C'est la Direction nationale des vérifications de situation fiscale (DNVSF) qui se charge de suivre les dossiers des personnes soupçonnées d'expatriation fiscale simulée.

Destinations

Pour s'expatrier, les Français choisissent habituellement des destinations francophones et/ou géographiquement proches, le choix s'effectuant en fonction de l'objectif fiscal et des conditions d'accueils :

  • La Suisse (grâce au forfait fiscal pratiqué par certains cantons) attire les très grandes fortunes et les professionnels ayant leur revenus hors du pays (sportifs, acteurs, chanteurs)[4]
  • La Belgique a les faveurs des patrons et retraités, qui bénéficient d'une fiscalité sur les revenus financiers réduite, de l'absence d'impôt sur les plus-values, de l'absence d'ISF, d'une grande proximité avec Paris et de la qualité de vie de Bruxelles, ville internationale et ouverte.
  • L'Italie est choisie par les retraités qui souhaitent échapper aux droits de succession et bénéficier d'un climat agréable.
  • Le Royaume-Uni et le Canada francophone (qui offre, via le Québec, des facilités d'émigration pour les Français) sont souvent choisis par ceux qui désirent fonder une entreprise

Contrairement à une croyance populaire, Monaco n'est pas une destination privilégiée pour les citoyens français, car ceux qui s'y installent sont soumis aux impositions directes exactement comme s'ils étaient en France (à la suite d'accords fiscaux signés avec la France en 1963) ou doivent obtenir de changer de nationalité, ce qui n'est octroyé qu'après une sélection extrême.

Chiffres

Le rapport Marini[5] évalue à 83,3 millions d'euros sur six ans la perte directe pour l'État à cause de cette expatriation fiscale. Chiffre minimum auquel il faut ajouter les impôts fonciers et les droits de succession partis en fumée, ainsi que la TVA non perçue sur les biens consommés par ces expatriés et les impôts non perçus sur les emplois créés à l'étranger par les entrepreneurs exilés[6].

Selon l'économiste Christian Saint-Etienne, l'exil fiscal « équivaut à une perte colossale pour l'Etat »: Selon ses calculs, si les capitaux qui ont fui à cause de l'ISF avaient été investis en France, ils auraient rapporté entre 6 et 8 milliards € par an en TVA ou en impôts sur les sociétés. Il déplore qu'« en voulant essayer de gagner 3 milliards € par an le fisc [perde] deux à trois fois plus »[7]. L'économiste Jacques Marseille estime lui ce manque à gagner à 7 milliards d'€ par an[8]. Pour Christian Chavagneux, rédacteur en chef d'Alternatives Economiques, ce sont 10% des recettes fiscales chaque année qui ne sont pas recouvrées, ceux devant les acquitter s'étant exilés[9].

Le nombre d'expatriés fiscaux français est difficile à établir :

  • Pour l'ISF, l'administration fiscale le situe autour de 843 redevables par an partant avec 2,8 Mds de patrimoine[10], un chiffre à rapporter aux 517 000 redevables de cet impôt (en 2007). Ce chiffre est toutefois incomplet car il ne prend en compte que les contribuables payant déjà l'ISF[11], ce qui exclut par exemple le cas classique du chef d'entreprise bénéficiant de l'exonération au titre de bien professionnel et qui quitte le pays en vendant sa société. Dans un reportage sur l'ISF, l'émission télévisée Capital estime elle qu'un tiers des multimillionaires français s'expatrient[12].
  • En ce qui concerne l'impôt sur le revenu ou les droits de succession, il n'existe pas de chiffres précis. De même pour les particuliers qui quittent la France pour créer une entreprise dans des conditions fiscales plus avantageuses.

Selon le cabinet d'avocats CMS-Bureau Francis Lefèbvre, en 5 ans le seuil de richesse à partir duquel les patrons français envisagent de partir a été divisé par 5 entre 2002 et 2007[13].

Pour le cabinet d'avocats bruxellois Dekeyser & Associés spécialisé dans les questions d'expatriation, la Belgique compte environ 400 000 immigrés français dont environ 60 000 pour des raisons fiscales. Le flux vers la Belgique, apaisé après les élections françaises de mai 2007, a repris[14]. Dans le classement 2008 des 300 plus grosses fortunes de Suisse établi par le magazine Bilan, on retrouve 34 Français[15].

Célébrités

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Sportifs

Artistes

Chanteurs
Acteurs
Auteurs

Patrons & actionnaires

  • Jacques Badin (Carrefour) réside à Bruxelles en Belgique
  • Des membres de la famille Baud (dont Jean Baud), (marques Franprix et Leader Price, entre 2 à 3 milliards de CHF), résident en Suisse
  • Lotfi Belhassine, ancien président d'Air Liberté, entrepreneur réside en Belgique. Il déclare avoir fui la France car l'ISF représentait 93% de ses revenus[23]
  • Claude Berda, AB Groupe, réside à Cologny en Suisse
  • Des membres de la famille Bich (Groupe Bic) résident en Suisse
  • Michèle Bleustein Blanchet, une des héritières de Publicis, réside à Cologny en Suisse
  • Corinne Bouygues réside à Genève en Suisse
  • Pierre Castel, PDG du groupe Castel Frères propriétaire des eaux Cristalline, Vichy Célestins et Saint-Yorre, réside près du Lac Léman en Suisse
  • Des membres de la famille Mulliez (propriétaire de Auchan, Décathlon, Mondial Moquette, Norauto et Kiabi), résident en Belgique
  • Georges Cohen, informatique et armement, réside en Suisse
  • Bernard Darty, fondateur de Darty, réside en Belgique
  • Jean-Louis David, fondateur des salons de coiffure éponyme, réside en Suisse[24]
  • Des membres de la famille Defforey, à l'origine de la société Carrefour, résident en Belgique
  • Des membres de la famille Despature (dont Paul-Georges Despature), propriétaire des marques Damart et Somfy, résident en Suisse et en Belgique
  • Paul Dubrule, co-créateur du Groupe Accor et ancien sénateur-maire de Fontainebleau, réside à Cologny en Suisse
  • Des membres de la famille Ducros résident à Cologny en Suisse
  • Pierre-François Grimaldi (iBazar) réside en Belgique
  • Eric Guerlain réside en Grande-Bretagne
  • Daniel Hechter, créateur, réside en Suisse
  • Philippe Hersant, groupe Hersant, réside en Belgique
  • Philippe Jaffré, ancien président d'Elf
  • Des membres de la famille Mimram (dont Jean-Claude Mimram), résident à Gstaad en Suisse
  • Des membres de la famille Nonancourt, propriétaire des champagnes Laurent-Perrier, résident en Suisse.
  • Denis Payre, fondateur de Business Objects, réside en Belgique où il a démarré une nouvelle société, Kiala, qui a embauché 100 personnes
  • Des membres de la famille Peugeot (entre 5 et 6 milliards de CHF) résident en Suisse
  • Jean Pigozzi, héritier des voitures Simca, réside en Suisse
  • Michel Reybier, ancien PDG de Justin Bridou, réside en Suisse
  • Jacques Tajan, ancien premier commissaire-priseur de France, réside en Belgique
  • Des membres de la famille Wertheimer, propriétaire de Chanel, résident à Cologny en Suisse
  • Antoine Zacharias, ancien PDG de Vinci, réside à Genève en Suisse[25]
  • Roger Zannier, à la tête de Kookaï ou Absorba, réside à Cologny en Suisse
  • Alain Ducasse, cuisinier, a abandonné sa nationalité française pour rejoindre Monaco

Expatriés d'autres nationalités

Notes et références

  1. L'exil fiscal par Yann Kergall
  2. http://www.catallaxia.org/wiki/Pascal_Salin:Vive_la_concurrence_fiscale_!
  3. http://www.irefeurope.org/col_docs/doc_25_fr.pdf
  4. Ils ont posé leur sac en Suisse, Le Matin, 20 décembre 2006
  5. Rapport de l'assemblée nationale n°3246
  6. Le journal Capital de février 2007 (p. 15) donne l'exemple de Lotfi Belhassine, ancien patron d'Air Liberté et qui a créé une chaine de télévision en Belgique ou Pierre-François Grimaldi, fondateur d'ibazar qui a lancé une nouvelle entreprise à Bruxelles
  7. Capital, février 2007, page 14
  8. L'ISF, l'impôt le plus stupide de l'histoire de la fiscalité
  9. Dans l'émission de M6, Tu empêches tout le monde de dormir, débat entre Gérard Filoche et Jean-Michel Fourgous
  10. ISF : 2,8 milliards d'euros délocalisés en 2006
  11. Rapport du Sénat sur l'ISF, 2004
  12. Capital du 7 janvier 2006
  13. "Le phénomène s'est démocratisé. Aujourd'hui, certains patrons s'en vont avec un patrimoine de 5 millions €. Il y a cinq ans, le seuil était 5 fois plus élevé"
  14. (France-Inter 12 novembre 2007)
  15. Le Bouclier Fiscal Ne Fait Pas Recette
  16. Le Refuge Suisse, L'Express
  17. http://www.atpworldtour.com/tennis/3/en/players/playerprofiles/?playernumber=B747
  18. http://www.atpworldtour.com/tennis/3/en/players/playerprofiles/default.asp?playernumber=M850
  19. http://www.atpworldtour.com/tennis/3/en/players/playerprofiles/default.asp?playersearch=monfils
  20. http://www.atpworldtour.com/tennis/3/en/players/playerprofiles/default.asp?playernumber=S963
  21. Johnny Hallyday confirme son départ pour la Suisse
  22. Ces riches qui quittent la France
  23. Capital, février 2007
  24. Le canton de Vaud, paradis des milliardaires, Le Matin, 27 novembre 2002
  25. Le palmarès des exilés fiscaux en Suisse

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes


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