Non-violence

Non-violence
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Manifestation non-violente contre les essais nucléaires, Paris, 1995

La non-violence est une philosophie qui délégitime la violence, promeut une attitude de respect de l'autre dans le conflit et une stratégie d'action politique pour combattre les injustices.

Sommaire

Présentation

Gandhi, le 5 avril 1930, pendant la marche du sel, ramassant une poignée de boue salée.

Historique

Article détaillé : ahimsa.

La non-violence a été popularisée dès 1921 par Gandhi en Inde, par la notion d'ahimsâ (du sanskrit a ; « négation » et himsâ ; « violence »), un des fondements du jaïnisme, de l'hindouisme et du bouddhisme. Elle a été adoptée ou utilisée plus ou moins ouvertement par de nombreuses personnes, dont Martin Luther King pour la lutte des Noirs américains contre la ségrégation, le 14e dalaï-lama en exil en Inde pour résoudre le conflit sino-tibétain, Adolfo Pérez Esquivel en Amérique latine, Vinoba Bhave à nouveau en Inde, Lech Wałęsa et Václav Havel contre les gouvernements communistes polonais et tchèque, Cory Aquino aux Philippines, Nelson Mandela et Steve Biko en Afrique du Sud, Aung San Suu Kyi au Myanmar et Ibrahim Rugova au Kosovo.

Albert Einstein s'intéressa à cette forme de lutte[1], admira Gandhi[2] et signa le manifeste de Bertrand Russell contre la violence militaire nucléaire. Gandhi définit la non-violence par « la non-participation en quoi que ce soit que l'on croit maléfique »[3].

Le 10 novembre 1998, à l'appel de tous les prix Nobel de la paix vivants, l'Assemblée générale des Nations unies a voté une résolution déclarant la décennie 2001-2010 « Décennie internationale de la promotion d'une culture de la non-violence et de la paix au profit des enfants du monde  ». En 2007, les Nations unies ont décidé que le 2 octobre (jour de naissance de Gandhi) serait désormais une « Journée internationale de la non-violence »[4].

Définitions brèves

  • Aldo Capitini (it) : « La non-violence est une manière de faire qui découle d’une manière d’être. »[5]
  • Gandhi : « La non-violence sous sa forme active consiste en une bienveillance envers tout ce qui existe. C'est l'Amour pur. »[6]
  • Martin Luther King :« La non-violence est une arme puissante et juste, qui tranche sans blesser et ennoblit l’homme qui la manie. C’est une épée qui guérit. »[7]
  • Jean-Marie Muller : « L'option pour la non-violence, c'est l'actualisation dans notre propre existence de l'exigence universelle de la conscience raisonnable qui s'est exprimée par l'impératif […] “Tu ne tueras pas”. »[8]
  • Jean-Marie Muller : « Comme toute exigence éthique, la non-violence présente une double-face : l'une invite à ne pas collaborer avec la violence, l'autre à œuvrer pour la justice. »[8]
  • Jean-Marie Muller : « Si l'on s'en tenait à l'étymologie, une traduction possible de ahimsa serait in-nocence. »[8]
  • A.J. Muste : « La non-violence est un moyen pour faire face à des situations actuelles, aux tensions et aux conflits. Elle influence bien le résultat possible, mais la “fin” reste totalement ouverte. Elle ne se durcit pas, ni ne devient absolutiste en un “-ism” auquel les hommes devraient se soumettre. Cela signifie un effort constant pour engager les gens dans le processus de décision, et de les soumettre à la discipline qu’une telle participation significative implique, plutôt qu’à des pressions externes et institutionnelles. »[9]

En France

En France, le plus ancien mouvement non-violent est la branche française du Mouvement International de la Réconciliation (créée en 1923). Lanza del Vasto, ami de Gandhi, créa la Communauté de l'Arche en 1948. C'est grâce à la Communauté de l'Arche qu'a été créée, pendant la guerre d'Algérie, l'ACNV (Action Civique Non-Violente), dont le principal animateur était Joseph Pyronnet.

Le philosophe Jean-Marie Muller, ainsi que Jean Toulat, Jacques Sémelin, et Christian Mellon, et d'autres, ont cherché à développer une théorie de la non-violence et son adaptation politique à travers des « groupes non-violents » à partir du début des années 1970. Le mouvement des objecteurs de conscience et la lutte des paysans du Larzac, à partir de 1972, ont popularisé la non-violence. Jean-Marie Muller et les plus motivés par l'action politique créèrent le Mouvement pour une alternative non-violente. Il existe également des mouvements s'inspirant des principes de la non violence pour mener des actions sur une thématique ciblée, comme les cercles de silence qui luttent depuis 2007 « protester contre l'enfermement systématique des sans-papiers dans les centres de rétention administrative ».

Entre engagement social et progression spirituelle

On peut classer les partisans de la non-violence en deux tendances : ceux qui prônent la non-violence comme méthode politique et sociale, et ceux qui soutiennent que la non-violence est un but spirituel[réf. nécessaire] en soi, intimement lié à la construction de la personnalité et à la pratique d'une morale de vie. Les frontières entre ces deux tendances ne sont pas clairement établies. En France, elles se repèrent autour de deux groupes symboles : Le Mouvement pour une alternative non-violente et les Communautés de l'Arche de Lanza del Vasto.

Gandhi a affirmé que « La non-violence, qui est une qualité du cœur, ne peut pas résulter d'un appel au cerveau »[10].

L'injustice comme source de la violence

Les militants de la non-violence distinguent la violence des situations et les réactions violentes qu'elles engendrent. Ils veulent dénoncer les situations de violences pour désamorcer les risques de crises violentes. Les moyens utilisés pour dénoncer ces situations de violences sont qualifiés de méthode « non-violente » par opposition aux méthodes les plus courantes dans l'histoire, « telle qu'on nous la raconte », qui recourent à la répression, policière et/ou militaire, des réactions violentes aux situations de violences.

L'attitude non-violente part donc du postulat que les situations de violence précèdent les expressions violentes et que l'injustice, et le refus de respecter son adversaire, sont les véritables sources de la violence. Les non-violents récusent catégoriquement l'accusation de pacifisme. L'action non-violente suppose l'exposition bien réelle des militants, non armés, aux armes de ceux qui choisissent des méthodes violentes pour résoudre les conflits. L'action « non-violente » table donc sur des ressorts psychologiques humains de l'adversaire qui ne pourrait durablement s'exposer à paraître lâche en utilisant la violence armée contre des gens désarmés. L'« opinion publique » apparaît donc comme le médiateur convoqué par la lutte non-violente. Les politiques modernes et médiatiques sont imprégnées de ce concept.

Maria Stephan et Erika Chenoweth affirment dans une leçon d'anthropologie que la résistance non-violente est plus efficace que la résistance violente[11].

Critiques

Malcolm X critique de la non-violence

Léon Trotski, Frantz Fanon, Reinhold Niebuhr, Subhash Chandra Bose, George Orwell, Ward Churchill[12] et Malcolm X étaient de fervents critiques de la non-violence, soutenant de maintes façons que la non violence et le pacifisme sont des tentatives d'imposer au prolétariat la morale de la bourgeoisie, que la violence est un accompagnement nécessaire au changement révolutionnaire, ou que le droit à la légitime défense est fondamental.

Durant les années 60, pendant les répressions violentes des mouvements radicaux noir américains aux États-Unis, George Jackson, membre des Black Panthers, dit des méthodes non-violentes de Martin Luther King, Jr.:

« Le concept de non-violence est un faux idéal. Il présuppose l'existence de la compassion et d'un sens de la justice de la part de l'adversaire. Lorsque cet adversaire a tout à perdre et rien à gagner en faisant preuve de justice et de compassion, sa réaction ne peut être que négative. »[13],[14]

Malcolm X s'est également opposé aux leaders de la lutte noir-américaine pour les droits civiques sur la question de la non-violence, en soutenant que la violence n'est pas à exclure si aucune autre solution n'existe : « Je crois que c'est un crime pour quiconque est brutalisé que de continuer à accepter cette brutalité sans faire quelque chose pour se défendre. »[15]

Lance Hill critique la non-violence en tant que stratégie inefficace et soutient que l'auto-défense de noirs armés et la violence civile ont plus motivés la réforme des droits civiques que les appels pacifiques à la morale et la raison (voir Lance Hill Diacres de la Défense)[16].

Dans son livre Comment la non-violence protège l'État, l'anarchiste Peter Gelderloos critique et définit la non-violence comme étant inefficace, raciste, étatique, patriarcale, tactiquement et stratégiquement inférieure à l'activisme militant, et bercée d'illusions[17]. Gelderloos affirme que l'histoire traditionnelle dissimule l'impact réel de la non-violence, en ignorant l'implication des militants dans des mouvements tels que le mouvement pour l'indépendance de l'Inde et le mouvement des droits civiques et donnant une fausse image de Gandhi et de Martin Luther King, en les décrivant comme étant les militants les plus actifs de ces mouvements[18]. Il soutient de plus que la non-violence est généralement prônée par les blancs privilégiés qui s'attendent à ce que les « personnes opprimées, qui sont pour beaucoup des personnes de couleur, souffrent patiemment sous une violence de plus en plus forte, jusqu'à ce que le Père Blanc soit influencé par les revendications du mouvement ou que les pacifistes parviennent à réunir une légendaire «masse critique» »[19].

L'efficacité de la non-violence a également été contestée par certains manifestants anti-capitalistes prônant une « diversité des tactiques » au cours de manifestations de rue à travers l'Europe et aux États-Unis après les protestations anti-Organisation mondiale du commerce à Seattle (Washington) en 1999. L'écrivain américaine et féministe D. A. Clarke, dans son essai A Woman with a Sword, suggère que, pour que la non-violence puisse être efficace, elle doit être « pratiquée par ceux qui pourraient aisément recourir à la force s'ils le voulaient ». Cet argument conclut que les tactiques non violentes seront de peu d'utilité à des groupes qui sont traditionnellement considérés comme incapables de violence, puisque la non-violence sera en accord avec les attentes des gens à leur égard et ainsi « passera totalement inaperçu ». Tel est le principe du Dunamis(du grec δύναμις ou « puissance retenue »).

L'argument important contre la non-violence, est que cette vision du rapport de force (violence : vis=force) étant trop considérée par la population elle devient absolutiste et dangereuse, car elle retire le concept même de légitime défense, voir d'opposition réelle dans le rapport de force, c'est-à-dire que c'est le début d'un renoncement psychologique (exemple : les grèves du XXIe siècle), et le renoncement est le début de l'acceptation et de la soumission. « Gandhi même s'il ne faisait pas preuve et ne prônait pas la violence physique, faisait preuve de force et violence psychologique, en plus d'une grande force de conviction »[réf. nécessaire]. D'autres, comme D. A. Clarke, font valoir qu'il faut être capable de force, mais de retenue pour garder un pouvoir réel.

Theodore Kaczynski parle de suicide pour l'utilisation de la non-violence dans certaines conditions[20].

Photographies

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Notes et références

  1. Voir Pourquoi la guerre ?, correspondance d'Albert Einstein avec Freud, 1932 ou parcourir (en) The Albert Einstein Institution
  2. (en) « I believe that Gandhi's views were the most enlightened of all the political men in our time. We should strive to do things in his spirit: not to use violence in fighting for our cause, but by non-participation in anything you believe is evil », Mahatma Gandhi Research and Media Service, “Einstein on Gandhi” [PDF]
  3. Traduit de l'anglais, citation audio reprise par la Chatham University [PDF] et fournie par la GandhiServe Foundation : Mahatma Gandhi Research and Media Service. 1998-2005. Comprehensive site catalogued by Gandhi’s youngest son
  4. Résolution adoptée par l'Assemblée générale le 27 juin 2007
  5. Cité par Dominique Delort dans les Nouvelles de l’Arche, Année 58 N°2, mai-juin 2010, p.61.
  6. La Jeune Inde, 1924.
  7. Why we can’t wait.
  8. a, b et c Dictionnaire de la non-violence, article « non-violence ».
  9. Cité dans Nat Hentoff : Peace Agitator. The Story of A.J. Muste, New York, (1963) 1982 (traduit).
  10. (en) « Nonviolence, which is a quality of the heart, cannot come by an appeal to the brain. » In Gandhi on Non-Violence : A Selection from the Writings of Mahatma Gandhi, New Directions, New York, 1965, p. 27
  11. René Dagorn, La résistance civile, ça marche, sur SciencesHumaines.com, au sujet de : Maria Stephan et Erika Chenoweth, « Why civil resistance works, the strategic logic of nonviolent conflit », in International Security, été 2008 .
  12. Churchill, Ward et al. Pacifism as Pathology. Arbeiter Ring, 1998.
  13. Jackson, George. Soledad Brother : Les lettres de prison de George Jackson. Lawrence Hill Books, 1994. ISBN 978-1-55652-230-7
  14. Walters, Wendy W. At Home in Diaspora. U of Minnesota Press, 2005. (ISBN 978-0-8166-4491-9)
  15. X, Malcolm et Alex Haley: The Autobiography of Malcolm X, page 366. Grove Press, 1964.
  16. Les diacres de la Défense : la résistance armée et le Mouvement des droits civiques, Lance Hill, The University of North Carolina Press.
  17. Peter Gelderloos, Comment la non-violence protège l'État, Boston, South End Press, 2007.
  18. Ibid., p.7-12.
  19. Ibid ., p.23.
  20. Quand la non-violence équivaut au suicide Theodore Kaczynski (traduction non officielle de la version anglaise du texte qui est nommée When Non-Violence is Suicide).

Voir aussi

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Bibliographie

  • (it) Domenico Losurdo, La non-violenza. Una storia fuori dal mito, Italie, 2010 [présentation en ligne].
    L'interview de l'auteur par Marie-Ange Patrizio, du 4 mars 2010 sur voltaire.net et sous le titre « La non-violence : le mythe et les réalités », est en français.
     

Articles connexes

Liens externes

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Études et recherches



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