Estampe japonaise

Estampe japonaise

Ukiyo-e

Utamaro : Trois Beautés de notre temps

Ukiyo-e (浮世絵?) est un terme japonais signifiant « image du monde flottant », utilisé durant l'époque d’Edo (1603-1868) pour désigner un nouveau genre de peinture, comprenant non seulement une nouvelle peinture populaire et narrative, mais aussi et surtout les estampes japonaises gravées sur bois.

Après des siècles de déliquescence du pouvoir central suivies de guerres civiles, le Japon connaît à cette époque, avec le pouvoir central fort du shogunat Tokugawa, une ère de paix et de prospérité qui se traduit par la perte d'influence de l'aristocratie militaire des daimyō, et l'émergence toute nouvelle d'une bourgeoisie urbaine et marchande. Cette évolution sociale et économique s'accompagne d'un changement des formes artistiques, avec la naissance de l’ukiyo-e et de ses estampes peu coûteuses, bien loin de l'aristocratique école de peinture Kanō.

Les thèmes de l’ukiyo-e sont également tout à fait nouveaux, car ils correspondent aux centres d'intérêt de la bourgeoisie : les jolies femmes et les courtisanes célèbres ; les scènes érotiques ; le théâtre kabuki et les lutteurs de sumo ; les calendriers et les cartes de vœux ; le spectacle de la nature et des lieux célèbres.

Tout d'abord considéré au Japon comme vulgaire par sa valorisation de sujets du quotidien, ce genre connaît à la fin du XIXe siècle un grand succès auprès des Occidentaux après l’ouverture forcée du Japon sur le monde extérieur à partir de 1858. Les grandes collections privées d'estampes japonaises d'Europe influencent alors fortement la peinture européenne, et en particulier les Impressionnistes.

Sommaire

Comment comprendre l'expression « Monde flottant » ?

Kaigetsudo Dohan : Courtisane debout (peinture sur soie)

Ukiyo (浮世? « Monde flottant »), dans son sens ancien, est lourdement chargé de notions bouddhiques, avec des connotations mettant l'accent sur la réalité d'un monde où la seule chose certaine, c'est l'impermanence de toutes choses[1]. C'est là pour les Japonais un fort vieux concept qu'ils connaissent depuis l'époque de Heian (794-1185). C'est une allusion ironique au terme homophone « Monde souffrant » (憂き世, ukiyo?), le cycle terrestre de mort et de renaissance duquel les Bouddhistes cherchent à s’échapper.

C'est ce mot empreint de résignation que les habitants d'Edo, et avec eux, ceux d'Ōsaka et de Kyōto, reprennent au XVIIe siècle, en le détournant de son sens, alors que leur ville connaît une remarquable expansion, due à son statut nouveau de capitale, ainsi qu'à la paix qui règne désormais.

Le terme ukiyo apparaît pour la première fois dans son sens actuel dans Les Contes du monde flottant, œuvre de Asai Ryōi, paru vers 1665, où il écrit :

« Vivre uniquement le moment présent,

se livrer tout entier à la contemplation
de la lune, de la neige, de la fleur de cerisier
et de la feuille d'érable... ne pas se laisser abattre
par la pauvreté et ne pas la laisser transparaître
sur son visage, mais dériver comme une calebasse

sur la rivière, c'est ce qui s'appelle ukiyo.[1] »

De son côté, Hayashi, l'interprète japonais de l'Exposition Universelle de 1878, qui devient ensuite le grand pourvoyeur de l'Occident en estampes japonaises, confirme à Edmond de Goncourt que « votre traduction de ukiyo-e par l'école du monde vivant (...) ou de la vie telle qu'elle se passe sous nos yeux (...) rend exactement le sens[1]. »

Une transposition pertinente de l'expression ukiyo-e est donc celle qui figure dans certains ouvrages français sur le sujet : « Image de ce monde éphémère »[2] , qui rend bien à la fois la notion d'impermanence bouddhique, et l'insouciance d'une société en pleine mutation, attachée à décrire les plaisirs de la vie quotidienne telle qu'elle est.

L'estampe ukiyo-e, un art à la portée de tous

Cette forme d’art connaît une grande popularité dans la culture métropolitaine d'Edo durant la seconde moitié du XVIIe siècle, naissant dans les années 1670 avec les travaux monochromes de Moronobu, qui en fut le premier chef de file[N 1].

Aspects économiques

Initialement, les estampes étaient exclusivement imprimées à l’encre de Chine sumi ; plus tard, certaines estampes sont rehaussées de couleurs apposées à la main[3] - ce qui restait coûteux - puis par impression à partir de blocs de bois portant les couleurs à imprimer, encore très peu nombreuses. Enfin, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, Harunobu développe la technique d’impression polychrome pour produire des nishiki-e (« estampes de brocart »).

Les ukiyo-e sont abordables car ils peuvent être reproduits en grande série (de l'ordre de quelques centaines d'exemplaires). Ils sont principalement destinés aux citadins qui ne sont généralement pas suffisamment riches pour s’offrir une peinture. Le sujet initial des ukiyo-e était la vie urbaine, en particulier les activités et scènes du quartier des divertissements. De belles courtisanes, des sumotoris massifs ainsi que des acteurs populaires sont ainsi dépeints se livrant à des activités plaisantes à l'œil. Par la suite, les paysages rencontrent également le succès.

Censure

Mais la démocratisation de l'art apportée par l'estampe ne va pas sans quelques contreparties :

Les sujets politiques et les personnages dépassant les strates les plus humbles de la société ne sont pas tolérés dans ces images et n'apparaissent que très rarement. Bien que la sexualité ne soit pas autorisée non plus, elle apparaît de façon récurrente dans certaines estampes d’ukiyo-e. Les artistes et les éditeurs sont parfois punis pour la création de ces shunga au caractère sexuel explicite.

On peut citer à cet égard le cas d'Utamaro[4], qui fut menotté pendant 50 jours pour avoir produit des estampes représentant la femme et les cinq concubines d'un célèbre personnage de l'histoire récente, Hideyoshi. Il est vrai qu'il avait allié là à la fois le sexe et surtout la politique[N 2].

Aussi les estampes doivent-elles être approuvée par la censure du bakufu, le gouvernement militaire, et porter le cachet du censeur qui en autorise l'impression. Le rôle du censeur ne se limite d'ailleurs pas aux seuls aspects de politique ou de mœurs, mais peut aussi (selon les époques) l'amener à veiller à la limitation du nombre de couleurs. Car un trop grand nombre de couleurs peut en effet être jugé comme abusivement ostentatoire.

De façon plus anecdotique, mais très révélatrice de l'attitude des autorités envers le monde de l’ukiyo-e, les édits de censure allèrent, à partir de 1793, jusqu'à interdire de faire figurer le nom des femmes sur les estampes qui les représentaient, à la seule exception des courtisanes du Yoshiwara. Ce qui donna lieu à un nouveau jeu intellectuel pour des artistes tels qu'Utamaro, qui continua à faire figurer le nom de l'intéressée... mais sous forme de rébus [5].

Mais la censure réagit dès le 8e mois de 1796, en interdisant de tels rébus[6].

Histoire

Les ukiyo-e appartiennent à deux époques majeures de l'histoire du Japon : la période Edo, tout d'abord, qui comprend les ukiyo-e des origines jusqu’à environ 1867, lorsque l'ère Meiji débute et se poursuit jusqu’en 1912. La période Edo est généralement calme et offre ainsi un environnement idéal pour le développement de l’art sous une forme commerciale. Puis l’ère Meiji, qui se singularise, au contraire, par l'ouverture du Japon à l'Occident, et le déclin de l’ukiyo-e traditionnelle, dans son style, ses sujets, et ses techniques (arrivées de couleurs chimiques, par exemple).

Naissance de la gravure sur bois au Japon

Mais bien avant l'estampe japonaise telle que nous connaissons au travers de l'ukiyo-e, il existait au Japon des gravures sur bois[7], selon une technique importée de Chine :

  • Ce furent d'abord des gravures sur bois d'origine bouddhiste, comportant des images sacrées et des textes. La toute première estampe imprimée au Japon fut donc le Sutra du Lotus, réalisé par Koei et datée de 1225, pour le temple Kōfuku-ji à Nara, l'ancienne capitale du Japon.
  • Puis l'impression d'estampes, toujours de nature religieuse, se développa à Kyoto, la nouvelle capitale, du XIIIe au XIVe siècles.

Les origines de l'ukiyo-e

Les racines de l’ukiyo-e, elles, remontent à l’urbanisation qui a lieu à la fin du XVIe siècle et amène au développement d’une classe de marchands et d’artisans qui commencent à écrire des fictions et à peindre des images qui sont rassemblées dans des ehon (絵本, « livres d’images », qui présentent des récits illustrés) ou des romans, tels que les Contes d’Ise (Ise-monogatari, 1608) de Honami Koetsu.

Les ukiyo-e sont tout d'abord fréquemment utilisés pour illustrer ces livres, mais s’en affranchissent progressivement, en étant réalisées sous forme d’épreuves sur une feuille volante ichimai-e[8] ou d’affiches pour le théâtre kabuki. Les sources d’inspiration sont à l’origine les contes et les œuvres d’art chinois. Les guides touristiques, tels que les guides du Yoshiwara, sont également populaires et largement répandus.

L'essor de l’ukiyo-e

L' ukiyo-e s'est développé peu à peu, sous l'influence des grands artistes qui apparurent. Il ne saurait donc être question ici de « découper » l'ukiyo-e en périodes arbitraires, mais simplement de regrouper les principaux artistes qui lui ont permis de se développer par grandes étapes liées à certains tournants : la création des « estampes de brocart » par Harunobu, par exemple, ou encore, l'apparition dans un laps de temps finalement très bref des trois artistes « phares » que furent Kiyonaga, Utamaro et Sharaku.

De même, isoler l'œuvre de Hiroshige, Hokusai et leurs successeurs permet de mieux comprendre l'apparition de nouveaux sujets (les paysages), en relation avec l'influence de l'Occident.

Mais ces regroupements d'artistes doivent être vus comme des courants, qui peuvent bien entendu se chevaucher à un moment donné.

Les « primitifs » : Moronobu et ses successeurs, de 1670 à 1765 environ

Hishikawa Moronobu (1618-1694) : Gravure sur bois, encre noire sumi sur papier. Estampe d'une série de douze, de style abuna-e. Autour de 1680. Provenance inconnue

À partir de 1670 environ, et après quelques balbutiements, l' ukiyo-e commence son envol avec Moronobu, ainsi que Sugimura Jihei. Moronobu, tout particulièrement, a un rôle essentiel puisqu'on le considère généralement comme le fondateur de l'ukiyo-e, et, en tous cas, comme celui qui a su fédérer les premiers efforts pour en faire un nouveau genre abouti.

Viennent ensuite d'autres grands artistes, parmi lesquels on doit citer Kiyonobu (1664-1729), qui réalise de nombreux portraits d'acteurs de Kabuki (son père Kiyomoto était lui-même acteur de Kabuki[9]).

Masanobu (1686-1764), est un autre grand artiste de cette période, et fait de nombreux portraits en pied de courtisanes, qui préfigurent un peu ceux des Kaigetsudo. Il contribue aussi à l'évolution technique de l'ukiyo-e, en utilisant de nouveaux formats, ōban et hashira-e, ainsi qu'en réalisant très tôt des estampes colorées par impression (et non par ajout manuel), alors limitée à deux teintes (benizuri-e, en rose beni, et vert)[10].

Parmi d'autres grands noms de cette époque, on rencontre l'école Kaigetsudo, ainsi que Sukenobu, peintres de bijin (jolies femmes) vêtues de somptueux kimonos. Ainsi se prépare l'évolution de l'ukiyo-e, puisque Sukenobu est probablement l'artiste qui eut la plus grosse influence sur Harunobu. Dès cette époque, les « portraits de jolies femmes » (bijin-ga) sont le sujet majeur de l'estampe ukiyo-e, qu'il s'agisse ou non de courtisanes.

Les « estampes de brocart » : Harunobu et ses héritiers (2e moitié du XVIIIe siècle)

Harunobu : Petit vendeur d'eau

Vers la moitié du XVIIIe siècle, Harunobu fournit à leur demande des « calendriers estampes » (egoyomi) à ses riches clients. Grâce aux goûts de ces clients fortunés pour les belles choses, Harunobu peut alors mettre en œuvre de grandes avancées dans la technique de l'estampe, qui conduisent à l'invention par Harunobu des nishiki-e, ou « estampes de brocart », aux alentours de 1765. Outre les bijin-ga, les portraits d'acteurs de Kabuki sont un sujet majeur, avec le développement du théâtre de Kabuki comme distraction phare de l'époque. On voit également des scènes de la vie quotidiennes apparaître dans les estampes de Harunobu.

Koryusai continue dans le style de Harunobu, avant d'évoluer peu à peu vers un style plus personnel. De son côté, Bunchō produit également de forts belles estampes, toujours dans un style trop proche de celui de Harunobu pour pouvoir être considéré comme novateur.

Mais Shunshō (1726-1793) lui, sait à la fois prolonger l'œuvre de Harunobu, tout apportant rapidement sa contribution à l'évolution de l'ukiyo-e, grâce à ses scènes de Kabuki et à ses portraits d'acteurs, dans un style bien différent de celui de Kiyonobu, qui avait ouvert la voie au début du XVIIIe siècle. Ce style annonce celui de Shun'ei, et par conséquent, préfigure celui de Sharaku lui-même[11].

L'âge d'or de l'ukiyo-e : Kiyonaga, Utamaro, Sharaku (1780-1810 environ)

Toshusai SharakuOtani Oniji II, 1794.
L'acteur Kabuki Otani Oniji II dans le role de Yakko Edobe.

Mais très vite, dès 1780 environ, avec l'arrivée de Kiyonaga d'abord, et plus encore Utamaro, on atteint l'apogée de l'ukiyo-e.

C'est une période de classicisme épanoui, qui voit se multiplier des scènes très vivantes, décrites par Kiyonaga, Utamaro, ou encore Shunchō, et qui montre l'arrivée d'une civilisation des loisirs pour les japonais les plus fortunés :

  • promenades en bateau sur la Sumida (Utamaro) ;
  • embarquement pour une croisière nocturne, avec emport d'un panier repas, dans une modernité totalement inattendue (Shunchō)[12] ;
  • excursions champêtres ;
  • diptyques de Kiyonaga montrant des groupes de courtisanes avec leurs clients prenant l'air sur la terrasse des maisons vertes, surplombant d'admirables paysages... ;
  • chasse nocturne aux lucioles (Chōki).

Utamaro, de son côté, édite par ailleurs des séries de portraits « en gros plan » de jolies femmes et de courtisanes (okubi-e). Dans sa lignée s'inscrivent de nombreux artistes doués, tels que Eishi, Eisho ou Eisui.

Tant Utamaro que Sharaku ont recours à des formes élaborées et luxueuses d'estampes, faisant appel à de spectaculaires fonds micacés (kira-e), des fonds enrichis de paillettes métalliques (kiri, akegane, par exemple dans les « Douze Heures des Maisons vertes », d'Utamaro), ainsi qu'à des techniques de gaufrage (kara-zuri, ou « impression à vide »), ou encore de lustrage par frottage sans encre du papier placé à l'envers sur la planche gravée (shomen zuri)...

Dans le domaine de la représentation d'acteurs de Kabuki, on atteint là aussi le sommet de ce que produira l'ukiyo-e, avec Sharaku. Mais déjà, le caractère spectaculaire et excessif de ces estampes montre qu'il sera difficile d'aller plus loin.

Hiroshige et Hokusai : de nouveaux sujets d'estampes (de 1810 environ à 1868)

Article connexe : La grande vague de Kanagawa.
Hiroshige : Scène de la route du Kisokaido, près du village de Nagakubo

Hokusai, et Hiroshige sont les artistes dominants de l’époque. Suite à l’étude de l’art européen, la perspective fait son apparition (Toyoharu s'attachant dès 1750 à en comprendre les principes, en les appliquant ensuite à l'estampe japonaise), et d’autres idées sont assimilées. La représentation des paysages du Japon devient un sujet majeur.

Les œuvres de Katsushika Hokusai représentent surtout la nature et des paysages. Ses Trente-six vues du mont Fuji (富嶽三十六景, Fugaku sanjurokkei) sont publiées à partir d’environ 1831.

Mais les scènes de la vie quotidienne, croquées sur le vif, prennent aussi une grande importance, comme en témoignent les carnets des Hokusai Manga, où fleurissent les petites scènes en tous genres (acrobates et contorsionnistes, scènes de bain, petits métiers, animaux divers...).

De son côté, Hiroshige multiplie lui aussi les croquis pris sur le vif dans ses carnets d'esquisses, où il fige les instants et les lieux dont la contemplation l'inspirent particulièrement : on voit ainsi de petits personnages s'activer dans des paysages enchanteurs, souvent le long des rives d'un fleuve[13].

Lui et quelques autres créent de nombreuses estampes dont les motifs sont inspirés par la nature. Hiroshige, surtout, devient véritablement le chantre de la nature japonaise, avec en particulier ses différentes « routes du Tōkaidō », qui est un hymne aux plus belles vues de la campagne sur la route reliant Tokyo et Kyoto.

En 1842, dans le cadre de la réforme Tenpo, les images représentant des courtisanes, des geishas ou des acteurs (par exemple : onnagata) sont interdites. Ces thèmes renouent néanmoins avec le succès dès qu’ils sont de nouveau autorisés.

Pendant l’ère Kaei (1848–1854), de nombreux navires de marchands étrangers arrivent au Japon. Les ukiyo-e de l’époque reflètent les changement culturels.

L'ouverture du Japon et le déclin de l'ukiyo-e

Yoshitoshi : Lin Chong s'éloignant du bord de l'eau

Suite à la restauration Meiji en 1868, le Japon s'ouvre aux importations de l’occident, notamment la photographie et les techniques d’imprimerie. Les couleurs naturelles issues de plantes utilisées dans les ukiyo-e sont remplacées par des teintes chimiques à l'aniline importées d’Allemagne.

La figure dominante de l'estampe japonaise pendant l'ère Meiji est sans doute Yoshitoshi, considéré par beaucoup comme le dernier grand artiste d'estampe. Son style bien reconnaissable, fait de finesse et de précision, tout en baignant dans une atmosphère fantastique, n'est pas indigne de ses grands prédécesseurs.

Au XXe siècle siècle, durant les périodes Taishō et Shōwa, l’ukiyo-e connaît une renaissance sous la forme des mouvements shin-hanga et sōsaku hanga qui cherchent tous deux à se distinguer de la tradition d’art commercial de masse. Ironiquement, le courant shin hanga, littéralement « nouvelles épreuves », fut largement encouragé par les exportations vers les États-Unis d’Amérique. S’inspirant de l’impressionnisme européen[14], les artistes intègrent des éléments occidentaux tels que les jeux de lumière et l’expression de l’humeur personnelle mais se concentrent sur des thèmes strictement traditionnels. Le principal éditeur est alors Watanabe Shozaburo à qui l’on attribue la création du mouvement. Parmi les artistes principaux, on peut citer Itō Shinsui[N 3] et Kawase Hasui[N 4] qui sont élevés au rang de Trésors Nationaux Vivants par le gouvernement japonais.

Le mouvement sōsaku hanga (littéralement « épreuve créative »), moins réputé, adopte une conception occidentale de l’art : le produit de la créativité des artistes, créativité qui supplante l’aspect artisanal. Traditionnellement, les étapes de réalisation des ukiyo-e - le dessin, la gravure, l’impression et la publication - sont séparées et exécutées par des personnes différentes et hautement spécialisées. Sōsaku hanga défend le point de vue selon lequel l’artiste devrait être impliqué à chaque stade de la production. Le mouvement est établi formellement avec la formation de la Société japonaise d’épreuves créatives en 1918 mais connaît cependant un succès commercial moindre que celui du shin hanga dont les collectionneurs occidentaux préfèrent l’aspect plus traditionnellement japonais.

De nos jours, des ukiyo-e sont toujours produits et demeurent une forme d’art influente, inspirant notamment les manga et l’anime.

Principaux thèmes

Bijinga

Article détaillé : Bijinga.
Utamaro : jeune femme chantant en s'accompagnant du shamisen.
Surimono, par Hokusai.

Les bijin-ga (peintures de bijin, « peintures de jolies femmes ») constituent l'un des grands genres de la peinture et de l'estampe japonaises.

Il s'agit bien souvent de la représentation de courtisanes, et même fréquemment de courtisanes célèbres nommément identifiées et célébrées pour leur beauté.

Le bijinga est sans doute le genre qui a le plus marqué l'estampe japonaise, plus que le Kabuki, et plus que la représentation des paysages, qui ne s'est véritablement développée qu'au XIXe siècle. Le bijinga a été le sujet favori de l'estampe japonaise du début à la fin, du XVIIe siècle au XXe siècle sans discontinuer. Tous les grands noms de l'Ukiyo-e ou à peu près ont peint des bijinga.

E-goyomi, surimono

Articles détaillés : Egoyomi et Surimono.

Les e-goyomi, et plus tard, les surimono qui leur succédèrent[N 5], étaient de luxueuses estampes de petit format faisant l'objet d'un commande privée de riches particuliers. L'aisance des commanditaires permettait de mettre en œuvre des techniques plus coûteuses ; ceci conduisit Harunobu à mettre au point et à populariser les « estampes de brocart », les nishiki-e, à partir des e-goyomi dont il fut le plus grand artiste.

Les e-goyomi (絵暦? littéralement images de calendrier) sont des calendriers japonais sous forme d'estampes.

Leur raison d'être se trouvait dans la complexité du calendrier lunaire japonais, qui faisait que, chaque année, les mois longs et les mois courts de l'année changeaient, sans aucune règle logique. Ces e-goyomi avaient donc pour but de contourner le monopole d'état sur les calendriers, en cachant dans de luxueuses estampes, échangées lors de réunions entre amis, la liste des mois longs de l'année à venir.

A leur aspect purement utilitaire se mêlaient des jeux de l'esprit : l'artiste devait dissimuler avec adresse les nombres indiquant les mois longs dans la composition de l'estampe. On les cachait fréquemment dans les motifs géométriques de l'obi, la large ceinture, ou encore du kimono d'un des personnages féminins de l'estampe.
Mais ensuite, l'artiste intégrait également dans la composition des estampes des références cachées à la culture classique ou à des légendes extrême-orientales, dissimulées sous des parodies (mitate) de la légende d'origine. Percer le double sens de ces calendriers constituaient ainsi de plaisants défis pour les cercle littéraires de l'époque[15].

Ces parodies, ces mitate, étaient un thème assez fréquent dans l'estampe japonaise, en dehors même des e-goyomi : on les retrouve ainsi chez Utamaro avec une parodie du « chariot brisé » (évocation d'un célèbre incident du Xe siècle), ou encore une parodie des « vassaux fidèles », reprenant l'histoire des 47 ronin en remplaçant ceux-ci par des courtisanes, ou encore une scène d'« ivresse à trois », où l'on peut voir derrière les trois courtisanes illustrées sur cette estampe une parodie des trois sages Confucius, Bouddha et Lao-tseu[16]

Kabuki et yakusha-e

Article détaillé : Yakusha-e.
Sharaku : les acteurs de Kabuki Bandō Zenji (sur la gauche, dans le rôle de Onisadobō), et Sawamura Yodogorō II (sur la droite, dans le rôle de Kawatsura Hōgen), dans la pièce Yoshitsune Senbon-Zakura (Yoshitsune, des Mille Cerisiers); cinquième mois de 1794.

À Edo, la capitale, après le « quartier réservé » du Yoshiwara et ses courtisanes, le théatre de Kabuki était l'autre grand pôle d'attirance pour les artistes de l'Ukiyo-e.

L'intérêt des artistes de l'ukiyo-e pour le Kabuki était d'autant plus grand qu'ils contribuaient à la publicité des théatres, et à la notoriété des acteurs. Les yakusha-e (japonais : 役者絵) étaient des estampes japonaises - ou plus rarement des peintures - représentant des acteurs de Kabuki. Ces yakusha-e jouaient un peu le rôle des « programmes » de théâtre ou d'opéra que l'on rencontre aujourd'hui, et certains de ces portraits commémoraient non seulement un acteur donné dans une pièce, mais aussi parfois une représentation précise de cette pièce.

Faune et flore, « insectes » (kacho-ga)

Pivoines et papillons (Hokusai).

Les maîtres de l'estampe de la fin du XVIIIe siècle, et surtout du XIXe siècle, trouvent souvent leur inspiration dans des sujets tirés de l'observation de la nature (kacho-ga).

C'est le cas d'Utamaro, avec trois œuvres majeures en particulier : « Les insectes choisis » (Ehon Mushi Erabi), de 1788), le « Livre des Oiseaux » (Momo chidori kyōka awase, de 1791), ainsi que le célèbre livre intitulé « Souvenirs de la marée basse » (Shioho no tsuto, de 1790 environ) sur les coquillages et les algues abandonnés par la mer[17].

Un grand nombre de ces sujets sont regroupés sous le terme général d'« insectes », qui inclut, non seulement les insectes proprement dits, mais aussi les coquillages, les escargots, et autres grenouilles et bestioles des champs.

Après Utamaro, Hokusai et Hiroshige consacrent tous deux une part importante de leur œuvre à la représentation des fleurs et des « insectes ».

Fantastique

Utamaro : Cent histoires de démons et d'esprits.

Le thème du fantastique est très présent dans l'Ukiyo-e : on le trouve chez Utamaro et chez Hokusai, dans plusieurs estampes, mais aussi dans ses carnets de croquis, les Hokusai Manga. On le rencontre également chez Hiroshige, avec par exemple une réunion nocturnes de renards surnaturels, accompagnés de feux follets sous un arbre à Ōji (près du sanctuaire Shinto d'Inari), dans les Cent vues de Edo ; chez Kuniyoshi, puis Yoshitoshi, les thèmes fantastiques comptent parmi les plus fréquents.

Le fantastique japonais qui apparait dans l’ukiyo-e s'appuie sur une riche tradition. Dans le monde littéraire de l'époque, Ueda Akinari écrit son Ukiyo-Zōshi (浮世草子) qui désigne littéralement « les romans du monde flottant », puis, en 1776, ses « Contes de pluie et de lune » (Ugetsu monogatari 雨月物語), recueil de neuf contes fantastiques, qui inspireront en 1953 le film Les Contes de la lune vague après la pluie, de Kenji Mizoguchi.

Lafcadio Hearn, écrivain écossais, arrive de son côté au Japon en 1890, y épouse la fille d'un samouraï, et prend ensuite la nationalité japonaise en 1896 ; il recueille auprès de sa femme un certain nombre des contes qui alimentent l'inconscient japonais, pour en tirer en 1904 le livre Kwaidan, qui donnera plus tard lieu au film du même nom, de Masaki Kobayashi.

Shunga

Article détaillé : Shunga (gravure).
Image shunga, mêlant érotisme et fantastique : Le rêve de la femme du pêcheur, Hokusai, 1820 environ.

Les shunga (japonais : 春画) sont des estampes japonaises érotiques, de style ukiyo-e. Shunga signifie littéralement « image du printemps ». Ce mot serait en effet dérivé de l'expression chinoise chungonghua (japonais : shunkyūga), signifiant « image du palais du printemps », en évocation de la vie joyeuse menée au palais du prince héritier[18], euphémisme poétique choisi pour évoquer leur caractère sexuel.

L'âge d'or des shunga se situe dans l'Epoque d'Edo, entre 1600 et 1868. Si ces estampes sont clandestines, elles n'en bénéficient pas moins d'une certaine complaisance de la part du pouvoir, puisque les estampes libertaines shunga ne seront saisies qu'en une seule occasion, en 1841[19].

Les plus grands peintres de l'Ukiyo-e se sont essayés aux shunga : Harunobu, Shunshō, Kiyonaga, Utamaro, Eishi, Hokusai, et même Hiroshige, ont tous produit, parfois en abondance, des shunga, sous forme d'estampes, permettant une large diffusion, mais aussi, plus rarement, sous forme de peintures[20].

Utamaro publie également en 1804 son célèbre « Almanach illustré des Maisons vertes » (Seirō ehon nenjū gyōji), qui va largement contribuer à sa réputation en France, où il sera surnommé en 1891 par Edmont de Goncourt « le peintre des maisons vertes » (les maisons closes), bien que un tiers seulement des très nombreuses estampes que l'on connait de lui soient en réalité consacrées au quartier des plaisirs, le Yoshiwara d'Edo[21].

Bien avant lui, aux alentours de 1680, Sugimura Jihei, un contemporain de Moronobu, avait consacré, quant à lui, près des deux tiers de toute son œuvre aux shunga[22].

Estampes de paysages (fūkei-ga) et « vues célèbres » (meisho-e)

Avec l'assimilation progressive de la perspective de la peinture occidentale par les artistes japonais, à la fin du XVIIIe siècle d'abord, puis surtout au XIXe siècle, avec Hokusai et Hiroshige, l'Ukiyo-e se dote de la technique nécessaire à la représentation des vues célèbres du Japon.

Appuyés sur le concept des meisho-e, l'un et l'autre se lancent alors dans la réalisation de longues séries décrivant les plus beaux sites japonais. Les plus connues de ces séries sont :

Technique de l'estampe ukiyo-e

Fabrication d'une estampe

Étape 2 : Gravure des planches de bois
Étape 5: Encrage et impression

Pour éviter toute confusion :

  • Il existe des œuvres ukiyo-e qui ne sont pas des estampes : c'est le cas des peintures telles que celles des Kaigetsudo et de la plupart des artistes ukiyo-e.
  • En sens inverse, il existe des estampes sur bois qui ne sont pas de l'ukiyo-e : c'est le cas par exemple des estampes bouddhistes.

Mais c'est bien dans le cadre de l'ukiyo-e que l'estampe japonaise, gravée sur bois, a connu son plein développement. Et, en sens inverse, c'est grâce aux nombreux tirages autorisés par l'estampe que l'ukiyo-e a pu devenir aussi populaire.

Les épreuves d’estampes ukiyo-e sont produites de la manière suivante[23],[24],[25] :

  1. L’artiste réalise un dessin-maître à l’encre.
  2. L'artisan graveur colle ce dessin contre une planche de bois (cerisier ou catalpa), puis évide à l'aide de gouges (marunomi) les zones où le papier est blanc, créant ainsi le dessin en relief sur la planche, mais détruisant l’œuvre originale au cours de ce processus.
  3. La planche ainsi gravée (« planche de trait ») est encrée et imprimée de manière à produire des copies quasiment parfaites du dessin original.
  4. Ces épreuves sont à leur tour collées à de nouvelles planches de bois, et les zones du dessin à colorer d’une couleur particulière sont laissées en relief. Chacune des planches imprimera au moins une couleur dans l’image finale. Ce sont les « planches de couleurs ».
  5. Le jeu de planches de bois résultant est encré dans les différentes couleurs et appliqué successivement sur le papier. Le parfait ajustement de chaque planche par rapport au reste de l'image est obtenu par des marques de calage appelés kento. L'encrage est obtenu en frottant le papier contre la planche encrée à l'aide d'un tampon baren en corde de bambou.

L’impression finale porte les motifs de chacune des planches, certaines pouvant être appliquées plus d’une fois afin d’obtenir la profondeur de teinte souhaitée.

Qu'est-ce qu'une « estampe originale » ?

La fabrication d'une estampe japonaise ne fait pas intervenir que l'artiste lui-même ; le dessin réalisé par celui-ci n'est que la première étape d'un processus complexe, faisant appel à plusieurs intervenants (l'artiste, l'éditeur, le(s) graveur(s), le ou les imprimeur(s)).

La connaissance de quelques points de cette fabrication est indispensable pour bien comprendre ce qu'est une « estampe japonaise originale » :

  • chaque estampe imprimée à partir des plaques de bois gravées originales est un original, et il n'y a pas d'autre œuvre originale : le dessin préparatoire d'origine (le shita-e, « l'image de dessous »), réalisé par l'artiste lui-même est généralement totalement détruit par le processus de gravure de la planche portant les traits de contours[26]. Qui plus est, même lorsque le dessin original est conservé (en général parce que l'artiste a fait graver une autre version du dessin), il est fréquent qu'il ne soit pas « terminé » à nos yeux, et qu'en particulier, il ne porte aucune couleur ; on trouve aussi des dessins originaux comportant des empiècements de morceaux de papier découpés, puis collés sur les parties à corriger, qui sont les repentirs de l'artiste[26] ;
  • ce n'est pas l'artiste lui-même qui grave les plaques de bois originales, mais un graveur très expérimenté[N 6], qui peut être connu de l'artiste, qui supervise personnellement l'édition en tout état de cause. Toute regravure ultérieure de l'œuvre, effectuée sans la supervision de l'artiste, ne sera donc pas un original, quelle que soit sa qualité d'exécution. En revanche, le succès de certaines estampes (telles que la série du Tōkaidō d'Hiroshige) a pu être tel qu'il a nécessité plusieurs regravures ;
  • ce n'est pas le graveur qui va imprimer les estampes finales, aboutissement du processus, mais des artisans spécialisés, utilisant le baren (tampon de bambou servant à frotter le papier sur la planche encrée) et le kento (pour s'assurer que chaque planche vient exactement s'imprimer à sa place, sans mordre sur les autres) ; l'impression des différentes couleurs se fait dans un ordre précis, pouvant impliquer jusqu'à une dizaine d'impressions successives[N 7], en commençant par le noir[27] ;
  • il peut exister plusieurs versions originales d'une même estampe ; l'un des exemples les plus connus est un portrait de Naniwaya Okita tenant une tasse de thé, fait par Utamaro : la première version comporte un rébus pour transcrire le nom de la belle Okita en dépit de la censure ; lorsque même les rébus furent interdits pour désigner les modèles, Utamaro remplaça le rébus par le portrait d'un poète. Sans aller jusqu'à cet exemple extrême, les variantes de l'arrière plan d'une estampe sont fréquents[N 8].

Le premier tirage de l'estampe se poursuit jusqu'à ce que l'usure du bois commence à donner des traits moins nets et des repères de couleurs moins exacts ; l'édition originale est alors en principe terminée, ce qui peut représenter un total de l'ordre de trois cent estampes environ. Cependant, la résistance du bois permet des tirages beaucoup plus importants dans des conditions acceptables de qualité (comme on le voit aujourd'hui sur des regravures modernes), et, dans la mesure où les estampes de la toute première série n'étaient pas physiquement identifiées, on ne peut pas aujourd'hui connaître, ni le rang d'édition d'une estampe, ni l'importance réelle du tirage[28].

Les différents types d'estampes : formats et couleurs

Article détaillé : Formats de l'ukiyo-e.

Les Japonais différencient plusieurs types d'estampes :

en fonction du format du papier utilisé :

  • chuban (中判) (25 à 26 cm x 17 à 19 cm),
  • ōban (大判) (37 à 38 cm x 25,5 cm),
  • hashira-e (柱絵) (70 à 75 cm x 12 à 14,5 cm),
  • hosoban (細判) (33 cm x 15cm)...
  • nagaban (approximativement 20 cm x 50 cm)

ou en fonction des couleurs appliquées et surtout de leur nombre :

  • sumizuri-e (墨摺り絵), sans aucune couleur, donc en noir et blanc,
  • tan-e (丹絵), sumizuri-e rehaussée à la main de la couleur orange tan,
  • urushi-e (漆絵), utilisant une encre épaissie avec de la colle pour la rendre brillante,
  • beni-e (紅絵), sumizuri-e rehaussée à la main de la couleur beni,
  • benizuri-e(紅摺り絵), colorée par impression avec la couleur beni (le vert étant parfois ajouté),
  • nishiki-e (錦絵), la plus "riche", car faisant appel potentiellement à toutes les couleurs.

Les couleurs utilisées sont nombreuses, faisant appel à des pigments d'origine naturelle (végétale ou minérale), et d'une rare délicatesse de nuance, avant que l'arrivée de colorants chimiques occidentaux ne viennent modifier la donne[29] :

  • sumi : encre de Chine, pour reproduire le dessin lui-même,
  • tan : rouge d'oxyde de plomb,
  • beni : rose tiré du safran,
  • ai : bleu foncé à base d'indigo,
  • shoenji : rouge extrait du millepertuis,
  • murasaki : violet (mélange de rouge de millepertuis et de bleu indigo)
  • gofun : blanc lumineux à base de poudre d'huitre. Uniquement apposé à la main, donc sur des peintures, ou, parfois, sur des sumizuri-e rehaussées à la main.

Principaux artistes

Le monde réel entourant l'ukiyo-e

Article détaillé : Ère Edo.

Après une longue période de guerres civiles, Tokugawa Ieyasu écrase en 1600 une coalition de rivaux dans l'ouest du Japon au cours de la bataille de Sekigahara et devient, de facto, le dirigeant du pays. En 1603, après s'être fait attribué le titre de shogun, il fit du village de Edo (江戸) (porte de la rivière), où il avait établi ses quartiers généraux, la nouvelle capitale du Japon, le futur Tōkyō. C'est le début de l'ère Edo.

Les changements économiques et sociaux pendant l'ère Edo

Paix civile retrouvée, expansion démographique et économique

Obsédé par le souci d'éviter à son pays les secousses et les guerres civiles que le Japon connait depuis quarante ans, guerres d'ailleurs précédées par la désagrégation du pouvoir central au cours des siècles précédents, le shogun Tokugawa Ieyasu, le nouveau maître du Japon, engage en 1603 le pays dans la longue période d'immobilisme politique et technologique qui caractérise l'ère Edo. Cet immobilisme, voulu par le pouvoir central, s'accompagne d'une paix enfin retrouvée, d'une prospérité économique remarquable, sur fond de très forte croissance démographique : en 120 ans en effet, de 1600 à 1720, la population du Japon fait sans doute beaucoup plus que doubler, passant sur cette période de 12 millions d'habitants à 31 millions[30].

Ceci se traduit d'abord par l'isolationnisme de plus en plus marqué du Japon, jusqu'au point culminant de 1638, après le massacre en 1637-1638 de 37 000 chrétiens japonais révoltés dans la région de Nagasaki. À partir de cette date, les relations avec le reste du monde cessent presque totalement, Tokugawa Ieyasu prenant quand même la précaution de laisser Nagasaki jouer le rôle d'une fenêtre ouverte sur le monde occidental, par le truchement des commerçants hollandais[31].

Neutralisation des samouraïs

Sur le plan intérieur, un problème essentiel est de neutraliser la forte population de samouraïs, devenue inutile suite à la pacification du pays. Tokugawa Ieyasu s'appuie pour cela sur le système de « résidence alternée », le sankin kotai, qui oblige les daimyo à passer une année sur deux à Edo, en y laissant à demeure leur famille en otage. Cette double résidence a non seulement l'avantage de donner un moyen de pression sur les daimyo au travers de cette prise d'otages, mais aussi celui de peser lourdement sur les finances personnelles de ceux-ci, obligés de se déplacer avec leur suite entre deux résidences dont ils doivent assurer l'entretien[32].

En revanche, ce système conduit à la présence constante à Edo d'une population très importante de samouraïs oisifs. Cette population turbulente, inoccupée, forme une clientèle importante du quartier des plaisirs de Edo, le Yoshiwara.

Ascension sociale de la bourgeoisie et des marchands

Simultanément, les marchands, qui occupaient jusque là la position la plus basse dans la hiérarchie sociale, s'assurent un rôle dominant dans la vie économique, dès la fin du XVIIe siècle. Certains de ces marchands acquièrent une fortune considérable, tels que la famille des Mitsui, qui fondera au XXe siècle un empire économique, alors que dans le même temps la caste militaire, daimyō et samouraïs, connaissent de graves difficultés financières[33].

Signe révélateur de cette évolution, certaines estampes peuvent en réalité être considérées comme des annonces publicitaires : ainsi, Utamaro en publie plusieurs séries, telle que la série de neuf estampes intitulée Dans le goût des motifs d'Izugura, réalisées pour promouvoir de grande marques de magasins de textile (Matsuzakaya, Daimaru, Matsuya...), dont le logo apparait de façon ostensible ; certains de ces magasins existent encore de nos jours[34].

C'est cette bourgeoisie urbaine de marchands qui marque de son empreinte l'évolution de l'art : l'aristocratie militaire appauvrie cesse d'orienter la demande artistique, qui devient d'inspiration populaire sous l'impulsion première des bourgeois, suivis par les samouraïs oisifs qui ne tardent pas à les rejoindre[35]. C'est cette société nouvelle et composite qui recherche la compagnie des geisha, va au restaurant, organise des excursions sur la Sumida ou dans la campagne environnante, lit des livres licencieux ou amusants, achète les guides du quartier des plaisirs et les portraits de jolies femmes publiés par Tsutaya Juzaburo. C'est cette même clientèle qui préfère aussi les joyeux spectacles de Kabuki au No hiératique, et achète les portraits de ses plus célèbres acteurs, peints par Sharaku.

L’ukiyo-e est donc un art éminemment populaire. Plus que tout autre, il est imprégné du monde dans lequel baignaient les artistes ukiyo-e. Apprécier l’ukiyo-e, c'est donc s'efforcer de connaître et de comprendre les éléments qui composent ce monde, les distractions et les loisirs qui sont ceux de la population urbaine aisée qui se développe à cette époque.

Les courtisanes et les quartiers réservés

Articles détaillés : Oiran et Yoshiwara.
Le Yoshiwara, vu de l'intérieur

Le Yoshiwara était un quartier réservé (kuruwa), créé à Edo dès 1617[36], fermé d'une enceinte, dont les accès étaient gardés. Les samouraï devaient y laisser leurs armes à l'entrée. Une fois à l'intérieur, la hiérarchie sociale traditionnelle s'effaçait : un client avec de l'argent était le bienvenu, qu'il soit roturier ou samouraï. Toutes sortes de catégories sociales, hommes d'affaires, samouraï, dandys, écrivains et peintres se côtoyaient là. Ils se croisaient dans les « maisons vertes », mais aussi dans les maisons de thé, les restaurants, les boutiques de luxe ou les établissements de bains, que l'on trouvait au Yoshiwara[37].

Mais si, à l'intérieur des quartiers réservés, la hiérarchie qui existait à l'extérieur n'avait plus cours, une autre hiérarchie se dessinait, avec ses rituels et son étiquette. Ainsi, par exemple, les courtisanes étaient divisées en huit échelons[38].

Les peintres de l'Ukiyo-e étaient en même temps les peintres du Yoshiwara, le quartier des plaisirs de Edo. Ils en assuraient dans les faits la promotion, en vendant pour des sommes modiques le portrait des plus célèbres courtisanes du moment.

La notoriété et le rôle des plus grandes courtisanes étaient souvent fondés sur bien autre chose que l'aspect purement sexuel : les talents musicaux, l'esprit de répartie, la culture des tayu (qui constituaient l'élite des courtisanes) et des oiran étaient essentiels pour les distinguer des simples prostituées enfermées au Yoshiwara.

Par ailleurs, les tayu et les oiran, vêtues de leurs vêtements complexes et chatoyants, et chaussées de leurs hautes geta, contribuaient à fixer la nouvelle mode au cours de leur grand défilé [39], l'oiran dōchū.

Le monde du théâtre

Portrait de Izumo no Okuni, fondatrice du kabuki, habillée en samourai chrétien.
Article détaillé : Kabuki.

Fondé selon la tradition en 1603, à l'orée de l'ère Edo, par Izumo no Okuni[40], une ancienne « gardienne de sanctuaire » shinto devenue danseuse, le kabuki est ensuite, dans un premier temps, un art très populaire joué par des prostituées (yujo kabuki). Lorsque les prostituées sont confinées dans les quartiers réservées, une forme de kabuki joué par de jeunes éphèbes se développe également (wakashu). Les représentations sont cependant souvent l'occasion de désordres, ce qui conduit à l'interdiction du kabuki wakashu en 1652, qui cède la place au yaro kabuki, joué uniquement par des hommes adultes, forme du kabuki qui est encore la sienne aujourd'hui.

À la différence du , qui a recours à des masques pour dépeindre les personnages, le kabuki, lui, montre les acteurs à visage découvert, leur expression étant cependant amplifiée par le maquillage[41] ; les acteurs ont coutume de marquer les moments clés de la représentation par une mie, instant pendant lesquels ils s'immobilisent et figent leur expression, pour que le public puisse en apprécier toute l'intensité, et applaudir alors pour marquer sa satisfaction.

Si, à Kyoto, le style yatsushi raconte souvent l'histoire d'un jeune seigneur tombant follement amoureux d'une prostituée, le public d'Edo va préférer des histoires de héros, dotés de pouvoirs surhumains qu'ils mettent à profit pour punir les méchants[40]. Ce type de pièce sera illustré par Ichikawa Danjuro I, qui appartient à une longue et fameuse lignée d'artistes de kabuki. La pièce épique Chushingura, narrant l'histoire des 47 ronin, les 47 samouraïs « sans maître » vengeant leur maître mort injustement, est également très populaire, et sera mise en scène par Hokusai dans plusieurs estampes.

Le kabuki est par ailleurs le cadre d'une crise impliquant le monde de l'ukiyo-e, lors du scandale Ejima, qui met fin à la carrière de Kaigetsudo Ando[42].

Les liens entre l'ukiyo-e et le kabuki sont en effet très étroits : outre le fait que le kabuki devient rapidement l'un des principaux sujets des estampes ukiyo-e qui en assurent la promotion, il est également au cœur du monde des plaisirs auxquels se livrent la nouvelle bourgeoisie et les samouraï oisifs, monde des plaisirs dont l'ukiyo-e est le chantre.

Le sumo

Article détaillé : sumo.
Kuniyoshi : Lutteur de sumo

Dès le dernier quart du XVIIIe siècle, le sumo devient un sport de professionnels, très populaire à Edo. Ls lutteurs sponsorisés par les daimyo bénéficient du statut de samouraï[43].

Déjà, au XVIIe siècle, Moronobu illustre des livres sur le sumo, puis, plus tard, Buncho et Koryusai font les premiers portraits de lutteurs de sumo.

Enfin, l'école Katsukawa, en particulier avec Shunsho et Shun'ei, profite de son expérience en matière de portraits d'acteurs de kabuki pour s'investir dans les portraits de sumotori. Plus tard, Utamaro, Sharaku et Hokusai s'intéresseront également aux portraits de lutteurs de sumo[43].

Les « Cinq Routes » et les paysages du Japon

Les Gokaidō, les « Cinq Routes » du shogunat Tokugawa
La route du Tōkaidō, photographiée par Felice Beato en 1865
Hiroshige : Nuit de neige à Kambara, sur la route du Tōkaidō

Parmi les vues célèbres, les meisho-e, il en est qui méritent une attention particulière : il s'agit des deux séries d'estampes célébrant les routes du Tōkaidō et du Kiso Kaidō, par lesquelles Hiroshige nous fait parcourir le cœur du Japon et ses paysages.

  • La première série s'appelle les « Cinquante-trois stations du Tōkaidō » (東海道五十三次, Tōkaidō Gojūsan-tsugi?), selon le nom de la route qui relie Tōkyō à Kyōto. Cette route, longeant par endroit le littoral, représente une distance totale de 500 kilomètres environ, que les voyageurs mettent environ deux semaines à parcourir, à pied la plupart du temps, mais aussi à cheval, en chaise à porteur ou en palanquin, selon l'aisance plus ou moins grande des voyageurs[44].
  • La seconde s'appelle les « Soixante neuf stations du Kiso Kaidō » (木曾街道六十九次, Kiso Kaidō Rokujūkyū-tsugi?) ; également appelée route du Nakasendō, la route du Kiso Kaidō relie également Tōkyō à Kyōto, mais par une route alternative, passant par le centre de Honshū, d'où son nom, qui signifie « route de la montagne du centre ».

Ces deux routes sont les plus connues des « Cinq Routes » du shogunat Tokugawa. Ces « Cinq Routes » (五街道, Gokaidō?) sont les cinq voies majeures (kaidō) qui partaient d'Edo (aujourd'hui Tōkyō) pendant la période Edo, et dont la plus importante est la route du Tōkaidō.
Le shogun Tokugawa Ieyasu commence en 1601 la construction de ces cinq routes de façon à augmenter son contrôle sur le pays, mais c'est Tokugawa Ietsuna, quatrième shogun du shogunat Tokugawa et petit-fils de Ieyasu, qui les proclame « routes majeures ». De nombreux relais (shukuba) sont installés tout au long des routes pour permettre aux voyageurs de se reposer et de se ravitailler.

Les trois autres routes sont :

  • Le Kōshū Kaidō, avec ses 44 stations, qui relie Edo à la province de Kai, préfecture de Yamanashi, à l'ouest de Edo, avant de rejoindre la route du Kiso Kaidō[45] ;
  • Le Ōshū Kaidō, avec ses 27 stations, reliant Edo à la province de Mutsu, préfecture de Fukushima[46], au nord de Edo ;
  • Enfin, le Nikkō Kaidō et ses 21 stations, qui relie Edo à Nikkō Tōshō-gū, dans l'actuelle préfecture de Tochigi[47], vers le nord-nord-ouest de Edo.

Plus que toute autre série d'estampes, peut-être, les séries d'Hiroshige décrivant le Japon tout au long du Tōkaidō[N 9] (formats ōban et chuban) et du Kiso Kaidō (format ōban) permettent d'imaginer un Japon quotidien peuplé de tout un monde, aujourd'hui disparu, de paysans, de portefaix, de tenanciers d'auberge, de bateliers et de passeurs, de pélerins et de religieux, de daimyo accompagnés de leur suite[48], au milieu de magnifiques paysages encore sauvages.
Ce sont ces paysages qu'il faut imaginer en toile de fond du roman picaresque de Jippensha Ikku, le Tōkaidōchū Hizakurige (« A pied sur le Tōkaidō »), son chef-d'œuvre, publié en douze parties entre 1802 et 1822 ; cette œuvre, qui narre les aventures de deux hommes insouciants sur le grand chemin du Tōkaidō, est souvent considéré comme le livre de gesaku le plus réussi[49].

Influences artistiques entre Japon et Occident

La découverte de la peinture occidentale par les Japonais

De façon qui peut surprendre, les artistes japonais découvrirent la peinture occidentale bien avant que l'Occident lui-même ne découvre l'art japonais.

En effet, dès 1739, Okumura Masanobu entreprend pour la toute première fois l'étude de la perspective utilisée dans les images (uki-e) (« image flottante ») venant d'Occident. Il a pour cela le soutien du shogun, du fait de l'intérêt que celui-ci porte aux sciences occidentales.

Puis, dès 1750 environ, Toyoharu s'attache à comprendre de façon approfondie les règles de la perspective utilisée dans la peinture occidentale depuis Paolo Uccello. Il s'essaie tout d'abord à copier librement certaines toiles occidentales (de Guardi et Canaletto, par exemple), ce qui conduit à d'étonnantes gravures sur cuivre de Toyoharu montrant les gondoles sur le Grand Canal à Venise, sur fond d'église de la Salute[50].

Puis il produit des estampes qui traitent de sujets japonais avec une perspective « occidentale » (utilisation de lignes de fuite...). Il publie de telles estampes dès les années 1760, avec, par exemple une vue du quartier du Kabuki la nuit publiée en 1770[51].

Sans l'œuvre de Toyoharu, il est probable que ni l'œuvre de Hiroshige ni celle de Hokusai n'auraient été les mêmes...

Plus tard, Kuniyoshi produira aussi quelques estampes influencées fortement par la peinture italienne.

Outre la perspective, une autre découverte occidentale marque profondément l'ukiyo-e, à partir de 1829 : il s'agit du bleu de Prusse, moins fragile que le bleu d'origine naturelle utilisé jusque là. Il est dès lors utilisé de façon intensive, par Hokusai dès 1830 dans les 10 premières estampes de sa célèbre série « Trente-six vues du mont Fuji » (dont la célèbre Grande Vague au large de Kanagawa), puis (entre autres artistes) par Hiroshige.

La découverte de l'ukiyo-e par l'Occident

Premiers contacts et influence sur l'art occidental

Article détaillé : Japonisme.
La délégation japonaise à l'Exposition universelle de 1867, à Paris

L'Occident découvrit l'art de l'ukiyo-e, et l'art japonais en général, assez tardivement, puisque la véritable prise de conscience de cet art date de l'Exposition Universelle de 1867, qui se tint à Paris. C'est d'ailleurs en France que cette influence sera la plus marquante.

Cette Exposition Universelle, à laquelle, pour la première fois, le Japon participait de manière officielle, fut suivie de la vente de quelques treize cent objets japonais.

Dès lors, l'impulsion était donnée : de telles ventes eurent lieu de nouveau par exemple en 1878, à l'occasion d'une rétrospective en France sur l'art japonais, rétrospective qui mit Hayashi en contact avec les collectionneurs français.

Alors que les ukiyo-e, largement supplantés par la photographie, passent de mode au Japon, durant le bunmei-kaika (文明開化, le mouvement d’occidentalisation du Japon au début de l’ère Meiji), ils deviennent une source d’inspiration en Europe pour le cubisme ainsi que pour de nombreux peintres impressionnistes parmi lesquels Van Gogh, Monet, Degas ou encore Klimt. Cette influence est appelée Japonisme[52].

Collections d'estampes

Hayashi fut dès lors l'un des tout principaux ambassadeurs de l'art japonais en France, et en Occident de façon plus générale, approvisionnant les collectionneurs en objets d'art importés du Japon.

Les artistes français de l'époque furent souvent parmi les premiers à apprécier l'art japonais, tels Claude Monet (qui rassembla une importante collection d'estampes japonaises que l'on peut voir encore aujourd'hui), Degas, ou encore, les Goncourt.

L'importance de l'engouement pour l'ukiyo-e, et l'importance des grandes collection occidentales d'estampes, furent alors telles que les estampes rassemblées à cette époque portent le cachet du collectionneur, qui, encore aujourd'hui, en permet la rigoureuse authentification, et en augmente d'ailleurs la valeur. Parmi les plus grands collectionneurs qui constituèrent leur collection à cette époque, on note les noms de : Bigelow (USA), S. Bing (France), J. Brickmann (Allemagne), Camondo (France), Freer (USA), Goncourt (France), Koechlin (France), Vever (France)... sans oublier la collection Hayashi (Japon), puisque Hayashi, on l'a vu, ne se limita pas à son rôle d'importateur d'estampes, mais su aussi s'en constituer une remarquable collection[53],[54].

L'un des plus grands collectionneurs d'estampes japonaises, le comte Isaac de Camondo, légua toute sa collection au Musée du Louvre, où, enrichie par d'autres apports, elle constitua la base de ce qui est aujourd'hui la grande collection du Musée Guimet, à Paris. Il faut d'ailleurs rendre hommage à M. Migeon, attaché au Musée du Louvre à la fin du XIXe siècle, qui fut dès cette époque un amateur passionné de l'ukiyo-e, et n'eut de cesse que le Louvre puisse se constituer une grande collection d'estampes japonaises grâce aux legs de généreux donateurs tels que Camondo[55].

Le monde de l’ukiyo-e dans la culture populaire de notre époque

Affiche du film Ugetsu Monogatari (Les Contes de la lune vague après la pluie), de Kenji Mizoguchi.

C'est surtout le cinéma qui a repris un certain nombre des thèmes de l’ukiyo-e :

Annexes

Notes

  1. Même s'il existe des gravures ukiyo-e avant celles de Moronobu, c'est lui qui fut le premier à « consolider » ce courant naissant
  2. Le pouvoir était en réalité beaucoup plus sensible aux aspects politiques qu'aux bonnes mœurs, et les shunga faisaient l'objet d'une complaisance tacite. Dans le cas d'Utamaro cependant, la mise en scène des concubines de Hideyoshi fut perçue comme une attaque directe contre les mœurs du shogun lui-même, déclenchant ainsi une sanction beaucoup plus lourde que celle que l'aspect léger de l'œuvre n'aurait entraînée à lui seul
  3. En 1952, la « Commission pour la protection des propriétés culturelles » (Bunkazai Hōgō Iinkai) l'a déclaré « porteur de valeurs culturelles intangibles » (mukei bunkazai), ce qui est l'équivalent d'alors d'un « Trésor Vivant »
  4. Kawase Hasui fut déclaré Trésor National Vivant en 1956
  5. Les surimono avaient une fonction plus vaste que les e-goyomi : comme ceux-ci, ils pouvaient servir de calendriers indiquant les mois longs, mais on en utilisaient aussi comme cartes de circonstance (Nouvel An, fêtes, anniversaires...), ainsi que pour joindre un poème à une image
  6. Tout au moins pour la plaque portant les traits de contours, celle qui nécessite le maximum d'habileté
  7. Voire nettement plus dans le cas de certaines éditions luxueuses, impliquant un fond micacé, un gauffrage, une impression sans encre (shomenzuri), ou des rehauts d'or ou d'argent, un double passage des noirs, etc.
  8. Un exemple fameux est l'estampe Kambara d'Hiroshige, où la partie la plus sombre du ciel est placée tantôt en haut (la première version), tantôt en bas. Un autre exemple est le mois de septembre de Minami no Juniko, de Kiyonaga, où le fond est plus foncé, presque noir, dans les tirages tardifs
  9. L'édition Hōeidō de 1833-1834 au format ōban est la plus connue, mais il en existe d'autres, au format ōban et au format chuban

Références

  1. a , b  et c Sous la direction de Gisèle Lambert et Jocelyn Bouquillard 2008, p. 17
  2. Louis Aubert 1930, p. de titre
  3. Richard Lane 1962, p. 38
  4. Richard Lane 1962, p. 225
  5. Interview de Hélène Bayou, conservatrice au Musée Guimet (visible en bonus 2 du DVD « 5 femmes autour d'Utamaro »).
  6. Hélène Bayou 2004, p. 48
  7. Nelly Delay 2004, p. 30-33
  8. Hélène Bayou 2004, p. 25
  9. Hélène Bayou 2004, p. 188
  10. Hélène Bayou 2004, p. 194
  11. Richard Lane 1962, p. 186
  12. Nelly Delay 2004, p. 110-111
  13. Hiroshige : Carnets d'esquisses. Éditions Phébus, Paris, 2001.Dépôt légal : Octobre 2001. ISBN 2-85940-768-5
  14. Présentation du shin hanga sur artelino.com (consulté le 16 juin 2009)
  15. Hélène Bayou 2004, p. 232
  16. Notices correspondantes de l'exposition Estampes japonaises, Images d'un monde éphémère, à la BnF du 18 novembre 2008 au 15 février 2009
  17. Louis Aubert 1930, p. 137
  18. Sous la direction de Gisèle Lambert et Jocelyn Bouquillard 2008, p. 183
  19. Sous la direction de Gisèle Lambert et Jocelyn Bouquillard 2008, p. 184
  20. Hélène Bayou 2004, p. 352-389
  21. Voir à ce sujet T. Clark, 1995, page 35
  22. Richard Lane 1962, p. 58
  23. Nelly Delay 2004, p. 296-301
  24. Présentation détaillée sur gutenberg.org (consulté le 16 juin 2009)
  25. Autre analyse détaillée du processus sur gutenberg.org (consulté le 16 juin 2009)
  26. a  et b Hélène Bayou 2004, p. 298-299
  27. Nelly Delay 2004, p. 300
  28. Nelly Delay 2004, p. 297
  29. Nelly Delay 2004, p. 298
  30. Carl Mosk, Japanese Economic Development: Markets, Norms, Structures, Routledge, 2007, (ISBN 9780415771580) p. 62
  31. Edwin O. Reischauer 1973, p. 95-118
  32. Edwin O. Reischauer 1973, p. 103
  33. Edwin O. Reischauer 1973, p. 119-128
  34. Sous la direction de Gisèle Lambert et Jocelyn Bouquillard 2008, p. 128
  35. Edwin O. Reischauer 1973, p. 123
  36. Sous la direction de Gisèle Lambert et Jocelyn Bouquillard 2008, p. 18
  37. Notice sur les « quartiers réservés », à l'exposition Estampes japonaises, Images d'un monde éphémère, à la BnF du 18 novembre 2008 au 15 février 2009.
  38. Hélène Bayou 2004, p. 36
  39. Interview de Hélène Bayou, conservatrice au Musée Guimet (visible en annexe 2 du DVD Cinq femmes autour d'Utamaro)
  40. a  et b Texte d'Ogita Kiyoshi sur l'histoire du Kabuki
  41. Notice correspondante de l'exposition Estampes japonaises, Images d'un monde éphémère, à la BnF du 18 novembre 2008 au 15 février 2009
  42. Richard Lane 1962, p. 65
  43. a  et b Sous la direction de Gisèle Lambert et Jocelyn Bouquillard 2008, p. 35
  44. Notice sur les 53 stations du Tōkaidō de l'exposition Estampes japonaises, Images d'un monde éphémère, à la BnF du 18 novembre 2008 au 15 février 2009
  45. Carte du Kōshū Kaidō Accès le 4 septembre 2007
  46. Ōshū Kaidō Map Accès le 4 septembre 2007
  47. Nikkōdō Accès le 15 août 2007
  48. Notice sur les 53 stations du Tōkaidō de l'exposition Estampes japonaises, Images d'un monde éphémère, à la BnF du 18 novembre 2008 au 15 février 2009
  49. Dictionnaire historique du Japon, Maison franco-japonaise, Maisonneuve et Larose, page 2699
  50. Nelly Delay 2004, p. 172-173
  51. Richard Lane 1962, p. 238
  52. Le japonisme et les artistes influencés par l'art du Japon sur membres.lycos.fr (consulté le 17 juin 2009)
  53. Nelly Delay 2004, p. 318
  54. Origine des collections japonaises sur membres.lycos.fr (consulté le 17 juin 2009)
  55. Hélène Bayou 2004, p. 65

Articles connexes

Bibliographie

  • (fr) Louis Aubert, Les Maîtres de l'Estampe japonaise - Image de ce monde éphémère, Librairie Armand Colin, Paris, 1930 
  • (fr) Richard Lane, L'estampe japonaise, Éditions Aimery Somogy, Paris, 1962 
  • (fr) Nelly Delay, L'estampe japonaise, Éditions Hazan, 2004 (ISBN 2-85025-807-5) 
  • (fr) Hélène Bayou, Images du Monde Flottant - Peintures et estampes japonaises XVIIe - XVIIIe siècles, 2004 (ISBN 2-7118-4821-3) 
  • (fr) Sous la direction de Gisèle Lambert et Jocelyn Bouquillard, Estampes japonaises, Images d'un monde éphémère, BnF, 2008 (ISBN 978-2-7177-2407-3) 
  • (fr) Edwin O. Reischauer, Histoire du Japon et des Japonais (tome I), Éditions du Seuil, 1973 (ISBN 2-02-000675-8) 

Liens externes

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