- Yoshiwara
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Le Yoshiwara (吉原?) était un quartier célèbre d'Edo (aujourd'hui Tokyo), au Japon. Il était connu pour être le quartier des plaisirs, célèbre pour ses artistes, ses courtisanes et ses prostitué(e)s.
Sommaire
Historique du quartier
L'historique du quartier de Yoshiwara est intimement associé à celui de la ville d'Edo. Celle qui sera rebaptisée Tokyo en 1868 deviendra l'une des plus grande ville du monde durant l'époque Edo (1615-1868) avec plus d'un million d'habitants.
Après le terrible incendie Meireki qui ravagea la ville en 1657, les Tokugawa choisirent Edo pour créer leur capitale et obligèrent les membres de la famille des daimyos à vivre au moins une année sur deux à Edo.
Durant 253 années, le Japon vécut une période de paix et d'expansion économique et culturelle.
Le travail se concentrant à Edo, beaucoup d'hommes de la campagne accoururent en laissant leur famille derrière eux. Ce fait amena une forte concentration d'hommes seuls et expliqua le développement de la prostitution et de ce que le Occidentaux et, en particulier les européens désigneront comme les « estampes japonaises », variété érotique d'ukiyo-e[1], qui permettaient aux travailleurs les plus démunis de satisfaire leur sexualité par la masturbation.
Peu à peu, la vie urbaine, toute l'activité artistique et forme de distraction, en particulier le théâtre, s'établit non loin du château des shôguns. Ce fait géographique causa quelques désagréments. En effet, le théâtre kabuki introduit à Kyoto au début du XVIIe siècle par une danseuse, Zumo no Okuni, deviendra bientôt réservés aux hommes suite à des risques plus qu'avérées, de prostitution de la part des actrices. Mais finalement ces messieurs se comportant aussi mal que ces dames, les rôles furent tous distribués à des hommes d'âge mûr afin d'éviter toute tentation. Mais l'activité artistique n'était pas la seule à se développer au centre de la ville. Les « maisons des plaisirs » ouvrent leurs portes pour satisfaire la sexualité des hommes isolés.
Au début du XVIIe siècle, il existait une importante prostitution, tant masculine que féminine, dans les villes de Kyoto, Edo, et Osaka. Pour y mettre bon ordre, un décret de Tokugawa Hidetada, du shogunat Tokugawa, limite la prostitution à des quartiers bien précis, les kuruwa (quartiers réservés).
Ces quartiers étaient, pour Kyoto le Shimabara (créé dès 1589), pour Osaka le Shinmachi (créé au début de l'année 1632), et pour Edo le Yoshiwara (créé dès 1617)[2]. La principale motivation pour définir ces quartiers fut la volonté du shogunat Tokugawa d'empêcher les nouveaux riches de se livrer à des intrigues politiques.
En 1656, en raison d'un besoin de place issu de la croissance de la ville, le gouvernement décide de relocaliser Yoshiwara. Des plans sont établis pour déplacer le quartier vers son emplacement actuel au nord d'Asakusa, en bordure de la ville.
Par une ironie du sort, le vieux quartier de Yoshiwara brûle (ainsi qu'une bonne partie de la ville d'Edo), lors du grand incendie Meireki de 1657 ; il est reconstruit sur son nouvel emplacement, construit sur un marécage asséché, et rebaptisé Shin Yoshiwara (Nouveau Yoshiwara). L'ancien endroit prend alors le nom de Moto Yoshiwara (Yoshiwara d'origine). Peu à peu, le Shin est oublié, et le nouveau quartier est alors connu simplement comme Yoshiwara.
Placé à l'extérieur de la ville d'Edo, ce quartier se développe le long d'un bras de la rivière Edo et n'est accessible qu'en barque. Ainsi, tout au long des rives fleurissent « maisons des plaisirs », salons de thé et autres petits restaurants. Ces lieux sont décrits de façon idyllique par les écrits de l'époque, l'aspect sordide et la détresse humaine qu'impliquent ces situations étant totalement exclus. Au cours des décennies des femmes aux audacieuses coiffures, véritables tableaux artistiques vivants, font leur apparition. Autre signe de reconnaissance de ces courtisanes, leur somptueux kimono à l'obi noué sur le devant. Ces dames appelées tayu pratiquent bien souvent plusieurs arts comme la musique et la danse (voir à ce sujet le film Mémoires d'une geisha). Au XVIIIe siècle, apparaissent les geisha dont les arts resteront l'apanage[3], et qu'il ne faut pas confondre avec les courtisanes de haut rang que sont tayu et oiran.
La zone est dévastée par un important incendie en 1913, et quasiment rasée par le tremblement de terre de 1923. Elle resta cependant en activité jusqu'à l'abolition officielle de la prostitution au Japon par le gouvernement Japonais après la Seconde Guerre Mondiale, en 1958.
Il n'y a plus aujourd'hui à Tōkyō — le nom actuel d'Edo — de prostitution officielle. Mais il est bon de savoir que le terme ne s'applique pas à un « accord privé » conclu entre un homme et une femme dans un lupanar.
Des acteurs aux prostituées, en passant par les poètes mais aussi les amateurs d'art, tous appartiennent au « monde flottant » . Un carpe diem à la japonaise qui ne peut laisser indifférent.
La vie dans le quartier de Yoshiwara
Article connexe : Oiran.Yoshiwara était un quartier fermé, dont l'entrée et la sortie étaient contrôlées. Bien que l'on cherchât à décourager les samouraï de pénétrer dans l'enceinte du Yoshiwara, cela ne les empêchait guère de s'y rendre. On leur demandait alors simplement de laisser leurs armes à la porte d'entrée du Yoshiwara.
D'ailleurs, le shogunat ayant imposé aux samouraï de séjourner à Edo une année sur deux, ils constituaient donc une population importante, en quête de distractions, et une clientèle non négligeable pour le Yoshiwara.
Les classes sociales n'étaient pas strictement prises en compte au Yoshiwara. Un roturier avec suffisamment d'argent était traité à l'égal d'un samouraï. En revanche, des noms servaient à désigner les clients selon leur attitude : les « habitués » étaient des tsu, les blancs-becs étaient les shirōto, les rustres étaient les yabō[4]. Ces différents types de clients étaient décrits avec ironie dans les sharebon, romans humoristiques décrivant les clients des quartiers de plaisir, et se moquant de leurs travers.
La loi interdisait par ailleurs aux clients des bordels de rester sur place plus d'un jour et d'une nuit. Le Yoshiwara devint également un grand quartier commerçant. Les modes changeaient rapidement dans la ville, ce qui créait une forte demande pour les artisans et les commerçants. Traditionnellement, les prostituées s'habillaient d'un simple vêtement bleu, mais ceci était rarement respecté.
C'est peut-être L'Almanach des maisons vertes, publié par Utamaro (pour les illustrations) et Jippensha Ikku pour le texte, qui donne la meilleure vision de la vie réelle des maisons vertes, avec ses règles non écrites et ses petits drames.
Yoshiwara hébergeait quelque 1 750 femmes au XVIIe siècle, pour atteindre le chiffre de 9 000 (dont beaucoup souffraient de syphilis) en 1893. Ces femmes étaient souvent vendues aux bordels par leurs parents alors qu'elles n'avaient qu'entre sept et douze ans. Si la jeune fille avait de la chance, elle pouvait espérer devenir l'apprentie d'une courtisane de haut rang.
Les courtisanes de haut rang s'habillaient souvent à la toute dernière mode, avec des kimonos de soie richement colorés et des coiffures élaborées. D'ailleurs, la mode au Yoshiwara tenait une telle place que le quartier dictait souvent les nouvelles tendances au reste du Japon.
Chaque année en particulier avait lieu un grand défilé des courtisanes, qui portaient alors les toutes dernières tendances en matière vestimentaire et en termes d'ornements de coiffure, qui étaient ensuite reprises par les autres classes sociales[5].
Petits et grands métiers de Yoshiwara
On trouvait à Yoshiwara des hōkan (comédiens), des théâtres de kabuki (fort populaire de l'époque) et leurs acteurs, des danseuses, des débauchés, des tenancières de maisons de thé, des peintres Kanō (l'école officielle de peinture) des courtisanes qui demeuraient dans des seirō (les célèbres « maisons vertes ») et des geishas dans leur maison (okiya), telle que la célèbre Daimonji-ya, l'une des plus importantes maisons de geisha de Yoshiwara.
Les courtisanes comprenaient des yūjo (prostituées), des hashi-jōro (courtisanes de bas étage), des kōshi-jōro (des courtisanes de rang élevé, juste en dessous des tayū), des tayū ou des oiran (courtisanes de rang élevé), ainsi que des yarite (qui chaperonnaient les oiran) et des kamuro, petites suivantes des courtisanes de haut rang.
Il existait une démarcation très nette entre geisha et courtisanes : une geisha ne s'impliquait jamais sur le plan sexuel avec un client, bien qu'il y ait pu y avoir quelques exceptions.
Le Yoshiwara contemporain
Yoshiwara correspond aujourd'hui au quartier Senzoku 4-chōme de l'arrondissement Taitō (台東区千束4丁目, Taitō-ku Senzoku 4-chōme?), situé entre Asakusa et Minami-Senju. A première vue, il ressemble à beaucoup d'autres faubourgs du Tōkyō moderne. Cependant, il conserve toujours quelques legs de son passé et comprend en particulier quelques établissements consacrés au commerce du sexe. La disposition des rues, ainsi que les temples et les sanctuaires des temps passés sont toujours en place.
Le Yoshiwara au cinéma
- Yoshiwara est le lieu où se passe une grande partie du film Cinq Femmes autour d'Utamaro, film japonais de Kenji Mizoguchi sorti en 1946, qui relate la vie du grand peintre d'estampes japonais, Utamaro Kitagawa. On y voit également la grande maison de geisha Daimonji-ya.
- A voir également Meurtre à Yoshiwara de Tomu Uchida (1960), où une jeune prostituée s'élève au rang d'Oiran grâce à un riche commerçant défiguré pour lequel elle n'a que mépris.
- En 2008, est sorti Sakuran de Mika Ninagawa, sur l'histoire d'une jeune apprentie qui deviendra oiran — jouée par Anna Tsuchiya — mais dont le seul désir est de s'enfuir de Yoshiwara.
- Yoshiwara est par ailleurs le nom d'un quartier dans le film de Fritz Lang de 1927, Metropolis.
Notes et références
(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article en anglais intitulé « Yoshiwara » (voir la liste des auteurs)
- Europe grâce à leur lare diffusion, les peintures restent méconnues car plus rares et réservées à une riche clientèle Si les estampes de l'ukiyo-e sont amplement connues en
- Gisèle Lambert et Jocelyn Bouquillard, Estampes japonaises, Images d'un monde éphémère, BnF, 2008, page 18
- contrairement à une idée répandue dans le monde Occidental, les geisha ne sont pas des prostituées et ne sauraient en aucun cas être considérées comme telles
- Musée Cernuschi, Splendeurs des courtisanes - Japon, peintures ukiyo-e du musée Idemitsu, Paris musées (ISBN 978-2-7596-0058-8), page 34
- Musée Guimet (visible en annexe 2 du DVD Cinq femmes autour d'Utamaro) Interview de Hélène Bayou, conservatrice au
Voir aussi
Articles connexes
Lien externe
Bibliographie
Catégorie :- Quartier de Tokyo
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