Cathédrale d'Erfurt

Cathédrale d'Erfurt
Cathédrale d'Erfurt
Image illustrative de l'article Cathédrale d'Erfurt
Aperçu général de lédifice. À droite léglise Saint-Sévère (Severikirche)
Présentation
Nom local Erfurter Dom ou Marienkirche
Culte Catholicisme
Début de la construction 1154
Style(s) dominant(s) Roman
Site web www.dom-erfurt.de
Géographie
Pays Drapeau d'Allemagne Allemagne
Land Thuringe
Ville Erfurt
Coordonnées 50° 58′ 33″ N 11° 01′ 24″ E / 50.97583, 11.0233350° 58′ 33″ Nord
       11° 01′ 24″ Est
/ 50.97583, 11.02333
  

Géolocalisation sur la carte : Allemagne

(Voir situation sur carte : Allemagne)
Cathédrale d'Erfurt
Vue classique de la cathédrale dErfurt (à gauche) et de léglise Saint-Sévère (à droite).

La cathédrale dErfurtnommée autrefois également église Notre-Dame (allem. 'Marienkirche') ou église priorale de la Bienheureuse Vierge Marie ('Propsteikirche Beatae Mariae Virginis') ― est la plus importante et la plus ancienne des églises de la ville dErfurt. Après avoir servi de siège épiscopal pendant un bref laps de temps au milieu du VIIIe siècle, elle fut par la suite, pendant tout le Moyen Âge et jusquau début du XIXe siècle, le siège du collège des chanoines de sainte Marie. Elle est de nouveau, depuis 1994, cathédrale du diocèse dErfurt nouvellement constitué, et siège du chapitre cathédral.

Sommaire

Histoire de la ville dErfurt au haut Moyen Âge

Dès lépoque des empires thuringien et franc, Erfurt se constitua en un important centre politique. En 724 déjà, le pape Grégoire II (715731) exhorta les Thuringiens de bâtir une « maison » à lintention de saint Boniface, en mission dévangélisation dans la région, exhortation à laquelle, apparemment, il fut donné suite dès 725. En 741/42, Boniface sollicita le pape Zacharie dentériner la fondation dun évêché « à lendroit dénommé Erphesfurt, qui est depuis longtemps un lieu dimplantation ou une ville (urbs) habitée de paysans païens ». Dans le même temps furent fondés les évêchés de Büraburg (devenu Fritzlar) et de Wurtzbourg. Si cette première mention dErfurt passe généralement pour la date de fondation de la ville, il est à souligner, comme lont confirmé les investigations archéologiques, que Boniface avait trouvé une communauté déjà nombreuse, ce qui, au demeurant, était une condition pour pouvoir ériger un nouveau diocèse.

Quelques années seulement plus tard, probablement dès le début de la décennie 750, et au plus tard après que Boniface, Adolar et Eoban eurent enduré le martyre en Frise en 754, il fut procédé à la dissolution de lévêché et à son incorporation dans lÉlectorat de Mayence. Le premier évêque dErfurt ne fut sans doute pas Adolar, ainsi quil est affirmé dans la légende, mais Willibald von Eichstätt, lequel oeuvrait à Eichstätt depuis 751/52. De lannée 802 date la mention, dans un cartulaire, dun palais carolingien, quon peut localiser, avec quelque certitude, sur le butte du Petersberg au centre dErfurt. En 805, dans le Grand Capitulaire de Thionville édicté par Charlemagne, Erfurt est désigné ville de commerce des confins, habilitée à commercer avec les Slaves.

Historique de la construction de la cathédrale Beatae Mariae Virginis

Époques pré-romane et romane

Orgues modernes dans la cathédrale dErfurt.

La première des devancières de lactuelle église Notre-Dame fut érigée, admet-on, à partir de 752 par Boniface, sans que lon sache à quel endroit et sous quelle forme. Lors dinvestigations archéologiques menées en 1991 à loccasion de linstallation dun orgue sur la paroi occidentale de la nef, lon découvrit à 3 m de profondeur une abside occidentale, en maçonnerie simple, dont on crut tout dabord, à tort, quelle datait du IXe siècle, mais quun réexamen ultérieur situa à une époque plus récente, sans doute le XIIe siècle.

La première attestation écrite de léglise Notre-Dame date de 1117. Un document de 1153 rapporte lécroulement de léglise principale dErfurt, la « major ecclesia », et en 1154 fut commencée la construction sur le Domberg dune basilique de style roman tardif. Cependant, il faut se garder de prendre pour certain que léglise de Boniface se soit maintenue jusquen 1153, et que lédifice se soit effectivement effondré. Il est beaucoup plus vraisemblable que les chanoines et larchevêque de Mayence désiraient entreprendre la construction dune nouvelle église pour ne pas être en reste par rapport à léglise Saint-Sévère voisine et au couvent Saint-Pierre, reconstruits après avoir été détruits par un incendie en 1142. Il nest pas exclu cependant que lincendie se soit propagé jusquà léglise Notre-Dame.

La construction progressa rapidement, aidée par le fait que lon mit au jour en 1154, lors des travaux, deux sépultures contenant ce qui allait être identifié comme étant les restes des saints évêques Adolar et Eoban, ce qui, par le biais des dons et des offrandes auxquels cette découverte donna lieu par la suite, contribua grandement au financement du projet. Dès 1170, léglise était utilisable, à telle enseigne que cette même année, Louis III de Thuringe, fils du landgrave Louis II de Thuringe (dit Louis de Fer), fut adoubé ici par lempereur Frédéric Ier Barberousse.

Les deux objets mobiliers les plus anciens de la cathédrale remontent également à cette époque : la statue quil est convenu dappeler le Wolfram, et une madone romane en stuc, datant tous deux de 1160 environ. En ce qui concerne le Wolfram, il sagit dun grand chandelier en bronze, de la taille dun être humain, figurant un homme dont les bras correspondent aux branches du chandelier, fabriqué vraisemblablement dans la fonderie de Magdebourg; cest probablement une des sculptures en bronze et autonomes les plus anciennes de toute lAllemagne. Le donateur Wolfram, dont le nom, en même temps que celui de son épouse Hiltiburc, est mentionné dans une inscription ciselée sur un des cordons pendants de la ceinture, est très probablement identique à Wolframus scultetus, membre de la petite noblesse de Mayence, et dont le nom apparaît deux fois en 1157 dans des chartes.

À la date du 20 juin 1182 nous est rapportée une consécration de léglise, consécration qui pourrait bien avoir concerné lensemble de lédifice, sans toutefois que les travaux de construction fussent nécessairement à ce moment tous achevés; en effet, dautres textes font part de lachèvement des clochers, suivie dune nouvelle consécration, le 5 octobre 1253, événement dans lequel on a été tenté, dans la littérature plus ancienne en particulier, de voir le point dachèvement de lédifice roman. Cependant, il ne put alors sagir que dune reconsécration consécutive à des travaux de transformation ou dextension, probablement au voûtement du sanctuaire, lequel avait, au moins jusquà 1238, un plafond plat.

De cet édifice roman de la seconde moitié du XIIe siècle, basilique à plan en forme de croix, se sont conservées : la partie inférieure des clochers, parties comportant chacune deux étages quadrangulaires, les portions occidentales du déambulatoire du chœur, et quelques parties du transept. Les étages des tours situés au-dessus des deux étages inférieurs, et qui adoptent un plan octogonal, datent de la fin du XIIe siècle et de la première moitié du XIIIe. Le clocher sud fut achevé en 1201 et le clocher nord en 1237, cependant tous deux furent ultérieurement remaniés et même reconstruits au XVe siècle.

Transformations gothiques

« Erffurt die groß unnd gedechtnußwirdig statt ein haubt Thüringer lannds » (Erfurt, grande et mémorable ville, capitale du pays de Thuringe). Vue dErfurt tirée de la Weltchronik de Schedel de 1493. La cathédrale avec son escalier est visible en haut à gauche.

Comme pour dautres cathédrales et collégiales, le besoin se fit sentir à lépoque gothique de remanier lédifice, en particulier le chœur, de façon à lagrandir et de le rendre plus lumineux, dautant que lespace ne suffisait plus pour accueillir tous les chanoines, leur nombre ayant, suite à la fondation de plusieurs couvents, considérablement augmentéen effet, plus de 100 membres du clergé, voire, les jours de fête, jusquà 300 de ces personnes, participaient aux célébrations.

Cest pourquoi, dès les années 1280, lon commença dadjoindre un nouveau chœur, plus vaste, se terminant par une abside polygonale. En 1290 eut lieu la consécration de la première extension du chœur. Dans la foulée, lon entreprit dériger la tour médiane, laquelle fut achevée dès avant 1307. Elle sert de clocher, hébergeant entre autres la célèbre cloche Gloriosa, consacrée pour la première fois en 1251, et refondue à plusieurs reprises depuis, la dernière fois en 1497.

Toutefois, lespace offert par lédifice venant derechef à être insuffisant, lon créa au XIVe siècle un nouveau chœur, une fois encore sensiblement agrandi, tandis que dans le même temps des travaux de grande ampleur furent entamés dans le reste du bâtiment. Le haut chœur, dont la construction fut reprise en 1349 (à ce moment, les premiers mètres inférieurs de la maçonnerie sy dressaient déjà, achevés, depuis une génération), et qui fut clos par une abside semi-circulaire, fut consacré par lévêque auxiliaire de Constance, Friedrich Rudolf von Stollberg, qui occupa cette fonction entre 1370 et 1372.

En ce qui concerne le chœur, il y a lieu pour lheure (avant dy revenir plus en détail ci-dessous) de relever en particulier le cycle de vitraux gothiques (environ 13701420), un des mieux préservés dAllemagne, et lameublement, également largement originel. Les stalles, réalisées en 1329, comptent parmi les stalles médiévales les plus vastes dAllemagne et sont dune meilleure facture que dans mainte autre cathédrale. La datation [[Dendrochronologie |dendrochronologique]] des stalles a montré que les projets de construction de léglise ont de beaucoup précédé leur réalisation : en 1329 navaient encore été élevés que les premiers mètres inférieurs des murs du haut chœur, et ce nest quà partir de 1349, après une interruption, que fut reprise la construction.

Le chœur est posé sur une sorte dénorme soubassement, appelé Kavaten en allemand (cavées, du latin cavare, creuser), que, jusquen 1329, lon travailla à aménager afin dagrandir artificiellement, en direction de lest, le Domhügel, cest-à-dire la butte (Hügel) sur laquelle se dresse la cathédrale (Dom). Au Moyen Âge, et encore ultérieurement, des maisons furent construites au-dedans de ce soubassement, mais furent supprimées au XIXe siècle. Laménagement des Kavaten permit parallèlement la construction dune église basse (allem. Unterkirche) ― la dénomination de crypte est, en lespèce, inappropriée ―, qui fut consacrée en 1353. Cette église basse gothique, en plus dêtre lieu de prière, était en même temps chemin de procession, assurant le parcours de la procession du Saint-Sang, qui, longeant le chœur, peut emprunter deux portes opposées de léglise basse, ce qui rend superflu un accès direct à partir de léglise haute superposée.

Des interventions et ajouts de lépoque moderne contribuent également à déterminer laspect actuel du chœur, comme lattique et les pinacles couronnant la muraille, les statues de saints devant les contreforts et dautres éléments décoratifs. En revanche, la chaire extérieure fixée à un des piliers du soubassement remonte bien au Moyen Âge.

Portail de la cathédrale dErfurt.

Concomitamment avec la construction des Kavaten aux alentours de 1330, fut réalisée lentrée principale de lédifice, savoir la structure accotée au bras nord du transept, laquelle, savançant en hors-œuvre, fait porche et présente un portail à gâble. Un telle disposition est inhabituelle, car la façade représentative, avec portail, de la cathédrale ne se situe pas sur sa face occidentale, mais saperçoit lorsque lon vient du nord-ouest. Cette disposition a été commandée principalement par lespace limité quoffre le Domhügel, quil fallait partager avec léglise Saint-Sévère voisine et avec limportante cité médiévale à lest de la cathédrale. Les sculptures qui ornent cette entrée figurent les douze apôtres et la parabole des dix vierges, dont Ecclésia et Synagogue.

En 1452 lavis fut diffusé que la nef menaçait de sécrouler. Certes, une telle affirmation nétait pas tout à fait invraisemblable, attendu quon utilisait encore alors lantique nef romane, mais on est tenté de croire que cest plutôt le vœu dune construction neuve, capable de soutenir la comparaison avec léglise St.-Sévère voisine, qui fit quon résolut de bâtir une nouvelle nef. Léglise St.-Sévère sétait déjà dotée dune nouvelle nef dès le milieu du XIVe siècle, à la suite dun incendie.

En 1455, la nef romane fut définitivement démolie et la construction dune église-halle de style gothique tardif fut commencé. La volonté des membres du chapitre de créer davantage de place pour la communauté des fidèles constitua le motif apparent de ce remaniement. La part propre que la population civile prit dans le financement du projet a semble-t-il été importante. La date précise à laquelle la nef fut achevée nest pas parvenue jusquà nous ; cependant léglise était de nouveau utilisable aux environs de 1465, vu quil était question à cette date dune procession pour la fête-Dieu empruntant le portail occidental. La voûte en étoile, en gothique tardif, qui couvre le croisillon sud du transept date vraisemblablement aussi du dernier tiers du XVe siècle et marquait autrefois probablement lendroit se trouvait la tombe-reliquaire des saints Adolar et Eoban (actuellement dans léglise basse).

Le cloître

Le cloître se situe au sud de la cathédrale et se compose aujourdhui de trois parties enserrant un petite cour intérieure. Les parties ouest et sud sont des ailes de cloître à vaisseau unique, de type classique. La partie nord fut jetée bas à loccasion de la construction de la nef gothique. Laile orientale est constituée dune halle à deux vaisseaux, dite Halle de limpératrice Cunigonde. Cette salle servait aux séances du chapitre et on peut supposer quelle fut érigée à peu près simultanément avec lachèvement des deux tours entre 1230 et 1240. Les autres parties du cloître furent édifiées, et remaniées, section par section, du milieu du XIIIe siècle jusquau milieu du XIVe, et laile orientale fut voûtée après coup au milieu du XIVe. Par la suite, en particulier au XIXe siècle, les bâtiments formant le cloître furent encore profondément modifiés.

La chapelle Saint-Clément-et-Saint-Juste, sinscrivant en éperon dans laile orientale, constituée dune seule travée à voûte en étoile, close dune abside semi-circulaire, fut terminée en 1455 et se trouve, à linstar de la cathédrale elle-même, désaxée vers le nord.

Évolution ultérieure de lédifice à l'époque moderne

Grande cérémonie sur lescalier de la cathédrale à loccasion du pèlerinage lors de lannée Boniface.

Durant la Guerre de Trente Ans, la ville et léglise subirent plusieurs changements de propriétaire, et il fut même question de supprimer le chapitre et de le transmettre aux jésuites, ce que le chapitre toutefois réussit à empêcher. Entre 1697 et 1706 fut construit puis disposé dans le chœur limposant maître autel baroque, afin de donner un cadre plus fastueux aux cérémonies liturgiques et de bien signaler au-dehors la victoire obtenue par larchevêque de Mayence sur la ville évangélique. Cependant, lintérêt de province ecclésiastique de Mayence pour le diocèse samenuisant progressivement, larchevêché ne fit guère exécuter de travaux dentretien au cours des XVIIe et XIIIe siècles. Ainsi, après quen 1717 les combles des clochers eurent été détruits par un incendie, lon se borna à poser un toit plat de fortune. Lors des guerres napoléonniennes, le Domberg, ainsi que le Petersberg, fut mué en une forteresse et la cathédrale fut utilisée comme écurie par les troupes françaises.

Sous leffet des tirs dartillerie lors des guerres de libération de 1813, le dense tissu bâti du Domberg, avec les curies épiscopales, fut tout entier détruit. Dissous une première fois en 1803, le chapitre de la cathédrale fut, dans le cadre de la sécularisation, supprimé à titre définitif en 1837, lédifice allant désormais servir déglise paroissiale.

En 1828 fut lancé dans la ville dErfurt, devenue alors prussienne, un important programme de restauration et de transformation puriste, dans le cadre duquel lancien toit en croupe de style gothique tardif fut changé en 1868 en une toiture à pignon plus basse. Ces remaniements étaient largement terminés aux environs de 1900.

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, si la cathédrale fut épargnée par les impacts directs de bombes, la toiture et les fenêtres du chœur furent néanmoins endommagées, en partie gravement, par des détonations à proximité. Les travaux de réfection durèrent jusquen 1949.

Lannée 1965 vit à nouveau le début dimportants travaux de restauration. En 1968, 100 ans après sa construction, le toit néogothique avec la mosaïque de la vierge Marie sur le pignon occidental fut démoli et remplacé par une nouvelle toiture correspondant mieux à lancien comble gothique. La restauration de léglise fut poursuivie dans les années 1970 et 1980, pour sachever en 1997. En 1994, lancienne collégiale Notre-Dame fut élevée au statut de cathédrale de lévêché dErfurt restauré.

Mobilier et décoration

Vitraux du chœur

Les baies du chœur, à ajourages, dune hauteur de 18,6 m et dune largeur jusquà 2,60 m, divisées par trois meneaux en quatre compartiments verticaux dégale largeur, comportent un cycle de vitraux en style gothique tardif, créé entre 1370 et 1420 environ, et comptant parmi les plus vastes de ce type en Allemagne. Treize des quinze verrières ont été conservées presque intégralement dans leur état médiéval ancien, 895 des quelque 1100 pièces de verre remontant au Moyen Âge ; y font seules exception : la fenêtre orientale, représentant des scènes de la vie de Marie, qui na été conservée que de manière fragmentaire, quelques améliorations peu importantes effectuées entre 1897 et 1911, et les deux verrières occidentales du flanc sud, qui sont des créations modernes, exécutées par le peintre et verrier allemand Charles Crodel (1894-1973), mais qui, suivant un conception nouvelle de la restauration, puisent dans limagerie médiévale.

À droite de la baie centrale sont figurés la création et les temps primitifs jusquà la construction de la tour de Babel, et à gauche de cette même baie la Passion du Christ jusquà la résurrection. Les baies du flanc sud du chœur mettent en scène lhistoire du patriarche Abraham, du patriarche Jacob et du patriarche Joseph, et la dernière fenêtre un groupe de vierges en gothique tardif (fenêtre dite Tiefgrubenfenster) ; les verrières du flanc nord montrent les apôtres et leurs martyres, ainsi que des légendes de saints, notamment de sainte Catherine, saint Eustache, Boniface de Mayence et sainte Hélène.

Les verrières furent créées une à une après lédification du chœur et peuvent être subdivisées en trois groupes : les huit plus anciennes appartiennent au groupe dit aux petites figures (fenêtre de saint Eustache, de sainte Catherine, des apôtres et de la Passion sur la face nord, fenêtres de la Genèse, dAbraham, de Jakob et de Joseph sur la face sud). Ces verrières se distinguent par des figures majoritairement trapues aux grosses têtes et aux grandes mains, remplissant les champs en rangs serrés. Elles sont nées sous linfluence dexemples de Bohême et dAllemagne méridionale et datent entre 1370, date dachèvement du chœur, et 1380. Le deuxième groupe, désigné par groupe aux figures isolées, comprend la fenêtre aux apôtres sur la face nord de labside polygonale ainsi que la fenêtre centrale de la face orientale, consacrée à Notre-Dame, qui probablement fut enlevée lors de la mise en place du maître-autel et depuis lors en grande partie introuvable. Ce groupe se caractérise par des représentations de saints disposées chacune sur un seul morceau de verre, saints aux vêtements flottants et à la corporalité peu élaborée, et dont les traits au-dedans des morceaux de verre sont tracés vigoureusement. Elles ont été créées environ entre 1390 et 1400. De ce groupe dit aux grandes figures font partie la fenêtre de saint Boniface et de sainte Hélène (les deux fenêtres les plus à louest de la face nord) et la Tiefengrubenfenster, fenêtre représentant des vierges, ainsi nommée daprès le vicaire de la cathédrale qui fut à lorigine de cette fenêtre et qui sy trouve représenté agenouillé. Elle est attestée sur une charte de 1403, ce qui permet de situer la dernière fenêtre également aux environs de cette même date. En ce qui concerne les deux premières fenêtres, il y a lieu de tenir compte de la possibilité quelles aient été dans une large mesure renouvelées après lincendie de 1416 et naient été définitivement achevées quen 1420 environ. Linfluence se fait ici clairement sentir du style mou (« Weicher Stil »), parvenu jusquà Erfurt par lintermédiaire de la Bohême.

Stalles

Stalles dans le chœur de la cathédrale dErfurt.

Le chœur possède outre les vitraux une décoration et un mobilier en grande partie dorigine. Les 89 sièges juxtaposés des stalles se répartissent en deux rangées doubles, parallèles à laxe du chœur, dune longueur de 17,5 mètres, se prolongeant chacune, à léquerre, dune rangée placée contre les parois occidentales du chœur, parois sur lesquelles sappuient les clochers et qui séparent le chœur de la nef. Les stalles dErfurt sont parmi les plus vastes et les mieux préservées des stalles médiévales allemandes. Le bois de chêne utilisé fut coupé en 1329 (et non dans la décennie 1360-1370 comme il avait été admis jusquici) et probablement mis en œuvre peu après. En 1829/30 et en 1900 furent accomplis des travaux visant à compléter lensemble, en particulier au niveau des dais, de sorte que leur aspect dorigine ne peut plus être reconstitué. De plus, 36 des 50 figurines féminines des accoudoirs furent remplacées, ainsi quun certain nombre dautres éléments.

Comme dans toutes les autres collégiales, chaque chanoine avait sa place fixe dans les stalles (stallus in choro), en conformité rigoureuse avec le rang quil occupait dans la hiérarchie. Dans les stalles de la rangée de derrière, situées plus haut et à lornementation beaucoup plus riche, prenaient place les maiores praebendati, les chanoines au rang le plus élevé. Les stalles en contrebas étaient destinées aux minores praebendati, cléricaux de moindre rang tels que chanoines élus en disponibilité, vicaires et élèves de lécole cathédrale. Ces derniers y ont souvent gravé leur nom, ce qui fut cause, dans la littérature plus ancienne, de confusion concernant la datation. La rangée de stalles la plus somptueusement et richement décorée est celle du côté ouest du chœur. De chaque côté se dressent trois sièges précédés de pupitres, qui cependant sont plus modernes quant à leur forme, seules les jouées étant originelles. Ici sasseyaient les dignitaires du chapitre et les prélats : larchidiacre, le doyen, le grand chantre, le vicaire général, le recteur de lécole cathédrale, et sur le sixième siège probablement un évêque auxiliaire.

Le thème des décorations est une opposition typologique entre lAncien et le Nouveau Testament. On trouve par ailleurs, sculptées sur les prie-dieu et les accoudoirs, des scènes de genre et des figures grotesques. Les stalles sont dépourvues de miséricordes ou patiences, cest-à-dire de ces petites consoles servant à sy appuyer, et quon retrouve habituellement ailleurs. Les deux grandes jouées situées à lest ont une ornementation particulièrement riche. Celle au sud montre, sélevant au-dessus dune tête de Christ entre deux poissons, un pampre de vigne formant des circonvolutions dont les creux sont occupés par des scènes de vignoble et de vendanges. Plus haut, à côté dune petite figure en ronde bosse de Marie avec lenfant, la chute dAdam et Ève est représentée dans deux arcades trilobées. La vigne est à interpréter comme un symbole du Christ, attendu que le vin symbolise le sang du Christ. Ces médaillons composent ainsi une allégorie de la rémission du péché originel par le sacrifice du Christ. La jouée nord montre la victoire du christianisme sur le judaïsme dans la lutte entre Ecclesia et Synagogue. Un chevalier rayonnant affronte un personnage monté sur une truie (voir article Judensau). Probablement cette représentation est-elle à mettre en rapport avec les pogroms qui sévirent en 1349/50. Les quatre anges musiciens qui surmontent la scène, jouant sur des instruments de musique de lépoque, et leffigie du roi David, muni dune harpe, ainsi que trois musiciens qui laccompagnent, célèbrent manifestement la victoire de léglise chrétienne. Sur les jouées occidentales, ce sont, au sud, une représentation de saint Christophe en jeune homme, et, au nord, un Judas Iscariote se donnant la mort par pendaison et un diablotin sardonique dans les ramures dun arbre.

Une différence de qualité est nettement perceptible, deux équipes dartisans au moins ayant eu la main dans cet ouvrage ; cest bien entendu à la meilleure de ces équipes que fut confiée la confection des stalles des dignitaires et des membres du haut clergé.

Maître autel

Autel de la cathédrale dErfurt.

Le maître autel baroque, haut de 16,5 m et large de 13 m, fut construit entre 1697 et 1707 puis disposé en lieu et place de ce qui devait être auparavant un grand autel gothique avec retable. Restauré avec bonheur au début du XXIe siècle, débarrassé de la poussière et de la suie qui le recouvrait, il resplendit aujourdhui dun éclat nouveau. Le tabernacle, sur lequel une inscription porte la date de 1697, y fut disposé, selon les chroniques, en 1706. Le maître ayant exécuté lautel n'a pas été identifié. L'installation de cet autel eut lieu dans le cadre de la Contre-Réforme et doit sentendre comme un signe visible de lautorité dont se prévalait à Erfurt larchevêque de Mayence.

Il consiste en un haut bâti à deux étages, dans lequel des passages latéraux ont été ménagés, et dont les différents coudes quil présente déterminent la disposition générale polygonale. Sur le large premier étage, qui forme soubassement, se dressent, en paires, des colonnes torsadées sur lesquelles senroulent des pampres. Elles supportent une imposante charpente au riche décor plastique, dont lallure générale reprend celle du premier étage. Le soubassement porte, outre les effigies des princes des apôtres, celle de saint Pierre à gauche, celle de saint Paul à droite, ensuite celle de saint Boniface à gauche et, à droite, celle de saint Martin de Tours, patron de larchevêché de Mayence, et, en position privilégiée, flanquant le panneau inférieur de lautel, les statues des évêques Adolar et Eoban. Sur le châssis du premier étage se tiennent les quatre évangélistes. Seule la partie centrale est rehaussée dun étage supplémentaire ; celui-ci est couronné dun fronton brisé, dont le centre est occupé par un médaillon ovale. Sur les rampants découpés du fronton se tiennent saint Joseph et saint Jean Baptiste. Le médaillon lui-même est flanqué des archanges Michel et Raphaël.

Le panneau peint inférieur montre ladoration des trois mages, inspiré dune œuvre de même titre de Pierre Paul Rubens. Il est au peintre Jakob Samuel Beck, dont la présence à Erfurt entre 1736 et 1776 est documentée, et vint remplacer, peut-on supposer, une peinture plus ancienne. De sa main était également la peinture La Sainte Trinité qui ornait à lorigine le panneau supérieur ; à sa place se trouve actuellement une image baroquisante de 1950, représentant une madone protégeant de son manteau un groupe de paroissiens, contemporains du peintre, qui purent ainsi pérenniser leur image. Le médaillon au fin haut de lautel contient une représentation de lAnnonciation. Les deux panneaux de lautel pouvaient être changés au gré des grandes fêtes religieuses. À la paroi sud du chœur sont accrochées une Crucifixion et une Assomption (début XVIIe) et une autre peinture de Beck, lAdoration des bergers, de la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Lautel, en dépit de sa monumentalité, reste subordonné au chœur gothique et nempêche pas le regard dembrasser les verrières du chœur, y compris celle du pan axial du chevet.

Vitraux de la nef

Ce sont, à louest : verrière de sainte Cécile, au nord : Adoration de la croix, et au sud : les cinq joies de Marie (appelé aussi verrière de Wolfram), toutes réalisées en 1961 par Charles Crodel, créateur également des verrières 14 (de sainte Élisabeth) et 15 (de lApocalypse) dans le haut-chœur.

Carillon

La base porteuse de la sonnerie de la cathédrale, qui comporte dix timbres, est constituée par la cloche Maria Gloriosa. Avec elle, la plus grosse des cloches du Moyen Âge, lart campanaire est à son faîte  le fondeur en fut Gerhard van Wou. La Gloriosa est accrochée seule dans le clocher du milieu, un étage en dessous des quatre Silberglocken (cloches dargent, soit les cloches de 7 à 10), lesquels forment un carillon à part. La Cantabona, en forme de ruche, est la cloche la plus ancienne de la cathédrale. Les deux cloches de lhorloge sont suspendues dans la lanterne de la tour.

Les cinq autres cloches, deux cloches baroques et trois modernes, se répartissent sur les clochers nord et sud.

Depuis la restauration complète de la Gloriosa en 2004, elle nest mise à contribution, pour la ménager, que dans de rares motifs de carillon. Son timbre certes domine dans chaque sonnerie, mais son spectre acoustique particulier ne se laisse bien percevoir que lorsquon la fait sonner séparément.

Enfin, le clocheton encastré dans la toiture du chevet abrite la Wandlungsglocke, laquelle toutefois nest plus sonnée.

N° Nom Année de fonte Fondeur, lieu de fabrication Diamètre
(mm)
Poids
(kg)
Timbre
(16e)
Clocher
1 Maria Gloriosa 1497 Gerhard van Wou 2560 11450 e0 +3 Médian
2 Dreifaltigkeitsglocke
(cloche de la Trinité)
1721 Nicolaus Jonas Sorber 1940 4900 g0 +13 Nord
3 Josephsglocke
(cloche Saint-Joseph)
1961 Fonderie Schilling, Apolda 1840 4600 a0 +8 Sud
4 Andreasglocke
(cloche Saint-André)
1961 Fonderie Schilling, Apolda 1540 2600 c1 +11 Nord
5 Christophorusglocke
(cloche saint-Christophe)
1961 Fonderie Schilling, Apolda 1360 1900 d1 +10 Sud
6 Johannesglocke
(cloche Saint-Jean)
1721 Nicolaus Jonas Sorber 1190 1000 e1 +7 Sud
7 Cosmas- und Damianiglocke
(cloche Saint-Cosme-et-Damien)
1625 unbekannt 750 200 des2 Médian
8 Cantabona 1492 inconnu 650 300 f2 Médian
9 Engelchen
(Angelot)
env. 1475 inconnu 550 125 as2 Médian
10 Sans nom 1475 inconnu 500 75 b2 Médian
Martha e2 Lanterne
Elisabeth gis2 Lanterne
Wandlungsglocke Clocheton (chevet)

Ces cloches permettent de composer les motifs suivants :

  • accord en c-majeur (inversion) g0c1e1
  • triple accord en a mineur a0c1e1, avec e0 comme inversion
  • Notre-Père c1d1e1, avec g0 est produit le motif de Westminster
  • motif Gloria g0a0c1, pouvant être étendu de d1 (le Christ est ressuscité)
  • Te Deum a0c1d1
  • Cibavit eos e0g0a0c1

Liens externes

Source


Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Cathédrale d'Erfurt de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Нужно сделать НИР?

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Erfurt — Erfurt …   Wikipédia en Français

  • ERFURT — ERFUR Capitale du Land de Thuringe, situé dans l’ancienne République démocratique allemande et, depuis le 3 octobre 1990, de l’Allemagne réunifiée. Les versants de la vallée de la Gera étaient peuplés dès le ERFURT IVe millénaire. La ville… …   Encyclopédie Universelle

  • Diocèse d'Erfurt — Territoire du diocèse Pays Rite liturgique romain Type de juridiction diocèse Création 17 …   Wikipédia en Français

  • Erfurth — Erfurt Erfurt …   Wikipédia en Français

  • Cochon de Juif — Judensau Libelle avec la Judensau de Wittenberg, 1596 La Judensau (littéralement en allemand : « Truie des Juifs ») est le terme utilisé pour désigner des motifs animaliers métaphoriques apparus au Moyen Âge dans l’art chrétien …   Wikipédia en Français

  • Judensau — Libelle avec la Judensau de Wittenberg, 1596 La Judensau (littéralement en allemand : « Truie des Juifs ») est le terme utilisé pour désigner des motifs animaliers métaphoriques apparus au Moyen Âge dans l’art chrétien anti Juifs… …   Wikipédia en Français

  • Saujude — Judensau Libelle avec la Judensau de Wittenberg, 1596 La Judensau (littéralement en allemand : « Truie des Juifs ») est le terme utilisé pour désigner des motifs animaliers métaphoriques apparus au Moyen Âge dans l’art chrétien …   Wikipédia en Français

  • Truie des Juifs — Judensau Libelle avec la Judensau de Wittenberg, 1596 La Judensau (littéralement en allemand : « Truie des Juifs ») est le terme utilisé pour désigner des motifs animaliers métaphoriques apparus au Moyen Âge dans l’art chrétien …   Wikipédia en Français

  • Liste Des Cathédrales — Liste de cathédrales par pays (voir aussi : Liste dans les catégories) Une cathédrale est, à l origine, une église chrétienne où se trouve le siège de l évêque ayant en charge un diocèse. À proprement parler, il s agit alors d une église… …   Wikipédia en Français

  • Liste de cathédrales au Canada — Liste des cathédrales Liste de cathédrales par pays (voir aussi : Liste dans les catégories) Une cathédrale est, à l origine, une église chrétienne où se trouve le siège de l évêque ayant en charge un diocèse. À proprement parler, il s agit… …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
https://fr-academic.com/dic.nsf/frwiki/300406 Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”