Histoire de la pomme de terre

Histoire de la pomme de terre

L'histoire de la pomme de terre est celle d'une plante cultivée, originaire de la région du lac Titicaca, très anciennement domestiquée par les peuples amérindiens du sud-ouest de l'Amérique latine, que les explorateurs et conquistadors espagnols ont découverte et rapportée en Europe au XVIe siècle. Les Européens l'ont progressivement acclimatée et adoptée au point d'en faire dès le XVIIIe siècle un ingrédient essentiel de leur alimentation, surtout dans l'Europe du Nord, de l'Irlande à la Russie. La pomme de terre a été un des facteurs de la Révolution industrielle avant d'être diffusée principalement par les empires coloniaux, et aussi pour les nécessités de la navigation, dans tous les continents. Au XXe siècle et encore au début du XXIe siècle, elle poursuit son expansion, particulièrement en Asie et en Afrique. Elle est devenue également la matière première d'une industrie de transformation agro-alimentaire, tant pour la production de l'amidon et de ses dérivés que pour la fabrication d'aliments industriels.

Les Espagnols ont connu cette culture dans la première moitié du XVIe siècle des Incas, qui appelaient la plante papa en quechua. La ressemblance de la pomme de terre avec la patate douce (batata) amena les conquistadors à les confondre et ils les appelèrent toutes deux patatas. Au XVIIIe siècle, ils commencèrent à différencier les deux plantes, appelant la pomme de terre, patata (en Espagne, car en Amérique latine elle a conservé son nom de papa), et la patate douce, batata. L'anglais potato apparait à cette époque. Le nom allemand, Kartoffel, provient de la similitude du tubercule avec la truffe, en italien tartufolo. Le wallon crompire provient de l'allemand autrichien Grundbirne, littéralement « poire de terre »; des variantes se retrouvent dans les langues de territoires anciennement soumis à l'Empire austro-hongrois[1]. Le nom français, « pomme de terre », existe aussi dans d'autres langues, comme l'allemand, Erdäpfel, et le néerlandais, aardappel.

Aire d'origine de la pomme de terre cultivée

Sommaire

Origines

La pomme de terre est originaire des Andes où elle a été domestiquée et cultivée probablement depuis l'époque Néolithique dans la zone côtière du Pérou actuel depuis la fin de la dernière période glaciaire à une époque où les hauts plateaux autour du lac Titicaca étaient encore couverts par les glaces. Les plus anciens restes de tubercules de pommes de terre cultivées (et aussi de patates douces) ont été retrouvés dans des grottes de Tres Ventanas situées à 2800 mètres d'altitude dans le canyon Chilca dans une région côtière du Pérou65 km au sud-est de Lima). Ces restes sont datés de 8000 ans avant Jésus-Christ, à une époque glaciaire de la fin du Pléistocène, alors que les hauts plateaux andins étaient couverts par les glaces. D'autres sites archéologiques dans lesquels des restes de pommes de terre ont été retrouvés s'échelonnent le long de la côte péruvienne depuis Huaynuma dans la vallée de Casma (région d'Ancash, à 360 km au nord de Lima) jusqu'à La Centinela dans la vallée de Chincha (à 200 km au sud de Lima).

Céramique pomme de terre de la culture Mochica (musée Larco, Lima)

Ces grottes ont également livré des restes de haricot, haricot de Lima, piment, oca et ulluque notamment[2].

Toutefois, un spécimen de Solanum maglia, espèce de pomme de terre sauvage, datant de 13 000 ans avant Jésus-Christ (Pléistocène tardif), a été retrouvé sur le site archéologique de Monte Verde, près de Puerto Montt dans le sud du Chili. Ce vestige de pomme de terre, consommée mais non cultivée, est le plus ancien, toutes espèces confondues, et confirme cette région comme l'un des centres de l'évolution de la pomme de terre[3] .

Plantation de pommes de terre à l'aide de la chaquitaclla (Felipe Guaman Poma de Ayala : El primer nueva corónica y buen gobierno 1615-1616)

La domestication de la pomme de terre s'est développée par la suite, ainsi que les pratiques agricoles en général, dans la région du lac Titicaca, alors que dans la région côtière se développait un climat de plus en plus aride. C'est dans cette région, située à cheval sur les actuels territoires du Pérou et de la Bolivie, que l'on constate encore la plus grande variabilité génétique des espèces et variétés de solanées tubéreuses, avec plus de cent espèces sauvages et plus de 400 variétés indigènes de pommes de terre cultivées. Cette domestication aurait commencé, après une longue période d'appropriation, vers 2 000 ans av. J. C. et aurait été contemporaine de celle du lama. Elle aurait été facilitée tant par l'invention de techniques permettant d'éliminer les alcaloïdes toxiques des variétés amères que par l'émergence de variétés moins amères[4].

Les poteries des différentes cultures qui se sont succédé dans la zone côtière du Pérou du début de l'ère chrétienne jusqu'à la fin de l'empire Inca attestent également de la domestication de la pomme de terre. Ces poteries s'échelonnent depuis la période proto-Nazca (vers 200 après J.-C.) jusqu'à l'ère Chimú (vers le IXe siècle), puis à l'ère Inca, à partie de 1100. Les plus anciennes figurent des tubercules de manière très réaliste, puis elles évoluent jusqu'à prendre la forme de créatures humaines ou quadrupèdes, sur lesquelles sont toujours représentés les « yeux » des pommes de terre de manière de plus en plus stylisée[5].

Découverte par les Européens

A l'arrivée des Espagnols en Amérique du Sud, la pomme de terre était cultivée principalement dans l'Empire Inca, dont elle était l'un des aliments de base, Elle l'était également plus au nord chez les Amérindiens de culture Chibcha dans l'actuelle Colombie, qui l'appelaient iomza, et plus au sud au Chili, notamment chez les Mapuches qui l'appelaient poñi[6]. Elle était inconnue en Amérique du Nord, en Amérique centrale, dans les Antilles et au Venezuela. Les Incas utilisaient pour planter les pommes de terre un outil traditionnel, la chaquitaclla, encore en usage aujourd'hui[7].

Dans ses Comentarios Reales de los Incas (Commentaires royaux des Incas) publiés en 1609, l'Inca Garcilaso de la Vega cite les papas, ainsi que leur forme conservée, le chunu, parmi les légumes qui se cultivent sous terre chez les Incas[8].

Le chroniqueur espagnol, Juan de Castellanos, rapporte dans son Historia del Nuevo Reino de Granada (Histoire du Nouveau Royaume de Grenade), publiée à Madrid en 1886, la découverte des pommes de terre (qu'il appelle turmas, truffes)[9] en 1537 dans la vallée de la Grita (ancienne province de Vélez, dans l'actuelle Colombie) au cours d'une expédition menée par Gonzalo Jiménez de Quesada qui aboutit à la prise de Bogotá[10],[11].

Une des premières descriptions connues date de 1553, on la doit à Pedro de Cieza de León dans sa Chronique du Pérou.

Introduction de la pomme de terre en Europe

Malgré l'importance que cette plante a acquise par la suite, on ne dispose sur les conditions de son arrivée en Europe que d'informations parcellaires. Deux questions en particulier ont été débattues : quand et comment est-elle arrivée en Europe, et quelle est sa provenance exacte ?

Premières introductions

L'hôpital de la Sangre, à Séville, où la pomme de terre fut consommée dès 1573

Il paraît vraisemblable que la pomme de terre ait d'abord été introduite en Espagne, et peu de temps après dans les îles Britanniques.

Selon J. G. Hawkes, botaniste britannique qui fut le grand spécialiste de la pomme de terre, elle serait arrivée dans les îles Canaries vers 1562 (soit seulement trente ans après sa découverte probable par Pizarro), d'où des expéditions sont attestées vers Anvers en 1567 et Rouen en 1574[12].

La première attestation de la présence des pommes de terre en Espagne continentale date de décembre 1573, lorsque l'hôpital de la Sangre y de las Cinco Llagas de Séville achète pour nourrir ses malades des pommes de terre[13], probablement cultivées dans la région depuis quelques années.

En deux siècles, la pomme de terre conquiert l'Europe : d'abord l'Espagne où elle prend le nom de patata (sous l’influence de batata, patate douce[14] et le mot papa ayant vraisemblablement entraîné une confusion avec le mot Papa désignant le Pape[15]), puis l'Italie taratouffli (petite truffe), l'Irlande potato, l'Allemagne puis la France.

Les Anglais avaient de leur côté découvert le tubercule en 1586, au retour d'une campagne contre les Espagnols dans l'actuelle Colombie. Propagée aussi bien par les Anglais que par les Espagnols, la pomme de terre gagne le reste de l'Europe, et les nombreuses disettes du XVIIIe siècle encouragent sa consommation par les Européens, l'Allemagne figurant au rang des précurseurs.

Premières descriptions botaniques

Illustration extraite de Theatri botanici (1671) de Gaspard Bauhin

Le botaniste bâlois Gaspard Bauhin donne dans son Φυτοπιναξ (Phytopinax seu Enumeratio plantarum), publié en 1596 la première description botanique[N 1] et la première représentation publiée de la pomme de terre[16]. Il la rapproche des Solanum, « en raison de la ressemblance de ses feuilles et de ses fruits avec la Tomate, et de ses fleurs avec l’Aubergine, ainsi que pour sa semence qui est celle des Solanum, et pour son odeur forte qu’elle a de commun avec ces derniers » et lui attribue le nom de Solanum tuberosum[17], nom qu'il étend dans l'édition de 1620 (Προδρομος - Prodromos Theatri Botanici) en Solanum tuberosum esculentum, c'est-à-dire « Morelle tubéreuse comestible ». Ce nom, repris par la suite et abrégé en Solanum tuberosum selon la nomenclature binomiale par Linné dans son Species Plantarum publié en 1753, est encore en 2010 le nom scientifique de l'espèce[18].

Illustration de John Gerard, The Herball or Generall Historie of Plantes (1633)

En 1596 également, le botaniste anglais John Gerard publie le catalogue des plantes qu'il cultive dans son jardin de Holborn, près de Londres, parmi lesquelles figure, sous le nom de Papus orbiculatus, la pomme de terre[19], dont il donne une description botanique détaillée dans son herbier, (Herball, Generall Historie of Plants), publié en décembre 1597. Gerard appelle la plante potatoe of Virginia, ou English potato of America, pour la distinguer de la common potatoe qui désignait alors la patate douce, et affirme l'avoir reçue de Virginie, première colonie anglaise d'Amérique[20]. En réalité, la pomme de terre n'avait pas encore été introduite en Amérique du Nord, et Gerard a probablement fait une confusion avec une autre espèce cultivée, notamment en Virginie, pour son tubercule souterrain par les Amérindiens, qui la nommaient openauk. Il s'agit de la glycine tubéreuse (Apios americana)[21]. La provenance des pommes de terre que Gerard avait dans son jardin depuis plusieurs années n'est pas connue.

La pomme de terre est décrite en 1600 par l'agronome français, Olivier de Serres, qui la nomme cartoufle (à relier à l'allemand Kartoffel) et déclare à son sujet : « Cet arbuste, dit Cartoufle porte fruict de mesme nom, semblable à truffes, et par d'aucuns ainsi appellé[22] »

Frédéric II examinant un champ de pommes de terre.

Diffusion dans le continent européen

Il fallut plusieurs générations pour que cette rareté botanique se convertisse en une source alimentaire fondamentale des populations européennes. Beaucoup de préjugés et de traditions se sont interposés sur son chemin. En outre, se posait le problème que les pommes de terre sauvages nécessitaient un temps d’obscurité suffisant. Dans les conditions européennes, avec des jours plus longs en été, la plante produisait des tubercules plus petits que dans la zone d’origine de la pomme de terre, plus équatoriale. Ce problème dut d’abord être identifié et ensuite il fallut adapter les conditions de culture pour le résoudre.

En Irlande, les pommes de terres se cultivaient déjà sans doute au début du XVIIe siècle, car il paraissait être la culture idéale pour cette île affectée par la pauvreté. Sa culture et sa récolte se faisaient sans équipements spéciaux. Les animaux sauvages et le bétail ne causaient aucun dommage à la plante, qui en outre pouvait se cultiver dans les sols rocheux et les versants des collines escarpées. Le plus garnd avantage était qu’on pouvait obtenir un rendement à l’hectare supérieur de 50 % à celui des cultures de céréales.

Enfin, la préparation de la pomme de terre était beaucoup plus simple que celle des céréales : les pommes de terre n’avaient pas à être battues, ni moulues, et il n’était pas nécessaire de les faire cuire comme c’était le cas pour faire du pain. L’Irlande était à l’époque une colonie anglaise qui devait exporter vers sa métropole bétail et céréales.

Dans ces conditions, les pommes de terre constituaient souvent la seule source de nourriture pour les agriculteurs. L'île d'Irlande était si lointaine et isolée de l'Europe qu’il faudra un siècle pour les seigneurs et les rois d’Europe importent cette rareté botanique des jardins à la grande culture.

La première fois que l’on cultiva la pomme de terre en Allemagne fut en 1647 à Pilgramsreuth, près de Rehau, gouvernée par la Maison de Hohenzollern, et en 1649 dans le Lustgarten de Berlin. Le Lustgarten était sous la direction du jardinier principal de Frédéric-Guillaume Ier de Brandebourg, Michael Hanff et du botaniste Johann Sigismund Elsholtz jusqu'à ce que la guerre de Trente Ans ravage les jardins. Elsholtz dans son œuvre appela Flora marchica la pomme de terre qui était encore considérée uniquement comme une plante ornementale, Holländische Tartuffeln (truffe hollandaise).

En Prusse, Frédéric II le Grand essaya par tous les moyens de développer de façon extensive la culture de la pomme de terre. Sa propagande en faveur de la plantation de la pomme de terre est moins connue que ses actions militaires, mais dans les deux cas l’armée prussienne joua un rôle important. On dit qu’il planta les premières pommes de terre de Berlin et les fit entretenir par les soldats. Alors, les paysans, comme le voulait le roi, dérobèrent et essayèrent cette « pomme » de terre et plus tard la cultivèrent eux-mêmes. Il est certain que Frédéric II aida à faire accepter la pomme de terre par un ordre, puis le 24 mars 1756 publia une circulaire qui ordonnait la culture de la patate.

En Suisse également, la pomme de terre a d'abord été introduite comme plante décorative exotique. Cent ans plus tard, au début du XVIIIe siècle, on a commencé à la cultiver à des fins alimentaires. Les conditions de culture étaient semblables à celles du Pérou. La pomme de terre cependant ne pousse pas à des sommets de quatre mille mètres, comme au Pérou, mais à une altitude de deux mille pieds au-delà de la zone des forêts. La pomme de terre est vite devenue un aliment populaire, qui a abouti, entre autres formes de préparation, aux röstis, 'origine de l'aire germanique[style à revoir].

Tandis qu'en Italie, Allemagne, Pologne et Russie on mangeait déjà la pomme de terre, en France elle ne fut utilisée que pour nourrir le bétail pendant plus de deux siècles. Elle aurait été apportée, selon la tradition du Vivarais, vers 1540[1] par un moine du nom de Pierre Sornas et cultivée à Saint-Alban-d'Ay (il s'agissait des premières trifolas (nom générique), aujourd'hui dénommées « Truffole » en marque déposée). En 1757 elle est cultivée en Bretagne, alors en période de disette, dans la région de Rennes par Louis-René Caradeuc de La Chalotais, bientôt suivi dans le Léon par monseigneur de la Marche, surnommé « l'évêque des patates » (eskob ar patatez)[23]. Jean-François Mustel, agronome rouennais (auteur d’un Mémoire sur les pommes de terre et sur le pain économique), encourage sa culture en Normandie : en 1766 on cultive la pomme de terre à Alençon, à Lisieux et dans la baie du Mont Saint-Michel [24].

Portrait de Parmentier

Mais c'est surtout Antoine Parmentier, de retour d'un séjour en captivité en Prusse, qui fait la promotion de la pomme de terre comme aliment humain et réussit à développer son usage dans toutes les couches de la société française. Il avait été capturé par les Prussiens pendant la guerre de Sept Ans (1756-1763) et avait découvert à cette occasion la pomme de terre, principale nourriture fournie aux prisonniers. À la suite d'une terrible disette survenue en 1769, l'académie de Besançon lance en 1771 un concours sur le thème suivant : « Indiquez les végétaux qui pourraient suppléer en cas de disette à ceux que l'on emploie communément à la nourriture des hommes, et quelle en devrait être la préparation. » Parmentier remporte le premier prix, devant d'autres concurrents qui avaient eux aussi rédigé un mémoire sur la pomme de terre, preuve que l'usage de ce tubercule était vraiment à l'ordre du jour.

Plus d'un siècle avant Parmentier, grâce à Jean Bauhin (1541-1612) et frère de Gaspard Bauhin, directeur des « Grands-Jardin » de Montbéliard, la patate était consommée pour pallier la famine qui sévissait dans le Comté de Montbéliard indépendant et devenu français en 1793.

Par la suite, Parmentier réussit à obtenir l'appui des autorités pour inciter la population à consommer des pommes de terre. Il fait notamment usage d'un stratagème resté célèbre : il fait monter une garde (légère) autour d'un champ de pommes de terre, donnant ainsi l'impression aux riverains qu'il s'agit d'une culture rare et chère, destinée au seul usage des nobles. Certains volent des tubercules, les cuisinent et les apprécient. Le roi Louis XVI le félicite en ces termes : « La France vous remerciera un jour d'avoir inventé le pain des pauvres ». Leur emploi dans la cuisine populaire se développe alors très rapidement.

À la fin du XVIIIe siècle, 45 km² étaient consacrés en France à la culture de la pomme de terre. Un siècle plus tard, en 1892, cette surface était passée à 14 500 km², chiffre considérable dont il faut cependant souligner qu'il a nettement baissé par la suite. Actuellement, la production de pommes de terre n'occupe plus que 1 800 km², d'une part parce que la consommation humaine a fortement diminué, de l'autre parce que la consommation animale a disparu. Dans le monde, la production annuelle est d'environ 300 millions de tonnes, pour une surface cultivée supérieure à 20 000` km². Peu avant la Révolution, l'agronome Jean Chanorier développe cette culture sur ses terres de Croissy-sur-Seine.

Le 25 nivôse an II (13 janvier 1794), la Convention, confrontée à l'insuffisance des réquisitions de blé et aux émeutes, adopte la loi relative à la culture de la pomme de terre[25] qui demande la généralisation de cette culture dans le pays. L'article premier de cette loi dispose que :

« Les autorités constituées sont tenues d'employer tous les moyens qui sont en leur pouvoir dans les communes où la culture de la pomme de terre ne serait pas encore établie, pour engager tous les cultivateurs qui les composent à planter, chacun selon ses facultés, une portion de leur terrain en pommes de terre. »

Industrialisation

A partir du début de la Révolution industrielle en Angleterre et plus tard en Europe continentale, l’alimentation de la part croissante de population urbaine devint une question capitale. En revanche, la population rurale basait la majeure partie de son alimentation sur ce qu’elle produisait elle-même. Les habitantes des campagnes avaient au moins un petit jardin dans lequel il cultivaient leurs propres légumes et ainsi s’évitaient de les acheter. Pour les habitants des villes les fruits et les légumes étaient pratiquement inaccessibles. Les pommes de terre leur fournissaient outre les calories nécessaires, des oligo-éléments et des vitamines, qu’aucun autre aliment disponible ne pouvait apporter.

Présent et avenir

Vincent van Gogh: Panier de pommes de terre (1885)

L'âge d'or de la culture de la pomme de terre en Europe fut le XIXe siècle. De toutes manières, la pomme de terre est l'unique produit végétal de production massive des marchés agricoles de l'Union européenne pour lequel il n'y a aucune Organisation commune de marché. La restauration rapide et les précuisinés font un usage fréquent des pommes de terre, même s'il existe d'autres produits moins chers sur le marché mondial. Dans beaucoup de pays du monde affectés par la faim, la pomme de terre pourrait aider à résoudre une partie du problème, bien que ce ne soit pas une panacée.

Développement depuis le XIXe siècle

Mémorial à la Grande famine de Dublin

Au XIXe siècle, la pomme de terre était devenue l'aliment prédominant chez les Irlandais. L'épidémie de mildiou dans les années 1840 est à l'origine d'une grande famine et d'une importante émigration vers les États-Unis et le Canada.

Un des problèmes était la conservation des tubercules qu'il fallait notamment protéger contre le gel et la pourriture ; on trouve dans le Bulletin de Lille, de décembre 1915 une recette de conservation des pommes de terre, qui selon le lecteur qui la communique, « a paru naguère dans une revue scientifique »[26] :

« Emplir aux trois quarts d'eau un récipient (chaudron ou marmite assez spacieuse). Faire chauffer l'eau et, quand elle est bouillante, remplir le récipient de pommes de terre. Laisser bouillir le tout pendant une minute. Passé ce temps, retirer les pommes de terre, les essuyer, et répéter l'opération jusqu’à complet épuisement des pommes de terre. Les germes, se trouvant ainsi détruits, la fermentation n'est désormais plus possible. Les pommes de terre, ainsi traitées, sont ensuite mises dans des paniers ou dans des sacs, et peuvent se conserver pendant environ deux ans". Contre le gel qui donne aux pommes de terre un goût sucré désagréable, le même bulletin conseille de « Mettre les tubercules dans de l'eau froide que l'on fait chauffer. Dès que l'eau commence à bouillir, l'enlever, elle emportera complètement avec elle le goût sucré en question. On mettra ensuite les pommes de terre dans de l'eau froide et salée, que l'on fera bouillir à la manière ordinaire. »

La pomme de terre commence à s'imposer dans la haute cuisine. En 1870, le cuisinier français Adolphe Dugléré, alors chef du Café Anglais, crée la recette des pommes Anna, ainsi nommées en l'honneur d'Anna Deslions, courtisane du Second Empire[27].

Brevetée en 1903, la plaque autochrome, premier procédé de photographie en couleur inventé par Louis Lumière, utilisait pour capter la lumière des grains de fécule de pomme de terre teintés[28].

En 1971, est fondé à Lima au Pérou dans le berceau historique de la pomme de terre, le Centre international de la pomme de terre (CIP)[29]. Cette institution internationale vise à améliorer la sécurité alimentaire des pays en voie de développement en misant sur l'amélioration des rendements et de la production de la pomme de terre et d'autres tubercules alimentaires.

En 1995, la NASA expérimente pour la première fois la culture de pommes de terre dans l'espace lors d'une mission de la navette spatiale Columbia[30].

L'Organisation des Nations unies a déclaré l'année 2008, l'année de la pomme de terre afin de « renforcer la prise de conscience du rôle clé de la pomme de terre, et de l'agriculture en général »[31].

Notes

  1. On peut lire la traduction française de cette description faite par Ernest Roze dans son Histoire de la pomme de terre, p. 86-88, disponible en ligne sur Wikisource.

Références

  1. http://monsu.desiderio.free.fr/jardin/patate.html
  2. (en) Donald Ugent et Linda W. Peterson, « Archaeological Remains of Potato and Sweet Potato in Peru », CIP Circular, vol. 16 n+ 3., Centre international de la pomme de terre, septembre 1988. Consulté le 16 décembre 2009
  3. (es) Donald Ugent, Tom Dillehay et Carlos Ramirez, « Potato remains from a late pleistocene settlement in southcentral Chile », Economic Botany, Springer New York, 9 juin 1986. Consulté le 17 juin 2010.
  4. Patrick Rousselle, Yvon Robert, Jean-Claude Crosnier, La pomme de terre - Production, amélioration, ennemis et maladies, utilisations, Paris, INRA éditions - ITPT - ITCF, coll. « Mieux comprendre », 1996 (ISBN 2-7380-0676-0), p. 27 
  5. (en) Redcliffe Salaman, The history and social influence of the potato, Cambridge University Press, (ISBN 0-521-07783-5), pages 14-23.
  6. (es) Andres Contreras, Historia y origen de la papa cultivada - Influencia de la papa nativa del sur de Chile en el mejoramiento de la especie a nivel mundial, Papas Nativas de Chiloé.
  7. Pierre Morlon, « Sistemas de barbecho sectorial de altura en los Andes - 1. La chaquitaclla y su persistencia en agricultura andina. » sur La Casa del Corregidor (Pérou), avril 2005. Consulté le 17 juin 2010
  8. Inca Garcilaso de la Vega, « Comentarios Reales de los Incas, Capítulo XXV - De las legumbres que se crían debajo de la tierra. » sur Bibliotecas Virtuales, 1609
  9. (es) Juan de Castellanos, « Obras de Juan Castellanos, Tomo II, pág. 359. », Biblioteca Virtual Miguel de Cervantes. Consulté le 17 février 2010
  10. (en) Refcliffe Salaman, The History and Social Influence of the Potato, Cambridge University Press, 2e édition, 1985, p. 36.
  11. (es) Andres Contreras, « Historia y origen de la papa cultivada - Influencia de la papa americana en el mejoramiento de la especie a nivel mundial », Universidad austral de Chile. Consulté le 17 juillet 2010
  12. J. G. Hawkes et J. Francisco-Ortega, « The early history of the potato in Europe », Euphytica, Volume 70, Numbers 1-2 / janvier 1993., Springer
  13. (en) Domingo Ríos, Marc Ghislain, Flor Rodríguez et David M. Spooner, What Is the Origin of the European Potato? Evidence from Canary Island Landraces, Crop Science, vol. 47, mai–juin 2007.
  14. Dictionnaire de la Real Academia
  15. http://www.lefigaro.fr/livres/2008/01/31/03005-20080131ARTFIG00470-le-poids-des-mots.php
  16. Phytopinax seu enumeratio plantarum, Liber V Sectio 1 XIX. p. 301, Service de la Documentation de l'Université de Strasbourg.
  17. Ernest Roze, Histoire de la pomme de terre: traitée aux points de vue historique, biologique, pathologique, cultural et utilitaire, Lausanne, J. Rothschild, 1898, p. 87 
  18. Linné, « Caroli Linnaei ... Species plantarum » sur Biodiversity Heritage Library (BHL). Consulté le 17 juillet 2010
  19. (en) Redcliffe N. Salaman, The History and Social Influence of the Potato, Cambridge University Press, 2e édition, 1985 (ISBN 0521316235), p. 77 
  20. The Herball or Generall Historie of Plantes (1597), p. 781.,Webpage of Kurt Stüber.
  21. (en) Redcliffe N. Salaman, The History and Social Influence of the Potato, Cambridge University Press, 2e édition, 1985 (ISBN 0521316235), p. 83 
  22. Olivier de Serres, Le théâtre d'agriculture et mesnage des champs - Lieu Sixiesme, 1600 [lire en ligne], p. 563.
    (Gallica)
     
  23. Abbé Louis Kerbiriou, Jean-François de la Marche, évêque comte de Léon (1729-1806). Étude sur un diocèse breton et sur l'émigration., Revue d'histoire de l'Église de France, 1924- Volume 10, issue 49 pp. 507-510 (Persée - Portail de revue en sciences humaines et sociales)
  24. La pomme de terre « la Bleue de la Manche », sur Normandie Héritage
  25. Lois et actes du gouvernement - Tome VIII  : 1er Brumaire au 18 Prairial an II, Imprimerie impériale - Paris [lire en ligne], p. 236 
  26. Bulletin de Lille, 1915-12 by Anonymous - Projet Gutenberg
  27. Adolphe Dugléré, ChefSimon.com. Consulté le 22 décembre 2009
  28. L'autochrome Lumière, Institut Lumière. Consulté le 20 août 2009
  29. (en) Report of the Sixth External Program and Management Review (EPMR) of the International Potato Center (CIP), Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (CGIAR). Consulté le 20 août 2009
  30. (en) Space Spuds to the Rescue, NASA. Consulté le 20 août 2009
  31. United Nations International Year of the Potato 2008

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Ernest Roze, Histoire de la pomme de terre: traitée aux points de vue historique, biologique, pathologique, cultural et utilitaire, Lausanne, J. Rothschild, 1898, 464 p.  [(fr) texte intégral]
  • Aimé Girard, Recherches sur la culture de la pomme de terre industrielle et fourragère, Gauthier-Villars et Fils, 1891, 2e éd., 198 p. 
  • Berthold Laufer et Clarence Martin Wilbur, The Potato (Volume 1 de The American plant migration), Field Museum of Natural History, 1938  [(en) texte intégral]
  • Goulven Mazéas, Petite histoire bretonne de la pomme de terre, Brest, impr. commerciale et administrative, 1940, 217 pages p. .
  • (en) The History and Social Influence of the Potato, Cambridge University Press, 2e édition, 1985, 768 p. (ISBN 0521316235) 
  • Collectif, La pomme de terre de Christophe Colomb à McCain, PackEdit, 1995, 64 p. 
  • Éclairage sur un trésor enfoui - Année internationale de la pomme de terre 2008 - Compte rendu de fin d'année, FAO, 2009, 144 p. (ISBN 9252061428)  [(fr) texte intégral]
  • Sophie Le Doré, Ce que nous devons savoir sur la pomme de terre, Paris, Plon, 2008, 196 p. (ISBN 2-259-20816-9) 
  • Jean-Pierre Williot - Marc de Ferrière Le Vayer, Saga de la pomme de terre, Paris, Cercle d'Art, 2008, 160 p. (ISBN 2-7022-0868-7) 
  • sous la direction de Marc de Ferrière Le Vayer et Jean-Pierre Williot -, La pomme de terre de la Renaissance au XXIe siècle, Presses universitaires de Rennes / Presses universitaires François Rabelais de Tours, coll. « Table des hommes », 2011, 414 p. (ISBN 978-2753513976).
    Actes du colloque « La Pomme de Terre: de la Renaissance au XXIe siècle, Histoire, Société, Économie, Culture », Tours, 18 - 20 novembre 2008.
     

Liens externes

L'Histoire de la pomme de terre d'Ernest Roze (1898) sur Wikisource


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