Terreur rouge (Hongrie)

Terreur rouge (Hongrie)
Page d'aide sur l'homonymie Pour les articles homonymes, voir Terreur rouge.
Jozsef Czerny et des membres des « Gars de Lénine ».

Le nom de Terreur rouge (en hongrois : vörösterror) est donné à l'ensemble des actions de répression politique exercée par le régime de la République des conseils de Hongrie en 1919. Le nom fait directement référence à la politique de la terreur rouge russe, exercée au même moment lors de la guerre civile russe ; le régime communiste hongrois se réclamait de celui de la Russie soviétique.

Sommaire

Historique

Dès sa première réunion, les commissaires du Conseil révolutionnaire de gouvernement de la République des conseils décident la création de « tribunaux révolutionnaires » avec des juges choisis par le peuple[1]. Le tribunal révolutionnaire fait exécuter environ 590 personnes, parmi lesquelles des individus accusés de « crimes contre la révolution »[2]. Une unité spéciale du gouvernement, la Troupe de terreur du Conseil révolutionnaire, dite familièrement « les Gars de Lénine » (Lenin fiuk, également traduit par Compagnons de Lénine) est fondée dans le but précis d'appliquer la répression et placée sous le commandement d'un ancien marin, Jozsef Czerny. Ce dernier se rapproche de Tibor Szamuely, commissaire aux affaires militaires et l'un des membres les plus radicaux du mouvement communiste hongrois.

La politique de terreur rouge est menée par le gouvernement révolutionnaire hongrois pour faire face au mécontentement grandissant de la population, dû à la pénurie, et à l'opposition politique incarnée par le gouvernement contre-révolutionnaire basé à Szeged[3]. La répression est également menée dans les villes reprises à la Tchécoslovaquie et au Royaume de Roumanie lors de l'avance de l'Armée rouge hongroise. Tibor Szamuely, dans un train réquisitionné et à la tête d'une vingtaine de « Gars de Lénine », se rend à Szolnok, tout juste reprise par les troupes hongroises, et y fait exécuter plusieurs notables accusés de collaboration avec les Roumains. Au cours de ses déplacements à travers le pays, Szamuely fait entre autres pendre des paysans opposés aux mesures de collectivisation[4]. La violence est également utilisée contre le clergé, et pour réquisitionner le grain des paysans[2]. Avec la montée du mécontentement et l'aggravation de la situation militaire, le régime en vient à utiliser la propagande antisémite, bien que la plupart de ses cadres aient été eux-mêmes d'origines juive[5] : une affiche dénonce les Juifs refusant de partir au front et proclame « Exterminez-les s'ils ne veulent pas donner leur vie à la cause sacrée du prolétariat ! ». Béla Kun fait rafler cinq mille juifs polonais venus tenter de se ravitailler en Hongrie[4].

La politique de terreur rouge finit par entraîner des tensions entre les communistes et leurs alliés sociaux-démocrates[6]. Face aux excès des « Gars de Lénine », Béla Kun propose leur dissolution : en réaction, Jozsef Czerny fait marcher ses hommes sur la Maison des Soviets. A la suite d'une négociation, les troupes de Czerny sont intégrées à l'armée ou au commissariat du peuple à l'intérieur. Face à la dégradation de la situation du régime, Czerny annonce plus tard la reformation de son unité de répression, ce que dément le gouvernement en annonçant que les Gars de Lénine « ont commis des méfaits tellement graves pour l'honneur prolétarien que leur nouvel engagement au service de la République des conseils est exclu ». Dans les dernières semaines du régime, les éléments radicaux tentent de prendre le contrôle, réclamant la mise de Szamuely à la direction du gouvernement et l'intensification de la politique de terreur, et exigeant une « Saint-Barthélémy rouge »[7].

Bilan

Le nombre exact de victimes de la terreur rouge hongroise n'est pas connu : les estimations varient beaucoup, allant de quelques centaines à quelques milliers. Miklós Molnar penche plutôt pour quelques centaines de victimes, estimant cependant qu'elles furent suffisantes pour « provoquer l'insécurité et la haine »[8]. Jozsef Kerekes, adjoint de Szamuely , fut accusé de cent cinquante assassinats : il avoua avoir fusillé cinq personnes, et en avoir pendu treize autres. L'historien communiste Pierre Broué écrit : « En fait, le nombre total des victimes de la "terreur rouge" est inférieur à celui des victimes de la répression, la plupart du temps jugée "modérée", menée au sein de l'armée française par Pétain après les mutineries de 1917. »[9]. A l'opposé, l'écrivain conservateur Jérôme Tharaud et son frère Jean parlent d'un bain de sang commis en Hongrie, ayant causé plusieurs dizaines de milliers de victimes[10].Arthur Koestler estime que les victimes du régime ne furent pas plus de cinq cent, tandis que Stéphane Courtois et Jean-Louis Panné attribuent pour leur part « plusieurs centaines » de victimes aux « Gars de Lénine »[11].

La politique de terreur rouge prend fin avec le régime et la fuite du gouvernement de Béla Kun face à l'avance des troupes roumaines; elle est suivie d'une terreur blanche au cours de laquelle les troupes hongroises contre-révolutionnaires s'en prennent aux partisans réels ou supposés du régime, ainsi qu'aux Juifs, assimilés aux communistes. Le nombre exact de victimes de la terreur blanche, qui dure plus longtemps que la terreur rouge, n'est pas connu non plus, mais il est souvent considéré comme supérieur à celui des victimes du régime communiste.

Voir également

Notes et références

  1. Stéphane Courtois in Le Livre noir du communisme, Robert Laffont, 1997, p. 301
  2. a et b Library of Congress
  3. Tamás Szende, La Hongrie au XXème siècle : regards sur une civilisation, L'Harmattan, 2000, p. 14
  4. a et b Stéphane Courtois in Le Livre noir du communisme, Robert Laffont, 1997, p. 302
  5. Miklós Molnar, Histoire de la Hongrie, Hatier, 1996, p. 339
  6. Miklós Molnar, Histoire de la Hongrie, Hatier, 1996, p. 336
  7. Stéphane Courtois in Le Livre noir du communisme, Robert Laffont, 1997, p. 301-302
  8. Miklós Molnar, Histoire de la Hongrie, Hatier, 1996, p. 332
  9. Pierre Broué, Histoire de l'Internationale communiste, Fayard, ISBN 2-213-02659-9, p. 105
  10. Jérôme Tharaud, Quand Israël est roi, Plon, 1921 - réédité en 2006 aux éditions Saint-Rémi, (ISBN 978-2845196391)
  11. Stéphane Courtois et Jean-Louis Panné in Le Livre noir du communisme, Robert Laffont, 1997, p. 302

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Terreur rouge (Hongrie) de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Поможем написать курсовую

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Terreur blanche (Hongrie) — Pour les articles homonymes, voir Terreur blanche. Une pendaison en public lors de la terreur blanche hongroise. Le nom de terreur blanche (en hongrois : Fehérterror) est donné à l ensem …   Wikipédia en Français

  • Terreur rouge (Russie) — Pour les articles homonymes, voir Terreur rouge. Le terme de terreur rouge désigne la politique répressive d arrestations et d exécutions de masse, appliquée en Russie soviétique par la Tchéka et l Armée rouge pour le compte du gouvernement… …   Wikipédia en Français

  • Terreur rouge — Cette page d’homonymie répertorie les différents sujets et articles partageant un même nom. Pour les articles homonymes, voir Terreur. La Terreur rouge russe lors de la guerre civile russe. La Terreur rouge hongroise sous la République des… …   Wikipédia en Français

  • Terreur blanche (Russie) — Pour les articles homonymes, voir Terreur blanche. Des bolchéviks exécutés à Vladavostok, durant la Guerre civile. Photographie prise par le Lt. William C Jones Le terme de terreur b …   Wikipédia en Français

  • République des conseils de Hongrie — 47° 29′ 00″ N 19° 02′ 00″ E / 47.4833, 19.0333 …   Wikipédia en Français

  • Royaume de Hongrie — 47°28′N 19°03′E / 47.467, 19.05 Royaume de Hongrie …   Wikipédia en Français

  • Royaume de Hongrie (1920-1946) — Article principal : Royaume de Hongrie. Royaume de Hongrie Magyar Királyság Hongrois 1920 – 1946 …   Wikipédia en Français

  • Parti des communistes de Hongrie —  Ne doit pas être confondu avec Parti communiste hongrois, Parti des travailleurs hongrois ni Parti socialiste ouvrier hongrois. Kommunisták Magyarországi Pártja Présentation Premier secrétaire (à la dissolution) János …   Wikipédia en Français

  • Capitale de la Hongrie — Budapest Budapest est aussi une chanson sur l album Crest of a Knave du groupe Jethro Tull paru en 1987. Budapest La Perle du Danube …   Wikipédia en Français

  • Révolution russe — La Révolution russe est l’ensemble des événements de 1917 ayant conduit en février au renversement spontané du régime tsariste de Russie, puis en octobre à l’installation préparée d’un régime « léniniste ». Largement induite par la… …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”