Plans-séquence

Plans-séquence

Plan-séquence

Au cinéma, un plan-séquence est une scène (unité de lieu et de temps) filmée en un seul plan qui est restitué tel quel dans le film, c'est-à-dire sans montage (ou interruption de point de vue sans plan de coupe, fondu, volet ni champ-contrechamp). Le plan-séquence reste techniquement un plan unique, d'où son nom.

Sommaire

Durée

Un plan-séquence peut durer de quelques dizaines de secondes à plusieurs minutes, la limite technique au cinéma (avant l'ère numérique) étant celle de la durée d'une bobine de pellicule (environ 12 minutes). Aujourd'hui, les différents supports numériques offrent cependant beaucoup plus de possibilités puisque certaines caméras peuvent tourner jusqu'à deux heures sans arrêt. La notion de « longue durée » est cependant très subjective.

Maîtrise

Le plan-séquence est souvent difficile à maîtriser, notamment en cas de mouvements de caméra et d'acteurs, car il faut étudier le champ de la caméra (moment où les acteurs entrent et sortent du champ, les accessoires comme les micros et projecteurs ne devant pas être vus…). D'où la nécessité de le répéter avant, pour que tous les intervenants (acteurs et techniciens) s'accordent.

Effets recherchés

  • Donner du dynamisme à une scène
  • Suivre l'action ou découvrir un lieu comme le héros (identification)
  • Pénétrer dans un univers
  • Présenter la simultanéité de scènes adjacentes
  • Montrer l'action en temps réel

Réalisateurs adeptes du plan-séquence

Plans-séquences célèbres ou remarquables au cinéma

  • Dans L'Aurore (1927, Murnau), lorsque le mari s'avance à la rencontre de la femme de la nuit. Il s'agit là d'un des tout premiers plans-séquences du cinéma.
  • Ninotchka (1939, Ernst Lubitsch), envoyée à Paris par le gouvernement soviétique pour superviser la vente de bijoux saisis pendant la Révolution Russe, rencontre le Comte Léon d'Algout qui, lui, est chargé de les récupérer par leur ancienne propriétaire. Il essaie tout son charme sur la glaciale Ninotchka et réussit à rompre la glace au cours d'un long plan-séquence où il tente de la dérider en lui racontant une blague. La chute n'est pas celle attendue, le Comte s'effondre de sa chaise alors que Ninotchka part d'un énorme fou-rire.
  • Dans Les Amants du Capricorne (Under Capricorn, 1949) et surtout La Corde (The Rope, 1948), d'Alfred Hitchcock, le film se déroule quasiment sans interruption avec cependant un trucage pour passer d'une bobine à l'autre. Hitchcock avait fait fabriquer des bobines spéciales pour pouvoir filmer les scènes, celles de l'époque ne permettaient de filmer qu'une dizaine de minutes.
  • Dans Born Yesterday, (1950, George Cukor), mémorable partie de cartes entre Harry Brock, homme d'affaire un peu crapuleux monté à Washington pour tenter de corrompre un sénateur, et sa petite amie Billie, durant laquelle le couple joue, coupe et recoupe, et se chamaille.
  • Dans Othello (The Tragedy of Othello: The Moor of Venice, 1952, Orson Welles), un plan-séquence tourné sur une plage avec simplement une jeep comme tout accessoire (pour porter la caméra).
  • Mr Hulot, en visite dans la villa de la jeune fille dont il est maladroitement amoureux, examine discrètement les tableaux et le mobilier du salon pendant qu'elle se prépare pour leur promenade à cheval. Il tente de redresser les tableaux bancals du bout de sa cravache jusqu'à ce qu'un de ses éperons se prenne dans la gueule d'une peau de renard par terre : frayeur. (Les vacances de Monsieur Hulot , 1953, Jacques Tati)
  • Au début de Les Sentiers de la gloire (Paths of glory, 1957, Stanley Kubrick) un travelling arrière montre un officier (Kirk Douglas) qui avance dans la tranchée et passe ses soldats en revue avant l'attaque.
  • Le début de La Soif du mal (Touch of Evil, 1958, Orson Welles), avec notamment son mouvement de grue (la caméra passe au-dessus du poste frontière de Tijuana pour suivre le trajet de la voiture), interrompu soudainement par l'explosion d'une bombe. Le début de The Player (1992, Robert Altman) est un clin d'œil et une référence directe à La Soif du mal
  • Dans Soy Cuba (1964, Mikhaïl Kalatozov), qui raconte la révolution castriste à Cuba dans les années 1960, des plans-séquences sont filmés dans un grand souci d'esthétique, en particulier la scène du groupe de jazz sur l'immeuble, que la caméra quitte pour aller se noyer plus bas dans l'eau agitée d'une piscine.
  • Le meurtre de David Locke (interprété par Jack Nicholson) dans Profession : reporter (Professione: reporter, 1974, Michelangelo Antonioni) : on voit David Locke allongé sur son lit, vivant ; la caméra se tourne vers la fenêtre grillagée, traverse celle-ci pour suivre une auto-école dans une cour, on entend un bruit de détonation, et on suit la voiture pour contourner la maison et retourner dans la pièce par la porte où l'on redécouvre Locke sur le même lit, désormais mort.
  • Dans The Shining (1980), Stanley Kubrick utilise le steadicam et confirme la fluidité des mouvements de l'appareil, par exemple lorsque le jeune Danny traverse l'hôtel sur son tricycle, lorsque Wendy est poursuivie par Jack dans l'escalier ou durant la fameuse poursuite finale dans le labyrinthe.
  • Dans Requiem pour un massacre (Idi i smotri, 1984, Elem Klimov), où l'on suit les mésaventures d'un jeune partisan dans la campagne biélorusse ravagée par les massacres nazis, on trouve de longs plans-séquences, notamment dans la scène où le village est brûlé avec ses habitants, ou encore un plan-séquence particulièrement visuel sur la traversée d'un marécage par le jeune partisan.
  • Robert Altman débute son film The Player, en 1992, par un plan-séquence d'environ huit minutes, au cours duquel la caméra s'intéresse successivement à plusieurs conversations entre gens du cinéma, et notamment à une conversation au cours de laquelle il est question... de plans-séquences.
  • Dans le film À toute épreuve (1992), John Woo utilise un long plan séquence (plusieurs minutes) lors de la fusillade dans l'hôpital. On suit ainsi le personnage interprété par Chow Yun-fat tout au long de la scène qui se déroule sur plusieurs étages (la caméra le suivant lorsqu'il prend l'ascenseur). C'est en fait deux plans séquences successifs car il y a une coupe au milieu de la scène.
  • La fin de Principio y fin (1993, Arturo Ripstein) : une montée d'escalier dans un hôtel de passe avec comme fond musical La Valse des nuls des Tambours du Bronx.
  • Dans 71 Fragments d'une chronologie du hasard (71 Fragmente einer Chronologie des Zufalls, 1994, Michael Haneke) filme pendant plusieurs minutes, en plan fixe, un des protagonistes en train de renvoyer des balles de ping-pong expédiées par un robot d'entraînement ; cette scène insupportablement longue met en avant la relation conflictuelle du personnage avec les machines (un des ressorts du film).
  • Dans le film Pulp Fiction (1994), Quentin Tarantino suit à plusieurs reprises ses personnages de dos pendant quelques minutes, comme Butch à la recherche de sa montre qui va traverser un terrain vague et quelques habitations, ou Vincent Vega qui découvre avec le spectateur le restaurant Jack Rabbits Slims.
  • Boogie Nights (1997) contient de nombreux plan-séquence et dans l'un d'entre eux la caméra plonge même sous l'eau pour accompagner un personnage lors d'une réception festive.
  • Snake Eyes (1998, Brian De Palma) commence par un « faux » plan-séquence d'environ 13 minutes, tourné en plusieurs fois et raccordé par traitement numérique.
  • Timecode (2000, Mike Figgis) est composé de quatre plan-séquences couvrant chacun la totalité du film (environ 90 minutes), car les quatre plan-séquences apparaissent simultanément à l'écran grâce au split screen en quatre parties de même taille.
  • Panic Room (2002) David Fincher contient des plan-séquences avec des mouvements de caméra improbables (par exemple passant à travers l'anse d'une tasse).
  • Le film L'Arche russe (Russkij kovcheg, 2002, Alexandre Sokourov) consiste en un unique long plan-séquence de 96 minutes. Pour effectuer ce tour de force, le réalisateur a utilisé du matériel vidéo numérique qui offre une capacité d'enregistrement plus longue.
  • Gangs of New York (2002, Martin Scorsese) contient un plan-séquence à la 71e minute qui illustre le débarquement des immigrés Irlandais, puis leur inscription dans les rangs américains pour la guerre de sécession, puis leur embarquement dans un navire de l'armée qui se vide des cercueils des anciens soldats.
  • Irréversible (2002) est composé de plusieurs plans séquences - 12 en tout, chacun se terminant par un effet de caméra pour raccorder, plutôt artificiellement (avec un néon, par exemple), avec le suivant, situé quelques heures plus tôt. La plupart des plans séquences utilisent des trucages numériques , mais plûtot pour effacer des ombres de caméras ou de perche. Mais le plus célèbre reste la scène de viol du personnage principal, joué par Monica Bellucci, 9 mn réalisées, cette fois, sans aucun raccord...
  • Elephant (2003, Gus Van Sant) film ayant reçu la palme d'or à Cannes en 2003 fait presque exclusivement de plan-séquence.
  • Old Boy (2003) de Park Chan-Wook comporte une scène de combat en plan-séquence, où l'anti-héros se bat à mains nues, seul contre 20 assaillants.
  • L'Honneur du dragon (2006) où Tony Jaa rentre dans un restaurant en se faisant les ennemis un-à-un, ce en montant les étages, où le spectateur le suit de dos comme pour un jeu-vidéo grâce au steadicam.
  • Breaking News (2004, Johnnie To) s'ouvre sur un plan-séquence très fluide de plus de six minutes.
  • La Guerre des mondes (2005, Steven Spielberg) offre un étonnant plan-séquence autour d'une fuite en voiture.
  • Doom (2005) où le plan-séquence était 'le' plan le plus attendu (cf la bande-annonce du film) tout simplement parce que ce film était basé sur le fameux jeu vidéo du même nom.
  • Pride and Prejudice (2005) comporte un plan-séquence lors du bal à Netherfield : il permet de voir toute une série d'anecdotes concernant les personnages principaux du film, à travers le décor somptueux de Basildon Park.
  • A History of Violence de David Cronenberg commence sur le plan-séquence d'un motel, extrêmement lent, amenant une lourde tension à la scène.
  • Lord of War (2006, Andrew Niccol) s'ouvre sur un faux plan-séquence (en réalité, plusieurs plans astucieusement raccordés) retraçant, en vue subjective, la fabrication, le transport et la fin de la vie d'une balle de kalachnikov.
  • Les Fils de l'homme (Children of men, 2006, Alfonso Cuaron) est rempli de plans-séquences dans une ambiance de chaos, dans un Londres en proie au terrorisme.
  • Onze (2006, Etienne Perrin) est un court-métrage de 9 minutes réalisé entièrement en plan-séquence, le tout traitant des attentats du 11 septembre 2001.
  • Dans La Môme (2007), Olivier Dahan utilise à plusieurs reprises le plan-séquence, notamment lorsque le spectateur découvre l'appartement New-Yorkais de Piaf (interpretée par Marion Cotillard) ou lorsque celle-ci apprend la mort de son amant.
  • Également dans Le Nombre 23, où le plan-séquence représente la jeunesse du détective Fingerling.
  • Dans Boulevard de la mort (2007, Quentin Tarantino), un des deux films de Grindhouse, à la 72ème minute, les quatre filles héroïnes de la dernière moitié du film discutent et rigolent autour d'une table pendant plus de sept minutes.
  • Dans Reviens-moi de Joe Wright (2007), on peut voir un plan-séquence illustrant la bataille de Dunkerque, ou plus précisément les conditions d'attente d'évacuation de soldats britanniques sur la plage. Ce plan a nécessité près de 2000 figurants.
  • 4 mois, 3 semaines, 2 jours (2007, Cristian Mungiu) De nombreux plans séquences durant tout le film permettent au spectateur de mieux cerner la durée de l'action et la dureté des péripéties que traversent les deux héroïnes. Palme d'or au festival de Cannes 2007.
  • The Sniper At The Gates Of Heaven (2008), de Thibault Turcas. Ce court-métrage ne comporte qu'un seul plan de 7 minutes où l'on voit le déroulement d'une course poursuite violente, où le personnage principal joué par Ivan Le Jan tue tous ses poursuivants.
  • Dans Death Sentence (2008, James Wan), Kevin Bacon est traqué pendant plus de cinq minutes dans un parking, la caméra le suivant de dos avant de descendre de quelques étages pour voir ses poursuivants et de remonter.
  • Dans Be Kind Rewind, Michel Gondry utilise le plan-séquence - sa spécialité, pour montrer dans un délirant travelling de 5 minutes les différents films suédés des deux protagonistes, de King Kong à 2001 l'odyssée de l'espace.
  • Dans Kill Bill (volume 1) (2003, Quentin Tarantino), "La mariée" est accoudée au bar du restaurant, et lorsque le groupe commence son 2ème titre, un fabuleux plan séquence se met en place.
  • Dans REC (2008, Jaume Blaguero Paco Plaza), de nombreux plans-séquence en caméra-épaule.
  • Dans JCVD (2008, Mabrouk el Mechri), Jean-Claude Van Damne réalise deux plans séquences étonnants : une scène de combat de 3 minutes au tout début du film et plus tard dans celui-ci un monologue de pas moins de 7 minutes.
  • Dans Charisma (1999 au cinéma) de Kiyoshi Kurosawa la quasi totalité du film et réalisé en plan séquence ne durant que cinq à une quarantaine de seconde chacunes, donnant un aspect photographique et figé au film.

Vidéo-clips

Le plan-séquence a également été beaucoup utilisé dans l'univers du vidéo-clip. L'intérêt (et le défi) est alors de pouvoir tourner l'intégralité du clip en un seul plan. Citons par exemple les clips réalisés par Michel Gondry, notamment pour Kylie Minogue (Come Into my World), Lucas (Lucas With the Lid Off), Massive Attack (Protection) ou encore Cibo Matto (Sugar Water). De même le clip Wannabe des Spice Girls en 1996 ou Feist (1 2 3 4 ). Paul Thomas Anderson utilise aussi le plan-séquence pour le clip Try interprété par Michael Penn.

voir aussi

Glossaire technique du cinéma

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