Pierre-André de Suffren

Pierre-André de Suffren

Pierre André de Suffren

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Pierre André de Suffren
Pierre André de Suffren
Surnom Jupiter
Naissance 17 juillet 1729
Château de Saint-Cannat
Décès 8 décembre 1788 59 ans)
Paris
Origine Français, Provençal
Allégeance Royaume de France Royaume de France
Arme Marine
Grade Vice-amiral,
général des galères de Malte
Service 1743 - 1788
Conflits Guerre de Succession d'Autriche,
Guerre de Sept Ans
Guerre d'indépendance des États-Unis d'Amérique
Commandement Escadres de l'océan Indien
Faits d’armes Bataille de Minorque,
Bataille de Porto Praya,
Bataille de Négapatam,
Bataille de Trinquemalay,
Bataille de Gondelour
Distinctions Ordre du Saint-Esprit,
Grand Croix de l'Ordre de Saint Jean de Jérusalem
les Grandes Entrées à la Cour
Autres fonctions Ambassadeur de l'Ordre de Malte auprès du
roi de France

Pierre André de Suffren, dit le Bailli de Suffren, également connu sous le nom de Suffren de Saint-Tropez, né le 17 juillet 1729 au château de Saint-Cannat, près d'Aix-en-Provence et mort le 8 décembre 1788 à Paris, est un vice-amiral français, bailli[1] de l'Ordre de Malte.

Sommaire

La maison de Suffren

La maison de Suffren a pour auteur, selon d'Artefeuil et François-Alexandre de La Chenaye-Aubert, Hugon de Suffren, qui s'établit en Provence au XIVe siècle, et qui était originaire de la république de Lucques, d'où il fut forcé de fuir lors des guerres des Guelfes et des Gibelins. Jean-Baptiste de Suffren fut anobli par lettres patentes du roi François Ier.[2]

Son père, Paul de Suffren de Saint-Tropez, marquis de Saint-Cannat (1679 - 1756) est le Premier procureur des Pays de Provence en 1723, et procureur joint de la noblesse en 1749.[3]

Pierre André a quatorze frères et sœurs. Un de ses frères, Pierre-Julien, est capitaine des vaisseaux de la Religion.[4] Un autre l'aîné est marquis et bailli de Saint-Tropez, maréchal de camp et pair de France en 1817. Le troisième, Louis-Jérôme de Suffren, est évêque de Sisteron de 1764 à 1789 puis évêque de Nevers. Il fait creuser un grand canal pour irriguer la région de Sisteron. Il a aussi deux sœurs mariées à des seigneurs locaux, dont Alphonse Louis d'Arnaud, baron de Vitrolles.

Comme beaucoup de cadets de familles nobles provençales, en 1737, Pierre André de Suffren est admis, dès l'âge de 8 ans, comme chevalier de minorité de l’ordre de Malte, dont il deviendra adulte bailli.

Après une enfance turbulente, mais aussi studieuse, passée au château familial de Saint-Cannat, ou dans un autre fief familial à Richebois, situé à côté de Salon de Provence et à Saint-Tropez, il fait des études chez les Jésuites de Toulon.

La guerre de Succession d'Autriche (1740–1748)

Depuis la mort de Jean-Baptiste Colbert en 1683 la Marine périclite.

Le Cap Sicié (22 février 1744)

En 1743, à l'âge de 14 ans, Pierre André, comme beaucoup de jeunes provençaux nobles, rentre dans le très aristocratique corps des Gardes de la marine. Un an après, il connaît son premier combat le 22 février 1744 à la bataille du Cap Sicié, où 29 vaisseaux britanniques affrontent une force de 15 vaisseaux français et 12 espagnols, bataille qui se termine par une victoire franco-espagnole. Le port de Toulon n'est plus bloqué par la flotte britannique. Louis XV peut déclarer la guerre à la Grande-Bretagne, le 15 mars 1744.

Les Antilles et combat de Saint-Vincent (25 octobre 1746)

Les Britanniques se sont emparés de Louisbourg sur l'île du Cap-Breton

Pierre André de Suffren monte alors sur le Pauline qui fait partie de l'escadre de M. Macnémara[5] qui croise en face des côtes des Indes occidentales.

En 1746 il fait partie de l'expédition désastreuse de l'amiral Jean-Baptiste de Roye de la Rochefoucauld, duc d'Anville, pour reprendre l'Île du Cap-Breton. Les naufrages et la peste déciment la flotte française.

À son retour, Suffren, sur le Monarque, est fait prisonnier en escortant un convoi de troupes de deux cent cinquante vaisseaux dans les eaux du Cap Finisterre, le 25 octobre 1747.[6] Comme il n'y a plus de munitions, il doit amener le pavillon mais il le fait uniquement à la troisième sommation. Pierre André est relâché trois mois après à la paix.

Il trouve à son retour en France son brevet d'enseigne de vaisseau, mais sollicite un congé et part à Malte, où il fait ses caravanes et devient ainsi chevalier de majorité, de 1748 à 1751.[7]

La guerre de Sept Ans (1756-1763)

Port-Mahón est une ville importante de Minorque, l'une des îles Baléares

Pierre André de Suffren embarque sur le vaisseau le Dauphin Royal qui est attaqué par l'amiral Boscawen, avant toute déclaration de guerre, en juillet 1755, au large de Terre-Neuve. Sa belle conduite vaut à Suffren une promotion au grade de lieutenant de vaisseau.

Port-Mahón

Pierre André de Suffren combat avec fougue dans le bâtiment-guide de la flotte qui protège les troupes françaises qui attaquent Minorque. Il est à la bataille navale de Minorque (1756), qui est une victoire. Le gouvernement britannique fait fusiller l'amiral Byng. C'est une de ses premières défaites continentales. Sur l'Orphée, Suffren participe à la victoire du comte de La Galissonnière.[8]

Bataille de Lagos

Article détaillé : Bataille de Lagos.

Suffren est maltraité, mais officier prisonnier sur parole, il est libéré par la suite d'un cartel d'échange. Pierre André de Suffren rédige un mémoire sur les moyens d'attaquer Gibraltar.[9]

Malte (1761), le Maroc (1767)

En 1761, Pierre André de Suffren retourne à Malte. Il fait le choix d'être Chevalier-Profès. Il est surtout venu à Malte pour naviguer et chasser les barbaresques. Depuis des centaines d'années les marins provençaux sont faits prisonniers et vendus comme esclaves à Alger, Tunis, Tripoli… Il en résulte une haine souvent héréditaire pour les pirates barbaresques en Provence.

Article détaillé : Esclavage en Tunisie.

Pierre André de Suffren commande pour la première fois, mais un simple chébec, pendant l'expédition conduite par le comte Louis Charles du Chaffault de Besné (1708 - 1794 prisons de Nantes) qui bombarde Salé et ne peut débarquer à Larache. Cette terre du Maroc qu'il vient par là, de découvrir, le fascine et il veut y retourner… Pierre André de Suffren obtient d'accompagner en 1767 Pierre Hodenau, seigneur de Breugnon, Chef d’Escadre des Armées Navales du Roi, Ambassadeur de France auprès du Sultan du Maroc, lors des négociations pour la signature du traité de Paix et d’Amitié franco-marocain, qu'il signe en (1767).

Suffren trace des plans des côtes du Maroc et surtout de l'Algérie pour préparer leurs invasions.[10] Il rédige aussi un mémoire sur le Maroc.

Au retour de cette campagne, il retourne à Malte se battre contre les barbaresques, comme déjà en 1754 et en 1761, sur la galère de la Religion, la Saint-Antoine.[11] C'est à cette époque qu'il est élevé au grade de commandeur de l'Ordre de Malte.[12] Il va aussi canonner les côtes de Tunisie avec l'escadre de Malte et une division française commandée par le comte de Broves (pilonnage des ports et installations militaires de Tunis et de Bizerte).

Croisières en Méditerranée (1772-1776)

1772, il est enfin capitaine de vaisseau, mais ne commande que la Mignonne, une frégate. Il fait une croisière à Saïda, aux Échelles du Levant, à Smyrne, dans l'archipel grec. Puis il commande une nouvelle frégate l’Almacène et navigue des côtes du Maroc à Ouessant.[13]

La guerre d'indépendance des États-Unis d'Amérique

A l'inverse de ses prédécesseurs[14] le jeune roi Louis XVI, dès sa jeunesse, s'intéresse aux problèmes maritimes.

Suffren dans l'océan Atlantique (Antilles et côtes américaines)

Les combats

Charles Henri d'Estaing apprécie beaucoup Suffren, il est son chef, il deviendra son frère[15] à la fin de sa vie. Suffren lui doit beaucoup.

1777, il commande le Fantasque, vaisseau de 64 canons, et c'est avec ce bâtiment qu'il se bat pendant 20 mois au sein de l'escadre de l'amiral Charles Henri d'Estaing, aux Antilles.

Le 8 août 1778, il force un barrage, pénètre dans la baie de Newport et détruit cinq frégates, deux corvettes, et un brick britannique. Bravo, Suffren lui crie l'amiral Charles Henri d'Estaing à son retour.

Suffren combat à plusieurs reprises des vaisseaux britanniques plus nombreux que les siens et supérieurs. Il défend les colonies françaises et affame celles des Britanniques. Après avoir désarmé Cavalion, une des Grenadines, Suffren rejoint l'escadre à la Guadeloupe pour y prendre des troupes de débarquement, pendant que d'Estaing ayant vainement cherché à provoquer Biron revient à Saint-Domingue. Le 9 septembre 1779, il force l'ennemi à détruire les fortifications de l'île Tilbée. À Georgetown, Pierre André de Suffren est une nouvelle fois à l'avant-garde.

Le comte d'Estaing, vaillamment secondé par le commandeur de Suffren, se couvre de gloire sur les côtes d'Amérique, et le marquis de Bouillé s'empare de la Dominique.[16]

À son retour en France, le commandeur, Pierre André de Suffren, se trouve désigné par d'Estaing à la reconnaissance publique. D'Estaing seul, sous qui Suffren venait de servir, lors de l'expédition d'Amérique, a pénétré le grand homme de mer dans le capitaine de frégate.[17] Le comte d'Estaing, en désignant Suffren au choix du ministre Charles Eugène Gabriel de La Croix de Castries, fait acte de patriotisme, écrira, un siècle plus tard, la Revue maritime et coloniale de 1867, en employant des termes de son époque.[18] D'Estaing certifie à Antoine de Sartine que « ce capitaine sera peut-être le meilleur chef d'escadre que Sa Majesté puisse avoir à son service ». Le roi, le 1er mars 1780, lui accorde une pension de 1 500 livres, mais 40 capitaines de vaisseau plus anciens que lui attendent de l'avancement.

Autre buste de Pierre André de Suffren à l'Hôtel des Invalides, Paris

Sur la relation entre Charles Henri d'Estaing et Suffren les avis cependant divergent. Pour plusieurs historiens, en particulier des XVIIIe siècle et XIXe siècle, les deux hommes sont totalement opposés de caractère et de culture.

L'amiral d'Estaing est un ancien officier de terre, deux fois prisonnier en Grande-Bretagne, puis transformé en marin par la grâce de Choiseul en 1765, cas unique dans la marine royale avec celui de Bougainville également officier de terre.

Suffren est, nous l'avons vu, un marin depuis le plus jeune âge et déplore les hésitations surprenantes de son amiral lors de plusieurs engagements décisifs, voire la maladresse de ses manœuvres. Il n'est pas le seul Georges Pléville Le Pelley le critique lui-aussi dans ses Mémoires.

Les recommandations de l'amiral auprès de Castries sont difficilement évitables par l'amiral compte tenu des exploits de son adjoint et de ses propres échecs.

C'est précisément Charles Henri d'Estaing, remplaçant de Sartines (expulsé par Necker) qui, après un diner mémorable, sut se faire une religion du Bailli en le recommandant au roi pour commander provisoirement le convoi vers l'Inde. C'est ensuite le hasard du décès de l'amiral d'Orves qui permet à Suffren de prendre le commandement de l'escadre de l'Inde.

En 1780, Suffren commande le Zélé à Cadix pour assiéger Gibraltar.

Suffren

Charles Henri d'Estaing l'apprécie beaucoup, même s'il trouve qu'il aime un peu trop la table. Il remarque qu'avant chaque départ Pierre André de Suffren fait embarquer force volailles et autres provisions de table, plutôt que de la poudre et de boulets, comme il le lui conseille[19]

Mais Suffren ne pense pas uniquement à la nourriture. Dès cette époque, il préconise d'équiper les vaisseaux de pompes à incendie, de doter les mâts du conducteur électrique de M. Franklin, d'avoir à bord 5 ou 6 canots et surtout il veut des coques doublées en cuivre. Antoine de Sartine va écouter ses conseils et le roi aussi.

Suffren dans l'océan Indien (1781-1784)

Bataille de Porto Praya

Après avoir participé à la Guerre d'indépendance des États-Unis d'Amérique, Pierre André de Suffren est désigné en 1781 pour commander en qualité de chef de l'escadre rejoignant les Indes orientales, cinq vaisseaux envoyés en renfort aux Indes.

En réalité les historiens des XVIIIe siècle et XIXe siècle divergent encore sur les conséquences de cette décision. En 1781 nous sommes encore en pleine guerre dans l'Atlantique-nord, pourquoi diminuer notre puissance navale. Mais les opérations dans l'océan indien font partie d'un tout global puisqu'elles obligent les Britanniques a dégarnir leur front occidental.

Bataille de Porto Praya

Suffren doit avant d'arriver dans l'océan Indien battre une escadre britannique à la bataille de Porto Praya, au Cap-Vert, le 16 avril 1781 et se ravitailler à Le Cap. L’escadre de Suffren n’arrive que le 25 octobre 1781, selon le Journal de bord de Suffren. Il doit réparer sa flotte, et punir les insoumissions de quelques subordonnés. Le chef d’escadre d’Orves en 1780 n’a pas remporté de victoire. Il a même refusé d’hiberner aux Indes, malgré ses ordres.

Porto-Novo

Statue de Pierre André de Suffren à Saint-Tropez.

La flotte composée de l’escadre qui s’est battue à bataille de Porto Praya et de celle présente dans l’océan Indien, conduisent aux Indes, les troupes.[20] L’escadre de Suffren appareille de Port-Louis, sur l'Île de France, le 7 décembre 1781.[21]

Mais la manœuvre de sortie du port commence par deux accidents. Tromelin inaugure son commandement en faisant échouer l’Annibal. Le transport de Maurepas a le même problème. L'appareillage est remis au lendemain. L'Orient est en tête de file, le pavillon de chef d'escadre du comte d'Orves déployé et sur le Héros, l’étamine de Suffren. Ainsi réunies, les deux divisions Suffren et d'Orves, de concert - vingt-huit voiles, dont onze vaisseaux et le Toscan un navire-hôpital, constituent la flotte la plus considérable que la France n’ait jamais envoyé dans l'océan Indien.

L'expédition est toutefois assez mal préparée : les effectifs sont insuffisants pour défendre nos possessions et nos alliés face à l’armée britannique des Indes.[22]

Le ministre voulait envoyer 6.000 hommes, recruter 6.000 auxiliaires indiens ou cipayes sur place. Nous disposons de très peu d'argent 900.000 livres en lettres de change. Le nombre d'administrateurs, dont Benoît Mottet de la Fontaine, est encore plus faible que celui des combattants. Par ailleurs, les objectifs du Ministre et M. de Souillac,[23] divergent : le premier est partisan d’une alliance avec Haidar Alî, le second pense s’allier avec les Mahrattes, ses ennemis. Les troupes débarquent le 9 mars 1782 à Porto-Novo, alors sous pavillon du Nabab Haidar Alî (1722-1782), dans une contrée ravagée par cinq ans de guerres civiles et étrangères.

Bataille pour Gondelour (3 avril 1782)

Bataille de Gondelour.

De Porto Novo, les troupes partent à Gondelour, une forteresse britannique, qu’ils prennent.

Article détaillé : Bataille de Gondelour (1782).

Suffren tombe malade et ses relations avec Haidar Alî, très déçu, malgré les victoires de Suffren par l’insuffisance en nombre des troupes terrestres françaises, sont très mauvaises. Les officiers français apprennent que les Britanniques refusent l'échange des prisonniers qui encombrent l'escadre et les forts. La présence de nombreux malades et blessés,[24] tant dans l'armée que dans l'escadre, la recherche de ravitaillement et d'équipement pour réparer l'escadre, les soldes non payées… tout cela contribue à l’affaiblissent du moral des troupes.

Malgré la supériorité numérique britannique et les tempêtes, Pierre André de Suffren réussit à vaincre les Britanniques. Mais, il doit faire construire un hôpital de 1.500 lits pour ses marins. Il manque sérieusement de poudre et boulets.

A Versailles, malgré l’opposition d’une partie de ses ministres, Louis XVI a ordonné que l’on envoie des renforts aux Indes. Mais, à Port-Louis, François de Souillac essaie de contraindre Suffren à abandonner les Indes. Suffren refuse et pendant des mois il essaie de capturer des vaisseaux marchands pour ravitailler le corps expéditionnaire et ses marins. Ne pouvant plus nourrir, soigner et héberger les prisonniers britanniques, il les livre à Haidar Alî. Cette décision provoque l’indignation même de ses amis, comme le capitaine de vaisseau Trublet de Villejégu, qui parle d’un procédé inhumain….[25]

Bataille de Négapatam (1782)

Article détaillé : Bataille de Négapatam (1782).

Cette victoire est chèrement payée. Le bailli doit réparer ses vaisseaux qui sont en piteux état. Il va à Gondelour et débarque les blessés et les malades. Il se voit une fois de plus obligé de demander de l’aide à Haidar Alî, et de commercer pour donner à manger à ses marins et ses troupes. Il écrit dans son journal de bord : Les capitaines me désolent pour leurs tables. Le père Delphine leur répond : Messieurs, nous ne sommes pas ici pour manger, mais pour combattre. Et puis après la faim, c'est une épidémie de variole qui emporte une bonne partie des survivants. Le moral des troupes et des équipages est au plus bas, même si Suffren capture un navire avec 6 000 bouteilles de vin.

Bataille de Trinquemalay (25 août 1782)

Article détaillé : Bataille de Trinquemalay.

La 2e bataille pour Gondelour (navale et terrestre)

Sculpture de Suffren (venant d'un vaisseau du XIXe s.)
Article détaillé : Bataille de Gondelour (1783).

Le 29 juin 1783 la frégate parlementaire Médée apporte la nouvelle de la paix, entre la France et la Grande-Bretagne, ratifiée à Versailles le 9 février 1783. La suspension d'armes est immédiate.

En deux ans et demi de campagne, Suffren n'a livré que des batailles indécises, mais il est parvenu à entretenir son escadre, de manière quasi incroyable aux plus loin de ses bases, tout en sauvant la présence française aux Indes. Les Britanniques du fait de l’indépendance américaine conservent leur empire aux Indes. À Gondelour, sur terre, les Français ont perdu 18 officiers tués et 33 blessés, et 113 soldats tués et 293 blessés. Les pertes britanniques en tués sont de 62 officiers, 900 européens et 1400 cipayes. Des 300 cavaliers, 225 fantassins, et 75 artilleurs de la 3e légion de volontaires étrangers de la marine, les 2/3 sont morts. Cornwallis écrira à Stuart qui criait victoire : Encore une victoire comme celle que vous prétendez avoir remportée et il n'y aura plus d'armée britannique dans le Carnatic….

Le général Stuart est destitué. Alors que Suffren atteint ici au fait de son service de génie de marin, mis au service de sa volonté de rester dans l'Inde, écrit Jean-François de Lapérouse (1741 - 1788).

Suffren à la Cour

L'accueil des Français des façades maritimes

L'accueil des populations de Maurice et de la Réunion est triomphal. Il en est de même à Le Cap. Suffren écrit : je suis accablé de vers, de compliments, de chansons.[26] À Toulon et dans toute la Provence, il écoute des dizaines de discours et est applaudi par des foules immenses.

L'accueil de la Cour

Les courtisans, qui avaient presque marché sur les pieds du Bailli lors de sa précédente venue à l'audience royale, l'acclament. Le traité de Versailles est signée, le roi crée pour lui un quatrième vice-amiral. Louis XVI lui octroie aussi le prestigieux Ordre du Saint-Esprit, et lui accorde les Grandes Entrées,[27] en 1784. Tous ses parents obtiennent des honneurs de la Cour. Ses deux neveux sont faits colonels. Un de ses frères qui a un petit évêché obtient celui de Nevers. On évalue sa fortune à 100 000 livres de rente, ce qui est considérable, surtout pour un cadet de Provence.[28]

Les gardes du corps font la haie pour lui faire les honneurs. La reine Marie-Antoinette lui dit : Vous avez fait du bon travail, maintenant je vous montrer le mien et elle fait chercher le futur Louis XVII.

L’Ordre de Malte le fait Grand Croix de l'Ordre de Saint Jean de Jérusalem et le nomme ambassadeur auprès du roi de France. Sur la demande du roi il avait obtenu le généralat des galères de Malte il obtient du Grand maître de Malte que son frère, le bailli de Saint-Tropez, prenne ce commandement à sa place.

Un homme généreux

Quand Louis Thomas Villaret de Joyeuse estime effectuer des missions très dangereuses sur un bâtiment médiocre, une charrette, le bailli lui répond : Si quelqu'un peut tirer parti de cette charrette, c'est vous. Villaret commentera ce propos quelques années plus tard : Le seigneur Jupiter savait dorer la pilule.

Mais Suffren assez bizarrement écrit : Je me sens plus considéré que je ne le mérite. Cet homme modeste et simple, membre de la loge maçonnique : l'Olympique de la Parfaite Estime,[29] va profiter de ses nouveaux pouvoirs et de la considération dont il jouit désormais pour aider de jeunes officiers moins bien nés que lui à devenir officiers supérieurs, du fait de leurs qualités.

Lui qui avait envoyé par contre plusieurs aristocrates, capitaines de ses vaisseaux, en prison, pour incapacité et désobéissance aux ordres. Voici un exemple parmi tant d'autres de sa la générosité qui l'anime : l'héroïsme d'André de Rambaud qui avait été blessé deux fois lui avait plu.[30].

Pierre André de Suffren est le premier témoin au mariage de ce simple lieutenant devenu grâce à lui capitaine avec d'Agathe de Rambaud, Berceuse des Enfants de France, le 7 mars 1785, à la paroisse Saint Louis de Versailles. Sur cet acte Pierre André de Suffren est dit : Haut et puissant Seigneur Pierre André de Suffren Saint Tropez, Chevalier des Ordres du Roi, Grand croix de Saint Jean de Jérusalem, vice Amiral de France. Ambassadeur de l'Ordre de Malte. Un autre témoin de cette union est un ami du marié et un autre protégé de Pierre André de Suffren, le jeune Louis Thomas Villaret de Joyeuse, capitaine de vaisseau,[31] promis à un grand avenir.

La Compagnie du Sénégal

Le royaume de Galam est situé au nord-est du Sénégal

M. de Suffren gère avec d’autres administrateurs la Compagnie du Sénégal.[32] Quand, en 1783, le traité de Versailles restitue officiellement le Sénégal à la France. Le monopole de la gomme revient à la Compagnie du Sénégal. Le bureau de Paris est composé du maréchal Emmanuel-Félicité de Durfort,[33] d’un lieutenant général des armées du roi, le comte de Blangy, d’un mestre de camp de dragons, le marquis de Saisseval, d’un conseiller de la grande chambre du Parlement, Saint-Romain, d’un directeur faisant fonction de rapporteur, Fraisse et de Suffren. Ce dernier leur conseille d'envoyer là-bas le capitaine André de Rambaud, ingénieur-géographe, comme commandant de la troupe du Sénégal et du fort Saint-Joseph de Galam.[34] Ils demandent au jeune chevalier de Saint Louis d'établir une sorte de protectorat français sur le royaume de Galam, à 500 km des côtes et avec des moyens dérisoires. C'est un échec et le commandant du fort est tué en 1789. Il faudra attendre 70 ans pour que ce royaume de Galam soit colonisé.

Sa mort

Le roi le voit présider les États généraux de 1789 et se sentant menacé par les Britanniques lui confie le commandement des escadres de l'Atlantique. Mais le bailli de Suffren meurt à Paris le 8 décembre 1788. La veille l'un de ses neveux et sa nièce l'avait trouvé alité depuis trois jours. Il est inhumé dans l'église du Temple.

Après sa mort

Plaque commémorative à Saint-Tropez.

En 1793, les restes de Suffren, encore très reconnaissables, sont jetés sur un tas d’ordures, comme le corps d'Honoré Gabriel Riqueti de Mirabeau chassé du Panthéon de Paris.[35] Marie-Joseph Chénier est-il à l’origine de cette décision ? Selon, Roger Glachant, cela se fit par les soins d'une catégorie spéciale d'idéologues, qui comptaient récupérer des bagues dans les cercueils.[36] L'amiral Caron parle lui de révolutionnaires réduit à profaner en 1793 ses restes ensevelis en l'église du Temple.[37] De toutes façons, l'église du Temple sera vendue en 1796 avec le cimetière à un particulier qui la fera raser.

Napoléon Ier regrettera de ne pas avoir Suffren à ses côtés pour combattre Nelson et il sera souvent comparé à ce dernier ou à Ruyter sur les plans tactiques et stratégiques.

Sa statue à Saint-Tropez sera coulée avec les bronzes des canons pris à l'ennemi que Napoléon III offrira à la ville en 1866. À l'inauguration de la statue de Suffren à Toulon, la foule chante la belle chanson de Mireille (opéra) pour honorer la mémoire de ce cadet de Provence.[38].

Le Suffren (1899 - 1916)

Suffren va devenir un exemple à suivre pour les marins français. Huit bâtiments de la Marine nationale seront nommés ainsi en l'honneur de l'amiral Suffren :

  1. Un navire de ligne de 74 canons (1791 - 1794), rebaptisé Le Redoutable en 1794, qui participa à la Bataille de Trafalgar
  2. Un navire de ligne de 74 canons (1801 - 1815)
  3. Un navire de ligne de 90 canons (1824 - 1865)
  4. Une frégate armée (1866 - 1897)
  5. Un cuirassé, Le Suffren (1899 - 1916)
  6. Un croiseur, Le Suffren (1926 - 1963)
  7. Une frégate lance-missile, Le Suffren (1968 - 2001)
  8. Un sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) du type Barracuda, Le Suffren

Notes

  1. Bailli : dans l'ordre de Malte, chevalier d'un grade supérieur à celui de commandeur
  2. Annuaire de la noblesse de France et des maisons..., 1864, pp. 173 et 174
  3. Presles, Claude des, Suffren dans l'océan Indien, p. 3
  4. Les vaisseaux de l'ordre de Malte
  5. Jean-Baptiste Macnémara (1690 - 1756), lieutenant général en 1752. En 1755, il sera appelé pour mener des vaisseaux au Canada. Il sera nommé vice Amiral l'année suivante, et il décèdera la même année. (Taillemite, Étienne, 2002)
  6. Vergé-Franceschi Michel, La Marine française au XVIIIe siècle, p. 161
  7. Vergé-Franceschi Michel, La Marine française au XVIIIe siècle, p. 161
  8. Vergé-Franceschi Michel, La Marine française au XVIIIe siècle, p. 161
  9. Vergé-Franceschi Michel, La Marine française au XVIIIe siècle, p. 161
  10. Bulletin de la Société de géographie, 2e série, tome XIV
  11. Vergé-Franceschi Michel, La Marine française au XVIIIe siècle, p. 161
  12. Histoire du bailli de Suffren Par Charles Cunat, p. 33
  13. Vergé-Franceschi Michel, La Marine française au XVIIIe siècle, p. 161
  14. Et de ses successeurs
  15. À l'Olympique de la Parfaite Estime l'un des frères de Suffren sera l'amiral Charles Henri d'Estaing.
  16. Le Bailli de Suffren dans l'Inde Par Joseph Siméon Roux, p. 48
  17. Louis XVI et sa cour Par Amédée Renée, p. 192
  18. Revue maritime et coloniale, 1867, p. 196
  19. Par la suite devenu chef d'escadre dans l'océan Indien, Suffren refusera de rencontrer une délégation d'habitants d'Achem en prétextant que sa religion lui interdit de s'occuper d'autres choses que de manger.
  20. Le régiment d'Austrasie, le 2e bataillon de l’Isle de France, ainsi qu’une unité d’artillerie de 220 hommes, 142 volontaires de l’île Bourbon, 470 noirs et cipayes, et 366 autres : des officiers, des volontaires, et leurs domestiques. En tout, 3.101 hommes, qui sont commandés par le comte du Chemin, maréchal de camp.
  21. Quatre fois moins que pour l'opération de Minorque de 1781
  22. Suffren a déjà attaqué l’ennemi, mais sans grands résultats du fait de certains de ses capitaines : a quli pouarc au la gadoulo au cuou, qui peut se traduire par ces porcs ont la gadouille au cul
  23. François de Souillac est alors gouverneur français de la colonie regroupant l'île Maurice, les Seychelles et La Réunion
  24. 1.200 à 1.500 selon un article dans la Lettre du Cercle Culturel des Pondichériens, n°18 décembre 1997
  25. Suffren ne lui en voudra pas. Il lui fera obtenir la croix de Saint-Louis du fait de sa conduite aux batailles de Gondelour. Il finira contre-amiral
  26. Presles, Claude des, Suffren dans l'océan Indien, p. 155
  27. Grandes Entrées, dans sa chambre, honneur réservé aux officiers de la Couronne, au grand chambellan, au grand-maître de la garde-robe, au premier valet de garde-robe et à quelques rares très grands seigneurs
  28. Collectif, Histoires de marins, Sortilèges (15 novembre 2002), p. 92
  29. Glachant Roger, Suffren et le temps de Vergennes, p. 372. L'un des frères de cette loge est l'amiral Charles Henri d'Estaing
  30. Grâce demandée par Le Bailly de Suffren, en faveur des officiers blessés dans les combats du 6 juillet 1782, et cela le 3 septembre 1782 à la commission de capitaine. Le sieur Rambaud est le 6e lieutenant de son corps et il n'a le grade d'officier que depuis le mois de septembre 1778. Les lieutenants avant lui ont le grade de capitaines. Mr de Suffren observe que cet officier est rempli de zèle et de valeur militaire soutenue d'une très bonne conduite.
  31. Acte de mariage d'Agathe de Rambaud numérisé par les AD 78, 1112523, M, Versailles paroisse Saint Louis, 1785, p. 23, mais aussi conservé par les archives de la mairie de Versailles
  32. Guy de Rambaud, Pour l'amour du Dauphin, p. 38
  33. Membre de la loge maçonnique : l'Olympique de la Parfaite Estime, Glachant Roger, Suffren et le temps de Vergennes, p. 372
  34. Acte de baptême de Georges Auguste, Benoît de Rambaud, numérisé par les AD 78, 1112631, B, Versailles paroisse Saint Louis, 1786, p. 9 et dossier CAOM/Rambaud
  35. Guy de Rambaud, Pour l'amour du Dauphin, p. 131
  36. Glachant Roger, Suffren et le temps de Vergennes, p. 379
  37. Caron, Amiral F., Suffren, Vincennes, 1996
  38. Jean Boutière, Correspondance de Frédéric Mistral, p. 229

Voir aussi

Bibliographie

  • Caron, Amiral F., Suffren, Vincennes, 1996
  • Castagnon Robert, Gloires de Gascogne, éditions Loubatière (en partie sur Villaret de Joyeuse)
  • Cunat Charles, Histoire du bailli de Suffren, (Consultable en ligne)
  • Glachant Roger, Suffren et le temps de Vergennes, éditions France-Empire, 1976
  • Klein Charles-Armand, Mais qui est le bailli de Suffren Saint-Tropez ? - Mémoires du Sud - Éditions Equinoxe, 2000.
  • Le Pelley-Fonteny, Monique, Itinéraire d'un marin granvillais : Georges-René Pléville le Pelley (1726-1805). Neptunia (les mémoires un autre grand marin navigant à la même époque)
  • Ortholan, colonel Henri, L'amiral Villaret-Joyeuse : Des Antilles à Venise 1747-1812, Bernard Giovanangeli (26 janvier 2006)
  • Presles, Claude des, Suffren dans l'océan Indien (1781 - 1783), Economica, 1999
  • Roux Joseph Siméon, Le Bailli de Suffren dans l'Inde (Consultable en ligne)
  • Suffren, Pierre André de, Journal de bord du bailli de Suffren dans l'Inde (1781 - 1784), avec une préface par le vice-amiral Edmond Jurien de La Gravière, Henri Moris, Paris : Challamel, 1888
  • Unienville, Raymond d', Hier Suffren, Mauritius Printing 1972
  • Vergé-Franceschi Michel, La Marine française au XVIIIe siècle, SEDES, 1996.
  • Vidal-Mégret, Mme J., Lettres du Bailli de Suffren de St-Tropez, 1726-1788, concernant la Campagne en Inde, 1782-83.

Liens externes

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