Lazare Ponticelli

Lazare Ponticelli
Lazare Ponticelli
Lazare Ponticelli (2006)
Lazare Ponticelli (2006)

Naissance 7 décembre 1897
Groppo Ducale, hameau de Bettola, Province de Plaisance, Italie
Décès 12 mars 2008 (à 110 ans)
Kremlin-Bicêtre, France
Origine Drapeau d'Italie Italie
Arme 1914-1915 : Légion étrangère
1915-1918 : Armée italienne
Grade Soldat
Années de service 1914 - 1920
Conflits Première Guerre mondiale
Faits d'armes Argonne - Tyrol
Distinctions Chevalier de la Légion d'honneur
Croix de guerre 1914-1918
Médaille Interalliée 1914-1918
Chevalier de l'Ordre de Vittorio Veneto

Lazare Ponticelli, né Lazzaro Ponticelli, né le 7 décembre 1897 à Bettola en Italie et mort le 12 mars 2008 au Kremlin-Bicêtre en France, était officiellement le dernier vétéran français de la Première Guerre mondiale depuis la mort de Louis de Cazenave le 20 janvier 2008. Doyen des Français, il est aussi le neuvième homme de nationalité française à entrer dans la liste des supercentenaires.

Sommaire

Biographie

Enfance et départ en France

Il est né à Bettola, petite ville du nord de l'Italie dans la province de Plaisance en Émilie-Romagne le 7 décembre 1897 (il serait né en réalité le 24 décembre 1897, et aurait été déclaré à la mairie le 27 décembre 1897, cependant avec le temps, le 2 du 27 aurait disparu, ce qui vieillit Lazare Ponticelli de 20 jours : 7 décembre 1897)[1].

Il grandit dans une famille très pauvre de sept enfants qui vit à Cordani[2] un village de montagne. Son père travaille sur les foires et est aussi à l'occasion menuisier et cordonnier. Sa mère cultive le petit lopin de terre familial et trois fois par an descend travailler comme journalière dans les rizières de la plaine du Pô. Sa mère part en France pour essayer de gagner plus d'argent alors que son fils Lazare n'a que deux ans. Son père et son frère aîné décèdent brutalement quelque temps après. Le reste de la famille décide alors de tenter aussi sa chance à Paris et laisse le petit Lazare chez des voisins[2].

L'enfant commence à travailler dès l'âge de six ans, capturant des volatiles et fabriquant des sabots. Il utilisera l'argent gagné pour prendre le train et se rendre à Paris en France, qu'il considérait comme « le paradis[3] ». Ne sachant pas si ses économies seraient suffisantes pour acheter un billet Piacenza-Paris, il décida de courir derrière le train jusqu'à la frontière française, avec ses sabots sur l'épaule pour ne pas les abimer. Il débarque Gare de Lyon, en 1906 à 9 ans, sans savoir ni lire, ni écrire, ni parler français.

En France, il reste trois jours et trois nuits dans la gare, jusqu'à ce qu'un chef de gare le remarque. Celui-ci tenta de l'interroger sur sa présence en cet endroit, mais Lazare, ne connaissant pas le français, ne put que lui répéter le nom d'un bistrotier, point de passage des Italiens de son village travaillant à Paris et dont on lui avait parlé avant son départ. Par chance, le chef de gare reconnut le nom et le conduisit chez le cafetier dont la femme le prit sous son aile.

Il commença à travailler comme ramoneur à Nogent-sur-Marne, où résidait une importante communauté italienne, puis devint crieur de journaux à Paris. Il garde d'ailleurs un souvenir vif du jour de la mort de Jean Jaurès le 31 juillet 1914, car, à cette occasion, les gens s'arrachèrent ses journaux place de la Bastille. Il a également travaillé comme coursier pour Marie Curie[4].

Première Guerre mondiale

Pour consulter un article plus général, voir : Première Guerre mondiale.

Dès le début de la Première Guerre mondiale, en trichant sur son âge[2], il s'engagea dans le 4e régiment de marche du 1er régiment étranger, le régiment « Garibaldien » constitué majoritairement d'Italiens et dont l'encadrement français provient du 1er régiment étranger de Sidi-bel-Abbès. Il retrouva d'ailleurs l'un de ses frères, Célestin, et fut envoyé sur le front à Soissons. Il participe aux combats dans l'Argonne[3].

En mai 1915, il se trouve près de Verdun, lorsqu'il est démobilisé[2]. En effet, avec l'entrée en guerre de l'Italie, il doit rejoindre l'armée italienne. Refusant de quitter l'uniforme français, c'est accompagné de deux gendarmes qu'il est amené à Turin[2]. Il est enrôlé dans le 3e régiment de chasseurs alpins, les Alpini, et combat les Autrichiens dans les Dolomites[5].

Il connaît alors les fraternisations entre troupes autrichiennes et italiennes[2] (beaucoup d'Alpini des Dolomites parlent l'allemand). Sa compagnie est sanctionnée par l'État-major, traduite en conseil de guerre[6] et envoyée dans une zone de combats plus rude, à Monte Cucco[2], aujourd'hui en Slovénie. Chargé d'une mitrailleuse, il est blessé sérieusement à la joue par un éclat d'obus[2] lors d'une sanglante offensive italienne contre les positions ennemies. Il est opéré sur place à vif et envoyé en convalescence à Naples[2]. Il retourne au front en 1918 à Monte Grappa[2], lors de la bataille décisive de Vittorio Veneto, où il est confronté aux attaques au gaz, qui tuent des centaines de ses camarades :

« Des hommes, touchés par les gaz, gonflaient et mouraient par paquets. Ceux qui arrivaient derrière étaient obligés de leur marcher dessus. Les corps éclataient comme des ballons...[2] »

C'est là qu'il apprend la signature de l'armistice.

Démobilisé et de retour en France en 1920[2], il fonde avec ses deux frères, Céleste et Bonfils, Ponticelli Frères, une société de fumisterie. Cette entreprise deviendra une petite multinationale assez connue dans le domaine de la construction et de la maintenance industrielle, principalement dans le pétrole et le nucléaire. En 2008, l'entreprise emploie 4 000 personnes[7].

Seconde Guerre mondiale

Pour consulter un article plus général, voir : Seconde Guerre mondiale.

En 1939, au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, Lazare demande et obtient la nationalité française[3]. Il s'engage au 3e bureau du département de la Seine. Mais jugé trop vieux pour le service actif, il est renvoyé à son entreprise où l'on estime que ses services seront plus profitables à l'effort de guerre. Il évacue cette dernière en zone sud non occupée par les Allemands. Lors de l'occupation de cette dernière en 1942, il retourne à Paris et s'engage dans la Résistance. Il prend sa retraite en 1960[2].

Retraite et souvenirs

Lazare Ponticelli en 2006

Comme beaucoup de poilus, Lazare Ponticelli n'a pas parlé de ce qu'il a vécu lors de la Première Guerre. Ce n'est que ces dernières années qu'il a accepté de témoigner dans des écoles[2] et auprès de journalistes. Il dénonce l'absurdité de cette guerre :

« Cette guerre, on ne savait pas pourquoi on la faisait. On se battait contre des gens comme nous...[2] »

« On ne voulait pas faire la guerre, on nous a obligés à la faire sans qu'on sache pourquoi[8] », en effet, toute désobéissance conduisait au mieux « de Verdun à Cayenne », au pire valait le peloton d'exécution.

« On se battait, on se ne se connaissait pas. On se tue, on ne se connait pas. Pourquoi ?[6] »

Retraité à la fin des années 1950, il acheta une maison visible encore au 2, boulevard Audibert à Sausset-les-Pins, où il jouait d'interminables parties de belote avec tous ses amis au Cercle Saint-Pierre qui existe depuis 1853.

Entre le 20 janvier 2008 et le 12 mars 2008, il a été le dernier poilu vivant, après la mort de Louis de Cazenave. Comme ce dernier, il avait manifesté son opposition à avoir des obsèques nationales[9]. En 2005, le Haut conseil de la mémoire combattante, présidé par le président de la République, avait décidé que seraient organisées des obsèques de portée nationale pour le dernier combattant de 1914-1918 et que celui-ci serait enterré au Panthéon. Lazare Ponticelli a déclaré « Je refuse ces obsèques nationales. Ce n'est pas juste d'attendre le dernier poilu. C'est un affront fait à tous les autres, morts sans avoir eu les honneurs qu'ils méritaient. On n'a rien fait pour eux. Ils se sont battus comme moi. Ils avaient droit à un geste de leur vivant... Même un petit geste aurait suffi[9] ». Il estime que le travail de mémoire arrive trop tard. « On s'en est foutu un peu. Il a fallu que ce soit Chirac qui commence à bouger quand on n'était plus nombreux et qu'on était fatigués. ». Sa fille a indiqué que si elle pouvait accepter une cérémonie nationale simple dédiée aux morts de la Première Guerre mondiale, elle exige que son père soit enterré dans le caveau familial[9].

Le 11 novembre 2007, il assiste à ses dernières commémorations de l'Armistice dans sa ville du Kremlin-Bicêtre et le 16 décembre 2007, il est reçu à la Cité nationale de l'histoire de l'immigration à Paris pour célébrer ses 110 ans[9]. Lazare Ponticelli et ses frères d'armes s'étaient jurés sur le front que les survivants iraient rendre hommage aux morts[6]. Le 1er janvier 2008 meurt Erich Kästner, le dernier vétéran allemand de la Grande Guerre, qui sera inhumé sans cérémonie[3].

Le 20 janvier 2008, jour du décès de Louis de Cazenave, il devient donc l'ultime poilu français encore en vie. Le 23 janvier 2008, Lazare Ponticelli a accepté des obsèques nationales[10] mais à condition que celles-ci soient simples, dédiées à tous les morts de la Première Guerre mondiale. Cependant, il refuse le Panthéon et souhaite être enterré auprès des siens.

Il meurt le 12 mars 2008 au Kremlin-Bicêtre dans le Val-de-Marne en France à l'âge de 110 ans. L'annonce de sa mort a été faite par la présidence de la République française, depuis l'Élysée.

Obsèques

Lazare Ponticelli a reçu des obsèques nationales aux Invalides le 17 mars 2008 en présence du président de la République, Nicolas Sarkozy[11], de l'ancien président Jacques Chirac, des présidents des deux assemblées, du Premier ministre François Fillon et des principaux membres du gouvernement français, ainsi que du ministre italien de la Défense[12]. Son cercueil était porté par onze légionnaires du 3e régiment étranger d'infanterie, héritier du 4e régiment de marche de la Légion étrangère[précision nécessaire] où avait servi Lazare Ponticelli. Une messe a été célébrée en l'église Saint-Louis des Invalides[11], puis les honneurs militaires lui ont été rendus dans la cour d'honneur par la Légion étrangère et un détachement d'Alpini, les chasseurs alpins italiens dans lesquels il avait également servi à partir de 1915[13].

L'historien Max Gallo a prononcé l'éloge funèbre du dernier poilu : « Homme de paix, modeste et héroïque [...] italien de naissance et français de préférence[14],[11] » en faisant de nombreuses fois référence à l'œuvre de Primo Levi, notamment à Se questo e un uomo[15], phrase initiant et terminant son discours[14]. Il a été ensuite inhumé, dans l'intimité, au cimetière parisien d'Ivry-sur-Seine. En France, il avait été demandé qu'une minute de silence soit observée dans les administrations et que les drapeaux soient mis en berne à 11 h 0, heure de la cérémonie.

L'après-midi, lors d'une cérémonie nationale dédiée à l'ensemble des anciens combattants de la Première Guerre mondiale, le président de la République a dévoilé une plaque commémorative dans la cour du dôme des Invalides, non loin du tombeau du maréchal Foch. Il y est inscrit[12] :

« Alors que disparaît le dernier combattant français de la Première Guerre mondiale, la Nation témoigne sa reconnaissance envers ceux qui ont servi sous ses drapeaux en 1914-1918. La France conserve précieusement le souvenir de ceux qui restent dans l'Histoire comme les Poilus de la Grande guerre. »

Décorations

Notes, sources et références

  1. Jean-Dominique Merchet, « Grand angle : Un « rital » qui s'est battu dans deux armées », sur le site de Libération, 5 février 2008.
  2. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k, l, m, n et o Boris Thiolay, « Le der des ders », L'Express, 12 mars 2008.
  3. a, b, c et d (en) Douglas Martin, « Lazare Ponticelli, France's Last Veteran of World War I, Is Dead at 110 », The New York Times, 13 mars 2008.
  4. Alain Vincenot, « Lazare Ponticelli - C'était le dernier poilu », France Soir, no 19745, 13 mars 2008, p. 11.
  5. alors partagées entre l'Italie : région de Cortina d'Ampezzo et l'Autriche : région du Tyrol du sud (Südtirol), que les Italiens appellent Haut-Adige
  6. a, b et c TF1, Le Journal Télévisé du 12 mars 2008 - 20h
  7. « Chiffres clés », sur le site officiel de la société Ponticelli.
  8. « Lazare Ponticelli avait fait le Chemin des Dames », sur le site de France 3, 13 mars 2008, version enregistrée par Internet Archive.
  9. a, b, c et d Francis Gouge et Benoît Hopquin, « Les derniers poilus refusent des obsèques nationales », Le Monde, 10 novembre 2007.
  10. Rahim Bellem, « Le dernier "poilu" accepte des obsèques nationales », Le Parisien, 23 janvier 2008.
  11. a, b et c « Discours et homélie prononcés lors de l'hommage national à Lazare Ponticelli », sur le site de La Croix, 17 mars 2008.
  12. a et b « L'hommage à Ponticelli honore tous les poilus », Le Figaro, 16 mars 2008.
  13. Francis Gouge et Benoît Hopquin, « L'Élysée étoffe le cérémonial d'obsèques du dernier des poilus », Le Monde, 16 mars 2008.
  14. a et b « Hommage sobre au dernier poilu Lazare Ponticelli », sur le site du Nouvel Observateur, 17 mars 2008, reproduit sur europasprak.com.
  15. Œuvre cependant symbolique de la Seconde Guerre mondiale et des camps d'extermination, écrite en 1945-1947.
  16. Décret du 6 février 1996 portant nomination, JORF no 32 du 7 février 1996, p. 1874, NOR PREX9610146D, sur Légifrance.

Bibliographie

  • Nicolas Offenstadt, « Le pays a un héros : le dernier poilu », L'Histoire, no 320, mai 2007, p. 25-26.
  • Philippe Guyot, Fabienne Mercier-Bernadet, Raymond Muelle et Clément Ragot, Hommage à Lazare Ponticelli, dernier légionnaire garibaldien de la Grande Guerre, Éditions Esprit du livre, coll. « Histoire & mémoires combattantes », Sceaux, 2007, 160 p. + 8 p. d'illustrations (ISBN 978-2-915960-23-5).
  • Véronique Fourcade, Le dernier poilu – Lazare Ponticelli, éd. Stock, octobre 2008, 240 p. (ISBN 978-2-234-06184-2) [présentation en ligne].

Récit personnel

  • Lazare Ponticelli, Ponticelli Frères : les premières années : trois frères, une entreprise, Ville du Kremlin-Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre, 2005, 177 p. + 12 p. d'illustrations (ISBN 2-9525364-0-6).

Voir aussi

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