Histoire de la Savoie de 1416 à 1792

Histoire de la Savoie de 1416 à 1792
Histoire de la Savoie
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Antiquité

Moyen Âge

Époque moderne

Époque contemporaine

Voir aussi

Chronologie de la Savoie

La période de 1416 à 1792 correspond approximativement à ce qu'il est convenu d'appeler l'époque moderne, mais pour la Savoie, ces deux dates correspondent à des évènements particulièrement significatifs; En 1416, la Savoie entourée des duchés de Milan et de Bourgogne, du Dauphiné français, obtient, avec Amédée VIII le Pacifique le statut de duché de l’Empire. 1792 marque le début de la première période de l'annexion de la Savoie à la France.

Sommaire

La Savoie au XVe siècle

Rattachement du Piémont

La plupart des auteurs, comme par exemple Avezou[1] considèrent le règne d'Amédée VIII, de 1416 à 1451 comme l'apogée de l'État savoyard. Il est un fait que le domaine des Comtes de Savoie n'a cessé de croitre au cours des siècles précédents et qu'en plus, en l'année 1418 va voir le rattachement définitif du Piémont à la Savoie, à la suite du décès sans postérité de Louis d'Achaïe, décédé sans postérité et qui a choisi comme héritier légitime son beau-frère Amédée VIII. En 1430, l'État de Savoie comprend, en plus de la Savoie propre (région de Chambéry), le Bugey, la Bresse, le Chablais, le Faucigny, le Genevois, Genève et le Pays de Vaud, la Maurienne et la Tarentaise, les vallées d'Aoste et de Suse, le Piémont, le Comté de Nice et même l'Ossola. La cour d'Amédée VIII est brillante, avec trois cents dignitaires, le château de Chambéry apparait dans toute sa splendeur, sauf peut-être sa chapelle non encore terminée[2]. La Maison de Savoie possède le contrôle des cols et passages du Valais à la Méditerranée. Entre monarchies françaises, germaniques, espagnoles ou autrichiennes, les souverains savoyards par leurs alliances deviennent incontournables en Europe.

Les réformes d'Amédée VIII: Les Statuts de Savoie

Une fois élevé au titre ducal, Amédée VIII demanda à des juristes de refondre et d'unifier les multiples lois en vigueur dans les divers territoires du nouveau duché. Cette nouvelle constitution sera connue sous le nom de Statutia de Sabaudiae (Statuts de Savoie) ou Réformes universelles de Savoie.

  • Le Chancelier de Savoie est le deuxième personnage de l'État, après le souverain. Il préside de droit le Conseil itinérant, une sorte de Sénat de qui relèvent les affaires diplomatiques, financières et judiciaires. Ses membres sont nommés à vie par le duc parmi la noblesse et les hauts fonctionnaires.
  • Les Assemblées des trois États ont vocation à établir un lien entre le duc et le peuple. Ce sont en quelque sorte des États-Généraux qui se réunissent dans des lieux variables et qui votent le montant de l'impôt qui a encore un caractère extraordinaire.
  • Un Conseil Résident qui siège à Chambéry représente le sommet de l’édifice judiciaire. Dans les provinces, la justice est exercée par les Juges Mages, alors qu'à l'échelon local, c'est l'affaire des juges ordinaires et des châtelains. Cette justice d'État coexistera, jusqu'au milieu du XVIIIe siècle avec une justice seigneuriale[1].

Si les Statuts codifient les diverses institutions, en même temps d'ailleurs qu'ils affirment que toute justice vient de Dieu[3], ils laissent de côté ce que nous appelons maintenant le droit civil. Les différentes obligations sont laissées à la discrétion des parties intéressées, et leur mise en forme est l'affaire des notaires, omniprésents. Dans la seule localité de Rumilly, on a pu en dénombrer quarante[3].

Les services publics au XVe siècle

Ce que nous appelons aujourd'hui services publics au premier rang desquels se trouvent l'instruction et l'assistance publique ne ressort pas au XVe siècle des attributions des princes et des seigneurs et, lorsqu'ils y contribuent, "on serait tenté de donner les caractères d'une générosité privée aux dépenses des princes dans ces domaines, si l'on ne savait pas combien étaient indécises les limites entre leurs richesses propres et les profits de leur gouvernement"[3]. L'Église considère par contre que l'enseignement fait partie de sa mission. En Savoie, notamment, avant le XVe siècle, les ecclésiastiques et les laïques instruits sont issus des écoles d'évêchés et des monastères. An niveau des villages, certains prêtres zélés donnent également des leçons[3]. À côté des institutions ecclésiales, des villes comme Chambéry ou Montmélian rémunèrent également des "maîtres d'écoles". De plus, à partir du XVe siècle se développe un mécénat privé: Un usage qui durera jusqu'au XVIIIe siècle pousse les plus fortunés à léguer un peu de leurs biens afin qu'un maître puisse instruire la jeunesse[3]. C'est ainsi qu'apparaissent de petits collèges, financés par les villes et les particuliers, qui peuvent produire les gros bataillons de notaires que consomme la Savoie, mais aussi des personnalités plus en vue comme Guillaume Fichet qui deviendra recteur de l'Université de Paris et qui est issu du collège de La Roche. Mais d'une façon générale, l'élite intellectuelle, c'est-à-dire les juges mages et les membres des Conseils et de la Chambre des comptes doivent parfaire leur formation dans une grande université européenne comme Paris, Pavie ou Avignon. Le peuple reste en majorité analphabète, comme c'est le cas en Europe, mais quel que soit l'admiration que l'on peut porter aux vestiges archéologiques de l'époque et à la relative prospérité des États de Savoie, dans le domaine culturel, la Savoie reste en ce début de la Renaissance, provinciale, c'est-à-dire tributaire et imitatrice de ce qui se faisait en France ou en Italie[3].

Aussi surprenant que cela puisse paraitre, un très grand nombre d'hôpitaux parsèment la Savoie ancienne. L'une des explications à ce grand nombre est que la Savoie est un pays de routes et que des ordres comme les Templiers ou les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem jalonnent de refuges pour pèlerins les grands itinéraires. On compte dix "hôpitaux" dans le Chambéry du XIVe siècle qui ne compte guère plus de quinze cents habitants, mais sous le terme d'hôpital on désigne toutes sortes d'établissements, les maladières pour les lépreux, des baraques pour pestiférés. L'Hôtel-Dieu de Chambéry a été fondé en 1370 par deux bourgeois. Il est, en principe, payant pour les malades aisés et gratuit pour les indigents, les pèlerins et les femmes enceintes pauvres. Les fondateurs ont légué leur création aux syndics de la ville et le fonctionnement est assuré jusqu'à la veille de la Révolution par diverses donations: Notables, prêtres, mais aussi de petites gens qui lèguent une vigne ou les revenus en froment d'une terre désignée[3]. Jusqu'en 1470 où ils sont expulsés, les médecins sont souvent des juifs probablement issus de l'Université de Montpellier.

La décadence de l'État de Savoie (1450-1550)

De Louis Ier à Philibert II le Beau (1450-1504)

Amédée VIII est considéré comme un grand homme d'État, sage et pieux, à tel point qu'il se retire d'abord en ermite au château de Ripaille et qu'il est ensuite élu pape par le Concile de Bâle sous le nom de Félix V, ou plus exactement antipape, dans l'espoir de mettre d'accord les deux autres papes, celui de Rome et celui d'Avignon. Amédée est donc amené à abdiquer en 1440 et à passer prématurément la main à son fils Louis Ier. Cela n'est pas forcément très bon pour la Savoie, d'autant qu'Amédée lui-même n'avait pas été si sage qu'on pouvait le penser en provoquant inutilement une France affaiblie en occupant le Valentinois et le Diois. La Savoie n'est jamais devenue une grande puissance européenne, et pour peu qu'un souverain sans réelle envergure, comme c'est le cas de Louis 1er, laisse se développer les factions rivales, les grandes puissances ne vont pas manquer de manipuler le parti qui a leur faveur. Contrepartie du rattachement du Piémont à la Savoie, on voit naître un parti piémontais et un parti savoyard, ce dernier soutenu par le roi de France Louis XI. La sœur de Louis XI, Yolande de France, épouse du fils de Louis Ier, Amédée IX est officiellement régente à partir de 1472, mais exerce une influence déterminante dès 1465 du fait de l'épilepsie de son mari. C'est une femme énergique qui sert les intérêts du duché avant ceux de la France, et en vient justement à favoriser sinon le parti piémontais du moins la ville de Turin aux dépens de Chambéry pour être à l'abri des influences françaises. Philippe de Bresse, frère mal loti d'Amédée IX est l'homme de toutes les trahisons. Yolande devient un moment l'alliée de Charles le Téméraire pour s'opposer aux Suisses. Ce faisant, elle se met à dos son frère, allié des Suisses et n'empêche pas que les Bernois ravagent le Pays de Vaud, et que les Valaisans n'envahissent le Chablais. Lorsqu'elle se rapproche des Français et des Suisses, son ancien allié la fait prisonnière. Son frère la fait évader et en se réconciliant avec elle et établit plus ou moins un protectorat sur la Savoie.

Après le décès de Yolande, en 1478, les querelles internes s'amplifient. La jacquerie du Faucigny en 1492 est sans doute révélatrice du malaise des paysans résultant du cafouillage au sommet de l'État.

En 1494, la régente Blanche de Montferrat s'allie avec le roi de France Charles VIII et l'autorise à traverser le duché pour aller guerroyer en Italie. Philippe de Bresse accompagne les Français jusqu'à Rome et les guide dans le dédale des intrigues politiques italiennes[3].


En 1496, Philippe de Bresse reçoit enfin la couronne à laquelle il avait aspiré toute sa vie. Il devient pour deux ans Philippe II de Savoie. Son fils Philibert II le Beau est plus connu par son deuxième mariage, en 1501, avec Marguerite d'Autriche, fille de l’empereur d'Autriche Maximilien de Habsbourg et marraine de Charles Quint. Il préférait la chasse et les occupations frivoles à la conduite de l'État qu'il laissait à son demi-frère René de Savoie. En 1504, Philibert boit de l'eau glacée à la suite d'une chaude partie de chasse dans le Bugey et il en meurt[3]. Sa veuve Marguerite retourne aux Pays-Bas où elle devient l'éducatrice du futur Charles Quint, mais en souvenir des belles années passées avec Philibert qu'elle chérissait[3], elle fait construire près de Bourg-en-Bresse l'église de Brou, chef d'œuvre du gothique flamboyant, pour y disposer la sépulture de Philibert et la sienne.

Le règne de Charles III Le Bon (1504-1553) et la première occupation française (1536)

Concernant les évènements malheureux qui vont jalonner le règne du frère de Philibert II, Charles III dit Le Bon, Ménabréa [3], y voit la trace d'une faiblesse de caractère de ce souverain qu'il dépeint pourtant comme bien doué et très honnête, alors qu'Avezou y voit plutôt les mécanismes intrinsèque de l'histoire régionale[1].

Une première déconvenue auquel est confronté Charles III est la sécession de Genève qui sera rendu effective par un traité de combourgeoisie en 1526. À l'origine de la sécession, une règlementation défavorable sur la tenue des foires qui privait la ville de ses subsides avait provoqué la constitution d'un mouvement local pour la défense des franchises et des libertés locales. Quelques années après la sécession, Genève devient acquis à la Réforme, alors que la Savoie demeure résolument papiste.

Après la sécession de Genève, la Savoie va être prise dans le tourbillon du conflit qui s'est réveillé entre les rois de France et la Maison d'Autriche. L'épouse de Charles III, Béatrice de Portugal, belle-sœur de l'empereur d'Allemagne et roi d'Espagne, ne cache pas ses sympathies pour ce dernier. La Savoie qui avait pourtant été l'alliée de François 1er en 1525 lors de la bataille de Pavie est maintenant présumée être plus ou moins passée dans le camp ennemi. Le roi de France qui s'est décidé à effectuer une descente en Italie veut s'assurer préalablement du contrôle de la Savoie et du Piémont. En 1536, les troupes Françaises entrent en Savoie conjointement avec les Bernois et les Valaisans. Les troupes de Charles III n'opposent qu'une faible résistance aux envahisseurs. Seule la citadelle de Nice reste inviolée. Le pays est non seulement occupé, mais aussi démembré. Les Suisses s'emparent du pays de Vaud et s'installent à Thonon. La Savoie, occupée par les Français, est rattachée au Dauphiné. Il ne reste plus à Charles III que Verceil, quelques places au Piémont de l'est, la vallée d'Aoste et Nice. La politique d'occupation française en Savoie respecte les usages locaux et ne rencontre guère de résistance.Quelques réactions sont toutefois signalées:le Parlement français de Chambéry,venant en remplacement de l'ancien Conseil Résident des ducs de Savoie,publie en 1553 un nouveau règlement afin que désormais tous les actes juridiques savoyards soient rédigés en français, en lieu et place du latin. Ce nouveau règlement , inspiré de l'Ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539, est préfacé par le lyonnais,Barthélémy Aneau,qui traite les savoyards de sauvages et de barbares. Il va recevoir une réponse vigoureuse de Marc-Claude de Buttet intitulée:"Apologie de la Savoie contre les injures et les calomnies de Barthélémy Aneau " ,ce qui tend à démontrer que le patriotisme savoyard n'était pas éteint. Il s'en est fallu de peu que la Savoie ne devienne définitivement française, mais, en 1559 le traité de Cateau-Cambrésis permet au duc Emmanuel-Philibert, de recouvrer les provinces occupées par la France depuis 1536. Ménabréa souligne que, malgré la proximité culturelle de la Savoie et de la France, François 1er s'intéressait surtout à l'Italie et n'a jamais eu le projet sérieux d'annexer la Savoie à la France[3].

La Savoie est libérée de l'occupation française (1559)

Emmanuel-Philibert et la restauration des États de Savoie (1528-1580)

Lorsqu'il reçoit la couronne ducale en 1553, le jeune Emmanuel-Philibert n'hérite que de lambeaux de territoires. Ce brillant chef de guerre, surnommé "tête de fer ",remporte la bataille de Saint-Quentin en 1557, comme général en chef des armées impériales du roi Philippe II d'Espagne,successeur de Charles-Quint. Non seulement le traité de Cateau-Cambrésis restaure les États de Savoie y compris la Bresse, le Bugey et le Pays de Gex, mais il donne également au duc une épouse qui n'est autre que la fille de François Ier,la princesse Marguerite de France (1523-1574), sœur du roi Henri II, femme de lettres ,protectrice de la Pleiade, amie de Ronsard et du poète savoyard, Marc-Claude de Buttet.La nouvelle duchesse de Savoie va mettre en œuvre tous ses talents diplomatiques pour faire activer l'évacuation des places fortes savoyardes par les troupes françaises.

D'abord servi par la chance, Emmanuel-Philibert met également au service de son duché toutes ses qualités d'homme d'État, sagace, autoritaire et débordant d'activités: Des recensements sont organisés, qui permettent de lever un impôt par capitation et ainsi d'assainir les finances. L'Église jouit toujours d'une position privilégiée: des jésuites sont installés à Chambéry qui a perdu son rôle de capitale en 1562, car l'invasion française a eu pour effet de convaincre Emmanuel-Philibert qu'il est nécessaire pour lui d'installer sa capitale de l'autre côté des Alpes, à Turin[2]. Comme le note Lovie, malgré la restauration de l'État qui peut donner une impression de richesse, et le maintien de la paix qui préserve le pays du pillage des armées en campagne, la Savoie demeure une région pauvre, où les villages comptent une majorité de misérables, conduisant à un flux constant d'émigration, surtout vers la Suisse et les pays rhénans.

Selon l'analyse de Jean Nicolas, après le transfert de la capitale de Chambéry à Turin, « une période nouvelle s'ouvre pour le duché, dorénavant administré comme une possession excentrique par des magistrats et des fonctionnaires de plus en plus étroitement contrôlés »[4].

Nouvelle période de troubles (1580-1630)

Le fils d'Emmanuel-Philibert, Charles-Emmanuel Ier dit le Grand est aussi aventureux que son père était sage[1]. Il veut mettre à profit l'affaiblissement de la France par les guerres de religion et conquiert le marquisat de Saluces, avec la perspective de reconquérir ensuite Genève, le pays de Vaud, le Dauphiné et la Provence. C'est à cette époque que sont lancés des travaux de renforcement des citadelles dans les différentes parties de la Savoie (Fort de l’Annonciade à Rumilly, forteresse de Montmélian, citadelles de l’Avant-Pays savoyard) afin de défendre au mieux les cols et passages des Alpes, loin de Turin. Les visées aventureuses de Charles-Emmanuel tournent au fiasco complet et la Savoie se retrouve envahie par toutes sortes de troupes étrangères: Bernois, Valaisans et protestants français dans le Chablais, Français dans le Grésivaudan, sans compter les troupes mercenaires, en principe au service de Charles-Emmanuel, mais qui vivent, comme les autres sur le pays. C'est le futur connétable de France Lesdiguières qui commande les troupes françaises. Sully et Henri IV s'investissent personnellement et contraignent Charles-Emmanuel à signer le Traité de Lyon en 1601 : La France récupère la Bresse et le Bugey si bien que la Savoie apparait désormais comme une excroissance du Piémont isolée à l'ouest des Alpes.

En 1602, Charles-Emmanuel subit un échec piteux lors d'une tentative de coup de force contre la ville de Genève, connu sous le nom de L'Escalade. Le traité de Saint-Julien imposé par la France impose à Charles-Emmanuel d'éloigner ses troupes de 4 lieues de la ville. Moins de trente ans plus tard, en 1629, toujours sous le règne de Charles Emmanuel, une guerre éclate à nouveau, à propos de la principauté de Montferrat située entre Turin et Milan. Charles-Emmanuel se trouve dans le camp espagnol, contre la France de Richelieu ce qui vaut à la Savoie une nouvelle occupation française. Victor-Amédée Ier qui succède à son père en 1630 conclut avec la France le traité de Cherasco (1631) par lequel il abandonne la ville de Pignerol

Selon Avezou, lorsque les armées françaises l'occupent pour la troisième fois, la Savoie se relève à peine d'un état d'épuisement prolongé, consécutif aux guerres de la fin du XVIe siècle " et aux exigences de la soldatesque étrangère employée par Charles-Emmanuel qui avait tiré sans frein sa subsistance des ressources locales pendant plus de dix ans" [1]. François de Sales note le délabrement des lieux de culte. Les épidémies de peste atteignent leur point culminant en 1629-30.

La Savoie au XVIIe siècle

Réforme et Contre-Réforme

Comme le reste de l'Europe, la Savoie a été touchée à partir du XVIe siècle par les grands mouvements religieux que sont la Réforme protestante et la Contre-Réforme catholique. Genève, partie intégrante de la Savoie au début du XVIe siècle sera acquise à la Réforme et Calvin en fera un état théocratique en 1541. Les catholiques quittent Genève en 1535, et l'évêché du Genevois s'installe à Annecy. Avec l'invasion du Chablais par les Bernois en 1536, poussera cette province dans le camp de la Réforme.

En Savoie, la Contre-Réforme s'incarne dans François de Sales, un ecclésiastique de bonne noblesse qui sera canonisé par la suite. Non seulement il est l'ouvrier de la reconquête catholique du Chablais, à partir de 1594, mais il parvient également à revivifier une Église en pleine décadence: Le diocèse de Genève-Annecy est complètement visité, les peuples prêchés, les notables amenés à un niveau de spiritualité rarement atteint[2]. Il mène ainsi une véritable politique contre-réformiste face à la Nouvelle Rome genevoise. Le catholicisme raffermi demeure une composante importante de l'identité savoyarde.

L'accalmie

À partir de 1631, après le traité de Cherasco, sous les règnes de Victor-Amédée Ier, Charles-Emmanuel II et Victor-Amédée II, la Savoie peut jouir de soixante années de vie paisible, même si cette paix se fait à l'ombre de la puissance grandissante de la France. Louis XIV traitera vraiment le duché de Savoie-Piémont en État vassal[1]. . Pour autant, la paix retrouvée ne produit pas l'abondance dans ce pays qui reste pauvre. Une partie de la population doit émigrer. Cette émigration concerne surtout les régions montagneuses, Faucigny en tête. Les lieux de destination sont l'Allemagne, Genève, le Valais, le pays de Vaud, la Franche-Comté, la Lorraine, la Bourgogne et les Flandres. Lyon et le Piémont sont également un lieu de destination pour les populations des vallées de la Tarentaise et de la Maurienne.

Le niveau culturel général connait une progression[2]. À la fin du siècle, la plupart des habitants de la Tarentaise savent lire et écrire. Dans les vallées intérieures, les familles aisées, mais aussi les émigrés ayant gagné quelque argent fondent des écoles[2]. Le niveau du clergé est également en hausse, mais comme le note Lovie, ce clergé plus instruit devient moins proche du peuple "Foin des curés laboureurs ou marchands vivant avec compagne et enfants au su et au vu d'ouailles tout à fait blasées"

La Savoie au XVIIIe siècle

À nouveau dans la tourmente des guerres européennes

En 1686, une grande partie de l'Europe se ligua contre la France de Louis XIV, alors au faîte de sa puissance. On donne le nom de Ligue d'Augsbourg à cette coalition. C'est le moment que choisit le nouveau souverain de Piémont-Savoie Victor-Amédée II pour se libérer de la pesante tutelle française. La conséquence en fut une nouvelle occupation française de la Savoie, entre 1690 et 1696. Le traité de Turin du 19 août 1696 obligea le duc à repasser dans le camp français et le mariage de sa fille avec le duc de Bourgogne. La Savoie est ensuite malmenée dans les tourbillons de la Guerre de Succession d'Espagne, ce qui lui vaut une nouvelle occupation française, en 1703-1713, qui fera perdre aux Français leur réputation d'occupants faciles[1]. Non seulement les troupes françaises vivent sur le pays, mais trois hivers de suite, les troupes de Victor-Emmanuel lancent des contre-attaques à partir des crêtes des Alpes. Cette fois-ci, la France met en place ce qui ressemble bien à une annexion pure et simple. Les Traités d’Utrecht (1713) en décide autrement et restitue la Savoie à la Maison de Savoie. C'est à ce moment que Victor-Amédée II reçoit la couronne de Sicile qu’il échange avec la Sardaigne en 1720, suite au traité de Londres de 1718.

La dernière épreuve sera l'occupation espagnole entre 1742 et 1749. Les traités d'Utrecht avaient fait de l'Espagne une puissance de second rang, mais Louis XIV avait installé les Espagnols en Italie du Nord pour gêner l'Autriche, et lorsque Charles-Emmanuel III, roi de Sardaigne, effectue un revirement d'alliance et passe dans le camp de Marie-Thérèse d'Autriche. La France laisse alors ses alliés espagnols déclarer la guerre à la Sardaigne qui ne peut éviter l'occupation de la Savoie par les Espagnols qui vont ponctionner copieusement le pays. Le souverain de Turin traite alors la Savoie comme un simple glacis dont l'abandon à son sort est préférable à une vaine défense[1]. Bien que la capitale reste à Turin, que le Piémont en reste le cœur dont la Sardaigne n'est qu'une possession excentrique, on qualifie désormais de "Sarde" ce qui était autrefois le duché de Savoie: État sarde, administration sarde, routes sardes, armée sarde etc.

Une saine gestion

C'est à Charles-Emmanuel III que l'on doit la modernisation et l'efficacité d'un état qui devient en avance sur son temps dans bien des domaines. Il ne s'agit pas de démocratie, Charles-Emmanuel appartient à la catégorie des despotes éclairés. Il se dote d'une armée de 30000 hommes, réorganisée par un Allemand et peut ainsi se passer du concours de la noblesse féodale. Il accorde de plus en plus de pouvoirs à ses fonctionnaires, aux dépens de ceux des communautés d'habitants, il enlève au Sénat de Chambéry sa Cour des Comptes, et si les professeurs restent issus du clergé, ils deviennent des fonctionnaires d'État. Toutes les nouvelles règlementations sont condensées dans le "Code Victorin" appelé aussi "Royales Constitutions, promulguées en 1723[2] et qui représente le deuxième monument juridique après les Statutia de Sabaudiae d'Amédée VIII. En vue d'instituer un impôt le plus juste possible, et donc le plus efficace, il met sur pied en 1728 l'immense chantier de la Mappe sarde, c'est-à-dire un cadastre à l’échelle 1:2400. De passage à Chambéry à cette époque, c'est en travaillant aux services du cadastre que Jean-Jacques Rousseau gagnera sa vie.

Le successeur de Charles-Emmanuel III, Victor-Amédée III, poursuivra l'œuvre de modernisation du royaume sarde par la suppression avec indemnisation des droits seigneuriaux, entreprise par son père, en 1778. Les Jésuites furent expulsés des États de Savoie en 1773.

Une économie essentiellement agricole

Pour comprendre les conditions du développement économique à cette époque, il faut bien prendre conscience des conditions de transport: les quelque cent vingt kilomètres pour aller de Chambéry à Thonon nécessitent trois jours de route. Ces conditions de transport rendent le commerce assez difficile. La Savoie vit en grande partie en autarcie, la plupart des échanges étant limitée entre les vallées et les régions d'altitude. L'introduction de la pomme de terre à partir de 1740-50 et du maïs à partir de 1780 est un facteur de progrès.

Il y a bien une petite activité industrielle et minière dans les secteurs de Modane, de la Tarentaise et d'Annecy. Elle se limite aux besoins locaux. Le XVIIIe siècle voit quand même une innovation importante: le développement de l'industrie horlogère dans le Faucigny, notamment à Cluses, à 45 km de Genève. Cluses aujourd'hui encore possède une des plus importantes écoles de l'horlogerie française.

L'évolution sociale au XVIIIe siècle

La population savoyarde est formée à 90 % de paysans pour qui la vie reste rude et peut devenir dramatique comme en 1709, au cœur de l'occupation française de 1703-1713, lors du terrible "grand hiver" de 1709 qui conduit les sénateurs de Chambéry à rédiger un mémoire évoquant "la ruine complète et prochaine" de la province. Cette exposition permanente aux aléas du climat et des occupations étrangères n'empêche pas une certaine démocratie villageoise de s'épanouir : Le dimanche, après la messe, les hommes se réunissent régulièrement sous la halle pour une assemblée générale annoncée en chaire par le curé. Un notaire est présent ainsi que le châtelain qui représente le seigneur ou le duc, mais l'assemblée est présidée par des syndics élus : Les sujets débattus portent sur l'entretiens des biens communaux, moulins, fontaines, fours, pressoirs, de l'embauche de gardes-champêtres, du montant des impôts communaux[5]. Dans l'Avant-pays d'Annecy, les biens communaux représentent 11?4 % de la superficie, dans des régions plus montagneuses, comme les Bauges ou le pays de Thônes, ce pourcentage atteint 43 %. Il est encore supérieur en Tarentaise ou en Maurienne[6]. Les villages sont souvent plus riches en montagne, en partie grâce aux traditions d'immigration qu'autour de Chambéry où le fermage au profit de la noblesse et de la bourgeoisie domine[2].

Du côté des classes dominantes, on assiste d'une part à un renouvellement de la noblesse par anoblissement de la couche la plus élevée de la bourgeoisie : Magistrats, syndics, et d'un autre côté à un raidissement de la noblesse. C'est la bourgeoisie, qui désigne en Savoie, à cette époque, non pas des industriels, mais une classe de robins (c'est-à-dire de ces très nombreux notaires), qui avait participé au rachat des droits seigneuriaux à partir de leur mise en vente en 1770, et par une sorte de réflexe élitique, la noblesse leur en tient rigueur si bien que le rapprochement entre les deux classes privilégiées dont les droits et la position économique tendent à devenir identiques ne se fait pas[7]. L'élargissement de la noblesse en effet n'est pas massif, c'est le roi qui garde en main son recrutement. La perte formelle des privilèges n'exclut pas leur maintien symbolique.

Ducs de Savoie et Rois de Sardaigne de 1416 à 1792

Sources de l'article

  • Henri Ménabréa, Histoire de la Savoie, Les Imprimeries réunies de Chambéry, 1976 (1re édition, Grasset, 1933)
  • R. Avezou, Histoire de la Savoie, PUF, 1949
  • Jean Nicolas, La Savoie au XVIIIe siècle, Noblesse et Bourgeoisie, Maloine éditeur, 1978 (thèse)
  • Jacques Lovie, Art et Histoire, in Savoie, Christine Bonneton éditeur, 1978
  • Jean et Renée Nicolas, La vie quotidienne en Savoie aux XVIIe et XVIIIe siècle, Hachette, 1979

Notes et références

  1. a, b, c, d, e, f, g et h Robert Avezou, Histoire de la Savoie, éd. PUF, coll. Que sais-je ?, 1944, 1948, 1963 (ISBN 0768-0066) .
  2. a, b, c, d, e, f et g Jacques Lovie, Article « Art et Histoire », Savoie, Christine Bonneton éditeur, 1978 .
  3. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k et l Henri Ménabréa, Histoire de la Savoie, éd. Grasset, 1933, 1960, 1976 .
  4. Jean et Renée Nicolas, La vie quotidienne en Savoie aux XVIIe et XVIIIe siècle, Hachette, 1979, Avant-propos
  5. Jean et Renée Nicolas, La Vie quotidienne en Savoie aux XVIIe et XVIIIe siècle, Hachette, 1979, p.242
  6. Jean Nicolas, La Savoie au 18e siècle, Noblesse et Bourgeoisie, Maloine éditeur, 1978, T.1, p.184
  7. Telle est la conclusion de la thèse magistrale de Jean Nicolas, La Savoie au 18e siècle, Noblesse et Bourgeoisie, Maloine éditeur, 1978

Voir aussi

Articles connexes

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