Droit en Égypte

Droit en Égypte

Le droit en Égypte a des origines diverses : droit de l'Empire ottoman, common law britannique[1], droit civil français qui inspira les efforts de codification juridique[1], droit musulman pour ce qui concerne le statut personnel des sujets musulmans.

Au niveau constitutionnel, l'indépendance du pouvoir judiciaire est garanti par la Constitution de 1971, quoique la loi d'urgence de 1981, reconduite depuis tous les deux ans, restreigne celui-ci[1]. Il y a un contrôle juridictionnel des lois par la Cour Suprême et des actes administratifs par le Conseil d'État[1].

Au niveau international, l'Égypte est signataire du traité de Rome sur la cour pénale internationale[1]. Elle a ratifié les pactes des Nations Unies de 1966 ainsi que, avec des réserves[2], la convention sur les femmes (CEDAW)[1]. La peine de mort est maintenue pour un grand nombre de crimes[1].

Le droit égyptien est influencé de manière importante par le droit européen (il permet par exemple le prêt à intérêt[3]) quoique depuis la réforme de la Constitution de 1980, l'article 2 de celle-ci stipule que « les principes de la sharî'a sont la source principale de la législation ». En accord avec la Constitution, l'islam est la religion d'État[1]. Bien entendu, l'interprétation de la charia en tant que source du droit peut varier fortement, celle des membres de l'administration Moubarak ne rencontrant guère le soutien des Frères musulmans.

Sommaire

Droit personnel

L'Égypte a suivi l'exemple de la codification ottomane en adaptant le droit musulman au XXe siècle. Refusant toutefois d'adopter la Mejellé (en) ottomane (le Code civil de l'Empire ottoman), l'Egypte s'inspira particulièrement du Code Napoléon.

Au début, elle le fit par un ensemble de lois, dont celle du 12 juillet 1920 et du 10 mars 1929 sur la pension alimentaire, la formule répudiaire et le divorce à la demande de la femme, qui empruntent largement à l'école malékite[4]. La loi du 6 août 1943 sur les successions est fidèle au rite hanéfite, majoritaire en Égypte[4].

La loi du 24 juin 1946 sur le testament innove en empruntant à l'école zahirite, disparue et rejetée par l'ensemble des rites sunnites[4] : le législateur stipule ainsi que les petits-enfants, exclus de la succession de leurs grands-parents, suite au décès d'un de leur parent, pourraient désormais recueillir une part de succession ne pouvant excéder le tiers, à titre de légataire [4]. L'Égypte innova ainsi, la représentation successorale n'existant pas dans le droit musulman, mais ayant été ainsi tournée par le « legs obligatoire ». Elle fut suivie en Syrie (Code du statut personnel de 1953), en Tunisie (Code du statut personnel de 1956), au Maroc (Moudawana de 1958 et de 2004), en Algérie (Code de la famille de 1984) et en Mauritanie (Code du statut personnel de 2001) [5].

Le Code civil de 1949 et son rayonnement régional

Le grand juriste al-Sanhouri rédigea ensuite, en 1949, le Code civil égyptien, dont les dispositions inspirèrent des systèmes juridiques d'autres pays, notamment celui de l'Irak et de la Syrie (al-Sanhouri étant l'un des principaux rédacteurs des codes civils de ces deux pays), mais aussi la Jordanie, le Koweït et la Libye, puis, plus tard, les Émirats Arabes Unis.

Le statut personnel après la Révolution de 1952

Après la Révolution des officiers libres (1952), la loi n°452/1955 du 21 septembre 1955 supprima les juridictions religieuses par volonté de sécularisation[6] (le Yémen appliqua une réforme semblable un an auparavant, le 20 septembre 1954[6]). Par conséquent, alors qu'auparavant les dhimmis (non-musulmans) bénéficiaient d'un statut personnel distinct de celui des musulmans, en ayant leurs propres juridictions, ils étaient désormais justiciables des mêmes tribunaux que les musulmans[6].

Auparavant, les étrangers étaient jugés par les tribunaux mixtes et les tribunaux consulaires ; les Egyptiens musulmans étaient jugés par les tribunaux chaari ; et les Egyptiens non-musulmans par les majaless communautaires[6]. La loi du 14 octobre 1949 avait supprimé les privilèges accordés aux étrangers[6].

Des tribunaux ahli civils remplacèrent ces différents tribunaux, appliquant, en matière de droit des successions et s'agissant de musulmans, le droit hanafite - l'interprétation hanafiste du droit musulman était entré en vigueur en Egypte du temps de la domination de l'Empire ottoman[6]. L'art. 6 de la loi de 1955 disposait en effet que le droit musulman soit appliqué, en matière de « statut personnel », aux justiciables musulmans; le droit canon aux chrétiens ; et la loi mosaïque aux juifs[6].

Par la suite, le domaine du statut personnel fut progressivement restreint sous l'effet de la jurisprudence, au profit du Code civil. A la fin des années 1970, le successions, les testaments, la capacité civile et les donations n'en faisaient plus partie[6]. Le droit religieux, sous ses différentes formes (musulmanes, catholiques et juive) ne s'appliquait donc plus qu'en matière de mariage et de filiation (dont l'adoption, etc.)[6].

L'apostasie

L'Egypte est signataire du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui admet formellement le droit de changer de religion sans conséquences négatives, et l'apostasie n'est pas explicitement condamnée par la loi.

L'article 98f du Code pénal réprime « tout acte de dégradation ou de mépris à l'égard d'un lieu ou d'une secte religieuse dans l'intention de porter préjudice à l'unité nationale ou à la paix sociale ». Il a été occasionnellement utilisé pour condamner la conversion de musulmans à une autre religion ou pour avoir tenu des propos relevant de l'athéisme.

Suite à l'affaire Nawal el Saadawi, la loi n°3 du 29 janvier 1996 réserve au Procureur de la République le droit d'engager la procédure de poursuites pour crime contre Dieu ou pour crime contre le peuple, à l'inverse de la hisba qui traditionnellement laissait ce droit à tout un chacun.

Quelques dates

  • 1807 : Accession au trône de Méhémet Ali
  • Années 1850 : Sous l'influence de Nubar Pasha (en), qui veut contraindre les marchands étrangers à être jugés selon le droit égyptien, et non selon leurs propres systèmes juridiques et par leurs consulats, établissement de « tribunaux mixtes », composés à la fois de juges européens et égyptiens. Quatorze puissances étrangères acceptent de participer à ces tribunaux mixtes. Les sujets musulmans sont jugés par des tribunaux religieux (mehkemehs, mot turc signifiant « tribunal »).
  • 1874 : Institution de l’Egyptian State Lawsuits Authority (en), équivalent du procureur général.
  • 1875 : Effort de codification moderne.
  • 1883 : Établissement de tribunaux nationaux.
  • 1923 : L'Égypte adopte une Constitution inspirée de la Belgique
  • 1931 : Établissement de la Cour de cassation
  • 1949 : Code civil élaboré par le juriste Abd el-Razzâq el-Sanhourî, qui importe en grande partie le Code civil napoléonien. Le droit personnel (mariages, divorces, testaments, héritages, etc.) dépend de la religion des parties ; le droit musulman est appliqué aux parties musulmanes. Pour tout ce qui ne concerne pas le droit personnel, c'est le droit codifié qui s'applique.
  • 1952 : Révolution égyptienne (en) qui porte Nasser au pouvoir.
  • 1958 : Loi instaurant l'état d'urgence (Emergency Law) permettant la détention préventive et sans contrôle judiciaire pendant une durée de trente jours, à l'issue de laquelle la personne peut se pourvoir devant la Cour de sûreté.
  • 1967 : Guerre des Six Jours. Loi sur l'état d'urgence, maintenue depuis (sauf de mai 1980 à octobre 1981, à la suite des accords de Camp David[1]).
  • 1971 : La nouvelle Constitution, adoptée par référendum le 11 septembre 1971, établit une Cour suprême constitutionnelle (en). Elle garantit le multipartisme mais interdit les partis d'obédience religieuse[1].
  • 1978 : Les Frères musulmans, organisation réformiste créée dans les années 1930, remportent une victoire après le vote, par le Parlement, d'une résolution exigeant qu'un Comité vérifie la concordance du droit avec la charia. Déception des islamistes quatre ans plus tard, en 1982 : le comité juge que la majorité des lois concordent avec la charia.
  • 22 mai 1980 : réforme de la Constitution. L'article 2, qui stipulait que « les principes de la sharî'a sont une source principale de législation » est remplacé par « les principes de la sharî'a sont la source principale de la législation »
  • 6 octobre 1981: assassinat du président Anouar el-Sadate par un membre du Jihad islamique égyptien. Rétablissement de la loi déclarant l'état d'urgence, renouvelée depuis tous les deux ans par le Parlement.
  • 1985 : Loi qui permet à l'épouse de demander le divorce si son mari se remarie avec une autre femme[3].
  • 1988 : Établissement du Conseil d'État (Maglis ad-Dawla) établissant une dualité de juridictions, entre la voie ordinaire et la voie administrative.
  • 1996 : Décret du Ministère de la Santé interdisant l'excision et les mutilations génitales féminines[7]
  • Juin 2002 : loi sur les associations qui soumettent celles-ci à un régime d'autorisation[1].
  • 2004 : Établissement des Tribunaux familiaux, spécialisés dans les affaires familiales impliquant des enfants.
  • mai 2005 : L'article 76 de la Constitution est amendée après référendum. Désormais, l'élection présidentielle a lieu à suffrage universel direct à candidatures multiples. Toutefois, la participation des candidats doit être avalisée par l'Assemblée du Peuple traditionnellement dominé par le parti présidentiel[1].
  • 2007 : Amendements constitutionnels qui concernent 34 articles.

Notes

  1. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k et l République Arabe d'Egypte sur le site du Parlement européen.
  2. Voir les réserves, notamment :

    « Réserve sur les dispositions de l'article 16 relatives à l'égalité de l'homme et de la femme pour toutes les questions découlant du mariage, au cours du mariage et lors de sa dissolution, qui ne doivent pas aller à l'encontre des dispositions de la chari'a garantissant à l'épouse des droits équivalents à ceux de son conjoint afin d'assurer un juste équilibre entre eux, compte tenu de la valeur sacrée des liens du mariage et des relations familiales en Égypte qui trouve sa source dans de profondes convictions religieuses qu'on ne saurait transgresser et du fait que ces liens sont essentiellement fondés sur l'égalité des droits et des devoirs et sur la complémentarité qui réalise la véritable égalité entre les conjoints. Les dispositions de la chari'a font notamment obligation à l'époux de fournir à son épouse une dot appropriée, de subvenir totalement à ses besoins et de lui verser une allocation en cas de divorce, tandis qu'elle conserve la totalitsubvenir(sic) (En anglais : whereas the wife retains full rights over her property and is not obliged to spend anything on her keep) à ses besoins. C'est pour cette raison que la chari'a n'accorde le divorce à la femme que sur décision du tribunal tandis qu'elle n'impose pas cette condition à son époux. »

  3. a et b Jean-François Gerkens, Droit privé comparé, Larcier, 2007, p.  191
  4. a, b, c et d François-Paul Blanc, Le droit musulman, Dalloz, 2e édition, 2007, 128 p., p.  35-36.
  5. François-Paul Blanc, op. cit., p. 128
  6. a, b, c, d, e, f, g, h et i Najjar Ibrahim (1979), « Formation et évolution des droits successoraux au Proche-Orient (Aperçu introductif) », Revue internationale de droit comparé. Vol. 31 N°4, Octobre-décembre 1979. pp. 805-815. doi : 10.3406/ridc.1979.3500
  7. Mutilations génitales féminines (Female Genital Mutilation — FGM) : Legal Prohibitions Worldwide

Voir aussi


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Droit en Égypte de Wikipédia en français (auteurs)

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