Claudine Guérin De Tencin

Claudine Guérin De Tencin

Claudine Guérin de Tencin

Claudine Alexandrine Guérin de Tencin
Portrait présumé de Madame de Tencin âgée d'après J. Aved
Portrait présumé de Madame de Tencin âgée d'après J. Aved

Activité(s) Femme de lettres, salonnière
Naissance 27 avril 1682
Grenoble
Décès 4 décembre 1749
Paris
Langue d'écriture Français

Claudine Alexandrine Guérin de Tencin, dite Madame de Tencin, baronne de Saint-Martin de LIsle de , née le 27 avril 1682 à Grenoble, morte le 4 décembre 1749 à Paris, est une femme de lettres et salonnière française. Elle est la mère de D'Alembert.

Après vingt-deux années passées de force au couvent et introduite dans les milieux du pouvoir par ses liens avec le cardinal Dubois, elle s'installe à Paris en 1717 et ouvre peu après un salon réputé. D'abord essentiellement consacré à la politique et à la finance avec les spéculateurs de la banque de Law, ce salon devient à partir de 1733 un centre littéraire. Les plus grands écrivains de lépoque le fréquentent en particulier Fontenelle, Marivaux, labbé Prévost, Duclos et plus tard Marmontel, Helvétius, Marie-Thérèse Geoffrin et Montesquieu,

Madame de Tencin a publié aussi avec succès quelques romans dont Mémoires du comte de Comminge en 1735, Le Siège de Calais, nouvelle historique en 1739 et Les Malheurs de lamour en 1747.

Sommaire

Biographie

Une Amazone dans un monde dhommes

« On voit bien, à la façon dont Il nous a traitées, que Dieu est un homme.  »

— Mme de Tencin

La vie publique de Claudine Alexandrine Guérin de Tencin, baronne de Saint-Martin de lIsle de , est bien connue par les cinq biographies qui lui ont été consacrées à ce jour.

Alexandrine est née à Grenoble dans une famille de petite robe[1] : son père, Antoine Guérin seigneur de Tencin[2], fut tour à tour conseiller au Parlement puis premier Président au Sénat de Chambéry lors de loccupation de la Savoie par la France. Cadette de cinq enfants, elle est selon la coutume placée très tôt, à lâge de huit ans, au proche monastère royal de Montfleury[3], une de ces riches abbayes la règle de Saint-Dominique était assouplie. Elle répugne cependant à la vie monacale et ce nest que contrainte et forcée quelle se résout à prononcer ses vœux le 25 novembre 1698. Pour dès le lendemain, cependant, avec laide de son directeur spirituel, dont Duclos prétendra quil « fut linstrument aveugle quelle employa pour ses desseins »[4], protester en bonne et due forme devant notaire, protestation quelle renouvellera de nombreuses fois au cours des années suivantes afin quelle ne fût point caduque.

Véridique ou non, laccusation de Duclos, augure bien du courage et du caractère volontaire dont Mme de Tencin fera très tôt preuve pour sopposer par tous les moyens tant à la tutelle parentale quaux coutumes du temps.

Sa ténacité portera ses fruits. Néanmoins, « sœur Augustine » devra attendre la mort de son père (1705) et vaincre les résistances, lhypocrisie de sa mère[5] pour quitter Montfleury en 1708 et, après une cure à Aix pour redresser sa santé défaillante, trouver refuge lannée suivante... au couvent de Sainte-Claire à Annonay, se trouve une de ses tantes, Mme de Simiane ! Quitter un couvent pour un autre couvent peut paraître étrange ; ce le fut pour ses contemporains. De mauvaises langues affirmèrent quelle trouva un refuge idéal pour accoucher de jumeaux conçus à Aix dont le père aurait été Arthur Dillon, lieutenant-général du maréchal de Médavy. Cependant il est certain que ce soit pure calomnie, car lenquête de lOfficialité, qui devait fulminer le bref papal quelle obtint finalement le 2 décembre 1711, conclut à son innocence et la releva de ses vœux le 5 novembre 1712, jugeant quon lui avait effectivement fait violence lors de sa prise de voile. Ce jugement fut imprimé dès 1730[6]. Ses ennemis cependant continuèrent à lappeler la « Chanoinesse de Tencin ».

Alexandrine nattendit pas son retour à la vie laïque pour dès la fin 1711, accompagnée de son chaperon Mme de Vivarais, se rendre à Paris. Elle sétablira quelque temps au couvent de Saint-Chaumont, puis, en raison de son état de santé, au couvent des dominicaines de la Croix. Ses vœux annulés, elle finit par sinstaller chez sa sœur la comtesse Marie-Angélique de Ferriol dArgental qui hébergeait déjà la célèbre Mlle Aïssé. , pendant les années qui suivirent, elle sut conquérir les hôtes du salon de sa sœur par la vivacité de son esprit, lhumour de ses réparties et par une faculté dadaptation surprenante compte tenu de son peu dexpérience du monde. Elle sut rattraper le temps perdu également... En avril 1717, enceinte de deux mois, elle signa avec les religieuses de la Conception un bail à vie pour un appartement[7] de la rue Saint-Honoré, sis au-dessus du couvent de la Conception, vis-à-vis le « Sot Dôme » du couvent de lAssomption (aujourdhui lÉglise polonaise). Elle y emménagea le 24 juin. Puis, en août, elle passa convention pour le reste de la maison contre le paiement dun supplément. Elle put ainsi, après son accouchement, ouvrir son propre salon qui jusquen 1733 se consacrera essentiellement à la politique.

Dès cet instant, sa devise semble être de défier lhomme sur son propre terrain, ne serait-ce peut-être que pour se venger de ces vingt-deux années passées de force au couvent.

Mme de Tencin par V. Cassien

Devenue, aux dires de Saint-Simon, « la maîtresse publique »[8] du premier ministre, le cardinal Dubois, elle commença, avec le soutien de ce dernier, par aider à la carrière ecclésiastique et politique de son frère Pierre-Paul (1679-1758), homme manquant de caractère et pour qui elle fit office, pour ainsi dire, de conscience virile. Puis, pour récompenser son illustre amant de ses largesses, elle nhésita pas à devenir, comme lécrit Pierre-Maurice Masson, « un précieux agent dinformation, et, le cas échéant, un truchement dans les affaires anglaises »[9], en se servant de ses amis qui avaient accès aux hautes sphères du pouvoir.

À ces dons de politique, il convient dajouter également ceux de laffairiste.

Largent a occupé une place primordiale dans la vie de Mme de Tencin. Tous les moyens lui furent bons pour accroître sa fortune. Ainsi, son rang ne la prévint pas douvrir le 28 novembre 1719 un comptoir dagio à la rue Quincampoix et de créer une société en commandite, équivalent ancien dune société dinvestissement à capital variable, vouée explicitement à la spéculation sur les actions. Pour ce faire, il fallait des fonds : sur un capital de trois millions et demi de livres, elle apporta la somme de 691 379 livres tournois[10], soit sa légitime quelle avait déjà triplée en la plaçant à fonds perdu sur lextraordinaire des guerres, suivies des participations du Président Hénault, de plusieurs membres de sa famille et de quelques amis dont le chevalier Destouches-Canon. La Financière Tencin-Hénault ne vécut que trois mois : bénéficiant des précieux conseils du financier Law et surtout de Dubois, son amant, elle réussit à tripler une nouvelle fois sa fortune en vendant ses parts à temps pour partager les bénéfices du système de Law avec quelques-uns de ses associés. Elle alla même jusquà sacoquiner avec des financiers véreux, comme le prouvent à lévidence ses lettres daffaires. Cette âpreté au gain trouve cependant quelque excuse. Ainsi que lécrit P.-M. Masson, « ce qui met quelque noblesse, ou du moins quelque désintéressement dans tous ces tripots, cest que Madame de Tencin ne fait la chasse à lor que pour la faire plus sûrement au pouvoir, et ne les conquiert tous deux que pour ce frère médiocre, en qui elle a placé toutes ses ambitieuses espérances »[11]. Régner donc, mais régner par procuration à cause de linjustice de lépoque qui cantonnait la femme dans un rôle danimal domestique, telle fut la volonté selon le mot de Diderot, de « la belle et scélérate chanoinesse Tencin »[12]. Et pour ce faire, elle se fit bigote, elle qui létait naturellement si peu.

Il nest lieu dentrer ici dans les ténébreux détails du concile dEmbrun (1727) qui opposa le frère tant aimé dAlexandrine au vieil évêque janséniste de Senez, Jean Soanen. Il nous suffira de savoir que pour loccasion, Madame de Tencin transforma son salon en centre dagitation ultramontaine : tout ce qui était sous sa main fut employé à la défense de son frère et de Rome. Ainsi en est-il par exemple dun Fontenelle ou dun Houdar de la Motte, pour ne citer queux, qui durent composer la plupart des discours de lévêque Pierre-Paul Guérin de Tencin. Elle-même mit également la main à la pâte, et ce fut sans doute sa première activité littéraire, en envoyant toutes les semaines au gazetier de Hollande le bulletin tendancieux des travaux du Concile qui condamna finalement Soanen. Cet excès de zèle ne lui profita pourtant pas : le cardinal de Fleury, lassé de la faire surveiller jour et nuit, résolut le 1er juin 1730, pour le bien de lÉtat, de lexiler le plus loin possible de la capitale.

Après quatre mois de « retraite » à Ablon sa sœur possédait une maison de campagne, permission lui fut accordée de revenir à Paris, en raison de sa santé défaillante.

Ayant retenu la leçon, pendant les dix années qui suivirent, son activité, quoique toujours aussi débordante, se fit plus discrète[13]. Désormais, elle réserve le meilleur de son temps à son salon qui devient un centre exquis de littérature et de conversations fines. Les plus grands écrivains de lépoque, quelle recueillit du salon de la marquise de Lambert en 1733, sy pressèrent. On y vit, entre autres, Fontenelle, lami de toujours, Marivaux, qui lui doit son siège à lAcadémie (1742) et le renflouage incessant de ses finances, labbé Prévost, Duclos et plus tard Marmontel, Helvétius, Marie-Thérèse Geoffrin et Montesquieu, son « petit Romain », quelle aidera à la première publication sérieuse De l'esprit des lois (1749), après lédition « estropiée » de Genève (1748). Des écrivainssauf Voltaire, le « géomètre » ainsi quelle le surnomme dans ses lettres, quelle croisa à la Bastille et quelle naimait guère –, mais également les plus grands savants de lépoque, des diplomates, des financiers, des ecclésiastiques et des magistrats de toute nationalité qui portèrent le renom de son salon bien au-delà de la France. Un jour, le mardi, cependant était réservé uniquement à la littérature. Dans une atmosphère de grande familiarité, ses amis écrivains, quelle appelait « ses bêtes », venaient présenter leurs derniers écrits ou assister à la lecture dœuvres de jeunes débutants, à qui Alexandrine manquait rarement de donner quelques judicieux conseils. Souvent également ils se livraient aux plaisirs de la conversation et sadonnaient à leur sujet préféré, la métaphysique du sentiment. Daprès Delandine, ce seraient même eux qui auraient remis à la mode ces questions de casuistique sentimentale qui, par leur abstraction même, permettent les opinions les plus subtiles et les plus paradoxales. Nul nexcellait dailleurs plus à ce genre desprit que la maîtresse de maison qui goûtait tout particulièrement maximes et tours sentencieux. Elle en a, du reste, parsemé ses romans qui, de ce fait, ainsi que lécrit Jean Sareil, « donnent souvent limpression dêtre le prolongement romancé des conversations qui se tenaient dans son salon », et dont voici quelques-uns tirés des Malheurs de lamour en guise dillustration : « Lorsque lon nexamine point ses sentiments, on ne se donne pas le tourment de les combattre » ; « Le cœur fournit toutes les erreurs dont nous avons besoin » ; « On ne se dit jamais bien nettement quon nest pas aimé » ; « La vérité est presque de niveau avec linnocence »…

Car cest en effet à cette époque qu'Alexandrine publia anonymement, avec un succès immédiat, ses deux premiers romans : faut-il y voir une reconversion ? Rien nest moins sûr, car si depuis 1730 elle a mis une sourdine à ses intrigues religieuses, politiques et affairistes, elle est loin de les avoir abandonnées. En effet, depuis son retour dexil, son grand projet est de faire de son frère un cardinal. Mais, pour cela, il faut laccord du roi Louis XV, pour qui, ainsi quelle lécrit dans sa correspondance[14], « tout ce qui se passe dans son royaume paraît ne pas le regarder », sauf peut-être les intrigues dAlexandrine qui lui donne, ce sont ses mots, « la peau de poule »[15]. Peu lui chaut. Si elle ne peut latteindre directement, ce sera indirectement. Et pour cela, elle nhésitera pas à jouer les entremetteuses. Elle procurera des maîtresses au roi qui se devront de réciter les livrets hagiographiques du frère tant aimé. Cette stratégie portera ses fruits, notamment grâce à laide de la duchesse de Châteauroux. Pierre Guérin de Tencin devient cardinal-archevêque de Lyon en 1740 et ministre détat deux ans plus tard. Mme de Tencin se trouve alors au faîte de sa puissance et parvient peu à peu à faire oublier ce que ses débuts eurent de scandaleux en conquérant des amitiés célèbres et édifiantes, telle celle du pape Benoît XIV.

La Fortune allait pourtant bientôt se montrer capricieuse. Après la mort de Fleury (1743) et de la duchesse de Châteauroux en 1744, Claudine perd toute influence à la cour. Jean Sareil nous apprend que son nom disparaît alors « à peu près complètement de lactualité politique et quen dehors des cercles littéraires, elle nest presque plus mentionnée »[16]. Aussi, cest une femme désillusionnée et déçue (elle na pu réussir à faire son frère premier ministre à la mort de Fleury) qui retourne à sa « ménagerie », ainsi quelle nommait son salon, non sans abandonner toute velléité de pouvoir, comme le montre à lenvi le fait quelle nhésita pas ces années-, à grands coups de procès, à acculer à la ruine deux orphelins pour sadjuger la baronnie de lîle de . Pourtant son énergie tarit peu à peu. Sa santé se dégrade : devenue impotente et obèse, elle ne sort pratiquement plus de son nouvel appartement de la rue Vivienne[17]. En 1746, une maladie de foie manque de lemporter. Ses yeux la font souffrir et elle se voit obligée de dicter ses écrits. Cest dans ce contexte de désillusion et de maladie quelle écrit son dernier roman : Les Malheurs de lamour, publié en 1747. Cette œuvre magistrale met en scène une narratrice vieillie, Pauline, retirée à labbaye Saint-Antoine, qui après avoir perdu lêtre aimé se décide à prendre la plume pour échapper à la réalité extérieure. Ny a-t-il pas un peu dAlexandrine dans ce personnage ? Une Alexandrine déçue peut-être davoir toujours sacrifié en vain ses sentiments sur lautel du pouvoir et qui se retrouve seule, abandonnée, si ce nest du dernier quartier des fidèles, Marivaux, Fontenelle, son docteur et héritier Jean Astruc, qui continuaient à la visiter ? Il est bien difficile de le dire avec certitude. Mais si lon considère le personnage de Pauline et que lon se souvient de lÉpître Dédicatoire enflammée du roman, adressée à un homme, est-il vraiment impossible dimaginer une Mme de Tencin timide et sensible qui, marquée dans sa jeunesse par lautorité dun père, lhypocrisie dune mère et la légèreté des hommes se vengea en se muant en une femme de raison que rien natteint ? Et de regretter, bien des années plus tard, en écrivant des mémoires fictifs, de navoir choisi la voie du cœur sur laquelle elle lance son héroïne ? Si tel est le cas, il conviendrait alors de voir en Les Malheurs de lamour non seulement un roman-mémoires sentimental optimiste, mais également en contre-jour celui de léchec dune vie, la sienne[18].

« Puisse-t-elle être au ciel, elle parlait avec tant davantage de Notre modeste personne[19] » écrivait le pape Benoît XIV à la mort de Mme de Tencin survenue le jeudi 4 décembre 1749 vers les cinq heures[20]. La vindicte populaire, quant à elle, lui réserva dautres « éloges » :

Crimes et vices ont pris fin
Par le décès de la Tencin.
Hélas ! me dis-je, pauvre hère,
Ne nous reste-t-il pas son frère ?[21]

Un cœur au service de la raison

Au goût immodéré de Mme de Tencin pour le pouvoir, il convient également dassocier, au contraire de ses héroïnes, celui prononcé pour la galanterie. En effet, si elle sut à la fin de sa vie se forger une image de respectabilité, en se faisant passer pour une « Mère de lÉglise », il nen demeure pas moins que jusquà un âge fort avancé, elle ne cessa de défrayer la chronique scandaleuse de lépoque par ses aventures galantes dans la grande société parisienne. « Intrigante (le mot revient et chez le maréchal de Villars et chez Mme de Genlis)[22] accoutumée à faire tous les usages possibles de son corps et de son esprit pour parvenir à ses fins »[23], opinion que partage également Saint-Simon, elle devint très tôt la cible des nouvellistes qui lui prêtèrent de nombreux amants. Le critique Pierre-Maurice Masson prétend même que « ses amants, qui ne sont pas toujours des amants successifs, sétalent si nombreux et si publics quils ne peuvent même plus sappeler des amants, et que le vieux nom gaulois, dont les chansonniers dalors ne font pas faute de la qualifier, paraît à peine un peu vif »[24]. Amants vraiment ? Ou amis ? Il est parfois très difficile de trancher.

Guillaume, cardinal Dubois.
Gravure de Pierre et Pierre Imbert Drevet d'après Hyacinthe Rigaud (1724).

La rumeur très tôt l'a associée intimement aux plus hautes sphères du pouvoir. Dès 1714, elle devient la maîtresse en titre de l'abbé Dubois qui n'a pas encore prononcé ses vœux et qui aidera à la carrière de Pierre-Paul de Tencin. Ce premier amant pourrait même lui avoir dicté les suivants. Le Régent par exemple, quelle lassa à force de plaider la cause du Prétendant et qui la renvoya, selon Duclos, dun mot très dur (il se plaignit qu’« il naimait pas les pqui parlent daffaires entre deux draps »)[25]. On peut y ajouter encore un lieutenant de police, le comte dArgenson, sous la protection duquel elle put agioter en toute tranquillité lorsquil devint garde des Sceaux, son fils qui reprit la charge et la maîtresse !, le comte de Hoym et le duc de Richelieu, son meilleur atout à la cour.

La liste fournie par les chroniqueurs de lépoque s'étend encore à des politiques. On y trouve des noms célèbres, Lord Bolingbroke, Matthew Prior, grâce à qui elle pénètre les dessous de la politique étrangère, ou ce Charles-Joseph de La Fresnaye (dont le nom ressemble étrangement au détestable petit maître des Malheurs de lamour !), Banquier expéditionnaire en cour de Rome, avocat puis conseiller au Grand Conseil, qui fut utile au frère et à la sœur dans des placements dargent. Elle dut dailleurs se résoudre à abandonner ce dernier amant quelle adorait véritablement : accoutumé au jeu et à lagiotage, il narrivait plus à rembourser les divers prêts quAlexandrine lui avait accordés et, de surcroît, se permettait de la calomnier un peu partout. Pour une fois dailleurs, elle manqua de prudence : La Fresnaye, ayant perdu lesprit et toute sa fortune, eut la fâcheuse idée de venir se suicider dans larrière salon de notre bonne Alexandrine qui ny put mais (6 avril 1726) ; tout en ayant pris soin au préalable, dans un testament, de la rendre responsable de sa mort. Cette aventure valut à Madame de Tencin le Châtelet, puis la Bastille on ne la ménagea point : elle fut confrontée nuitamment avec le cadavre exhumé et à demi putréfié de La Fresnaye et, un malheur narrivant jamais seul, dut souffrir encore les railleries de son illustre voisin de cellule, Voltaire, linfâme « géomètre ». Elle ne sortit de cet enfer que trois mois plus tard, acquittée etlégalement enrichie des dépouilles de sa victime !

On le voit pour Madame de Tencin, il semble quaimer, ce soit aimer utilement, et que le verbe sattacher nait comme unique objet, que le mot pouvoir. « La plupart de ses amitiés, toutes ses galanteries, semblent se succéder pour ainsi dire, dans le silence de son cœur et même des sens : avoir un ami, cest pour elle prendre un parti ; se donner un amant, cest travailler à un dessein. Chez elle, tout est volonté ; chaque désir tend impérieusement à sa réalisation, et les mouvements de lesprit sachèvent en effort et en lutte », nous prévient P.-M. Masson[26].

Elle-même, dans sa correspondance, nhésite pas à avouer un certain arrivisme, témoin cet extrait dune lettre adressée au duc de Richelieu :

Jean Astruc

« Une femme adroite sait mêler le plaisir avec les intérêts généraux, et parvient, sans ennuyer son amant, à lui faire faire ce quelle veut. » (Lettre du 1er août 1743)

Il ne faudrait conclure trop rapidement à une femme sans cœur. En effet, on ne connaît delle que ses liaisons publiques qui sont avant tout des affaires. Rien de transpire jamais, dans sa correspondance, de sa vie privée. A-t-elle connu le véritable amour, à linstar de la plupart des héroïnes de ses romans ? Les dédicaces de plusieurs de ses romans tendraient à le prouver. Toutefois, on peut y voir également ruse dauteur voulant à tout prix protéger son anonymat, ainsi quil seyait aux femmes de qualité de lépoque, en détournant les soupçons du public. Du reste, il ne serait guère aisé de donner quelque nom à lheureux élu : Jean Astruc, son médecin et amant depuis 1723, qui hérita en sous-main de plusieurs centaines de milliers de livres ? Sir Luke Schaub, quelle appelait « mon mari » ? Le duc de Richelieu ? :

« Je vous aime et vous aimerai tant que je vivrai plus que vous navez été aimé daucune de vos maîtresses et plus que vous ne le serez de personne. » (Lettre au duc de Richelieu, 13 septembre 1744)

Ou pourquoi pas le beau Destouches-Canon, lieutenant-général de lartillerie, dont la famille empêcha le mariage avec Alexandrine. De leurs amours illégitimes naquit un filsle futur D'Alembert ! –, quelle abandonna le lendemainde gré ou de force, on ne sait –, le 17 novembre 1717, sur les marches de léglise Saint-Jean-le-Rond à Paris. Ce fut Destouches qui se chargera seul de lentretien et de léducation de cet enfant placé finalement chez une nourrice, la bonne dame Rousseau. Alexandrine nira le voiret rapidement encorequune seule fois en 1724

Une œuvre encensée et une femme du monde décriée

Sil se trouve fort peu de gens au XVIIIe siècle pour critiquer les ouvrages ou le salon de Mme de Tencin, il est frappant de constater à quel point ses intrigues sentimentales, affairistes, religieuses ou politiques ont par contre soulevé lindignation générale de lépoque : Saint-Simon, ainsi que la plupart des mémorialistes, ne manque jamais de la fustiger dans ses Mémoires ou ses Annotations au journal du marquis de Dangeau, de même que les chansonniers qui sen donnent à cœur joie pour la trainer dans la boue au moindre éclat ; sans parler des attaques qui fusent de ses proches, telles celles de la fameuse Mlle Aïssé (dont le nom nest pas sans évoquer celui de Mlle dEssei, lune des héroïnes des Malheurs de lamour), qui dans sa correspondance ne se prive pas de légratigner à plusieurs reprises. Plus tard, après sa mort, vers la fin du siècle, sa réputation fut encore plus ternie. Comme lécrit Jean Decottignies, elle « fut englobée dans la réprobation systématique quencourait la société dont elle avait fait partie. Désormais, la légende de Mme de Tencin nappartient plus à la cabale, mais à lhistoire, – sil est permis dappliquer ce mot aux entreprises de Soulavie et de ses pareils. Cétait lépoque de la découvertes des Mémoires secrets, de la révélation des correspondances clandestines. Toute la corruption dune époque sincarna en Mme de Tencin. Cette deuxième vague laissa son souvenir définitivement terni »[27].

Les laudateurs de la « belle et scélérate de Tencin », selon le mot de lépoque, ne sont pas nombreux. On y recense un Piron qui la loue systématiquement, un mystérieux témoin anonyme qui, sous le nom du Solitaire des Pyrénées, nous décrit en 1786 dans le Journal de Paris les charmes de son salon[28], et surtout Marivaux. Ce dernier, dans la Vie de Marianne, donne en effet un portrait avantageux de Mme de Tencin, ou plutôt de Mme Dorsin, puisque tel est le nom sous lequel il a choisi de lui rendre hommage :

« Il me reste à parler du meilleur cœur du monde, en même temps du plus singulier (…). Jignore si jamais son esprit a été cause quon ait moins estimé son cœur quon ne le devait, mais (…) jai bien été aise de vous disposer à voir sans prévention un portrait de la meilleure personne du monde (…) qui avait un esprit supérieur, ce qui faisait dabord un peu contre elle. »[29]

Un tel portrait est exceptionnel chez les écrivains de lépoque qui, connaissant la dame et ses frasques, préféraient être discrets à son sujet, choisissant de passer sous silence ses turpitudescest le cas dun Fontenelle, dun Montesquieu ou dune Madame du Deffand – ; soit, à linstar dun Marmontel, dadopter une attitude de stricte neutralité par rapport à des rumeurs quils ne pouvaient ignorer.

On le voit, la réputation de Mme de Tencin nétait donc pas des meilleures tout au long du siècle et nous ne pouvons que souscrire aux jugements plutôt négatifs de ses contemporains. Pourtant, sans vouloir faire œuvre de réhabilitation, il convient de remarquer que la personne valait certainement mieux que sa réputation. En effet, étant une femme en vue, au cœur de toutes sortes dintrigues et, pour reprendre le mot de Marivaux, à l’« esprit supérieur », elle fut tout naturellement en butte à la jalousie et à la diffamation. De surcroît, ces calomnies, et cest sans soute ce qui lui a causé le plus de tort, elle ne les a jamais réfutées, car, à linstar du marquis de La Valette des Malheurs de lamour, elle semble ne jamais avoir fait cas de sa « réputation quautant quelle était appuyée du témoignage qu’(elle) se rendait à elle-même. (Elle) faisait ce qu’(elle) croyait devoir faire, et laissait juger le public ».

À ce mépris pour sa réputation sajoute encore un activisme forcené qui na pu quirriter la bonne société de lépoque. On connaît le statut juridique de la femme de lAncien Régime : il équivaut à celui de « serve »[30]. Son rôle social consistait, de par son sexe, à obéir. Ce point de vue était dailleurs partagé par la plupart des participantstant masculins que féminins ! – au débat pour déterminer qui devait gouverner dans la société. Alexandrine na pu que souffrir de ce préjudice social, elle qui ne sépanouissait que dans laction et qui navait rien de la femme passive que lon rencontre encore dans nombre de romans de la première moitié du siècle. En fait, elle était très peu femme. Son esprit, ainsi que lécrit Marivaux dans les Étrennes aux Dames, possédait « toute la force de celui de lhomme ». Laspect « mâle » [31] de son caractère, également souligné par Delandine, était même si prédominant que la bonne baronne dut être rappelée à lordre par le cardinal de Fleury :

« Vous me permettrez de vous dire quil sen faut beaucoup que vous meniez une vie retirée et que vous ne vous mêliez de rien. Il ne suffit pas davoir de lesprit et dêtre de bonne compagnie; et la prudence demande quon se mêleet surtout une personne de votre sexeque des choses qui sont de sa sphère. Le Roi (Louis XV) est informé avec certitude que vous ne vous renfermez pas toujours dans ces bornes… » (lettre du 15 juin 1730)

Ces bornes, elle eut bien de la peine à les respecter, tant elle méprisait son sexe. La femme, pour elle, nest quun moyen pour contrôler les hommes. Et un moyen peu sûr encore, car la tête dune femme est une étrange « girouette » quand il sagit dagir, gâtant tout par ses bavardages et son inintelligence du réel. À ses yeux, il est évident que les hommes dépassent de loin les femmes, et elle ne se prive pas de laffirmer, avec une orthographe bien à elle, dans une de ses lettres autographe :

« Il auroit été mille fois plus galan de me convincre que javois tort quand je soutenois contre vous (le comte de Hoym) que les hommes lemportoit sur les dames, mesme pour le stille. » (lettre manuscrite du 9 mai 1718)

Femme forte que rien nabat, femme au-dessus de bien des hommes, elle na pu que choquer par sa pugnacité devant les brimades sociales, son mépris pour la vertu traditionnelle, son extrémisme dans les passions et la toute puissance de sa raison que rien, pas même le cœur, narrêtait. À tel point que nombre de lecteurs se sont demandés comment une femme du caractère de Mme de Tencin avait pu concevoir des romans emplis de sensibilité sexpriment des âmes tendres et délicates, des romans si pauvres de vice et de couleur. Pierre-Maurice Masson prétend même qu’« on chercherait en vain la femme cynique et hardie que fut Mme de Tencin ». Mais est-ce bien lire ses romans ? Ses romans font-ils vraiment lapologie de la vertu en consacrant des héroïnes douces et soumises ? Valorisent-ils vraiment la toute puissance du cœur sur la raison ? Rien nest moins certain. En fait, nombre dévénements importants de la vie dAlexandrine sy trouvent transposés et certains traits audacieux de son caractère, certaines de ses valeurs subversives sy trouvent également développés. Lexamen de lunivers moral de ses romans, une fois le vernis classique enlevé, le prouve à lenvi : la distance entre lœuvre et lauteur nest quapparente, confirmant ainsi la tradition orale de lépoque. Mme de Tencin y est tout entière, non pas incarnée dans tel ou tel personnage féminin, mais disséminée en chacun deux et ce nest pas la moindre de nos surprises que de la voir apparaître soudain au détour de quelque page

Madame de Tencin écrivain

La fortune littéraire des œuvres

Après le coup de semonce de Fleury en 1730, Mme de Tencin jugea préférable de se consacrer désormaisquoique non exclusivementà la tâche de présidente de sa "ménagerie" dont la réputation allait devenir européenne. Cest , quentourée des plus grands écrivains de lépoque, elle rédigea ses premières œuvres. Reconversion ? Désir de faire oublier des scandales quelle eût préférés moins notoires, de rendre hommage à lhomme quelle aimait ? Ou, ainsi que le pense P.-M. Masson, pour « faire à sa manière œuvre dart, pour purifier, en quelque sorte, son passé et reconquérir une certaine estime par le sérieux et la distinction de sa plume » ? Il nest guère aisé de trancher, Mme de Tencin ne sétant jamais expliquée sur les raisons qui la poussèrent à prendre la plume. Toutefois, comme elle na jamais cessé dintriguer ni reconnu publiquement aucun de ses ouvrages, il est préférable de penser avec Delandine qu’ « en voyant les savants les plus goûtés dans la capitale, quen appréciant leurs ouvrages, elle eut envie den faire elle-même (…) et que la littérature fut pour elle un moyen de se délasser de ses orages, comme un voyageur à qui le désir dêtre heureux, a fait braver les flots, les écueils et les tempêtes, profite dun moment de calme pour écrire ses observations, et confier à ses amis éloignés, et ses espérances et ses dangers »[32].

Mme de Tencin servant le chocolat par J. Autreau, 1716.

Quelles que fussent ses motivations réelles, elle publia anonymement chez Néaulme (Paris) en 1735, sans privilège, un court roman-mémoires de 184 pages in-12 : Mémoires du comte de Comminge. Le succès fut immédiat, comme le prouve le fait quil fut réédité lannée même. Et pour une fois, la critique et le public apprécièrent de concert : ils furent unanimes à apprécier les qualités littéraires de louvrage. Labbé Prévost, dans le Pour et contre[33], y loue la « vivacité », l’« élégance » et la « pureté » du style, assurant que la nouvelle se fait lire « de tout le monde avec goût »[34], et le critique dorigine suisse La Harpe, dans son Lycée ou cours de littérature ancienne et moderne (1799), ira même jusquà la considérer comme le « pendant de la Princesse de Clèves »[35]. Le roman eut même une vogue européenne : très rapidement on en fit des traductions anglaise (1746), puis italienne (1754) et espagnole (1828). Il inspira même une héroïde[36] à Dorat et une nouvelle à Mme de Gomez[37]. Pour Delandine, Madame de Tencin devrait servir de modèle. Et elle le fut, puisque sa nouvelle connut vers la fin du siècle cette forme populaire de la gloire que donnent les imitations et les contrefaçons. On ladapta également au théâtre : Baculard dArnaud par exemple sen inspira pour son drame Les Amans malheureux (1764). Avec plus de cinquante rééditions jusquà la Première Guerre Mondiale, louvrage est resté très présent sur la scène du livre. Après un purgatoire dune cinquantaine dannées, il fut redécouvert dans les années soixante et depuis constamment réédité.

Quatre ans plus tard, en 1739, parut sans nom dauteur à Paris et toujours sans privilège, le second ouvrage de Mme de Tencin : Le Siège de Calais, nouvelle historique, roman en deux volumes composé sous la forme dun récit à tiroirs. Il souleva également un enthousiasme universel et tout comme le précédent se verra comparé au chef-dœuvre de Mme de La Fayette. Comparaison pour le moins étrange en fait, car si le style est magnifique, la retenue des personnages lest moins, le roman débutant finissent tous les autres… :

« Il étoit si tard quand le comte de Canaple arriva au château de Monsieur de Granson, et celui qui lui ouvrit la porte étoit si endormi, quà peine put-il obtenir quil lui donnât de la lumière. Il monta tout de suite dans son appartement dont il avoit toujours une clef; la lumière quil portoit séteignit dans le temps quil en ouvrit la porte; il se déshabilla, et se coucha le plus promptement quil put. Mais quelle fut sa surprise, quand il saperçut quil nétoit pas seul, et quil comprit, par la délicatesse dun pied qui vint sappuyer sur lui, quil étoit couché avec une femme ! Il étoit jeune et sensible : cette aventure, il ne comprenoit rien, lui donnoit déjà beaucoup démotion, quand cette femme, qui dormoit toujours, sapprocha de façon à lui faire juger très avantageusement de son corps. De pareils moments ne sont pas ceux de la réflexion. Le comte de Canaple nen fit aucune, et profita du bonheur qui venoit soffrir à lui. »

On le voit, ces deux ouvrages ont été jugés dignes dêtre placés au nombre des chefs-dœuvre de la littérature féminine du temps et leur succès alla même croissant jusque vers le milieu du XIXe siècle, avec une réédition tous les deux ans entre 1810 et 1840[38]. Ils furent, par ailleurs, encore souvent réédités entre 1860 et 1890 et leur gloire ne séteindra finalement quà laube du XXe siècle. Cest dire si le XIXe siècle les goûta encore énormément. Le critique Villemain, dans son Tableau de la littérature française au XVIIIe siècle (1838) écrira même que Mme de Tencin est lauteur de « quelques romans pleins de charme » parmi lesquels les Mémoires du comte de Comminge, représente certainement « le plus beau titre littéraire des femmes dans le XVIIIe siècle »[39]. Opinion partagée encore quelque cent ans plus tard par le critique Marcel Raymond[40].

Cest grâce à ces deux romans que le nom de Mme de Tencin survivra littérairement jusquà la fin du XIXe siècle. Elle est encore pourtant lauteur de deux autres ouvrages : les Malheurs de lamour (1747), véritable perle de la littérature du XVIIIe, et dun roman inachevé, de facture plus surannée, les Anecdotes de la cour et du règne dÉdouard II, roi dAngleterre.

Les Anecdotes furent publiées après sa mort en 1776, chez le libraire Pissot à Paris, avec approbation et privilège du roi. Alexandrine nest lauteure que des deux premières parties, les suivantes sont lœuvre de Anne-Louise Élie de Beaumont qui, vingt-cinq ans après la mort de Mme de Tencin, décida de finir louvrage que celle-ci avait laissé inachevé. De toute évidence, Madame de Tencin jouissait donc encore dans ces années- dune grande réputation. Comment expliquer, sinon, quun écrivain aussi célèbre quÉlie de Beaumont, lauteur des fameuses Lettres du marquis de Rozelle (1764), encensées de toute la critique, et femme du plus célèbre encore avocat des Calas, décidât de terminer le roman dune autre au lieu de donner à nouveau au public une œuvre de son cru. Malgré tout son savoir faire, louvrage passa néanmoins presque inaperçu. Pierre-Maurice Masson nous indique quil na été réédité que huit fois jusquau début du XXe siècle, et toujours dans les œuvres complètes de Mme de Tencin, alors quon recense par exemple plus dune quarantaine de rééditions des Mémoires du comte de Comminge. La critique est, quant à elle, généralement muette à son sujet. Cest probablement que la structure baroque de lœuvre, faite dhistoires enchâssées et de rebondissements improbables, ne plaisait plus à lépoque et il y a fort à parier, ainsi que le pense Joël Pittet, que cest une œuvre de jeunesse que Mme de Tencin a tôt abandonnée[41].

Il reste à signaler, avant de revenir à lexamen des Malheurs de lamour réédités au début du siècle (Desjonquères, 2001), quon lui attribue encore trois autres ouvrages. Elle aurait ainsi écrit vers 1720 une Chronique scandaleuse du genre humain, « histoire ordurière et manuscrite des actions crapuleuses des libertins connus par lhistoire de toute lantiquité et composée à lusage de Dubois et du Régent » écrit p. -M. Masson[42] pour qui louvrage serait assez du genre de la dame. Cette chronique na jamais été retrouvée. Daprès Jules Gay, elle fut « très probablement détruite par nos cafards molinistes ou jansénistes, méthodistes ou révolutionnaires »[43]. On lui attribuait également Chrysal ou les aventures dune guinée (1767) qui est en fait de lAnglais Charles Johnstone. Reste enfin lépineux problème que soulève lHistoire dune religieuse écrite par elle-même. En effet, en mai 1786 paraît à Paris, dans la Bibliothèque universelle des romans, cette courte nouvelle de vingt-quatre pages in-16, quune note des éditeurs attribue à Mme de Tencin : ce serait « le fruit des premiers amusements de la jeunesse » de notre auteur, quelle aurait remis entre les mains de son ami labbé Trublet. Convient-il daccorder quelque crédit à cette note ? La critique du XXe sièclecelle des deux siècles précédents ainsi que les répertoires bibliographiques du XIXe siècle passant complètement sous silence cette nouvelle qui neut jamais de rééditionreste partagée : Pierre-Maurice Masson, Georges May, Henri Coulet et Pierre Fauchery pensent quelle en est lauteure, sans pourtant en fournir la preuve absolue, tandis que Jean Sareil, Jean Decottignies, Martina Bollmann, auteure dune thèse remarquable sur les romans de Mme de Tencin, et Joël Pittet sont davis contraire[44]. Une thématique différente, labsence de tout dialogue, des différences importantes dans le traitement psychologique et dans le vocabulaire de cette œuvre semblent aller pourtant dans le sens de la non attribution. Un autre fait vient encore corroborer cette prise de position : labbé Trublet était mort depuis seize ans, quand parut cette histoire. Pourquoi alors avoir attendu si longtemps avant de la publier ? Selon le critique Franco Piva, elle serait en fait de Jean-François de Bastide[45].

Sil convient donc très certainement de considérer lHistoire dune religieuse comme un pastiche adroit, cette nouvelle nen reste pas moins intéressante à plus dun titre : elle souligne en premier lieu lengouement pour Mme de Tencin vers la période révolutionnaire, engouement que confirment en 1786 les deux premières éditions de ses œuvres complètes ainsi que la publication de ses pseudo-mémoires secrets en 1792 [46]. Qui plus est, elle fournit de précieux renseignements sur la fortune littéraire des Malheurs de lamour en montrant que ce roman, qui a largement inspiré Jean-François de Bastide, répondait encore au goût de la fin du XVIIIe siècle.

Avant que dexaminer plus avant ce dernier roman, petit chef-dœuvre décriture classique qui exprime pourtant au mieux les idées novatrices et subversives de Mme de Tencin, il convient encore de dire un mot des problèmes dattribution.

Une attribution quelque temps contestée

La fortune littéraire de Mme de Tencin ne coïncide pas avec celle de ses œuvres. En effet, si la critique de nos jours attribue unanimement à la divine baronne la maternité des quatre ouvrages précités, son œuvre lui fut longtemps disputée.

À linstar la plupart des femmes de lettres de son époque, Alexandrine publia ses ouvrages sous le couvert de lanonymat, jugeant quil ne seyait à une dame de qualitéon se souvient à cet effet que la marquise de Lambert se crut déshonorée lorsquelle vit imprimer les Avis dune mère à sa fillede condescendre à lécriture. À moins que ce ne fût pour éviter de fournir elle-même des armes à ses ennemis, de peur quils ny trouvassent des aventures qui pouvaient paraître avoir été inspirées des siennes. Quoi quil en soit, par préjugé nobiliaire ou par peur du public, elle ne recueillit pas de son vivant le bénéfice de son succès.

Pas tout à fait, il est vrai, cependant, car ces sortes de secrets ne se gardent guère. Cest ainsi que le nom de Mme de Tencin ne tarda pas à circuler sous le manteau, comme le prouve une lettre de labbé Raynal (1749) à un correspondant étranger, dans laquelle il signale quil convient dattribuer à Alexandrine « trois ouvrages pleins dagrément, de délicatesse et de sentiments » dont il donne les titres. Ses « bêtes » (les familiers de son salon) étaient dailleurs certainement dans la confidence et, bien quils gardassent, pour la plupart, le silence, un poème de Piron, en termes à peine voilés, laisse entendre la véritable identité du plus accompli des trois romans. Il sagit de Danchet aux Champs-Élysées qui décrit un cercle de neuf Muses, rencontré au séjour des Bienheureux, dont Alexandrine doit un jour occuper le siège présidentiel :

Car vous seule y devez prétendre,
Vous seule y monterez un jour,
Vous dont le pinceau noble et tendre
A peint les malheurs de lAmour.[47]

À part ces quelques indications éparses, dans les trente années qui suivirent la première publication de Mme de Tencin (1735), on ne trouve aucun témoignage imprimé le nom de lauteur soit explicitement donné. Aussi la rumeur se plut à attribuer ces trois romans à dautres écrivains, et principalement à ses propres neveux : dArgental et Pont-de-Veyle, nouveaux Segrais dune nouvelle Lafayette. Mais nest-ce pas encore en fin de compte la meilleure manière de les attribuer à Alexandrine ? Il est en effet pour le moins curieux que ces pères putatifs fussent choisis dans sa propre famille ; et de à imaginer quelle ait elle-même attisé, sinon répandu, cette rumeur pour quon ne séparât pas tout à fait ces ouvrages de son lignage, il ny a quun pas que lon peut aisément franchir. Elle tient en tout cas dArgental en piètre estime et, si lon pourrait admettre quelle prit quelque collaborateur, elle leût certainement choisi moins sot :

« Vous ne connaissez pas dArgental (écrit-elle en 1743 au duc de Richelieu) ; cest une âme de chiffe, qui est incapable de prendre part aux choses qui ont quelque sérieux. Il nest capable de rien que de nigauderies et de faiblesse. »

Quant à Pont-de-Veyle, ses comédies comme le Complaisant (1733) ou le Fat puni (1738) ressemblent trop peu aux romans sensibles et subversifs de Mme de Tencin pour quon puisse retrouver entre ceux-ci et celles- quelque affinité littéraire.

Trois théories saffrontent donc dans le public jusquen 1767 : il y a les gens instruits qui savent ce quil en est, ceux qui penchent pour une collaboration entre la tante et les neveux, et ceux qui naccordent, comme Voltaire qui la détestait, la paternité des œuvres quaux seuls neveux. Ainsi ce dernier, dans un billet non daté tout à fait partial à Mme Denis, nécrit-il pas :

« Carissima, sono in villeggiatura a Versailles (…). Corre qui un romanzo il cui titolo, è Le Infelicita dell amore. La piu gran sciagura che in amore si possa risentire, e senza dubbio il vivere senza voi mia cara. Questo romanzo composto dal Signor de Pondeveile è non percio meglio. Mi pare una insipida e fastidiosa freddura. O que [sic] gran distanza da un uomo gentil, cortese e leggiadro, fino ad un uomo di spirito e dingegno ! ».

Le parti des instruits finira par lemporter, car en 1767 apparaît le premier texte auquel on peut accorder tout crédit, qui divulgue enfin la véritable identité de lauteur des trois romans. En effet, labbé de Guasco dans une note de son édition des Lettres familières du Président de Montesquieu nous apprend que son frère, le comte de Octavien de Guasco, demanda en 1742 à Montesquieu si Mme de Tencin était bien lauteur des ouvrages que certains lui attribuaient. Ce dernier lui répondit quil avait promis à son amie de ne point révéler le secret. Ce ne sera que le jour de la mort dAlexandrine quil avouera enfin la vérité au vieil abbé :

« À présent vous pouvez mander à Monsieur votre frère, que Mme de Tencin est bien lauteur (…) des ouvrages qui ont été crus jusquici de M. de Pont-de-Veyle, son neveu. Je crois quil ny a que M. de Fontenelle et moi qui sachions ce secret ». [48]

Son opinion fait école, car dès cette date, le nom dAlexandrine figure régulièrement dans les histoires littéraires et les dictionnaires de lépoque. Ainsi, vers 1780, la majorité du public et de la critiqueà lexception notable de l'abbé de Laporte dans son Histoire littéraire des femmes françoises (1769) ! – pense quelle en est lunique auteur. En tout cas on en est suffisamment convaincu pour, lors de la première édition des ses œuvres complètes en 1786, faire apparaître pour la première fois son nom sur la page de titre. Depuis louvrage remarquable de Pierre-Maurice Masson (1909, revu et corrigé en 1910), consacré à la vie et aux romans dAlexandrine, plus personne ne songe sérieusement à lui enlever ce modeste lot de gloire qui lui revient.

Les Malheurs de lamour

Après huit ans de silence littéraire, Mme de Tencin, devenue impotente et ne quittant plus guère son appartement, se décida à sortir quelque peu de sa réserve pour publier anonymement son troisième roman : Les Malheurs de lamour (1747). Lédition originale de ce roman-mémoires sentimental consiste en deux volumes in-12 de 247 et 319 pages lhistoire enchâssée dEugéniela confidente de lhéroïne Paulineoccupe les 180 pages du deuxième volume. Elle fut publiée sans privilège à Paris, même si la page de garde mentionne Amsterdam. Sous le titre apparaît une épigraphe (Insano nemo in amore sapit) attribuée à Properce qui a toujours été reproduite dans les éditions suivantes. Il sagit du vers 18, tronqué, de lélégie XIV du deuxième livre des Élégies de Properce : Scilicet insano nemo in amore videt. Cette élégie se distingue des autres, car elle est consacrée au bonheur. Elle est suivie, à la deuxième page, dune Épitre dédicatoire à M*** qui na pas toujours été reproduite dans les éditions suivantes :

« M.

Je nécris que pour vous. Je ne désire des succès que pour vous en faire hommage. Vous êtes lUnivers pour moi. »

Une épître dédicatoire toute similaire se trouvait déjà au début du Siège de Calais, sans quon nait jamais pu en découvrir le destinataire, si tant est quil existât jamais :

« M.

Cest à vous que joffre cet ouvrage ; à vous à qui je dois le bonheur daimer. Jai le plaisir de vous rendre un hommage public, qui cependant ne sera connu que de vous. »

En dessous de lépigraphe se trouve une vignette, sans nom dauteur, qui pourrait illustrer le vers de Properce, à savoir la suprématie en amour du cœur sur la raison. Elle représente la scène suivante : un Amour (lamour raisonnable ?), le pied appuyé sur un coffre, près dune colonne, tient dans ses mains un parchemin quil tend à une jeune femme. Cette dernière semble troublée en le lisant, car elle porte une de ses mains à son visage. Derrière elle, dissimulé par un rideau, se tient un autre Amour (lamour-passion ?) qui écoute attentivement ou peut-être même dirige leur conversation. Cette vignette na jamais été reproduite, après 1749, dans les rééditions du roman.

Le roman connut un grand succès lors de sa parution, tant est quil fut réédité plusieurs fois lannée même. Il fut en vogue quelque temps à Versailles. Daniel Mornet, dans son article Les Enseignements des bibliothèques privées (1750-1780), nous apprend même quil fit partie jusquen 1760, avec les Lettres d'une Péruvienne ou les Confessions du comte de ***, des neufs romans les plus lus en France ! Cet engouement ne se cantonna pas à la France uniquement. Dès les années 1750 il fut traduit en anglais et inspira plusieurs auteurs britanniques comme Miss Frances Chamberlaine Sheridan dans ses Memoirs of Miss Sidney Bidulph, extracted from her own Journal (1761; traduit en français par labbé Prévost en 1762) dont une partie de lintrigue semble directement inspirée des Malheurs de lamour. Jean-Rodolphe Sinner de Ballaigue ladaptera en 1775 pour le théâtre, en conservant certaines répliques du roman. Pendant la période révolutionnaire, il connaît même une nouvelle vogue, étant très souvent réédité, et pas toujours sous son titre dorigine, mais sous celui de Louise de Valrose ou Mémoires dune Autrichienne, traduits de lallemand sur la troisième édition (1789). Enfin, la troisième période de gloire des Malheurs de lamour se situe pendant les trente premières années du XIXe siècle lon recense en moyenne une réédition tous les cinq ans : les post-classiques en apprécièrent le style naturel et de bon goût et la génération romantique, la mélancolie et la passion dominatrice qui caractérisent, par ailleurs, tous les romans de Mme de Tencin. Dès les années 1880, le roman sombre peu à peu dans loubli et ce nest quà laube de ce siècle quil a été redécouvert (Desjonquères, 2001).

Ce nest pas tant à lintrigue assez commune, que notre roman dut ses premiers succès, mais bien à la discipline classique à laquelle sastreignit Mme de Tencin. La critique de lépoque fut une nouvelle fois unanime à admirer les qualités littéraires de louvrage, à savoir la « vivacité », l’« élégance » et la « pureté » de son style et, pour le public, ce roman et les autres, « passaient tout dune voix pour des livres fort bien écrits » (Abbé Prévost, Le Pour et contre, 1739). Quant aux lectrices, sous le vernis classique, elles durent apprécier tout particulièrement certains épisodes très subversifs pour lépoque ainsi que les revendications féminines qui sen dégageaient.

Le genre utilisé est le roman-mémoires qui est la forme canonique de la fiction en France entre 1728 et 1750. Issu des pseudo-mémoires du dernier quart du XVIIe siècle, il sen distingue par le fait que le je-narrateur ne vise plus désormais à donner sa version particulière de faits historiques, mais bien à sinterroger sur lui-même, et plus particulièrement sur sa vie sentimentale qui va primer sur sa carrière politique. Cest de plus un des premiers romans bâti autour des souvenirs dune bourgeoise. Ce changement de perspective qui vise avant tout à la découverte de lêtre et finalement du bonheur est tout à fait évident dans les Malheurs de lamour lanalyse psychologique occupe le devant de la scène. Cest le « moi » qui est le centre du récit, et non plus les aventures singulières empruntées au roman baroque. La narration y est ainsi assez homogène. Mme de Tencin sest efforcée de maîtriser le principal problème lié à la narration autodiégétique, celui de la retranscription dévénements, de discours auxquels le « je » na pas assisté, en ayant recours par deux fois au récit écrit dun autre personnage. Ainsi, Pauline, la narratrice et rédactrice, de sa retraite à labbaye Saint-Antoine à Paris, rapporte à la première personne vers 1680, les malheurs qui lui sont survenus quarante ans auparavant. Tout passe par son point de vue, ce qui ne lempêche nullement de déléguer parfois sa voix à dautres personnages : elle cède ainsi la parole pendant une trentaine de pages à sa rivale Hypolite (Tome II 151-181), en supprimant tout marqueur discursif, ou au marquis de La Valette (II70-87), autrefois amant de son amie, la religieuse Eugénie. Ces deux récits, sils blessent un peu la vraisemblance, sont justifiés par une certaine esthétique du pathétique qui gouverne le roman, car la confession dune mourante ou les plaintes dun amant éconduit sont autrement émouvantes au style direct.

Si Mme de Tencin a donc été confrontée au même vertige quéprouvèrent tant décrivains de lépoque, à savoir les problèmes engendrés par le rapport fiction-réalité, elle nen a pas fait sa préoccupation première. Le réel ne lintéresse que dans la mesure il est vécu par lhomme. Si son roman, à linstar de beaucoup dautres, se charge de réalités sociales, cest uniquement parce quelles permettent de sinterroger indéfiniment sur les chances quelles offrent à laccomplissement de soi ainsi que sur les antinomies de la vertu et du bonheur. Ainsi, si Les Malheurs de lamour se veut, par son titre et sa forme empruntée au roman-mémoires dune part, un juste équilibre entre limagination et lobservation de lautre, pour obtenir du lecteur « ladhésion lucide et critique à un faux plus vrai que le vrai »[49], ce roman permet néanmoins à lirréalisme déclater en irruptions incontrôlées à la faveur dun cliché romanesque (la tentative denlèvement de lhéroïne, lapparition dun couple de jumeaux, des quiproquos qui sensuivent…) ou même, et cest extraordinaire, dauto-parodies qui constituent une sorte de mise en abyme du roman; que lon considère seulement la réplique suivante dEugénie à Pauline :

« Voulez-vous faire lhéroïne de roman, et vous enfermer dans un cloître, parce quon ne vous donne pas lamant que vous voulez ? »

ou cette autre :

« Le cœur me dit que le (Président) est destiné pour mettre fin à votre roman. »

Lengouement de la narratrice pour lauto-analyse nest pas sans influence sur le traitement de lespace. Il implique non seulement un resserrement spatial maximal, mais également lobservation du seul champ qui intéresse véritablement : le Moi amoureux. Ainsi, le roman, à linstar de la plupart des romans-mémoires de lépoque, donne peu à voir : la nature extérieure, quelle soit campagnarde, urbaine ou exotique, tend à ne plus être quun simple décor. Cependant, si Mme de Tencin ne recherche pas le pittoresque, elle ne bannit point de son roman toute couleur locale. Elle est même une sorte de précurseur du décor noir qui fera florès plus tard dans le siècle, pour autant quil ajoute au côté pathétique dune scène qui suit entre les deux amants. Ainsi par exemple la description suivante, qui survient peu avant la visite de Pauline au Châtelet :

« Je parvins, bien cachée dans mes coëffes, jusquà une chambre ou plutôt un cachot qui ne recevoit quune foible lumière dune petite fenêtre très haute et grillée avec des barreaux de fer qui achevoient dintercepter le jour. Barbasan o Barbazza étoit couché dans un mauvais lit, et avoit la tête tournée du côté du mur (…), une chaise de paille (..) composoit tous les meubles de cette affreuse demeure. » (I 134)

À cette description qui semble fondée sur le souvenir de son propre séjour à la Bastille, ajoutons cette autre résultant de la sensibilité exacerbée de lhéroïne, qui lui fait porter un regard nouveau sur le monde environnant :

« Jallois porter cette nouvelle douleur (la mort possible de son amant), peut-être la plus accablante de toutes, dans un bois de haute futaye qui faisoit ma promenade ordinaire. La solitude et le silence qui y régnoient, y répandoient une certaine horreur conforme à létât de mon âme : je maccoutumai insensiblement à y passer les journées preque entières : mes gens mavoient vainement représenté quil étoit rempli de sangliers ; quil pourroit my arriver quelque accident. » (II 208-209)

Les personnages évoluent donc dans un univers étrange, presque abstrait, se resserrant peu à peu vers les mêmes lieux clos : chambres mortuaires, sombres châteaux retirés à la campagne, abbayes isolées, champs de bataille, couvents ou forêts inquiétantes, décor qui annonce déjà les mélodrames du siècle suivant. Pour Chantal Thomas, cette représentation du monde se révèle être en définitive « une métaphore amoureuse » qui traduit à la perfection le conflit latent existant entre les deux amants. Car il faut bien parler de conflit, leur rencontre étant à lorigine dune lutte à mort à la fois contre ses propres défauts, contre soi-même -« tous mes sentimens sont contraints, je nose ni me permettre de haïr, ni me permettre daimer » ( II 105) confie Mlle dEssei- et contre le partenaire amoureux. La souffrance même, calculée dans ses effets sur lautre, devient une arme :

« Le comte de Blanchefort est mon mari; la raison, et peut-être encore plus le dépit dont jétois animée contre vous, mont déterminée à lui donner ma main. » (II 101)

Cest donc bien cette lutte, nécessaire au triomphe de lamour véritable, quévoquent les différents lieux oppressants du roman et qui lui confèrent ce ton soutenu dabstraction; le métaphorique y primant toujours sur le littéral. Et cest sur cette lutte, ou plutôt sur cette série de cas sentimentaux extrêmes, reliés par une intrigue commune, que Mme de Tencin a porté tous ses efforts. Elle les résout non en moraliste, comme pourrait le faire un romancier à thèse, mais préfère les décrire et les analyser avec justesse et précision pour y trouver des nuances nouvelles, inaperçues jusque-. Si laccent est mis sur la personnalité psychologique des personnages, elle nest pas traitée dans sa globalité, mais bien par rapport aux épreuves engendrées par lexpérience amoureuse.

Une morale du cœur et de linstinct

« Si vous détruisez lamour, Éros, le monde retombera dans le chaos[50].  »

— Mme de Tencin à Mme de Graffigny

Du roman sentimental alors en vogue dans le deuxième quart du XVIIIe siècle, Mme de Tencin emprunte les principaux traits : un récit à tiroir, des intrigues plus vraisemblables que romanesques, chargées des réalités sociales permettant au lecteur de sinterroger sur les possibilités quelles offrent à laccomplissement de soi, un cadre moderne, parfois même bourgeois, la prédominance des états affectifs du cœur et la finesse de la psychologie qui prend le devant de la scène, puisque désormais la vérité ne se trouve plus dans les faits racontés, mais bien dans lordre des réalités morales. Ses quatre romans sen distinguent cependant par toute une série de subversions touchant tant aux structures romanesques quaux conventions sociales de lépoque.

Ces subversions visent principalement à émanciper la femme de la tutelle sociale et parentale et surtout de cette « Vertu » castratrice qui la prévient dêtre véritablement. Et cest bien que se situe loriginalité de ses écrits, car la plupart des romanciers du temps se contentent de dénoncer les hypocrisies du rationalisme moral ambiant, en peignant les épreuves de la vertu ou les malheurs de lamour, Mme de Tencin, précédant Sade de quelque quarante ans, rejette catégoriquement cette dernière au profit de linstinct qui devient le guide suprême. Elle prône ainsi une philosophie du cœur qui a tôt fait de déboucher sur une morale du sentiment, sans le céder au didactisme toutefois ! Cest le royaume de la morale implicite, suggérée par le fort contraste entre une existence malheureuse vouée à la « raison » (opinion publique) et à la « vertu » (refoulement du cœur) dans une histoire enchâssée et lexistence de lhéroïne principale tournée tout entière vers le cœur, qui seul permet daccéder au bonheur véritable : laccomplissement de lêtre dans lacceptation de lamour.

Lêtre humain, pour citer Paul van Tieghem, ne vit donc « pour faire son salut, ni pour agir, ni pour connaître ou créer; son idéal nest ni dêtre saint, ni lhomme daction, ni le savant ou linventeur. Il vit pour sentir, pour aimer. » La morale naturelle que Mme de Tencin nous propose est en ce sens assez proche de celle des auteurs sensibles de la deuxième moitié du siècle qui réagissent contre le culte de la raison gouvernant la volonté, idéal de lâge classique, en privilégiant le sentiment et en revendiquant les droits de la passion. Celle-ci nest plus considérée comme une faiblesse, un égarement ou un malheur, mais comme un privilège des âmes sensibles. Elle devient « un titre suffisant à justifier une conduite opposée à celle que dictaient les usages et les lois. »[51]

Morale similaire, mais non identique, car pour la plupart des romanciers lorsque la passion se heurte à la vieille morale, à celle de toutes les sociétés depuis la Bible, cest la passion qui renonce ou qui lutte pour renoncer : la Nouvelle Héloïse qui fut au XVIIIe siècle comme la bible du sentiment -on allait jusquà la louer pour quelques sous- en est le meilleur témoin. Elle serait plus proche de la morale romantique aimer avec fureur, avec désespoir devient le comble de la félicité, malgré les lois divines et humaines, lorsque lamour est le don total de soi et lardeur du sacrifice.

Les romans de Mme de Tencin des œuvres préromantiques ? Certes, à linstar de bon nombre de romans du XVIIIe. Il nest donc pas nécessaire dinsister sur ce point, mais plutôt sur la philosophie de vie quils mettent en scène, philosophie assez étrangère à la mentalité du temps pour qui la notion de pari, en matière de bonheur, nentrait que très rarement en ligne de compte. Car cest bien à un pari, un peu comme Pascal à propos de lexistence de Dieu, que Mme de Tencin nous invite, lorsquau travers dhistoires damour, elle sefforce de nous faire comprendre que pour être heureux, il faut prendre le risque daimer, quil faut oser aimer, et ce en dépit des obstacles qui ne manqueront pas de survenir.

Daucuns pourraient rétorquer quun tel pari sur lamour ne réussit pas aux héroïnes, puisquà la fin de leurs aventures elles perdent lobjet aimé. Il convient de dire tout dabord que si elles ont connu le bonheur en société, cest uniquement durant leur liaison amoureuse et que si lon assiste à un échec du sentiment, les héroïnes doivent non seulement sen prendre à la société qui ne veut pas entendre parler des lois du cœur, mais surtoutcest un point originalà elles-mêmes et à leur amour-propre ainsi quà la légèreté de lamant. Car il ne suffit pas doser aimer, encore convient-il de défendre son amour contre tout ce qui vient attenter à sa pureté. Pour Mme de Tencin lamour ne vise donc quà la pleine réalisation de lêtre, il nest nullement responsable des malheurs qui surgissent : elle envisage la vie de manière positive et du rationalisme moral du temps, elle retient au moins loptimisme, laissant de côté lutopie. Elle insiste sur la difficulté daimer dans un siècle le sentiment reste suspect. Cependant, si elle ne se prive pas ainsi de mettre en scène les nombreux obstacles qui visent à séparer définitivement les amants, il convient de noter toutefois quelle propose également des substituts à limpossibilité de lamour in praesentia ou physique, telles que la lettre ou, à un niveau supérieur, lécriture.

En effet, les problèmes du couple romanesque ne se séparent point de ceux de la communication : éloignés la plupart du temps lun de lautre, les amants ne peuvent combler la distance qui les sépare quà laide dune correspondance épistolaire. Les romans mentionnent ainsi de nombreuses lettres ou billets qui bien souvent, en plus de rapporter les mots de lêtre aimé, semblent se substituer, de façon métonymique, à sa présence physique :

« La joie succéda à tant de douleurs, quand jappris à sept heures du matin, par un billet, que tout avoit réussi, et que Barbasan étoit en sûreté. Je baisois ce cher billet (…). » (Les Malheurs de lamour, I 145)

Si la lettre est donc essentiellement communicative et dramatique, elle reste cependant avant tout le signe et le substitut dune passion qui ne peut sassouvir. En ce sens, elle ne fait que transposer dans lhistoire cet espace décriture et dévasion quoffre lui-même le roman à lamour, ce sentiment qui navait lieu à lépoque, si ce nest la clandestinité, pour sépanouir. Lacte décriture, voire lacte de narration, justifiés explicitement dans les romans, procède donc dun refus dêtre, ou du moins dêtre sans lêtre aimé. Il trahit un désir du « nous », de lunité qui ne peut ête résolu que dans lécriture ou, paradoxalement, dans labsence, car lon sait depuis Proust que cette dernière, pour qui aime, est « la plus certaine, la plus vivace, la plus indestructible, la plus fidèle des présences (…). »[52]

Ainsi, en rédigeant des mémoires, le héros ou lhéroïne atteint finalement au bonheur. Il peut désormais, même si lêtre aimé est perdu, se consacrer tout entier au seul domaine qui interpelle véritablement lêtre sensible : lamour; car être sensible ce nest pas tant se borner à ressentir, cest avant tout prendre conscience que lon ressent.

Limage dune femmeou dun hommequi se réalise dans lamour ou, par procuration, dans lécriture ne manque pas détonner de la part dun écrivain dont la vie fut caractérisée essentiellement par la tutelle de la raison sur le cœur. Du moins, cest le portrait que se sont plu à dresser la totalité de ses biographes. Mais ont-ils vraiment vu juste, eux qui se sont efforcés de recréer la personne intime à partir du personnage public ? Laissons le mot de conclusion à Stendhal[53] qui la proposait comme modèle à sa sœur Pauline et qui avait deviné son grand secret :

« Plais à tous ceux qui ne te plaisent pas et qui tentourent; cest le moyen de sortir de ton trou. Mme de Tencin était bien plus loin des sociétés aimables que toi, et elle y parvint. Comment ? En se faisant adorer de tout le monde, depuis le savetier qui chaussait Montfleury jusquau lieutenant général qui commandait la province ». (Lettre à Pauline Beyle, 8 mars 1805)

Madame de Tencin épistolière

De labondante correspondance de Mme de Tencin, il ne reste que peu de choses accessibles en édition. Huitante lettres dans une vieille compilation lacunaire de Soulavie[54], écrites entre novembre 1742 et juillet 1744, un petit fascicule de Stuart Johnston et de nombreuses lettres inédites citées ici et , notamment chez P.-M. Masson ou M. Bollmann. Des originaux également, qui apparaissent de temps en temps dans les ventes aux enchères. Citons par exemple 14 lettres manuscrites, adressées à son frère, provenant de la bibliothèque du marquis de Monteynard. Aucun critique na jugé bon à lheure actuelle de consacrer une recherche sérieuse à la totalité des lettres qui seraient disponibles, mais éparpillées aux quatre vents. Quel dommage ! Car les pauvres reliefs qui nous tombent entre les mains ne peuvent que mettre en appétit, tant Mme de Tencin y apparaît tout entière : vive, malicieuse, caustique, méchante parfois, elle traite de ses affaires avec une verve que lon n'eût jamais soupçonnée et analyse la société de son temps avec une acuité quasi-prophétique. Voici par exemple son avis sur le ministre Maurepas :

« Cest un homme faux, jaloux de tout, qui, nayant que de très petits moyens pour être en place, veut miner tout ce qui est autour de lui, pour navoir pas de rivaux à craindre. Il voudrait que ses collègues fussent encore plus ineptes que lui, pour paraître quelque chose. Cest un poltron, qui croit quil va toujours tout tuer, et qui senfuit en voyant lombre dun homme qui veut résister. Il ne fait peur quà de petits enfants. De même Maurepas ne sera un grand homme quavec des nains, et croit quun bon mot ou quune épigramme ridicule vaut mieux quun plan de guerre ou de pacification. Dieu veuille quil ne reste plus longtemps en place pour nos intérêts et ceux de la France. » (Lettre au duc de Richelieu, 1er août 1743)

Pour Alexandrine, avec de tels serviteurs, « à moins que Dieu ny mette visiblement la main, il est physiquement impossible que lÉtat ne culbute » (Lettre au duc dOrléans du 2 juin 1743). Les ministres « ont le ton plus haut actuellement que les ministres de Louis XIV, et ils gouvernent despotiquement (...). Tandis que les affaires actuelles occuperaient quarante-huit heures -si les journées en avaient autant-, les meilleures têtes du royaume passent leur temps à lOpéra » (idem) ! Mais le grand coupable, cest le roi, comme elle ne se prive pas de le démontrer dans différentes lettres au duc de Richelieu :

« Cest un étrange homme que ce monarque (...). Rien dans ce monde ne ressemble au Roi : ce qui se passe dans son royaume paraît ne pas le regarder; il nest affecté de rien; dans le conseil, il est dune indifférence absolue : il souscrit à tout ce qui lui est présenté. En vérité, il y a de quoi se désespérer davoir affaire à un tel homme ; on voit que, dans une chose quelconque, son goût apathique le porte du côté il y a le moins dembarras, dût-il être le plus mauvais (...). Il est comme un écolier qui a besoin de son précepteur, il na pas la force de décider (...). On prétend quil évite même dêtre instruit de ce qui se passe, et quil dit quil vaut mieux encore ne savoir rien. Cest un beau sang-froid; je nen aurai jamais autant (...). Il met les choses les plus importantes pour ainsi dire à croix ou à pile dans son conseil, il va pour la forme, comme il fait tout le reste, et quil en sort soulagé dun fardeau quil est de porter. (...) Voilà pourquoi les Maurepas, les dArgenson, sont plus maîtres que lui. Je ne le puis comparer dans son conseil quà M. votre fils, qui se dépêche de faire son thème pour en être plus tôt quitte. Encore une fois je sens malgré moi un profond mépris pour celui qui laisse tout aller selon la volonté de chacun. » (Lettres au duc de Richelieu des 22 juin, 24 juillet, 1er août et 30 septembre 1743)

Et de terminer par une de ses maximes grivoises dont elle a le secret et qui nest pas à lavantage du roi :

« Tout sert en ménage, quand on a en soi de quoi mettre les outils en œuvre. »

On le voit les lettres de Mme de Tencin offrent donc le spectacle, qui nest « ni sans rareté ni sans beauté »[55] dune volonté féminine pure, servie par un esprit lucide et très libre, tendue sans défaillance vers la défense de ses intérêts certes, mais également vers ceux de la France, quelle aimait plus que tout.

La Ménagerie

Quelques grands noms des Lettres, des Arts et des Sciences fréquentèrent durablement ou occasionnellement le « bureau desprit » de Madame de Tencin et formèrent sa ménagerie. Voici quelques-unes de ses « bêtes »  : labbé Prévost, Marivaux, labbé de Saint-Pierre, lacadémicien de Mairan, Louis La Vergne, comte de Tressan, le docteur et amant Jean Astruc, le poète janséniste Louis Racine, Jean-Baptiste de Mirabaud, labbé Le Blanc, son neveu dArgental, Jean-Baptiste-Antoine Suard, Louise-Marie Dupin, Duclos, lacadémicien de Boze, Émilie du Châtelet, Houdar de la Motte, Mme Geoffrin, Réaumur, Montesquieu quelle appelait « le petit romain », Helvétius, les écrivains Piron et Marmontel, la marquise de Belvo, Mme de La Popelinière, Bernard-Joseph Saurin, Sir Luke Schaub quelle surnommait « le Petit » ou « mon mari », labbé Trublet, Charles-Henry (comte de Hoym) quelle surnommait « le Grand ou le Dégoûté », Fontenelle, Françoise de Graffigny, labbé de Mably, son neveu Pont-de-Veyle, le médecin suisse Théodore Tronchin, Chesterfield et Bolingbroke.

Notes et références

  1. Sa famille était anoblie depuis moins de cent ans à sa naissance (21 mars 1586: son quadrisaïeul, Pierre Guérin, était simple colporteur, puis orfèvre à Romans. Sa marraine de baptême fut Marguerite-Alexandrine de Francon de Bocsozel de Montgontier.
  2. Antoine Guérin, juge royal à Romans, reçut ses lettres de noblesse dHenri III pour avoir protégé la ville pendant les guerres de Religion (lettres enregistrées au Parlement le 21 mars 1586).
  3. Le monastère de Montfleury à Corenc près de Grenoble était de l'ordre de Saint-Dominique. S'il était sans clôture, son entrée n'en restait pas moins strictement interdite aux hommes. Les bâtiments servent de nos jours au collège privé de Rondeau.
  4. Duclos, Mémoires secrets sur le règne de Louis XIV, La Régence et le règne de Louis XV, in Œuvres complètes, Paris, Colnet, 1806, 10 vol., t.V, p. 418
  5. Louise de Buffévent était issue dune vieille famille du Viennois, dont un ancêtre, Antoine de Buffévent, avait suivi Saint Louis aux croisades.
  6. Bibliothèque raisonnée (...), op.cit., article VI, pp. 377 et suivantes.
  7. Numéros 380 à 382 actuels. L'église, la cour d'entrée et le cloître ont été rasés lors de l'ouverture de la rue Duphot.
  8. Saint-Simon, Mémoires, édition Chéruel et Régnier, Paris, Hachette, t.XVI, 1874, p. 351-2.
  9. Pierre-Maurice Masson, opus cité, p. 25.
  10. Entre 5 et 11 millions d'euros actuels, si l'on se fonde sur les tables de conversion de Wikipedia et sur celles du duc de Castries.
  11. Pierre-Maurice Masson, opus cité, 1909, p. 30
  12. Diderot, Entretien entre dAlembert et Diderot, in Œuvres complètes, éd. Assézat et Tourneux, Paris, Garnier, 1875, t.II, p. 119
  13. Elle est toujours activement surveillée par la police, ainsi quen témoignent les archives de la Bastille. Elle-même était au courant de cette surveillance, car elle avait engagé un menuisier vis-à-vis son domicile, chargé de lui rapporter qui observait lentrée de sa maison. (rapport du 20 février 1742, archives de la Bastille)
  14. Lettre du 22 juin 1743 au duc de Richelieu.
  15. Jean Sareil, op. cit., p. 325.
  16. Jean Sareil, op.cit., p. 380.
  17. Fin 1748, elle sinstallera dans un appartement de la rue Vivienne (numéro 75 actuel).
  18. Joël Pittet, opus cité, p. 179.
  19. Benoît XIV, Lettres au Cardinal de Tencin (1742-1750), Archives des affaires étrangères, Rome, t.790-3, 796 et 805, lettre du 31 décembre 1749, t. 805, f. 170.
  20. Duc de Luynes, Mémoires du duc de Luynes sur la cour de Louis XV, Paris, Firmin Didot, Tome X, p.46.
  21. Grimm, Diderot, Raynal, Meister, etc., Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Maurice Tourneux, Paris, Garnier, 1877-1881, vol.1, p. 386.
  22. Mme de Genlis, De lInfluence des femmes sur la littérature française (...),, Paris, chez Maradan, libraire, 1811, p. 275.
  23. Maréchal de villars, Mémoires, publiés daprès le manuscrit original par le marquis de Vogüé, Paris, Renouard, 1884-1892, t.V, p. 13.
  24. Pierre-Maurice Masson, opus cité, 1909, p. 43.
  25. Duclos, opus cité, t. V, p. 419
  26. Pierre-Maurice Masson, opus cité, 1909, p. 248.
  27. Jean Decottignies, opus cité, p. 28.
  28. Le Solitaire des Pyrénées, « Aux Auteurs du Journal » (Souvenir sur Mme de Tencin), in Journal de Paris, mardi 11 septembre 1787, no 254.
  29. Marivaux, La Vie de Marianne, Paris, Garnier, 1963, p. 214-230.
  30. Pierre Fauchery, La Destinée féminine dans le Roman européen du XVIIIe siècle, Paris, Colin, 1972, p. 40.
  31. Delandine, opus cité, p. XV.
  32. Antoine-François Delandine, op. cit., p. XXVII.
  33. http://books.google.com/books?id=52QHAAAAQAAJ&pg=PA1&dq=Prévost+Pour+et+contre#v=onepage&q=&f=false
  34. Abbé Prévost, Le Pour et contre, Paris, Didot, 20 vol., t. VII, p. 73-82.
  35. La Harpe, Lycée ou Cours de littérature ancienne et moderne, Paris, Agasse, An VII-XII, 16 vol., t. VII, p. 306.
  36. Claude-Joseph Dorat, « Lettre du comte de Comminge à sa mère », t. I, in Œuvres complètes, Paris, 1764-1777.
  37. Mme de Gomez, « Les Amans cloîtrés », in Cent nouvelles nouvelles (septième partie), Jorry, 1737.
  38. Joël Pittet, op. cit., p. 28-29.
  39. Villemain, Tableau de la littérature française au XVIIIe siècle, Paris, Didier, 1838, t. I, p. 261-262.
  40. Marcel Raymond, op. cit, p. 13.
  41. Joël Pittet, op. cit., p. 54
  42. Pierre-Maurice Masson, op. cit., p. 284.
  43. Jules Gay, Bibliographie des ouvrages relatifs à lamour, aux femmes, au mariage et des livres facétieux, pantagruéliques, scatologiques, satyriques, etc., par M. le C. dI***, Genève, Slatkine reprints, 1990, 4 vol., vol.I, p. 583.
  44. Joël Pittet, op cit., p. 20
  45. Franco Piva, op. cit., p. 121-139.
  46. Abbé Louis Barthélémi (1759 - vers 1815), « Mémoires secrets de Mme de Tencin, ses tendres liaisons avec Ganganelli, ou lheureuse découverte relativement à dAlembert ; pour servir de suite aux Ouvrages de cette femme estimable », en deux parties, s. l., 1792, 142 et 123 pages.
  47. Alexis Piron, Œuvres Complètes, éd. Rigoley de Juvigny, Paris, Lambert, 1776, t.VI, p. 375.
  48. Lettres familières du Président de Montesquieu, Florence, 1767, p. 35.
  49. Henri Coulet, op.cit, p. 319.
  50. Gilbert Mercier, Madame Péruvienne, Éditions de Fallois, Paris, 2008, p. 151.
  51. Paul van Tieghem, op.cit., p. 425.
  52. Marcel Proust, Les Plaisirs et les jours, Paris, Gallimard, coll. « lImaginaire », 1988, p. 138.
  53. Pierre de Tencin avait autrefois grandement aidé à la carrière du grand-père de Stendhal.
  54. Les originaux de plus de la moitié de ces lettres se trouvent dans le Fonds Richelieu de la Bibliothèque Victor Cousin à Paris
  55. Pierre-Maurice Masson, opus cité, 1909, p. 247.

Iconographie

  • Un portrait à lhuile de Mme de Tencin jeune, dans un cadre ovale, attribué à Jean Gueynier, figure dans la galerie dauphinoise du musée Stendhal à Grenoble (http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/joconde_fr). Victor Cassien en a tiré une gravure sur acier (1836) imprimée dans lAlbum du Dauphiné dAzéma de Montgravier.
  • Un portrait présumé à lhuile de Mme de Tencin âgée, assise, un éventail à la main, daprès Joseph Aved (de Victorine-Angélique-Amélie Rumilly ?), figure au Musée des Beaux-Arts à Valenciennes (http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/joconde_fr).
  • La Maison d'Auteuil de Jacques Autreau (1716: une huile sur toile représentant Fontenelle, Houdar de La Motte et Saurin autour dune table, dans un salon, avec, à larrière plan, Mme de Tencin leur apportant le chocolat. Le tableau se trouve au château de Versailles.
  • Un portrait à lhuile en médaillon de Mme de Tencin à lhabit brodé de fleurs se trouve dans une galerie située au-dessus du Canal dHiver (salle 225) du musée de lHermitage à Saint-Petersbourg.
  • Un portrait à lhuile de Mme de Tencin tenant des petites fleurs dans la main droite, peint en 1728 par des Neiges, se trouve au château de Tencin (propriété du marquis de Monteynard).
  • Un portrait à lhuile de Mme de Tencin vêtue dun costume de fantaisie et se tenant les mains sur la poitrine, avec en arrière-fond ses armoiries, attribué à Pierre Mignard, est conservé à Tournon dans lhôtel familial du marquis de La Tourette.
  • Un portrait à lhuile en buste de Mme de Tencin jeune, les cheveux en partie cachés sous un bonnet, un ruban dentelé autour du cou et un petit chien sous le bras, peint par François-Hubert Drouais, appartenait à la baronne Nathaniel de Rotschild.
  • Un portrait en médaillon (gravure sur acier de de Launey ou de Roger) Mme de Tencin, de trois quarts, tête nue, cheveux dénoués et bouclés et vêtue à la grecque avec une draperie légère sur la gorge nue, a été reproduit dans l'édition des Mémoires du comte de Comminge par Henri Potez en 1908. Cette gravue, d'après P.-M. Masson, aurait été tirée d'un original à l'huile de Jean-François de Troy (1679-1752), qui semble perdu.
  • Un portrait en médaillon à l'huile de Louis Tocqué, dont on a tiré des gravures sur acier. Il représente Mme de Tencin de trois quarts, les cheveux dénoués et bouclés, avec une guirlande de fleurs sur la tête. Autour de son cou, deux rangées de perles mettent en valeur la blancheur de la gorge et des épaules. Le tableau semble également perdu.

Œuvres

  • Mémoires / du Comte / de Comminge. / A La Haye (Paris), / chez J. Néaulme, Libraire. / 1735, 1 vol. in-12, 184 p.
    Lédition originale contient cet Avis au lecteur qui na plus été reproduit : « Ce manuscrit a été trouvé dans les papiers dun homme après sa mort. On voit bien quil a donné des noms faux à ses personnages, et que ces noms sont mal choisis; mais on a donné le Manuscrit tel quil étoit, et sans y avoir rien changé. Du reste on a lieu de croire que les événemens sont vrais, parce quon a dailleurs quelque connaissance de la façon dont le Manuscrit est venu entre les mains de celui chez qui on la trouvé ».
  • Le Siège / de / Calais, / Nouvelle Historique. / A La Haye (Paris), / chez Jean Néaulme. / 1739, 2 vol. in-12 de 271 et 282 p.
    Lédition originale souvre par une Epître Dédicatoire : « Cest à vous que joffre cet ouvrage; à vous à qui je dois le bonheur daimer. Jai le plaisir de vous rendre un hommage public, qui cependant ne sera connu que de vous ».
    Il y eut deux rééditions la même année.
  • Les / Malheurs / de / lamour. / - Insano nemo in amore sapit, Propert. / A Amsterdam (Paris / Ambroise Tardieu). / 1747, 2 vol. in-12 de 247 et 319 p.
    Lédition originale souvre par une Epitre Dédicatoire à M... : « M. Je nécris que pour vous. Je ne désire des succès que pour vous en faire hommage. Vous êtes lUnivers pour moi ».
  • Anecdotes / de la cour / et du règne / dÉdouard II, / Roi dAngleterre. / Par Mde L.M.D.T., & Mde E.D.B., / A Paris, / chez Pissot, libraire, quai des / Augustins. / 1776. / Avec Approbation et Privilège du Roi. In-12, [1 (faux-titre)], [1 bl.], [1 (titre], [1 bl.], [2 (Avertissement de léditeur)], 326, [2 (approbation et privilège)].
    LAvertissement de léditeur est ainsi libellé : « On ne cherchera point à prévenir le public sur le mérite du Roman quon lui présente ici. Il suffira peut-être pour exciter sa curiosité, de dire que Mme de Tencin, auteur du Siège de Calais et du Comte de Comminge, en a écrit les deux premières parties, qui, à sa mort, ont été trouvées dans ses papiers; et que Mme E.D.B., auteur des Lettres du Marquis de Rozelle, a bien voulu se charger de finir louvrage, sans avoir dautre guide dans ce travail que lhistoire dAngleterre et sa propre imagination ».
  • (Duc de Richelieu, cardinal de Tencin et Mme de Tencin), Correspondance du cardinal de Tencin, ministre dÉtat, et de Madame de Tencin sa sœur, avec le duc de Richelieu, sur les intrigues de la cour de France depuis 1742 jusquen 1757, et surtout pendant la faveur des dames de Mailly, de Vintimille, de Lauraguais, de Châteauroux et de Pompadour, éd. Soulavie, (s.l. Paris ?), 1790, 1 vol., 385 pages (sur les 400 annoncées, la publication s'étant interrompue). Il y a un exemplaire à Paris à la BnF (RES-8-LB38-56 et VELINS-1178). La moitié des lettres originales se trouve dans le Fonds Richelieu 64 de la Bibliothèque Victor Cousin à Paris.
  • (Faur, secrétaire de Richelieu), Vie privée du maréchal de Richelieu, Paris, Buisson, 1791, II, app., 403-444. (On y trouve cinq lettres non publiées dans le précédent volume).
  • Lettres de Mme de Tencin au duc de Richelieu, Paris, L. Collin, An XIII - 1806. (9 lettres)
  • (en) Stuart Johnston, Letters of Madame de Tencin and the Cardinal de Tencin to the Duc de Richelieu, Paris, Éditions Mazarine, 1967. (On y trouve quatre lettres non publiées dans les précédents volumes).

Bibliographie

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  • Bibliothèque raisonnée des ouvrages des savans de lEurope. Pour les mois de janvier, février et mars 1730, tome quatrième, 1ere partie, Amsterdam, Chez les Wetsteins et Smith, 1730, article VI, pp377-391.
  • Christophe Bois, La Construction de lillusion dans les récits de Madame de Tencin, thèse 3e cycle, Lyon, université Lyon-III, 2005.
  • Martina Bollmann, Madame de Tencin romancière, thèse 3e cycle, Paris, Université de Paris III, 1982.
  • Maurice Boutry, Une créature du cardinal Dubois : Intrigues et missions du cardinal de Tencin, 3e édition, Paris, Emile-Paul Editeur, 1902.
  • Duc de Castries, La Scandaleuse Madame de Tencin : 1682-1749. Paris, Perrin, coll. « Présence de lhistoire », 1986. 293 p. -[19] p. de pl., 21 cm. ISBN 2-262-00430-7. Réédition sous le nouveau titre Madame de Tencin : 1682-1749. Paris, Perrin, 2004. 293 p. -[16] p. de pl., 23 cm. ISBN 2-262-02302-6.
  • Henri Coulet, Le Roman jusquà la Révolution, Paris, A. Colin, Coll. « U », 1967.
  • Charles Coynart, Les Guérin de Tencin (1520-1758), Paris, Hachette, 1910.
  • Antoine-François Delandine, Œuvres de Mme de Tencin, précédées dObservations sur les romans et en particulier sur ceux de Mme de Tencin, par M. Delandine, correspondant de lAcadémie royale des Belles-Lettres et inscriptions etc., à Amsterdam, et se trouve à Paris, 1786, 7 vol. in-12.
  • Pascale Sylvie Vergereau Dewey, Mesdames de Tencin et de Graffigny, deux romancières oubliées de lécole des cœurs sensibles, Thèse de luniversité de Rice, Houston, 1976.
  • Pierre Fauchery, La Destinée féminine dans le roman européen du XVIIIe siècle, Paris, A.Colin, 1975.
  • Karen Patricia Gusto, Une contestation voilée : une étude des « Malheurs de lamour » de Mme de Tencin, thèse, Université du Manitoba, 1996.
  • Michaela A. Ionescu, Le Sentiment de la solitude chez quelques romancières du XVIIIe siècle : Mesdames de Tencin, de Graffigny et de Charrière, Thèse, Indiana University, 1997.
  • Pierre-Maurice Masson, Une vie de femme au XVIIIe siècle : Madame de Tencin : (1682-1749), troisième édition, augmentée et corrigée, Paris, Hachette, 1910. Réédition en fac-similé : Genève, Slatkine, 1970. II-340 p. , 22 cm.
  • Robert Mauzi, LIdée du bonheur dans la littérature et la pensée française au XVIIIe siècle, Paris, Colin, 1960.
  • (en) Jennifer McGonagle, (Un)masking Masculinity: The dominant Voice in the Mémoirs-novels of four 18th-century French Women: Mesdames de Tencin, Levesque, Leprince de Beaumont and de Puisieux, PhD, Boston College, Boston, 2003, 510 p. 
  • Eugène de Mirecourt et Marc Fournier, Madame de Tencin, Paris, G. Roux et Cassanet, 1847. 2 volumes in-8°, pagination inconnue.
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  • Paul Morillot, Le Roman au XVIIIe siècle, Mme de Tencin et Mme de Graffigny, Paris, Collin, 1898.
  • (en) Vivienne Mylne, The Eighteenth-Century French Novel, Manchester, Manchester University Press, 1965.
  • Joël Pittet, Les Malheurs de lamour : Un roman-mémoires sentimental pessimiste du siècle des Lumières ?, Université de Fribourg, Fribourg, 1992.
  • René Vaillot, Qui étaient Madame de Tencin et le Cardinal ?, Paris, Le Pavillon, 1974.

Articles

  • Henri Coulet, « Expérience sociale et imagination dans les romans de Mme de Tencin », Cahiers de lAssociation internationale des études françaises, 46, mai 1994, p31-51.
  • Jean Decottignies, « Les Romans de Madame de Tencin, fable et fiction », La Littérature des Lumières en France et en Pologne. Terminologie. Échanges. Actes du colloque franco-polonais organisé par luniversité de Wroclaw et luniversité de Varsovie, Varsovie, 1976, 369 p. (Acta Universitatis Wratislaviensis, 339), p. 249-266.
  • Florica Dulmet, « LAmour, la politique, lesprit, tiercé dune femme libre, Madame de Tencin », Écrits, Paris, 415, juillet-août 1981, p. 97-104
  • Daniel Mornet, « Les Enseignements des bibliothèques privées (1750-1780) », Revue dhistoire littéraire de France, Paris, Colin, 1910, p. 449-496.
  • Franco Piva, « Sullattribuzione dellHistoire dune religieuse écrite par elle-même », Quaderni di lingue e letterature staniere, Universita di Verona, 22, 1997, p. 121-139.
  • Le Solitaire des Pyrénées, « Aux Auteurs du journal. Souvenir sur Madame de Tencin », Journal de Paris, mardi 11 septembre 1787, n° 254.
  • Chantal Thomas, « Les Rigueurs de lamour. Étude sur Madame de Tencin et Stendhal », LInfini, vol. 12, 1985, p. 77-89.
  • Paul van Tieghem, « La Sensibilité et la passion dans le roman du XVIIIe siècle », Revue de littérature comparée, vol. 6, 1926, p. 425-426.
  • Paul Vernière, « Sur trois lettres de Madame de Tencin partiellement inédites », Essays in Diderot and the Enlightenment in Honour of Otis Fellows, Edit. by John Pappas, Genève, Droz, 1974, (Histoire des idées et critique littéraire, 140), p. 386-399.
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