Abbaye Saint-Antoine-des-Champs

Abbaye Saint-Antoine-des-Champs
Labbaye Saint-Antoine-des-Champs.

Labbaye Saint-Antoine-des-Champs, aujourdhui transformée en lhôpital Saint-Antoine (dans le 12e arrondissement de Paris), fut au centre du développement du faubourg Saint-Antoine, dont lactivité joua dans lHistoire un rôle de premier plan.

Sommaire

Moyen Âge

Jusquau XIIe siècle, lactuel emplacement de lhôpital Saint-Antoine nest que fourrés et marais. Seule une antique voie romaine, reliant le centre de Paris à Meaux et Melun, traverse lendroit, baigné par les ruisseaux qui descendent des collines de Ménilmontant ou de Belleville.

En 1198, Foulques de Neuilly, curé de Saint-Baudile (à Neuilly-sur-Marne), prédicateur de la quatrième croisade pour le compte du pape Innocent III, fit construire un petit ermitage pour femmes dépravées au milieu des marécages.

En 1204, le couvent est transformé en abbaye dobédience cistercienne, sur linitiative dEudes de Sully, à la même époque que labbaye de Port-Royal, fondée un peu auparavant. Il est fortifié et leau des fossés est amenée de la Seine par des canaux. Des hommes darmes assurent sa défense sous les ordres directs de labbesse, que lon surnomme « la Dame du Faubourg ». Son église est consacrée à saint Antoine. De style gothique, sa nef est flanquée de bas-côtés et dun chevet et surmontée dune flèche. Pierre de Nemours, cousin et successeur dEudes, soccupera sérieusement de labbaye. Guillaume de Seignelay fondera en 1210 labbaye des Îles à Auxerre avec des moniales venant de Saint-Antoine-des-Champs.

1209-1218, des personnages de grandes familles : Montfort, Mauvoisin, Beaumont font partie des généreux donateurs de labbaye. Robert Mauvoisin fonde une chapelle à Saint-Antoine il fut inhumé. Également la parentèle de ceux-ci, les Cressonsacq, Aulnay, Garlande

En 1229, le roi Louis IX érige le lieu en abbaye royale. Les faveurs royales dont bénéficient les religieuses rejaillissent sur tout le faubourg. De nombreux artisans se pressent aux abords de labbaye mais demeurent néanmoins sous la coupe de corporations parisiennes. Peu à peu, les marécages sont asséchés puis cultivés. En outre, la proximité de la Seine permet lapprovisionnement en bois et encourage linstallation de professionnels du meuble.

Le 18 août 1239, Saint Louis expose dans lenceinte de labbaye la Sainte Couronne dépines quil a acquise de lempereur de Constantinople, Baudoin II. Il la porte par ailleurs lui-même dans sa précieuse cassette lorsquil fait son entrée dans Paris par la porte Saint-Antoine.

En 1261, Louis IX confirme une loi dun de ses prédécesseurs, Louis VI Le Gros, sur le vagabondage des cochons, mais en exempte labbaye Saint-Antoine, qui pourra ainsi laisser aller ses porcs, à condition de les munir dune clochette marquée dune croix afin quon les reconnaisse.

Renaissance et siècle des Lumières

Plan de labbaye vers 1800.

En 1471, labbaye Saint-Antoine-des-Champs bénéficie de la part du roi Louis XI dun rare privilège : laffranchissement de la tutelle des corporations. Ainsi exemptés de lourdes taxes, les artisans sinstallent autour de labbaye. Pendant plus dun siècle et demi, le faubourg met à profit cet avantage pour sécarter des modèles jusque sévèrement règlementés et la profession commence à utiliser dautres bois que le chêne.

Au milieu du XVIIe siècle, labbesse, parfois de sang royal, avait en son fief une cinquantaine de rues. Labbaye elle-même ne pouvait accueillir plus dune vingtaine de jeunes filles, à qui lon offrait, hormis léducation, le chauffage et le blanchissage, mais elle soccupait néanmoins dapprovisionner le quartier. Son enceinte fortifiée lui permettait aussi daccueillir les habitants du bourg, ce qui ne lempêcha pourtant pas toujours dêtre forcée et pillée.

En 1767, deux ailes sont ajoutées au bâtiment paroissial par Samson‑Nicolas Lenoir, architecte qui procédera parallèlement à la création du quartier dAligre, à partir des terres cédées par labbaye, cette dernière profitant de la spéculation immobilière. En 1788, labbaye Saint-Antoine arrive en tête des revenus dans les abbayes de femmes avec 40 000 livres. Par décret du 28 février 1790 la supérieure donne procuration générale et spéciale à André Guibert, négociant pour déclarer devant Barthélémy le Coulteux de La Moray, lieutenant maire de la ville de Paris que les revenus de labbaye étaient de 75 285 livres, 15 sols et 2 deniers provenant des loyers des maisons de Paris, des étaux de boucherie, des redevances des grains de Paris et Montreuil, de rentes viagères et que les charges étaient de 32 119 livres, 12 sols et 10 deniers, mais quil y avait une dette de 78 195 livres, 10 sols. La loi du 13 février 1790, supprimant les vœux monastiques, il fut procédé à un recensement pour savoir ce quon allait faire des religieuses. Le 25 mars 1790 il y a à Saint-Antoine : vingt-cinq religieuses de chœur, dont cinq sont absentes : une dans sa famille, deux au no 77 du faubourg Saint-Denis, une autre à labbaye dAndrécy-en-Brie et la cinquième à la communauté du Grand Charonne. Douze sœurs converses y compris une agrégée de 88 ans 1/2, trois dentre elles dans leur famille, la plus âgée à 82 ans 1/2, la plus jeune sœur Augustine de Vergèses 21 ans et ses deux sœurs Marie-Marguerite de Vergèses 28 ans, Catherine Justine de Vergèses 25 ans ; suivront deux autres recensements en mai et juillet 1792.

Les abbesses

Labbaye fut en tout dirigée par quarante-deux abbesses, toutes puissantes dames du faubourg.

  1. 1212-1214 : Théophanie
  2. 1214-1221 : Agnès Ire
  3. 1221-1233 : Amicie Ire (déclare en février 1225, quelle na à ce jour perçu quune rente de 9 sous sur le terroir de Saint-Merry)
  4. 1233-1240 : Agnès II Mauvoisin de Cressonsacq (fille de Raoul IV Mauvoisin et veuve de Guillaume de Gerberoy et de Dreu II de Cressonsacq, (1233-1240), mère de trois enfants dont : Robert de Cressonsacq qui sera évêque de Beauvais de 1237 à 1248)
  5. 1240-1253 : Amicie II de Briart de Villepêche
  6. 1253-1255 : Jeanne Ire
  7. 1255-1256 : Guillemette dAulnay
  8. 1256-1267 : Jeanne II
  9. 1267-1275 : Philippa
  10. 1275-1287 : Agnès III
  11. 1287-1295 : Héloïse Ire de Moncy dAunoy
  12. 1295-1298 : Laure de Tressemane
  13. 1298-1304 : Gillette de Beaumont
  14. 1304-1318 : Alix de La Roche
  15. 1318-1324 : Héloïse II Allaire
  16. 1324-1331 : Marguerite Ire Petit
  17. 1331-1338 : Pétronille Ire de Condé
  18. 1338-1359 : Ameline de Bourdon
  19. 1359-1372 : Marguerite II dAllemand
  20. 1372-1381 : Drocque de Bourgoigne
  21. 1381-1396 : Jeanne III du Pont
  22. 1396-1416 : Jacqueline de Chanteprime
  23. 1416-1417 : Marguerite III
  24. 1417-1419 : Pétronille II Le Duc
  25. 1419-1440 : Emerentienne de Calonne
  26. 1440-1489 : Marie V de Gouy
  27. 1489-1497 : Jeanne IV Thibousé
  28. 1497-1502 : Anne Ire Martine Baillet de Villiers (fille de Jean II Baillet, conseiller de Louis XI)
  29. 1502-1525 : Isabelle Simon
  30. 1525-1554 : Jeanne V de Longuejoüe (elle a le droit de basse et haute justice)
  31. 1554-1572 : Marguerite IV dArtois de Vaudetar
  32. 1572-1595 : Anne II de Thou
  33. 1595-1596 : Jeanne VI Camus de Pontcarré
  34. 1596-1597 : Madeleine Ire Brûlart de Sillery
  35. 1597-1600 : Jeanne VII du Puy de Vatan
  36. 1600-1636 : Renée de La Salle
  37. 1636-1652 : Marie II Le Bouthillier de Chavigny (elle a laissé ses armoiries comme emblème de la faculté de Médecine de Saint-Antoine : « Dazur à trois fusées dor rangées en fasce » avec en plus la crosse abbatiale qui supporte ce blason)
  38. 1652-1681 : Madeleine II Molé de Champlâtreux (entre en fonction en 1653 en présence dAnne dAutriche, fille de Mathieu Molé, premier président du parlement de Paris au XVIIe siècle, et de Renée de Nicolaÿ sont épouse. Il avait développé des idées de luttes contre la pauvreté au contact de son ami Saint-Vincent-de-Paul)
  39. 1681-1686 : Françoise Molé de Champlâtreux (sœur cadette de la précédente, elle est coadjutrice de sa sœur aînée dès 1653)[1]
  40. 1709-1723 : Marie III Madeleine de Mornay de Montchevreuil
  41. 1723-1760 : Marie IV Anne-Gabrielle-Eléonore de Bourbon-Condé (fille de Louis III de Bourbon-Condé)
  42. 1760-1790 : Gabrielle-Charlotte de Beauvau-Craon (elle appartenait à la famille de Beauvau, importante famille aristocratique de Lorraine. Elle est née le 29 octobre 1724 à Lunéville. Son père était Marc, Prince de Beauvau-Craon, sa mère Anne Marguerite de Lignéville. Cest elle qui fit percer aux frais de labbaye cinq rues dont : les rues Beauvau, Aligre et Lenoir (architecte), sur les dépendances de labbaye, entre leur jardin et lhospice des enfants trouvés en donnant ce terrain en 1776 à Chomel de Cerville pour y installer ce marché. Cest à la même époque en 1777 quelle fit transporter le marché à foin et paille qui se trouvait en face son monastère à langle des trois rues nouvellement percées. Elle en était la marraine par lettres patentes de Louis XVI et donna son nom au marché Beauvau.)

Source : Calendrier historique et chronologique de lÉglise de Paris, par A. M. Le Fèvre prêtre de Paris et bachelier en théologie, 1747

Le temporel

Rattachement au temporel au diocèse de Paris, province de Sens jusquen 1622 et à la province de Paris à partir de cette date.

Dès sa fondation, labbaye est bien dotée par lévêque de Paris, le roi, les familles bourgeoises. Elle possède des droits sur trois péages, Mantes, Lieusaint, Tournan. Ses biens sont situés à proximité des voies deau dans un rayon dune quinzaine de kilomètres de Paris et à Paris même, mais aussi assez loin en Île-de-France. Citons : Aulnay, Savigny fief des Mauvoisin.[précision nécessaire]

  • 1211, Mauvoisin fait donation de biens reçus par Agnès Mauvoisin, dame de Cressonsacq, tante dIsabelle Mauvoisin, sur des biens situés à Savigny.[précision nécessaire]
  • Dans une charte de 1214, Jean V de Beaumont, avec le consentement de sa première femme prénommée Alice, donne à labbaye un muid de blé sur une grange située entre Paris et Montmartre. Il avait un fief à Clignancourt. Alice étant parente des Mauvoisin.
  • 1232, Saint-Antoine-des-Champs a des terres à Bondy et à Noisy-le-Sec.
  • En juillet 1248, Jean et Guillaume de Beaumont souscrivent un acte, confirmant une aumône de 60 sols de rente assise par leur défunt père sur le cens de Mitry au profit de labbaye.
  • 1263, droit de péage sur le passage de Bondy, jusquen 1310.
  • Symon dAllonville dOysonville, (1458-1533), Grand-Maître des Eaux et Forêts de France, est en procès avec les religieuses (AN" Minutes des notaires de Paris XVe siècle no 35313532). Il est le fils de Charles dAllonville.
  • 1530, François Ier fait vendre des terres aux abbayes, dont ses terres de Bondy à Saint-Antoine-des-Champs.

Lhôpital Saint-Antoine

Par décret du 11 février 1791, labbaye Saint-Antoine est déclarée bien national. Évacuée par les religieuses, elle devient sous la Convention lhospice de lEst, dune part pour pallier le manque dhôpitaux dans cette partie de la capitale, dautre part pour remercier les habitants du quartier pour leur rôle actif dans les événements révolutionnaires.

Léglise Saint-Antoine est rasée en 1796. Cest larchitecte Clavareau qui est chargé de laménagement de lhospice. Il lance la création de deux ailes supplémentaires mais est vite arrêté par le manque de budget. Lhôpital, comportant deux salles de 72 lits (une pour les femmes, une pour les hommes), na pour équipe médicale quun seul médecin, un pharmacien et une quinzaine dinfirmières. Létablissement change de nom en 1802 et devient lhôpital Saint-Antoine.

Il faudra attendre 1811 pour que les Sœurs de Sainte-Marthe, auxquelles est confié lhôpital jusquen 1881, organisent la distribution des soins et des médicaments. Lagrandissement des locaux se poursuit et les conditions dhygiène saméliorent. En 1842, lhôpital comporte 320 lits pour une capacité daccueil trois fois plus importante quà louverture.

De grands noms de la médecine en feront à la fin du XIXe siècle un des hôpitaux les plus renommés : Georges Hayem, Marcel Lermoyez, Brissaud et Ballet, Antoine Béclèreetc.

De lancienne abbaye, il ne reste que le pavillon de lHorloge, vestige du cloître, et linsigne de la faculté Saint-Antoine qui reproduit le sceau dune des abbesses de Saint-Antoine, Marie de Bouthillier, gravé dans une pierre de lédifice en 1643 : « dazur à 3 fusées dor rangées en fasce supporté par une crosse dor ».

Notes et références

  1. Émile Raunié, Épitaphier du vieux Paris, Paris, Imprimerie nationale, 1890, p.132

Lessentiel des archives de labbaye sont conservées aux Archives nationales : séries H5, L et S. L1011 à 1033, 1036 à 1084.

Bibliothèque Mazarine (472.810.XV) RMMII.1966.CMN : Livre dHeures à lusage de lAbbaye cistercienne de Saint-Antoine-des-Champs .

Bibliographie

  • Jacques de Vitry, Historia orientalis et occidentalis, 2 tomes.
  • Hippolyte Bonnardot, LAbbaye royale de Saint-Antoine des Champs de lordre de Cîteaux, Felhoz et Letouzey, Paris, 1882, 91 p.
  • Émile Raunié, "Abbaye royale de Saint-Antoine-des-Champs", dans Épitaphier du vieux Paris, Paris, Imprimerie Nationale, vol. 1, 1890, pp. 127-145.
  • Marie de la Trinité Kervingant, Les Moniales faces à la révolution française, aux origines des Cisterciennes Trappistes, éd. Beauchesne, Paris, 1989, 408 p., (ISBN 2-7010-1182-5).
  • Sandrine Delaforge-Marchand, Chartrier de lAbbaye de Saint-Antoine des Champs 1191-1256, 1994.
  • Alain Thillay, Le faubourg Saint-Antoine et ses faux ouvriers, la liberté du travail sous lancien régime, éd. Champ Vallon, 2002, 400 p., (ISBN 28-767-333-82).
  • Vanessa Szollosi, Les Moniales de Saint-Antoine-des-Champs au XIIIe siècle, Paris, 2007.

Liens externes


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